Voici trois enjeux qui ne sont pas traités de façon exhaustive dans le présent rapport et sur lesquels nous ferons quelques commentaires d’ordre général.

Tout d’abord, le document de consultation a soulevé l’enjeu de la réforme du traitement des adolescents accusés d’avoir commis des infractions provinciales. Au palier fédéral, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents[598] crée un système de justice pénale distinct pour les adolescents, se fondant sur l’idée que les adolescents doivent être traités différemment des enfants, mais aussi des adultes. Cette législation est plus exhaustive que la partie IV de la Loi sur les infractions provinciales qui porte sur les adolescents et distingue plus précisément le traitement des adultes et celui des adolescents. La Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest ont également promulgué des lois distinctes portant sur les adolescents accusés d’avoir commis des infractions provinciales. La question de la nécessité pour l’Ontario d’adopter ou non une approche similaire est un enjeu stratégique majeur et significatif qui mérite un examen séparé. La CDO recommande donc que cette question fasse l’objet d’une plus ample étude.

D’autre part, des préoccupations ont surgi concernant l’application de la Loi relativement aux Autochtones. Ainsi, la CDO a eu écho du fait que beaucoup d’Autochtones sont déclarés coupables sans aucun procès après avoir été réputés ne pas contester l’accusation ou dans le cadre d’un procès se déroulant en leur absence conformément aux articles 9 et 54 de la Loi sur les infractions provinciales, respectivement[599]. Le ministère du Procureur général ne recueille pas de données sur le type d’accusés, notamment sur leurs origines autochtones ou non. Par conséquent, il n’a pas été possible de corroborer cette observation à l’aune de renseignements statistiques. Cependant, la CDO s’est appuyée sur des renseignements empiriques relatifs aux organismes d’application de la loi qui présentent, semble-t-il, un nombre supérieur à la moyenne d’Autochtones accusés d’infractions en vertu de la Loi[600]. Nous avons dès lors extrait les données concernant le nombre d’accusations présentées par ces organismes d’application de la loi qui ont conduit à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’une non-participation à un procès. Les données ont révélé que 43 % des poursuites engagées par ces organismes en 2007 et 2008 et 42 % en 2009 ont conduit à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’un défaut de comparution à un procès[601].

Afin d’évaluer s’il s’agit d’un pourcentage anormalement élevé, nous avons comparé les données relatives aux mêmes décisions dans les régions de la province où se situent ces organismes d’application de la loi, à savoir les services de tribunaux du Nord-Est et du Nord-Ouest, dans le but d’évaluer si des réalités géographiques influaient sur le défaut de réponse aux accusations en vertu de la Loi. Dans la région du Nord-Est, 27 % des accusations en 2007 et 2008 et 26 % en 2009 ont conduit à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’une non-participation à un procès. Dans la région du Nord-Ouest, les pourcentages étaient de 34 % en 2007 et 2008 et 33 % en 2009. Les données provinciales issues de toutes les régions judiciaires ont montré dans la même perspective des taux largement inférieurs d’accusations conduisant à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse ou d’une non-participation à un procès avec 29 % en 2007, 30 % en 2008 et 28 % en 2009[602]. 

Sans être concluants, ces chiffres confèrent un certain appui statistique aux préoccupations soulevées à l’égard du taux disproportionné d’Autochtones déclarés coupables sans procès. En s’appuyant sur les données citées ci-dessus, on peut dégager la tendance suivante : les déclarations de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’une non-participation à un procès sont entre 8 et 15 % supérieures pour les Autochtones que pour le reste de la population.

La CDO ne connaît pas les options qui ont été présentées en vue d’améliorer l’interaction entre les populations autochtones et le système de traitement des infractions provinciales de l’Ontario. Cela s’inscrit en opposition avec le système de justice pénale dans le cadre duquel la Stratégie de justice pour les Autochtones, financée par le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement fédéral, vise à « permettre aux communautés locales de proposer des moyens culturellement adaptés pour aider les peuples autochtones à faire face au système de justice pénale »[603]. Les programmes de justice communautaire forment la pierre angulaire de cette stratégie et possèdent divers objectifs qui pourraient éventuellement s’appliquer au contexte de la Loi. Parmi ces objectifs, citons notamment la réduction des taux de criminalité et d’incarcération parmi les Autochtones, le fait de permettre à la population autochtone d’assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne l’administration de la justice au sein de ses collectivités, la promotion d’un système plus adapté, plus juste et favorisant l’intégration et l’amélioration de l’efficacité du système de justice afin de mieux répondre aux besoins des Autochtones[604]. 

Le présent rapport n’évalue pas la Stratégie de justice pour les Autochtones, ni ne cherche à déterminer si elle comporte certains volets pouvant s’appliquer à notre système de traitement des infractions provinciales[605]. De fait, nous tenons plutôt à signaler qu’alors que des efforts ont été entrepris pour répondre aux besoins des peuples autochtones dans le système de justice pénale, il n’en a pas été de même pour ce qui est des infractions provinciales. En conclusion, il nous apparaît que cette question est suffisamment importante pour mériter un examen plus approfondi et nous recommandons donc son évaluation par le gouvernement provincial en consultation avec les communautés autochtones et le gouvernement fédéral. 

Une autre option éventuelle de réforme a été présentée à la CDO pratiquement à la fin de ce rapport préliminaire. Nous la présentons ici rapidement, mais il s’agit d’un point qui nécessite un plus ample examen. 

Les communautés des Premières nations ne sont pas considérées comme une « municipalité » selon la définition fournie dans le cadre de la Loi de 2001 sur les municipalités. Par conséquent, elles n’ont pas le pouvoir de mettre en place un système de SAP ou de recouvrer les pénalités afin d’assurer l’application des règlements administratifs dans les communautés des Premières nations. En application de la Loi sur les Indiens à l’échelle fédérale, les communautés des Premières nations ont le pouvoir d’établir des règlements administratifs, régissant une grande variété d’affaires, notamment la réglementation de la circulation[606]. Toutefois, il nous a été indiqué que les problèmes juridictionnels et une procédure inefficace en matière de poursuites rendent inutile ce pouvoir de créer des règlements administratifs dans pratiquement toutes les communautés des Premières nations[607]. 

À première vue, il semble qu’il s’agisse d’une option de réforme potentiellement valable, dans la mesure où il n’y aurait pas de raison de traiter l’application des règlements administratifs sur la circulation par des communautés des Premières nations différemment des règlements d’une municipalité. Cependant, nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour consulter ou évaluer de façon exhaustive les conséquences juridiques et politiques de cette possibilité de réforme, ce qui devrait selon nous être effectué par le gouvernement de l’Ontario en consultation avec les communautés des Premières nations en Ontario.

 

La CDO formule les recommandations suivantes : 

45.       En consultation avec des groupes de jeunes, le gouvernement de l’Ontario devrait entreprendre un examen du traitement des adolescents accusés d’infractions provinciales en vertu de la Loi et cet examen devrait prendre  en considération la spécificité accordée aux adolescents dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents au niveau fédéral et les diverses lois dans d’autres provinces et territoires qui instaurent des procédures uniques pour les adolescents poursuivis pour des infractions provinciales.

46.       Le gouvernement provincial, en consultation avec les communautés autochtones et le gouvernement fédéral, devrait procéder à un examen de l’application de la Loi sur les infractions provinciales relativement aux peuples autochtones et envisager notamment des stratégies permettant aux collectivités locales de proposer des moyens culturellement adaptés afin d’aider les peuples autochtones à mieux interagir avec le système de justice relatif aux infractions provinciales.

47.       En consultation avec les communautés des Premières nations, le gouvernement de l’Ontario devrait prendre en considération les répercussions juridiques et politiques de l’élargissement de la définition de « municipalité » prescrite dans la Loi de 2001 sur les municipalités afin de permettre d’assurer l’application par un régime de sanctions administratives pécuniaires des règlements administratifs adoptés par une bande des Premières nations en vertu de la loi fédérale intitulée Loi sur les Indiens.

 

 

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