A.                Contexte général du projet de modernisation de la Loi sur les infractions provinciales 

Le présent rapport préliminaire offre un cadre analytique visant à moderniser et réformer la Loi sur les infractions provinciales (ci-après la « Loi »)[1]. Ce faisant, la Commission du droit de l’Ontario (CDO) entend non seulement examiner les questions particulières soulevées pendant la phase de recherches et de consultations, mais également apporter des améliorations structurelles et créer un mécanisme facilitant les améliorations futures au niveau des procédures. À cet égard, nous espérons que le présent rapport et le cadre de réforme de la Loi que nous proposons constitueront des outils précieux pour répondre aux évolutions à venir relatives au panorama des infractions provinciales.

Lors de son entrée en vigueur il y a 30 ans, la Loi fut encensée comme « l’une des réformes législatives les plus globales de la procédure régissant la poursuite des infractions depuis la promulgation du Code criminel en 1892 »[2] (Traduction libre). Depuis, l’environnement du droit relatif aux infractions provinciales au Canada a connu une évolution marquée, qui, pour autant, ne s’est traduite que par des modifications mineures apportées à la Loi. Parmi les évolutions majeures, citons l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »)[3], les modifications apportées au Code criminel[4], le rehaussement significatif des plafonds des sanctions imposées pour certaines infractions provinciales[5] et le recours accru aux sanctions administratives pécuniaires[6], l’émergence des parajuristes titulaires de permis et l’augmentation de l’utilisation de la technologie.   

La Loi sur les infractions provinciales a une incidence majeure sur la vie des Ontariennes et des Ontariens, non seulement en raison du grand nombre d’infractions auxquelles elle s’applique ou de procédures entamées chaque année, mais aussi en raison de la nature des infractions réglementaires régies par son application. Le droit réglementaire régente de nombreux aspects de nos vies au quotidien. Voici la description que fait John Swaigen des répercussions du droit réglementaire, à savoir du droit relatif au bien-être public, sur la vie de la population canadienne : 

La législation relative au bien-être public fait partie intégrante de la vie de la population. Presque tous les aspects de nos activités sont réglementés, du stationnement des véhicules aux réparations des toitures. Lorsque l’on pense au droit, on pense souvent aux infractions, telles que les vols, les agressions sexuelles ou les meurtres. Néanmoins, les avocats, eux, savent bien que les lois les plus susceptibles de concerner les gens ordinaires et d’être enfreintes, ne sont pas les lois du droit pénal, mais la multitude de lois relatives au bien-être public qui sont nécessaires pour réglementer et réduire les risques que nous nous imposons les uns aux autres dans le cadre d’activités aussi diverses que conduire un véhicule, gérer une école, pulvériser un herbicide ou construire une usine nucléaire. Le droit réglementaire protège les consommateurs, les enfants dans les garderies, les personnes âgées résidant dans les foyers de soins et les hôpitaux, les piétons et les automobilistes, les employés dans les usines et l’environnement naturel qui permet la survie de la vie humaine et des autres formes de vie[7]. (Traduction libre)  

Conformément au mandat de la CDO, le présent rapport préliminaire examine le cadre actuel de la Loi sur les infractions provinciales et évalue son efficacité pour atteindre les objectifs des législations qui établissent les infractions provinciales. La clarté du processus et l’accessibilité pour les Ontariennes et les Ontariens sont également des éléments clés à prendre en compte, étant donné les conséquences majeures que peuvent avoir les infractions provinciales sur les accusés, qu’il s’agisse d’individus ou de personnes morales. Enfin, le seul volume des infractions provinciales exige de toute procédure régissant ces questions qu’elle soit aussi équitable qu’efficace. Dans un sens, nos recommandations visent à ancrer de nouveau la Loi dans ses racines, en tant que législation répondant aux besoins de ceux qu’elle concerne le plus, accompagnée de nouvelles améliorations traduisant un regard plus contemporain sur le droit réglementaire. 

Kenneth Jull, avocat disposant d’une grande expertise en matière d’infractions provinciales et de gestion des risques, a proposé pour la première fois en décembre 2007 un projet portant sur l’examen et la révision de la Loi, lequel était déjà soutenu par un grand nombre d’organisations et de personnes. C’est dans ce contexte que, le 2 avril 2009, le Conseil des gouverneurs de la Commission a approuvé un projet sur la modernisation de la Loi (le « projet »).   

Après avoir passé en revue les recherches effectuées sur le sujet et après de longues discussions avec de nombreux organismes et particuliers, la CDO a publié le 16 novembre 2009 un document de consultation définissant un certain nombre de questions soulevées initialement en son sein. La CDO a fait parvenir ce document à un peu plus de 90 personnes et organisations et invitait à lui faire part des observations concernant les questions soulevées ainsi qu’à déterminer les points qui n’auraient pas déjà été traités. La Commission a consulté et rencontré de nombreuses personnes et organisations, notamment des universitaires, des parajuristes, des membres de la magistrature, des organismes autochtones, des avocats de la défense, des fonctionnaires, qu’il s’agisse de poursuivants, d’administrateurs de tribunal, d’organismes municipaux ou d’autres représentants municipaux.  

En outre, la CDO a mis en place un groupe consultatif relatif au projet, dont les membres sont indiqués à l’annexe A. Ce groupe s’est régulièrement réuni à partir de décembre 2009 et il était fréquent que la CDO et les divers membres s’entretiennent en personne ou par téléphone. Les points de vue variés qu’ils ont mis en avant se sont avérés extrêmement précieux dans le cadre des efforts déployés par la CDO pour proposer des recommandations prenant en compte des perspectives d’horizons divers. Le groupe consultatif a également contribué au projet en facilitant les discussions entre ses interlocuteurs et la CDO. 

Le présent rapport préliminaire fait l’objet d’une vaste diffusion dans la sphère judiciaire, auprès des avocats, des parajuristes, des représentants du gouvernement et dans l’opinion publique aux fins de consultation et de rétroaction. En s’appuyant sur les observations reçues et sur les recherches supplémentaires qui seront menées en conséquence, un rapport final sera publié après son approbation par le Conseil des gouverneurs de la Commission du droit de l’Ontario.

 

 

B.                               Précision sur la portée du projet 

Le présent rapport préliminaire n’entend pas régler toutes les questions qui pourraient concerner la réforme et la modernisation de la Loi sur les infractions provinciales. Des rapports entiers de refonte législative pourraient porter sur plusieurs des différentes parties de la Loi et une analyse approfondie à cet égard dépasse de loin la portée de ce projet. En outre, un examen particulièrement technique de plusieurs articles actuels de la Loi a récemment été entrepris en 2009 par le groupe d’examen de la simplification de la Loi sur les infractions provinciales mis en place par le ministère du Procureur général de l’Ontario. En collaboration avec ses partenaires municipaux, le Ministère a accepté d’explorer les moyens de simplifier les procédures prévues par la Loi. Un groupe de travail a alors été établi afin d’étudier les propositions de simplification des procédures, de réduction des besoins en matière de ressources des tribunaux, de renforcement de l’application des amendes et d’amélioration du service au public. Un document de consultation a été diffusé afin d’obtenir les observations de tiers sur ces questions[8]. Le groupe de travail a proposé plus de 60 recommandations distinctes qu’il a détaillées auprès du ministère du Procureur général. Nombre de ces recommandations ont d’ores et déjà été mises en œuvre dans le cadre de la Loi de 2009 sur la saine gestion publique qui a apporté des modifications à la Loi sur les infractions provinciales et de la Loi de 2001 sur les municipalités[9]. Par conséquent, afin de ne pas faire double emploi et d’éviter le risque de recommandations contraires, nous avons pris le parti de ne pas axer le présent rapport sur les réformes détaillées des procédures de la Loi. 

À la place, le rapport envisage les améliorations structurelles possibles, l’établissement d’un cadre général pour un système amélioré relatif aux infractions provinciales, d’autres sanctions pécuniaires, des principes de détermination de la peine et d’autres recommandations précises qui n’ont pas fait l’objet du document détaillé sur la simplification de la Loi. Notre objectif était de mettre en place un nouveau cadre pour la Loi qui apporterait davantage de lumière sur le processus et une accessibilité améliorée pour la population lambda de l’Ontario, tout en favorisant une procédure simplifiée, équitable et efficace relativement à l’arbitrage des infractions provinciales. Dans le chapitre III, nous décrivons un cadre pour la modernisation et la réforme de la Loi (le cadre de réforme de la Loi sur les infractions provinciales), avant d’aborder dans les chapitres suivants un certain nombre d’enjeux particuliers portés à l’attention de la Commission du droit de l’Ontario. L’un des objectifs majeurs du cadre de réforme de la Loi est de constituer un ensemble de principes directeurs afin de s’attaquer à d’autres domaines de réforme qui ne sont pas évoqués dans le présent rapport. Selon la CDO, ce cadre et les recommandations propres à divers enjeux contribuent largement à la mise en place d’une feuille de route relative à la réforme de la Loi qui permettra de la mettre au goût du jour et d’en faire un instrument législatif adapté et fonctionnel à l’avenir.  

Voici deux questions importantes qui ne sont pas abordées dans le présent rapport et sur lesquelles nous ferons quelques commentaires d’ordre général. Tout d’abord, le document de consultation a soulevé l’enjeu de la réforme du traitement des adolescents accusés d’avoir commis des infractions provinciales. Au palier fédéral, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents[10] crée un système de justice pénale distinct pour les adolescents, se fondant sur l’idée que les adolescents doivent être traités différemment des enfants, mais aussi des adultes. Cette législation est plus exhaustive que la partie IV de la Loi sur les infractions provinciales qui porte sur les adolescents et distingue plus précisément le traitement des adultes et celui des adolescents. La Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest ont également promulgué des lois distinctes portant sur les adolescents accusés d’avoir commis des infractions provinciales. La question de la nécessité pour l’Ontario d’adopter ou non une approche similaire est un enjeu stratégique majeur et significatif qui mérite un examen séparé. La CDO recommande donc que cette question fasse l’objet d’une plus ample étude. 

D’autre part, des préoccupations se sont faites jour concernant l’application de la Loi relativement aux Autochtones. Ainsi, la CDO a eu écho du fait que beaucoup d’Autochtones sont déclarés coupables sans aucun procès après avoir été réputés ne pas contester l’accusation ou dans le cadre d’un procès se déroulant en leur absence conformément aux articles 9 et 54 de la Loi sur les infractions provinciales, respectivement[11]. Le ministère du Procureur général ne recueille pas de données sur le type d’accusés, notamment sur leurs origines autochtones ou non. Par conséquent, il n’a pas été possible de corroborer cette observation à l’aune de renseignements statistiques. Cependant, la CDO s’est appuyée sur des renseignements empiriques relatifs aux organismes d’application de la loi qui présentent, semble-t-il, un nombre supérieur à la moyenne d’Autochtones accusés d’infractions en vertu de la Loi[12]. Nous avons dès lors extrait les données concernant le nombre d’accusations présentées par ces organismes d’application de la loi qui ont conduit à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’une non-participation à un procès. Les données ont révélé que 43 % des poursuites engagées par ces organismes en 2007 et 2008 et 42 % en 2009 ont conduit à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’un défaut de comparution à un procès[13]. 

Afin d’évaluer s’il s’agit d’un pourcentage anormalement élevé, nous avons comparé les données relatives aux mêmes décisions dans les régions de la province où se situent ces organismes d’application de la loi, à savoir les services de tribunaux du Nord-Est et du Nord-Ouest, dans le but d’évaluer si des réalités géographiques influaient sur le défaut de réponse aux accusations en vertu de la Loi. Dans la région du Nord-Est, 27 % des accusations en 2007 et 2008 et 26 % en 2009 ont conduit à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’une non-participation à un procès. Dans la région du Nord-Ouest, les pourcentages étaient de 34 % en 2007 et 2008 et 33 % en 2009. Les données provinciales issues de toutes les régions judiciaires ont montré dans la même perspective des taux largement inférieurs d’accusations conduisant à une déclaration de culpabilité en raison d’une absence de réponse ou d’une non-participation à un procès avec 29 % en 2007, 30 % en 2008 et 28 % en 2009[14].  

Sans être concluants, ces chiffres confèrent un certain appui statistique aux préoccupations soulevées à l’égard du taux disproportionné d’Autochtones déclarés coupables sans procès. En s’appuyant sur les données citées ci-dessus, on peut dégager la tendance suivante : les déclarations de culpabilité en raison d’une absence de réponse à un avis d’infraction ou d’une non-participation à un procès sont entre 8 et 15 % supérieures pour les Autochtones que pour le reste de la population. 

La CDO ne connaît pas les options qui ont été présentées en vue d’améliorer l’interaction entre les populations autochtones et le système de traitement des infractions provinciales de l’Ontario. Cela s’inscrit en opposition avec le système de justice pénale dans le cadre duquel la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, financée par les gouvernements de l’Ontario et fédéral, vise à « permettre aux communautés locales de proposer des moyens culturellement adaptés pour aider les peuples autochtones à faire face au système de justice pénale »[15]. Les programmes de justice communautaire forment la pierre angulaire de cette stratégie et possèdent divers objectifs qui pourraient éventuellement s’appliquer au contexte de la Loi. Parmi ces objectifs, citons notamment la réduction des taux de criminalité et d’incarcération parmi les Autochtones, le fait de permettre à la population autochtone d’assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne l’administration de la justice au sein de ses collectivités, la promotion d’un système plus adapté, plus juste et favorisant l’intégration et l’amélioration de l’efficacité du système de justice afin de mieux répondre aux besoins des Autochtones[16]. 

Le présent rapport n’évalue pas la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, ni ne cherche à déterminer si elle comporte certains volets pouvant s’appliquer à notre système de traitement des infractions provinciales[17]. De fait, nous tenons plutôt à signaler qu’alors que des efforts ont été entrepris pour répondre aux besoins des Autochtones dans le système de justice pénale, il n’en a pas été de même pour ce qui est des infractions provinciales. En conclusion, il nous apparaît que cette question est suffisamment importante pour mériter un examen plus approfondi et nous recommandons donc son évaluation par le gouvernement provincial en consultation avec le gouvernement fédéral.

 

La CDO formule les recommandations suivantes : 

1.  Le traitement des adolescents accusés d’infractions provinciales en vertu de la Loi devrait faire l’objet d’un examen plus approfondi, lequel prendrait en considération la spécificité accordée aux adolescents dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents au niveau fédéral et les diverses lois dans d’autres provinces et territoires qui instaurent des procédures uniques pour les adolescents poursuivis pour des infractions provinciales. 

2.  Le gouvernement provincial, en consultation avec le gouvernement fédéral, devrait procéder à un examen de l’application de la Loi sur les infractions provinciales relativement aux Autochtones et envisager notamment des stratégies permettant aux collectivités locales de proposer des moyens culturellement adaptés afin d’aider les Autochtones à mieux interagir avec le système de justice relatif aux infractions provinciales. 
 

 

C.                 Évolutions clés qui viennent appuyer une réforme 

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi il y a 30 ans, les changements considérables qui ont façonné le paysage juridique canadien ont eu une incidence notable sur sa mise en œuvre[18]. Ces évolutions viennent étayer la nécessité actuelle d’une réforme de la Loi, mais l’on peut supposer que nombre d’entre elles continueront à avoir une incidence constante sur notre système de justice relatif aux infractions provinciales dans les années à venir. Un code de procédure pouvant être adapté et répondre à ces évolutions à venir constitue une recommandation centrale du présent rapport. À cette fin, il faut envisager non seulement les conséquences actuelles de ces évolutions, mais également leurs répercussions éventuelles à venir sur l’administration des infractions provinciales.  

 

1.     L’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés 

L’année 1982, soit deux ans après l’entrée en vigueur de la Loi sur les infractions provinciales, marque l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). La Charte s’applique aux poursuites intentées en vertu de la Loi, bien que la Cour suprême du Canada ait établi que le contexte réglementaire est pertinent pour déterminer la portée et la nature des droits garantis par la Charte :  

Il est particulièrement approprié en l’espèce d’utiliser la méthode contextuelle afin de tenir compte de la nature réglementaire de l’infraction et de sa présence dans un régime plus global de dispositions législatives visant à assurer le bien-être public. Cette méthode exige qu’on examine les droits revendiqués par l’appelante en tenant compte du cadre réglementaire dans lequel se situe la demande, tout en reconnaissant qu’un droit garanti par la Charte peut avoir dans un cadre réglementaire une portée et une incidence différentes de celles qu’ils auraient dans un contexte criminel à proprement dit[19]. 

Un certain nombre de décisions fondées sur la Charte influe sur le traitement des questions évoquées plus tard dans le présent rapport[20]. Ainsi, dans une décision récente de la Cour d’appel de l’Alberta, Lavallée c. Alberta (Securities Commission)[21], la Cour a examiné si les droits garantis par les articles 7 et 11 de la Charte s’appliquent aux procédures impliquant une sanction administrative pécuniaire (SAP) d’un montant de 1 million de dollars pour une infraction commise contre la Securities Act de l’Alberta. Cette affaire nous apporte des enseignements sur lesquels nous appuyer en ce qui concerne l’utilisation d’autres sanctions pécuniaires (SAP). La Charte sera également citée comme référence en ce qui concerne les mandats de perquisition.  

 

2.      Évolutions du droit pénal et d’autres législations réglementaires  

Nous reconnaissons la distinction qui sépare le Code criminel et la Loi. Cependant, certaines modifications apportées au Code criminel et aux législations réglementaires provinciales sont l’occasion de s’interroger pour savoir si des modifications similaires sont nécessaires ou utiles dans le contexte de la Loi. Certains changements législatifs ont influencé nos recommandations dans ce rapport. L’introduction d’une déclaration de principes de détermination de la peine dans le Code criminel[22], ainsi que les modifications liées aux principes de détermination de la peine pour les personnes morales ou « organisations » délinquantes[23] sont prises en compte pour évaluer si des dispositions similaires sont nécessaires dans le cadre de la Loi. Les évolutions qui ont eu lieu dans d’autres provinces et territoires, par exemple, la Public Health Act[24] en Colombie-Britannique, ont également apporté des éclaircissements. En outre, les dispositions relatives aux mandats de perquisition au sein du Code criminel ont incité à envisager des dispositions équivalentes au sein de la Loi.   

 

3.      Hausse des sanctions pour certaines infractions provinciales  

La sévérité des sanctions existantes pour certaines infractions provinciales est une autre évolution clé. Les amendes maximales pour certaines infractions faisant l’objet de poursuites en vertu de la partie III de la Loi sont bien plus élevées que le plafond de 2 000 $ fixé par la disposition initiale de la Loi qui traitait de la peine résiduelle. Lorsque la Cour suprême du Canada a tranché l’affaire R. c. Sault Ste. Marie[25] en 1978, l’amende la plus élevée pour la plupart des infractions aux lois sur l’environnement s’élevait à 5 000 $. Nombre de ces lois prévoient maintenant des amendes maximales pouvant atteindre des millions de dollars, des peines d’emprisonnement et d’autres conséquences graves telles que la confiscation de biens et la perte de permis commerciaux[26]. Alors que la sévérité des sanctions a augmenté pour de nombreuses infractions, le système judiciaire dispose de peu d’indications pour définir quand utiliser ces modalités de sanctions significatives de manière cohérente et uniforme.

Les durées d’emprisonnement peuvent être importantes en vertu des lois réglementaires de l’Ontario, avec un emprisonnement possible de cinq ans moins un jour en vertu de certaines lois, telles que la Loi sur les valeurs mobilières[27] et la Loi sur la protection de l’environnement[28]. Selon certains, la Loi sur les infractions provinciales ne serait pas adaptée à ces infractions graves et l’indisponibilité de peines d’emprisonnement avec sursis ou d’autres modalités de sanctions est citée pour appuyer cet argument[29].

 

4.     Recours accru aux sanctions administratives pécuniaires

Quatrièmement, la législation ontarienne a assisté à la multiplication et à l’acceptation accrue des sanctions administratives pécuniaires (SAP), qui semblent à certains plus efficaces et moins coûteuses que le régime de la Loi pour les infractions réglementaires[30]. L’Ontario compte un certain nombre de régimes de SAP, notamment le système créé dans le cadre de la Loi de 2001 sur les municipalités[31] qui permet aux municipalités de mettre sur pied un système de SAP pour faire respecter les règlements municipaux en matière de stationnement plutôt que d’intenter des poursuites dans le cadre de la partie II de la Loi[32]. À l’heure actuelle, seule la ville de Vaughan a décidé de mettre en œuvre le système de SAP pour les infractions de stationnement[33], mais d’autres municipalités s’appuient également sur ce système pour garantir l’application d’autres règlements administratifs ou sont également en train de le mettre en place pour les infractions de stationnement. Cette question fait l’objet du chapitre V du présent rapport.  

 

5.     Transfert aux municipalités (partenaires municipaux) des poursuites intentées en vertu de la Loi et de l’administration de cette dernière 

La partie X de la Loi permet au procureur général et aux municipalités de conclure des ententes visant un secteur spécifique qui permettent aux municipalités de s’acquitter des fonctions d’administration et de soutien des tribunaux. Lorsque de telles ententes entrent en vigueur, les municipalités ont dès lors le pouvoir de mener la plupart des poursuites, de recouvrer les amendes liées aux poursuites intentées en vertu de la Loi et de garantir l’exécution du paiement[34]. 

Les municipalités de certains secteurs où sont fournis des services judiciaires ont désigné l’une d’entre elles pour assurer les services judiciaires relatifs à la Loi au nom de toutes les autres municipalités du secteur concerné, même si certains secteurs plus importants ne comptent qu’une seule municipalité (p. ex. Ottawa et Toronto). Un partenaire municipal est une municipalité qui a conclu une entente avec le procureur général conformément à la partie X de la Loi au nom de plus d’une municipalité. Lorsqu’il y a plusieurs municipalités dans un même secteur où sont fournis des services judiciaires, le partenaire municipal doit conclure une entente intermunicipale sur le partage des coûts et des recettes avec toutes les autres « municipalités desservies » du secteur considéré. Aux fins du présent rapport, nous parlons uniquement de « municipalités » en ayant conscience que certaines feront partie d’une entente de transfert conclue avec un partenaire municipal. Depuis 1999, le procureur général a conclu 52 ententes de transfert dans le cadre de la Loi et le transfert de ces responsabilités aux municipalités est maintenant terminé.  

Il s’agit d’un facteur essentiel à prendre en considération dans le cadre de la modernisation de la Loi. Les régions de la province peuvent subir des pressions opérationnelles diverses et de nouvelles procédures peuvent alors avoir une incidence différente sur chaque municipalité.    

 

6.     Octroi de permis aux parajuristes leur permettant de fournir des services juridiques  

Les parajuristes sont désormais réglementés par le Barreau du Haut-Canada[35] et peuvent représenter des particuliers dans des affaires fondées sur la Loi devant la Cour de justice de l’Ontario[36] et devant des tribunaux administratifs. Le 30 mars 2009, on comptait plus de 2 300 parajuristes titulaires d’un permis et d’une assurance en Ontario. Les parajuristes doivent respecter le Code de déontologie des parajuristes. Le Barreau du Haut-Canada reçoit les plaintes les concernant et peut, au besoin, leur imposer des sanctions disciplinaires[37]. Le recours accru aux parajuristes dans les affaires fondées sur la Loi constitue une réalité récente qui n’existait pas au moment de l’entrée en vigueur de la Loi il y a 30 ans. Cela représente une avancée pour assurer un meilleur accès à la justice à ceux qui ne peuvent se permettre les services d’un avocat. De plus, cela soulève des questions concernant le caractère approprié de l’élargissement du traditionnel privilège du secret professionnel de l’avocat aux relations existant entre le client et le parajuriste. 

 

7.     Évolutions technologiques 

Depuis 1980, d’énormes progrès ont été réalisés sur le plan technologique et beaucoup permettraient d’améliorer les enquêtes, l’application de la loi dans les affaires fondées sur la Loi sur les infractions provinciales, l’administration des tribunaux et le déroulement des procédures relatives à la Loi. L’utilisation des outils technologiques a été intégrée à certains articles de la Loi. Ainsi, le 15 juin 2010, les paragraphes 83.1(1), (2) et (3) de la Loi sont entrés en vigueur, permettant aux témoins, aux défendeurs, aux poursuivants et aux interprètes de participer à une poursuite fondée sur la Loi par voie électronique, c’est-à-dire par vidéoconférence, audioconférence, conférence téléphonique ou par toute autre méthode définie par les règlements. L’article 83.1 comprend, certes, quelques mises en garde et restrictions en la matière, mais il s’agit d’une évolution majeure qui peut améliorer l’accès à la justice et le service. 

Néanmoins, il existe des lacunes en ce qui concerne l’usage de la technologie dans les affaires liées à la Loi. Par exemple, contrairement au Code criminel, les dispositions relatives aux mandats de perquisition pour les affaires fondées sur la Loi ne traitent pas de la saisie de biens intangibles comme les données électroniques se trouvant sur un ordinateur. Une solution serait de modifier la Loi pour intégrer les progrès technologiques, mais l’on pourrait mettre en doute l’efficacité de légiférer sur les questions de procédure ayant recours à la technologie, alors que des règles de pratique, un règlement ou une ligne directrice pratique peuvent constituer une option plus souple et plus adaptable, notamment si l’on considère la nature extrêmement évolutive de la technologie. 

 

8.     Longs délais de règlement des affaires fondées sur la Loi 

Dans son rapport de 1973 intitulé Report on the Administration of Courts, la Commission de réforme du droit de l’Ontario faisait déjà remarquer ce qui suit : 

Le but principal du système judiciaire est de servir le public; cela veut dire des décisions judiciaires non seulement équitables, mais aussi rapides, d’un coût raisonnable et raisonnablement pratiques[38]. (Traduction libre)  

Même si le délai de règlement des affaires fondées sur la Loi par les tribunaux fluctue selon les périodes et selon les municipalités, il est évident que ces affaires demandent actuellement beaucoup de temps. En 2007, le nombre moyen de jours entre la date de la première demande d’audience et celle du règlement d’une affaire fondée sur la partie I devant la Cour de justice de l’Ontario était de 198,7 jours; dans le cas d’une affaire fondée sur la partie III, il était de 291,9 jours. En 2008, ces chiffres étaient respectivement de 207,1 et de 276,8 jours[39]. Les chiffres relatifs aux procès-verbaux d’infraction de stationnement délivrés en vertu de la partie II de la Loi ne sont pas disponibles, mais la ville de Toronto a indiqué que cela peut prendre jusqu’à 14 mois pour obtenir une date de procès dans le cadre d’une infraction de stationnement. (Le délai varie de 8 à 14 mois, en fonction d’un certain nombre de variables[40].)  

 

9.     Leçons tirées 

Enfin, comme cela se produit avec tous les textes législatifs et réglementaires, l’expérience de nombreuses années a amené ceux qui se servent de la Loi à se faire une idée des parties qui fonctionnent bien et de celles qui pourraient être améliorées pour atteindre leurs objets véritables. Ainsi, le débat de la CDO sur la question des mises en liberté sous caution dans le cadre de poursuites intentées en vertu de la Loi était davantage motivé par les problèmes auxquels les parties intéressées pouvaient être confrontées, plutôt que par une simple comparaison législative avec les dispositions du Code criminel relatives à la mise en liberté sous caution.

 

 

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