A.                Historique de la Loi sur les infractions provinciales 

La Loi sur les infractions provinciales a été promulguée pour la première fois en 1979[41]. Elle régit la majeure partie du processus de poursuite et d’exécution des infractions réglementaires provinciales et fédérales et des règlements administratifs municipaux[42]. En 1974, la Commission du droit du Canada a estimé qu’environ 20 000 infractions réglementaires étaient commises dans chaque province, en plus de 20 000 autres infractions commises à l’échelle fédérale, ces chiffres n’incluant pas les infractions aux règlements administratifs municipaux[43]. Nous savons qu’il y a eu depuis trois ans en Ontario chaque année environ 2 millions de mises en accusation effectuées en vertu de législations créant des infractions auxquelles la Loi s’applique[44]. Ces mises en accusation concernaient divers domaines comme la circulation, la réglementation sur les substances contrôlées, l’environnement ou encore la santé et la sécurité au travail.  

Avant l’entrée en vigueur de la Loi, la procédure d’exécution et de poursuite des infractions réglementaires en Ontario était définie dans la Summary Convictions Act[45]. C’était une loi brève contenant 23 articles adoptant largement les dispositions du Code criminel en matière de poursuites d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Or, même si ces procédures étaient « légèrement moins strictes que les procédures applicables aux actes criminels prévues dans le Code criminel, elles restaient cependant totalement inadaptées au caractère réglementaire mineur de la plupart des infractions provinciales »[46]. (Traduction libre) Selon un rapport de 1973 de la Commission de réforme du droit de l’Ontario, la procédure disproportionnée régissant certaines infractions provinciales avait des conséquences nuisibles sur l’administration de la justice :

Les questions qui nous préoccupent témoignent, selon nous, de l’existence d’un problème plus vaste. C’est le système de l’administration des infractions provinciales dans son ensemble qui est en train de s’effondrer, non seulement au niveau des tribunaux, mais également au niveau de la signification d’assignations, de l’exécution des mandats et de toute la documentation administrative associée. Les ressources policières sont utilisées pour veiller au respect des étiquettes de stationnement, alors que l’on envoie par courrier régulier des assignations à comparaître dans des affaires criminelles graves. Certains agents de police ne prennent même pas la peine de témoigner. Les défendeurs sont acquittés, non sur leurs mérites. Ce résultat peut s’avérer acceptable s’il sert un quelconque autre objectif souhaitable, mais si l’acquittement n’est que la conséquence d’une incapacité administrative, alors il favorise uniquement le mépris à l’égard du système[47]. (Traduction libre)

En 1978, l’honorable R. Roy McMurtry, procureur général de l’Ontario de l’époque, a évoqué en ces termes le problème visé par la Loi sur les infractions provinciales : 

La nouvelle Loi sur les infractions provinciales s’attaque directement à la racine du problème de procédure actuel, à savoir que les poursuites relatives aux infractions provinciales suivent maintenant un code de procédure qui fait référence au Code criminel du Canada. Même si la procédure suivie est la moins rigide et la moins contraignante des deux systèmes établis dans le Code, elle est quand même imprégnée d’hypothèses vieilles de centaines d’années quant aux actes criminels et aux personnes qui les commettent. Ni ces hypothèses ni les règles techniques rigides auxquelles elles ont donné naissance ne conviennent à 90 % des infractions provinciales qui visent à réglementer des activités qui sont non seulement légitimes, mais aussi utiles à la société[48]. (Traduction libre) 

L’intention sous-jacente était clairement de créer un « cadre procédural sur mesure »[49] entièrement nouveau pour remplacer la procédure sommaire de déclaration de culpabilité prévue dans le Code criminel et s’en distinguer. (Traduction libre) L’objectif de la Loi décrit dans son paragraphe 2(1) établissait sans nul doute possible cette nouvelle approche : 

La présente loi a pour objet de remplacer la procédure de déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans les poursuites à l’égard d’infractions provinciales, y compris les dispositions adoptées par renvoi au Code criminel (Canada), par une procédure qui reflète la distinction existant entre les infractions provinciales et les infractions criminelles[50]. 

Des volets distincts ont été créés dans le cadre de la Loi – un pour les infractions mineures (partie I), un autre pour les infractions plus graves (partie III) et un troisième pour les infractions de stationnement (partie II). Une certaine souplesse a été intégrée à la Loi afin que les circonstances de chaque affaire dictent quel volet – celui pour les infractions mineures ou celui pour les infractions plus graves – est le plus approprié[51]. La nouvelle Loi sur les infractions provinciales a été « conçue pour proposer une méthode juste et efficace permettant de juger la majorité des affaires traitées par les tribunaux des infractions provinciales »[52]. Elle « devait permettre la mise en place d’une méthode accélérée, efficace et pratique pour traiter en majorité les infractions mineures »[53]. (Traduction libre) 

Aujourd’hui, le respect de l’administration de la justice, la rapidité, l’efficacité et un processus simple ou adapté demeurent des objectifs louables pour une procédure qui régit l’arbitrage des infractions mineures. Il s’agit d’objectifs particulièrement importants lorsque la grande majorité des défendeurs se représentent eux-mêmes[54]. Nous devons également prendre en compte les infractions provinciales plus graves qui vont de pair avec des sanctions sévères et les examiner à la lumière du système fondé sur la Loi créé en 1979 afin de déterminer le caractère approprié ou non de ce cadre à l’heure actuelle. Étant donné la gravité et la complexité des enjeux considérés, le respect de l’administration de la justice, un processus équilibré et une protection procédurale adaptée sont d’autres objectifs majeurs de n’importe quel système. Dans la section suivante, nous proposons un aperçu du système actuel de la Loi afin de vérifier si elle continue de répondre à ces objectifs ou si ces derniers ont été perdus de vue sur les 30 dernières années, étant donné la nature évolutive des infractions provinciales.  

Ces facteurs révèlent que le système de la Loi est peut-être devenu trop complexe et trop technique pour la résolution des infractions mineures, tout en étant potentiellement trop générique pour le nombre d’infractions provinciales de plus en plus graves.

 

B.                Structure et aperçu de la Loi sur les infractions provinciales 

La Loi est un code de procédure qui régit la poursuite des infractions réglementaires créées par la législation provinciale et les règlements administratifs municipaux. Le terme « infraction » est défini comme une « infraction prévue dans une loi de l’Assemblée législative ou dans un règlement ou un règlement administratif pris en application d’une telle loi »[55]. De plus, la Loi applique la poursuite des contraventions définies en vertu de la Loi sur les contraventions[56] à l’échelle fédérale. Le terme « tribunal » dans le cadre de la Loi représente la Cour de justice de l’Ontario, laquelle peut être présidée par un « juge provincial », défini comme un juge de la Cour de justice de l’Ontario ou par un « juge », défini comme un juge provincial ou comme un juge de paix de la Cour de justice de l’Ontario[57]. Voici un aperçu des principales parties de la Loi. 

La Loi contient trois parties distinctes régissant l’introduction de poursuites[58].  

 

Partie I – Instances introduites au moyen du dépôt d’un procès-verbal d’infraction 

La partie I traite des instances introduites au moyen du dépôt d’un procès-verbal d’infraction. On en parle souvent comme du processus de « verbalisation »[59]. Ce processus est utilisé pour les infractions de gravité moindre, comme le fait de conduire sans permis[60] ou la consommation d’alcool dans un lieu public[61]. Même si nous caractérisons les infractions créées dans la partie I comme « moins graves », il serait plus précis de dire qu’il s’agit d’infractions pour lesquelles l’agent d’infractions provinciales choisit de procéder au moyen d’un processus moins formel basé sur un procès-verbal d’infraction, plutôt que d’enjoindre à la personne de comparaître au tribunal dans le cadre du mécanisme prévu par la partie III. L’amende maximale est de 1 000 $ et l’emprisonnement n’est pas une sanction autorisée[62]. Lorsqu’un agent d’exécution remet un avis d’infraction à un particulier (p. ex. une contravention pour excès de vitesse constitue un avis d’infraction), l’agent dépose un procès-verbal d’infraction auprès du tribunal pour engager une instance[63]. L’avis d’infraction peut indiquer une amende fixée pour l’infraction commise. Le montant des amendes fixées est déterminé par le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario[64].   

Un défendeur qui reçoit un avis d’infraction peut procéder comme suit :

□     Si le défendeur ne souhaite pas contester l’accusation, il doit payer l’amende fixée ainsi que les frais et les suramendes applicables fixés par les règlements. Le paiement de l’amende constitue le plaidoyer de culpabilité, la déclaration de culpabilité du défendeur et l’imposition de l’amende fixée à l’égard de l’infraction[65].

□     Si le défendeur ne souhaite pas contester l’accusation, mais désire présenter des observations quant à la peine, notamment quant à une réduction de l’amende ou à une prorogation du délai de paiement, le défendeur peut se présenter aux date, heure et lieu indiqués dans l’avis et comparaître devant un juge[66].

□     Si le défendeur souhaite inscrire un plaidoyer et avoir un procès, il doit déposer un avis d’intention de comparaître[67].  

Si le défendeur n’entreprend aucune des démarches susmentionnées dans un délai de 15 jours après la signification de l’avis d’infraction, il sera réputé ne pas contester l’accusation et si le procès-verbal d’infraction est complet et régulier à sa face même, le juge inscrira une déclaration de culpabilité, en l’absence du défendeur[68]. Si un défendeur souhaite inscrire un plaidoyer et avoir un procès, le greffier du tribunal transmet un avis des date, heure et lieu du procès[69] et le processus régissant les procès et la détermination de la peine visé dans la partie IV de la Loi s’applique[70]. 

Nous recommandons d’envisager d’exclure du système de poursuites intentées en vertu de la Loi les infractions mineures de la partie I et suggérons qu’un système de sanctions administratives pécuniaires pourrait être plus efficace à cet égard dans certains cas.

 

Partie II – Instances introduites au moyen du dépôt d’un avis d’infraction de stationnement 

La partie II établit la procédure pour introduire une instance relative aux infractions de stationnement. Elle est très similaire à la procédure indiquée dans la partie I, excepté que la partie II s’applique exclusivement aux infractions de stationnement, lesquelles sont créées principalement par les règlements administratifs municipaux. Un agent d’exécution signifie un avis d’infraction de stationnement, soit en personne, soit en le fixant au véhicule à un endroit bien en vue[71]. Les amendes fixées pour les infractions de stationnement sont indiquées sur l’avis correspondant et le défendeur doit dans les 15 jours suivants[72] soit choisir de payer l’amende[73], soit solliciter un procès[74]. Le montant d’une amende fixée pour une infraction de stationnement créée par un règlement administratif peut être établi par le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario (ce pouvoir peut également être délégué au juge principal régional)[75].  

Lorsqu’un défendeur demande un procès, une instance peut être introduite au moyen du dépôt au tribunal du procès-verbal de l’infraction de stationnement et de la preuve du titre de propriété du véhicule[76]. Un défendeur qui ne paie pas l’amende fixée, ni ne demande un procès peut être reconnu coupable par défaut[77], bien qu’une disposition prévoit de reconsidérer une déclaration de culpabilité si un défendeur établit qu’il n’a pas reçu l’avis d’infraction de stationnement. Lorsqu’une municipalité a conclu une entente avec le procureur général, elle peut recouvrer les amendes imposées en vertu de la partie II[78].  

Nous recommandons que la possibilité de poursuivre au tribunal les infractions de stationnement soit retirée de la Loi. À la place, chaque municipalité (ou partenaire municipal) devrait établir un système de sanctions administratives pécuniaires pour assurer l’application des règlements administratifs sur le stationnement.

 

Partie III – Instances introduites au moyen du dépôt d’une dénonciation  

La procédure de la partie III concerne les infractions qui nécessitent d’être réglées par un juge. Ces infractions ne peuvent pas être réglées par le paiement d’une amende fixée. La décision de poursuivre une infraction en vertu de la partie I ou de la partie III revient souvent à l’agent de police ou à l’agent des infractions provinciales et dépend de la nature de l’infraction et de l’intérêt public qui pourrait imposer des sanctions plus sévères. Par exemple, des infractions commises en vertu de la Loi sur la protection de l’environnement potentiellement punissables par des amendes s’élevant jusqu’à 50 000 $ pour une première déclaration de culpabilité et jusqu’à 100 000 $ pour les déclarations de culpabilité suivantes seront poursuivies en vertu de la partie III[79].  

En outre, la décision de poursuivre en vertu de la partie III dépend des circonstances ou des conséquences de l’infraction commise[80]. Par exemple, un employeur peut être mis en accusation en application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail[81] parce qu’il n’a pas fourni à ses employés des dispositifs de protection appropriés et se voir signifier un avis d’infraction en vertu de la partie I. Cependant, si l’absence de fourniture de dispositifs de protection a conduit à une blessure grave ou au décès d’un employé, alors l’employeur peut être mis en accusation dans le cadre de la procédure de la partie III. 

Pour les poursuites intentées en vertu de la partie III, un agent des infractions provinciales (dont la définition inclut les agents de police)[82] peut signifier une assignation à un défendeur et comparaître par la suite devant un juge pour fournir une dénonciation sous serment; il est également possible que la dénonciation assermentée devant un juge ait lieu avant la signification de l’assignation[83]. Outre les agents d’infractions provinciales, toute personne peut déposer une dénonciation alléguant une infraction sous serment devant un juge[84]. Ce dernier peut décerner une assignation à l’égard du défendeur, définissant brièvement les infractions qui lui sont reprochées et enjoignant au défendeur de comparaître devant le tribunal aux date et heure précisées[85]. Néanmoins, au lieu d’une assignation à comparaître, le juge peut également décerner un mandat pour l’arrestation du défendeur, si l’arrestation est autorisée par une loi et si le juge est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables et probables de croire que l’arrestation est nécessaire dans l’intérêt public[86]. La signification d’un procès-verbal ou d’un avis d’infraction n’est pas l’acte introductif d’une instance régie par la partie III, laquelle doit nécessairement être introduite par le dépôt sous serment d’une dénonciation devant un juge. À cet égard, la procédure d’introduction d’une instance régie par la partie III ressemble à l’introduction d’une procédure pénale. 

En ce qui concerne la détermination de la peine, l’amende maximale de 1 000 $ applicable aux infractions régies par la partie I ne s’applique pas aux procédures de la partie III et l’emprisonnement fait partie des peines à disposition.[87]

 

Partie IV – Procès et prononcé de la sentence 

La partie IV de la Loi porte sur le déroulement du procès et la détermination de la peine dans les procédures qu’elle régit[88]. Les articles relatifs au déroulement d’un procès sont les articles 29 à 55 et ceux liés au prononcé de la sentence sont les articles 56 à 75. Les dispositions portant sur le procès s’appliquent à tous les procès, que les poursuites aient été intentées en application de la partie I, II ou III. Elles traitent de modalités telles que le lieu, l’autorité du procureur général à suspendre une instance, la délivrance d’assignation aux témoins ou l’arrestation d’un témoin qui ne comparaît pas, l’inscription de plaidoyer, les conférences préalables au procès, les preuves et le cas échéant, le procès-verbal admissible en preuve, les ajournements et l’autorité habilitant à prononcer une déclaration de culpabilité en l’absence de comparution du défendeur. 

Le reste de la partie IV décrit en détail les pouvoirs du tribunal en matière de prononcé de la peine. Certains pouvoirs en matière de détermination de la peine sont limités aux procédures de la partie III, par exemple lorsqu’il s’agit d’ordonner la préparation d’un rapport présentenciel[89] ou de délivrer une ordonnance de probation[90]. Lorsque la loi qui crée l’infraction autorise l’emprisonnement comme sanction, le tribunal peut tenir compte de toute période que la personne déclarée coupable a déjà passée sous garde[91] et imposer une amende à la place de l’emprisonnement[92]. La Loi ne prévoit aucune autorité générale pouvant ordonner l’emprisonnement comme peine. Une telle autorité doit se trouver dans la législation qui crée l’infraction. Une fois déclaré coupable, un défendeur est tenu de payer les frais de tribunal prescrits par les règlements[93] et une suramende en cas d’amende imposée à l’égard d’une infraction fondée sur la partie I ou sur la partie III[94]. Une amende est exigible 15 jours après avoir été imposée[95].  

S’il y a défaut de paiement d’une amende, son exécution peut être assurée à titre de jugement civil en déposant un certificat soit auprès de la Cour des petites créances, soit auprès de la Cour supérieure de justice, certificat qui sera réputé être une ordonnance de ce tribunal aux fins d’exécution[96]. Parmi les autres modalités d’exécution du paiement d’une amende, citons la suspension ou le refus de renouvellement de permis, licence, enregistrement ou privilège, lorsque cela est autorisé en vertu d’une loi[97].  

La Loi établit qu’un juge peut décerner un mandat pour que la personne en défaut soit arrêtée, mais ce uniquement lorsque d’autres méthodes de recouvrement de l’amende ont été employées sans succès ou qu’il semblerait qu’elles n’entraîneront vraisemblablement pas le paiement dans un délai raisonnable[98]. Un juge peut également prononcer une ordonnance d’emprisonnement (p. ex. mandat de dépôt) en cas d’amendes impayées si l’emprisonnement n’est pas contraire à l’intérêt public[99]. Si une personne n’est pas en mesure de payer une amende, un juge peut accorder une prorogation du délai imparti, fixer un échéancier de paiements, ou, dans des circonstances exceptionnelles, réduire l’amende[100]. Nous remarquons néanmoins que ces dispositions plus sévères relatives à l’exécution du paiement d’une amende (p. ex. décerner un mandat de dépôt ou ordonner l’emprisonnement pour non-paiement d’une amende) ne sont pas réellement en vigueur, dans la mesure où le paragraphe 165(3) de la Loi établit leur non-application lorsqu’une municipalité a conclu une entente de transfert dans le cadre de la Loi avec la province[101]. Des ententes de transfert ont été établies dans l’ensemble de l’Ontario; de fait, ces modalités d’exécution ne sont alors pas réellement disponibles. La suppression totale de ces modalités dans la Loi se justifie peut-être, bien que l’on ait parfois affaire à des infractions faisant l’objet de poursuites par la province, commises par des contrevenants qui refusent de façon éhontée de payer leurs amendes, alors qu’ils en ont les moyens. Ces situations peuvent constituer une justification politique pour conserver lesdites modalités.  

Enfin, un programme de règlement optionnel des amendes, autorisé par la Loi et établi par règlements, permet le paiement d’amendes au moyen de crédits accordés pour le travail exécuté[102], même si aucun programme de ce type n’est pour le moment mis en place.  

Nous recommandons ci-après que des procédures judiciaires différentes soient établies de façon proportionnée à la nature et à la complexité de l’infraction (p. ex. processus différents pour les infractions établies par la partie I et pour celles établies par la partie III). Nous recommandons également l’adoption de principes de détermination de la peine et un éventail élargi de modalités de sanction en vue de mieux promouvoir le respect des objectifs de la réglementation.

 

Partie V – Dispositions générales

La partie V de la Loi s’intitule « Dispositions générales » et s’applique à tous les types de poursuites intentées en application de la Loi. Cette partie comprend des dispositions concernant les délais de prescription pour l’introduction d’une instance[103], une définition des parties à une infraction et de ceux qui conseillent à une autre personne de prendre part à une infraction[104], les moyens de défense en common law[105] et le pouvoir pour un témoin, un défendeur, un poursuivant ou un interprète de comparaître par un moyen électronique, qu’il s’agisse d’une vidéoconférence, d’une audioconférence ou d’une conférence téléphonique[106]. Une des rares infractions créées par la Loi, à savoir l’infraction d’outrage, se trouve dans la partie V[107].

 

Partie VI – Adolescents 

La partie VI s’applique aux adolescents, définis comme étant âgés de 12 ans ou plus, mais de moins de 16 ans[108], qui sont accusés d’avoir commis des infractions provinciales. Cette partie inclut des dispositions particulières en ce qui concerne l’introduction d’instances régies par la partie I (p. ex. par voie d’assignation, et non par avis d’infraction)[109], d’autres options en matière de sanction et d’autres procédures pour les adolescents[110] et l’interdiction de publier l’identité d’un adolescent qui a commis ou est accusé d’avoir commis une infraction[111]. Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, nous recommandons que cette partie de la Loi fasse l’objet d’un examen distinct.

 

Partie VII – Appels et révisions  

La partie VII comprend des dispositions portant sur les appels et les révisions. Certaines d’entre elles s’appliquent à tous les appels. En revanche, les autres dispositions portent de façon distincte soit sur les appels d’ordonnance interjetés en vertu de la partie III, soit sur les appels d’ordonnance interjetés en vertu des parties I ou II. En outre, il existe des règles de procédure distinctes qui s’appliquent aux appels d’affaires de la partie III[112] et aux appels d’affaires des parties I et II.  

Nous proposons des modifications mineures à ces articles afin de remédier à un défaut apparent concernant le pouvoir d’ordonner le paiement de dépens par une cour d’appel.

 

Partie VIII – Arrestation, mise en liberté sous caution et mandats de perquisition 

Dans la partie VIII, les dispositions relatives aux arrestations détaillent le pouvoir d’arrêter une personne avec ou sans mandat et avec recours à la force[113].  

Les articles relatifs à la mise en liberté sous caution évoquent la mise en liberté par des agents de police d’une personne après son arrestation et si ce n’est pas le cas, le pouvoir de « l’agent responsable » de mettre en liberté cette personne. Si le défendeur n’est pas mis en liberté par l’agent responsable, il est amené devant un juge aussi tôt que possible, mais dans tous les cas, au plus tard dans un délai de vingt-quatre heures[114]. Un juge peut ordonner la libération conditionnelle du défendeur ou son maintien en détention[115]. D’autres dispositions font référence à la responsabilité des personnes mises en liberté à condition de comparaître, à la responsabilité lorsqu’il y a des cautions et aux conséquences d’un manquement à une condition de l’engagement[116].  

Nous formulons des recommandations quant aux circonstances dans lesquelles une mise en liberté sous caution peut être refusée et suggérons un examen des conditions permettant l’accord d’une telle mise en liberté. 

Les dispositions relatives aux mandats de perquisition établissent le pouvoir d’un juge de décerner un mandat de perquisition et les circonstances dans lesquelles un tel mandat peut être délivré par télémandat sans comparution devant un juge[117]. D’autres articles définissent l’obligation d’une personne qui effectue la perquisition, les ordonnances que peut délivrer un juge en ce qui concerne les choses saisies et la procédure à suivre lorsque l’on invoque le privilège du secret professionnel pour un document saisi[118].  

Nous recommandons que les dispositions relatives au mandat de perquisition soient reformulées afin de prendre en compte les découvertes de renseignements provenant de sources électroniques et nous proposons également que l’autorité de rendre une ordonnance de communication soit envisagée comme solution de rechange par rapport à la délivrance d’un mandat de perquisition. Nous proposons en outre que le privilège du secret professionnel entre le client et le parajuriste soit pris en compte comme motif supplémentaire de protection de documents qui pourraient être saisis.

 

Partie IX – Ordonnance rendue en vertu d’une loi 

La partie IX de la Loi ne comporte qu’un seul article, l’article 161, lequel établit que la Loi s’applique si une autre loi autorise la délivrance d’une ordonnance, mais ne prévoit pas de procédure.

 

Partie X – Ententes conclues avec les municipalités 

Enfin, la partie X de la Loi permet au procureur général et aux municipalités de conclure des ententes visant un secteur spécifique qui permettent aux municipalités de s’acquitter des fonctions d’administration et de soutien des tribunaux. Lorsque de telles ententes entrent en vigueur, les municipalités ont dès lors l’autorité de recouvrer toutes les amendes liées aux poursuites intentées en vertu des parties I, II et III et de garantir l’exécution du paiement[119]. Dans tout le présent rapport, nous recommandons que les municipalités (ou partenaires municipaux) s’engagent activement dans la réforme de la Loi, étant donné le rôle majeur qu’elles jouent dans les poursuites intentées en vertu de la Loi, l’administration des tribunaux et l’exécution du paiement des amendes.  

En résumé, la Loi propose un code de procédure unique pour la poursuite de toutes les infractions provinciales. Il existe des différences essentielles au niveau de l’introduction d’instances en vertu des parties I, II et III (ainsi, un avis d’infraction ou un avis d’infraction de stationnement sert à introduire une instance en vertu des parties I et II respectivement, alors que le dépôt d’une dénonciation devant un juge permet d’introduire une instance régie par la partie III). Une autre distinction fondamentale porte sur la détermination de la peine. Pour des infractions fondées sur la partie I, l’amende maximale est de 1 000 $ et l’emprisonnement n’est pas une sanction autorisée. Cependant, ces restrictions ne s’appliquent pas aux procédures de la partie III. En règle générale, et à moins d’indication contraire stipulée par une loi, la procédure relative au procès, à l’arrestation, à la mise en liberté sous caution et à d’autres processus s’applique uniformément à toutes les instances des parties I, II et III.

                                                                                    

Règles et règlements applicables aux poursuites intentées en vertu de la Loi 

Outre la Loi, plusieurs règles et règlements, créés en application de la Loi ou par la Loi sur les tribunaux judiciaires, s’appliquent aux poursuites fondées sur la Loi. Sept règlements créés en application de la Loi ont une incidence sur les instances fondées sur la Loi :  

 

R.R.O. 1990, Règlement de l’Ontario 945
Dépens – Prévoit les frais de justice que le défendeur est tenu de payer sur déclaration de culpabilité.
 
Règlement de l’Ontario 497/94
Documents électroniques – Prévoit les normes pour ce qui est de remplir, signer et déposer des documents électroniques

Règlement de l’Ontario 679/92
 Frais à acquitter pour le paiement en retard d’amendes – Prévoit les frais pour le paiement en retard d’amendes.
 
R.R.O. 1990, Règlement de l’Ontario 948
 Fine Option Program – Prévoit le cadre du programme de règlement optionnel des amendes et la façon de l’administrer (mais aucun programme de ce type n’est actuellement en place).
 
R.R.O. 1990, Règlement de l’Ontario 949
 Parking Infractions – Prévoit les formules, les indemnités aux municipalités et certains processus d’exécution pour les instances introduites en vertu de la partie II (infractions de stationnement).
 
R.R.O. 1990, Règlement de l’Ontario 950
 Instances introduites au moyen du dépôt d’un procès-verbal d’infraction – Prévoit les formulaires et les avis pour les instances introduites en vertu de la partie I (procès-verbal d’infraction).
 
Règlement de l’Ontario 161/00
 Victim Fine Surcharges – Prévoit les suramendes pour la victime applicables en cas d’imposition d’une amende dans une instance fondée sur la partie I ou sur la partie III.
 

 

De plus, la Loi sur les tribunaux judiciaires confère au Comité des règles en matière criminelle (sous réserve de l’approbation du procureur général) l’autorité d’établir des règles régissant la pratique et la procédure de ces tribunaux dans les instances introduites en vertu de la Loi, y compris des formules[120]. Il existe quatre groupes distincts de règles établis par des règlements pris en application de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui s’appliquent aux poursuites intentées et aux appels interjetés en vertu de la Loi. En voici une courte description : 

 

R.R.O. 1990, Règlement de l’Ontario 200
 Rules of the Ontario Court (Provincial Division) in Provincial Offences Proceedings – Prévoit divers points de procédure, tels que le calcul du temps, les dépôts, la signification d’avis, les procès-verbaux et autres documents et les formules prescrites à utiliser.
 
Règlement de l’Ontario 721/94
 Règles de la Cour d’appel relatives aux appels interjetés en vertu de la Loi sur les infractions provinciales – Ces règles régissent les appels auprès de la Cour d’appel, y compris les appels d’une personne détenue.
 
Règlement de l’Ontario 722/94
 Règles de la Cour de l’Ontario (Division provinciale) relatives aux appels interjetés en vertu de l’article 135 de la Loi sur les infractions provinciales – Ces règles régissent les appels interjetés devant la Cour de justice de l’Ontario par un défendeur, un poursuivant ou le procureur général à la suite d’un acquittement, d’une déclaration de culpabilité ou d’une condamnation dans des instances intentées en vertu de la partie I ou II.
 
Règlement de l’Ontario 723/94
 Règles de la Cour de l’Ontario (Division générale) et de la Cour de l’Ontario (Division provinciale) relatives aux appels interjetés en vertu de l’article 116 de la Loi sur les infractions provinciales – Ces règles régissent les appels interjetés devant la Cour supérieure de justice ou la Cour de justice de l’Ontario dans des instances intentées en vertu de la partie III.
 

 

 

C.                 Volume et nature des infractions provinciales en Ontario 

Afin de donner du contexte à la nature des instances introduites en vertu de la Loi, nous avons examiné les statistiques sur le volume des infractions provinciales jugées par la Cour de justice de l’Ontario et les types d’infractions les plus fréquents afin de proposer un survol rapide des infractions réglementaires qui sont régies par la Loi.

 

Infractions provinciales – Volume et principaux types d’infractions  

Les juges et les juges de paix de la Cour de justice de l’Ontario sont habilités à juger toutes les infractions régies par la Loi, mais ce sont les juges de paix qui président pratiquement toutes les affaires d’infractions provinciales nécessitant un arbitrage[121].  

En 2009, sur les 2,1 millions de mises en accusation en vertu de la partie I et de la partie III reçues par la Cour, 1,9 million (soit 92 %) concernaient les infractions de la partie I et 170 000 (8 %) celles de la partie III. Parmi les instances introduites en vertu de la partie I, 1,6 million (81 %) portaient sur des infractions au Code de la route ou à ses règlements[122]. Les données de 2007 et de 2008 montrent un volume et une répartition similaires des infractions régies par la Loi[123]. 

En 2007, 2008 et 2009, les trois infractions prévues par la partie I qui ont le plus souvent fait l’objet d’une décision au tribunal correspondaient à des accusations d’infractions au Code de la route (environ 80 % chaque année), à la Loi sur l’assurance-automobile obligatoire (environ 6 % chaque année) et aux règlements administratifs municipaux (environ 4 % chaque année). Il est intéressant de noter que les trois infractions créées par la partie III qui ont le plus souvent été jugées au tribunal cette même année relevaient des mêmes autorités législatives : le Code de la route (environ 58 % chaque année), la Loi sur l’assurance-automobile obligatoire (environ 14 % chaque année) et les règlements administratifs municipaux (environ 5 % chaque année)[124].  

Les données provinciales sur le nombre d’infractions de stationnement régies par la partie II qui ont été délivrées en Ontario ne sont pas disponibles, mais nous savons que rien qu’à Toronto, 2,8 millions de procès-verbaux d’infraction de stationnement ont été délivrés et 300 535 (10,75 %) défendeurs ont demandé un procès en 2009[125]. Les données relatives à d’autres municipalités de l’Ontario révèlent un volume élevé d’infractions de stationnement délivrées en 2009 : 343 719 pour la ville d’Ottawa, dont 5 614 (2 %) avec demandes de procès[126] et 89 285 pour la ville de Brampton, dont 4 004 avec demandes de procès[127].

 

Aperçu des divers types d’infractions provinciales 

De nombreuses lois provinciales réglementent le comportement des particuliers et des industries. En cas de violations de ces règlements, la loi régissant la question crée généralement une infraction correspondante afin de promouvoir le respect de la norme de réglementation. Les domaines clés de la législation réglementaire en Ontario sont les suivants :

 

1.     Règlements relatifs à la circulation  

Le Code de la route réglemente le comportement des conducteurs sur les routes de l’Ontario. Il s’agit sans doute d’une des lois réglementaires les plus connues dans la province. Elle a créé de nombreuses infractions, notamment les excès de vitesse, la conduite imprudente, l’absence de ceinture de sécurité, le non-respect des directives figurant sur les panneaux de circulation ou encore le défaut de port du permis de conduire lorsqu’une personne conduit un véhicule[128]. Dans certains cas, la sanction pour des infractions au Code de la route peut être importante. Ainsi, un automobiliste encourt une amende maximale de 10 000 $ ou une peine d’emprisonnement de 6 mois pour disputer une course et une amende maximale de 50 000 $ en cas de détachement d’une roue d’un véhicule utilitaire[129].

La Loi sur l’assurance-automobile obligatoire crée également une infraction pour le défaut d’assurance lorsque l’on utilise un véhicule, pouvant donner lieu à une amende d’au moins 5 000 $ dans le cas d’une première déclaration de culpabilité et d’une amende d’au moins 10 000 $ dans le cas d’une déclaration de culpabilité subséquente[130].  

Les règlements administratifs municipaux prévoient également diverses infractions de stationnement, d’arrêt interdit et autres infractions liées à la conduite automobile qui sont mis en application par la Loi.

 

2.     Règlements relatifs à la santé et à la sécurité au travail

 La Loi sur la santé et la sécurité au travail impose des obligations, tant aux employés qu’aux employeurs[131] en ce qui concerne le matériel, les matériaux et les appareils de protection nécessaires à la garantie d’un lieu de travail sécuritaire. Les devoirs imposés aux travailleurs par la Loi sur la santé et la sécurité au travail incluent le port des vêtements ou appareils de protection précisés par l’employeur et le signalement de toute défectuosité à cet égard[132]. De plus, ils doivent signaler à l’employeur toute infraction à la Loi sur la santé et la sécurité au travail dont ils ont connaissance[133]. Les employeurs sont tenus de leur côté d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de santé et de sécurité et de formuler une politique concernant la violence et le harcèlement au travail[134].  

La Loi sur la santé et la sécurité au travail établit en tant qu’infraction la non-conformité aux dispositions de la Loi punissables des peines maximales de 25 000 $ d’amende ou de12 mois d’emprisonnement pour les particuliers et de 500 000 $ d’amende pour les personnes morales[135]. 

Certaines accusations peuvent être importantes. Ainsi, de nombreux chefs d’inculpation ont été portés contre un employeur présumé ne pas avoir fourni une formation et un équipement adéquats aux travailleurs migrants qui sont décédés alors qu’ils effectuaient des réparations au niveau des balcons d’un immeuble de Toronto en décembre 2009. Il apparaît que ces 61 chefs d’inculpation peuvent engendrer un total de 17 millions de dollars d’amendes[136].

 

3.     Règlements relatifs à la protection de l’environnement 

La protection de l’environnement est un secteur particulièrement important et actuel de la réglementation provinciale. La Loi sur la protection de l’environnement[137], la Loi de 2006 sur l’eau saine[138] et la Loi sur les pesticides[139] ne sont que quelques exemples de la législation provinciale établissant comme infractions les violations de ces lois, ce qui crée par là même des obligations à protéger l’environnement. 

La Loi sur la protection de l’environnement réglemente les actions des personnes en charge de polluants, créant des infractions pour ce qui est du déversement, par exemple. Une personne en charge d’un polluant doit élaborer un plan pour réduire le risque de déversement et réagir lorsque des incidents de ce type se produisent[140]. La Loi interdit également l’abandon de détritus, imposant une amende pouvant s’élever à 1 000 $ lors d’une première infraction et jusqu’à 2 000 $ lors d’une deuxième infraction[141]. 

La Loi de 2006 sur l’eau saine établit un certain nombre d’obligations, entre autres, celle imposée à une personne autorisée dans le cadre de la Loi précitée d’aviser immédiatement le ministère de l’Environnement si elle prend connaissance d’un danger relatif à l’eau potable[142]. En application de la Loi de 2006 sur l’eau saine, la poursuite d’activités mettant en péril une source d’approvisionnement en eau est considérée comme une infraction[143]. 

La Loi sur les pesticides impose des obligations aux particuliers qui rejettent des pesticides dans leur environnement de façon anormale, de sorte que cela puisse vraisemblablement causer des dommages à l’environnement, à des animaux ou à des personnes[144].

 

4.     Règlements relatifs aux substances contrôlées 

La législation provinciale réglemente également la consommation de substances contrôlées, comme l’alcool ou le tabac. La Loi sur les permis d’alcool [145] et la Loi favorisant un Ontario sans fumée[146] sont deux exemples de lois qui concernent nombre de particuliers et d’entreprises en Ontario et créent des infractions pour quiconque contrevient à leurs dispositions.  

La Loi sur les permis d’alcool prévoit que l’état d’ivresse dans un lieu public ou le transport d’alcool dans un contenant ouvert à bord d’un véhicule constituent une infraction réglementaire[147]. Les particuliers doivent détenir un permis pour pouvoir vendre de l’alcool[148]. Les personnes reconnues coupables d’infraction réglementaire en vertu de la Loi sur les permis d’alcool peuvent être assujetties à une peine maximale de 100 000 $ d’amende ou d’un an de prison ou les deux. Les personnes morales déclarées coupables en vertu de la Loi sont passibles d’une amende maximale de 250 000 $[149]. 

La Loi favorisant un Ontario sans fumée prévoit que la vente de tabac à des personnes de moins de 19 ans[150] ou l’exposition de produits du tabac dans un endroit où ils sont vendus constituent une infraction réglementaire[151]. Les personnes morales engagées dans la fabrication, la vente ou la distribution de produits du tabac sont passibles d’une amende maximale de 100 000 $ si elles contreviennent aux dispositions inscrites dans la législation[152].

 

5.     Règlements généraux relatifs à la sécurité et à l’ordre public 

En Ontario, de nombreuses lois réglementent les affaires d’ordre public et de sécurité. La Loi sur l’entrée sans autorisation crée une infraction lorsqu’une personne entre dans des lieux dont l’entrée est interdite aux termes de la Loi[153]. La Loi sur le droit de la famille autorise un tribunal à rendre une ordonnance de ne pas faire contre un ancien conjoint lorsque le requérant a des raisons de craindre pour sa sécurité[154].  

La partie VII de la Loi de 1997 sur la prévention et la protection contre l’incendie crée plusieurs infractions, telles que la violation d’une disposition du code de prévention des incendies[155]. La Loi de 2001 sur la qualité et la salubrité des aliments réglemente entre autres la production, la transformation et la fabrication d’aliments destinés à la consommation et établit comme infractions les contraventions à la Loi[156]. En vertu de cette loi, des ordonnances peuvent être rendues en vue d’empêcher ou d’éliminer tout risque relatif à la salubrité des aliments[157].  

La Loi Christopher de 2000 sur le registre des délinquants sexuels impose à une personne déclarée coupable d’une infraction sexuelle certaines obligations de se présenter et lorsqu’elle ne se conforme pas à la présente loi, elle est coupable d’une infraction punissable par une amende ou une peine d’emprisonnement[158]. La Loi de 1999 sur la sécurité dans les rues crée des infractions pour les personnes qui sollicitent des personnes retenues dans certains lieux publics et jettent certaines choses dangereuses dans un lieu public extérieur[159]. Une disposition en vertu de cette loi établit que la sollicitation d’une personne qui se trouve à bord d’un véhicule sur la chaussée est une infraction[160].

 

6.     Protection des consommateurs 

La Loi de 2002 sur la protection du consommateur s’applique aux opérations de consommation en Ontario[161]. Elle interdit de procéder à des assertions fausses ou trompeuses auprès des consommateurs et donne un certain nombre d’exemples en la matière, comme le fait d’indiquer qu’une réparation est nécessaire alors que ce n’est pas le cas ou que le prix comporte un avantage précis, alors que ce n’est pas le cas[162]. La Loi régit également les opérations de consommation qui ont lieu sur Internet[163]. Elle impose aux fournisseurs de transmettre aux consommateurs une copie écrite de toute convention conclue. En outre, la Loi permet aux consommateurs d’annuler une convention conclue sur Internet dans des circonstances prescrites[164].  

La Loi de 1990 sur les renseignements concernant le consommateur réglemente le recueil de renseignements sur les consommateurs d’une société[165]. Elle impose à l’agence de renseignements sur le consommateur de corriger les renseignements lorsque le consommateur l’avise d’une erreur dans son dossier[166]. Un directeur ou un dirigeant d’une personne morale, déclaré coupable d’une infraction en vertu de cette loi est passible d’une amende maximale de 35 000 $, d’un an d’emprisonnement, voire des deux. L’amende maximale qui peut être imposée à une personne morale est fixée à 100 000 $[167]. 

L’aperçu précédent sur les infractions réglementaires illustre l’éventail d’infractions qui peuvent faire l’objet d’instances introduites en vertu de la Loi sur les infractions provinciales. Ces infractions diffèrent non seulement sur le plan du sujet, mais également de la gravité et des peines potentielles découlant d’une déclaration de culpabilité. Un agent d’infractions provinciales peut choisir d’appliquer la procédure régie par la partie III qui permettrait une sanction plus sévère autorisée en application de la loi ayant créé l’infraction, mais si l’on exclut la méthode d’introduction de l’instance, la Loi ne fait pratiquement pas d’autres distinctions sur la manière dont ces diverses infractions sont tranchées par le tribunal.

 

D.                Distinction entre les infractions réglementaires et les vrais crimes – Nécessité d’un code de procédure propre aux infractions provinciales 

En dépit des tentatives dans la jurisprudence et les articles universitaires d’opérer une distinction nette entre les infractions réglementaires et les vrais crimes, cela ne se vérifie pas dans la pratique. Pour autant, la distinction est pertinente sur au moins trois plans : (1) pour les infractions criminelles, il incombe au poursuivant de prouver l’existence de la mens rea (intention coupable), ce qui n’est pas le cas pour les infractions réglementaires sauf prescription contraire dans la loi[168]; (2) l’étendue de la protection procédurale de la Charte peut varier selon qu’il s’agit d’une infraction réglementaire ou d’un vrai crime[169] et (3) les objectifs de la détermination de la peine (et des peines effectives) diffèrent selon qu’il s’agit d’une infraction pénale ou réglementaire[170]. 

Voici un résumé des arguments qui distinguent une infraction réglementaire d’un vrai crime afin de mettre en lumière les objectifs d’un cadre procédural de la Loi sur les infractions provinciales et la nécessité toujours existante de distinguer la Loi de la procédure sommaire de déclaration de culpabilité prévue dans le Code criminel. Une meilleure appréhension des infractions réglementaires permet d’apporter des éclaircissements sur le cadre de réforme de la Loi évoqué dans le chapitre suivant, ainsi que sur notre débat concernant les autres sanctions pécuniaires, la détermination de la peine et d’autres questions de procédures liées à la Loi.  

Dans les années 1970, la Commission de réforme du droit du Canada a examiné la législation réglementaire dans le cadre d’une série de documents de travail et de rapports importants. Elle a alors estimé que les infractions réglementaires étaient fondamentalement différentes des infractions criminelles[171]. Dans un document de travail publié en 1974, la Commission a décrit cette distinction dans les termes suivants : 

Nous pensons donc que notre droit pénal repose sur cette distinction imprécise qui ne saurait être poussée trop loin, même si elle correspond à une réalité. D’un côté, il existe quelques crimes réellement graves, tels que le meurtre, le vol sur la personne et le viol qui, de tout temps, ont été considérés comme tels et qui constituent précisément la sorte de crimes qu’on s’attend de trouver dans n’importe quel droit criminel. […]

À l’opposé, il existe un groupe beaucoup plus important d’infractions mineures telles que le stationnement illégal, la publicité trompeuse, la vente d’aliments impropres à la consommation, infractions de création plus récente. La common law n’a jamais connu ces infractions qui n’ont d’ailleurs jamais fait partie du Code criminel[172]. 

La Commission de réforme du droit du Canada a défendu l’idée que les infractions pénales correspondent à des actions interdites qui sont révoltantes sur le plan moral, alors que les infractions réglementaires sont purement et simplement des actes interdits. Voici trois autres différences qu’elle a mises en exergue : 

D’abord, le crime va à l’encontre de règles fondamentales, alors que l’infraction contrevient à des règles socialement utiles, mais non fondamentales. Ainsi, le meurtre contredit cette règle fondamentale, essentielle à l’existence et au maintien mêmes de toute société humaine, qui interdit la violence et l’homicide. Par ailleurs, le stationnement illégal contrevient à une règle d’un genre différent dont l’observance, sans être essentielle à la société, s’avère tout de même utile. 

Ensuite, le crime vise des maux d’une portée plus générale du fait que toute personne peut le commettre en sa qualité de personne. L’infraction est plus spécifique en ce qu’elle vise des maux susceptibles de survenir à l’occasion de l’accomplissement de certaines fonctions ou de la poursuite de certaines activités particulières. Le meurtre et le vol, par exemple, sont des maux que l’homme cause en tant qu’homme. Mais le stationnement interdit, la vente illégale de boissons enivrantes et la pêche hors saison sont des maux que l’homme commet en tant qu’automobiliste, commerçant ou pêcheur. On s’attend à trouver ces infractions, non pas dans un code criminel ou dans un ouvrage de droit pénal, mais dans des lois particulières et des traités spécialisés. 

Enfin, le crime comporte un préjudice beaucoup plus manifeste. Le meurtre et le vol sur la personne semblent de toute évidence mauvais. Ils infligent un préjudice direct, immédiat et flagrant à des victimes déterminées et s’accompagnent d’une intention manifestement mauvaise. L’infraction comporte un mal moins évident. Le préjudice qui en découle est moins direct, il est collectif plutôt qu’individuel et il résulte aussi bien de la négligence que de l’intention. En outre, il est plus souvent virtuel qu’actuel[173].

En 1976, la Commission a de nouveau étudié cette distinction dans son rapport intitulé Notre droit pénal, dans lequel elle fait référence à ses travaux antérieurs : 

Il y a cependant une autre distinction que nous avons signalée dans le document de travail no 2 intitulé « La notion de blâme ». C’est une […] distinction entre le crime « véritable » et la simple infraction réglementaire. La distinction est bien connue des simples citoyens, elle est admise en philosophie du droit et elle se fonde sur la logique et le sens commun. Le droit devrait aussi la reconnaître. Par conséquent, nous recommandons qu’on émonde le Code criminel de toutes les infractions qui ne représentent pas des actions à la fois mauvaises et graves[174]. [en gras dans l’original] 

Bien qu’arguant de l’existence d’une différence entre les vrais crimes et les infractions purement réglementaires, la Commission de réforme du droit du Canada a reconnu que cette distinction n’était pas toujours respectée. Dans cette perspective, elle a défini comme suit ce sur quoi le droit pénal devrait porter : 

Seules les actions que notre société estime à la fois mauvaises et graves devraient constituer des crimes. 

Toutes ces actions, cependant, ne devraient pas être des crimes. Qu’une action soit moralement mauvaise est une condition nécessaire, mais non pas suffisante pour qu’on l’incrimine. L’incrimination devrait reposer en plus sur trois autres conditions. D’abord, l’action doit causer un tort, soit à d’autres personnes, soit à la société en général ou, dans des cas spéciaux, à ceux qui ont besoin qu’on les protège contre eux-mêmes. Ensuite, le tort qu’elle cause doit être grave. Enfin, le tort doit âtre d’un type pour lequel le remède le plus efficace est le droit pénal. Ces conditions limiteraient le droit pénal aux crimes de violence, de malhonnêteté et aux autres infractions […]. Toutes les autres infractions qui, sans être véritablement répréhensibles, sont prohibées parce que cela constitue la meilleure façon de régler le problème qu’elles posent, ne doivent pas figurer au Code criminel. On doit les considérer seulement comme des quasi-crimes ou des contraventions[175]. 

En 1978, dans la décision fondatrice de la Cour suprême du Canada R. c. Sault Ste Marie, on trouve la déclaration qui illustre la distinction entre les vrais crimes et les infractions réglementaires et le fardeau de la preuve qui va de pair avec chacun de ces types d’infractions.  

Je conclus, pour les motifs que j’ai indiqués, qu’il y a des raisons impératives pour reconnaître trois catégories d’infractions plutôt que les deux catégories traditionnelles :

1. Les infractions dans lesquelles la mens rea, qui consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit, comme l’intention, la connaissance, l’insouciance, doit être prouvée par la poursuite soit qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis, soit par preuve spécifique. 

2. Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la mens rea; l’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Ceci comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent, ou si l’accusé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question. Ces infractions peuvent être à juste titre appelées des infractions de responsabilité stricte. C’est ainsi que le juge Estey les a appelées dans l’affaire Hickey.

 

3. Les infractions de responsabilité absolue où il n’est pas loisible à l’accusé de se disculper en démontrant qu’il n’a commis aucune faute. 

Les infractions criminelles dans le vrai sens du mot tombent dans la première catégorie. Les infractions contre le bien-être public appartiennent généralement à la deuxième catégorie. Elles ne sont pas assujetties à la présomption de mens rea proprement dite. Une infraction de ce genre tombera dans la première catégorie dans le seul cas où l’on trouve des termes tels que « volontairement », « avec l’intention de », « sciemment » ou « intentionnellement » dans la disposition créant l’infraction. En revanche, le principe selon lequel une peine ne doit pas être infligée à ceux qui n’ont commis aucune faute est applicable. Les infractions de responsabilité absolue seront celles pour lesquelles le législateur indique clairement que la culpabilité suit la simple preuve de l’accomplissement de l’acte prohibé. L’économie générale de la réglementation adoptée par le législateur, l’objet de la législation, la gravité de la peine et la précision des termes utilisés sont essentiels pour déterminer si l’infraction tombe dans la troisième catégorie[176]. 

La Cour a certes établi une distinction entre les infractions qui sont criminelles dans le vrai sens du terme et les infractions réglementaires ou à l’égard du bien-être public, mais ne l’a pas réellement expliquée[177] jusqu’à 1991 dans l’affaire R. c. Wholesale Travel Group Inc. où la Cour suprême s’est appuyée sur le caractère intrinsèque moralement mauvais et la réprobation morale d’une infraction pour tenter de distinguer les infractions réglementaires et les crimes : 

Des actes ou des actions sont criminels lorsqu’ils constituent une conduite qui, en soi, est si odieuse par rapport aux valeurs fondamentales de la société qu’elle devrait être complètement interdite. Le meurtre, l’agression sexuelle, la fraude, le vol qualifié et le vol sont si répugnants pour la société que l’on reconnaît universellement qu’il s’agit de crimes. Par ailleurs, une certaine conduite est interdite, non parce qu’elle est en soi répréhensible, mais parce que l’absence de réglementation créerait des conditions dangereuses pour les membres de la société, surtout pour ceux qui sont particulièrement vulnérables.  

Les lois de nature réglementaire ont pour objectif de protéger le public ou divers groupes importants le composant (les employés, les consommateurs et les automobilistes pour n’en nommer que quelques-uns) contre les effets potentiellement préjudiciables d’activités par ailleurs légales. La législation réglementaire implique que la protection des intérêts publics et sociaux passe avant celle des intérêts individuels et avant la dissuasion et la sanction d’actes comportant une faute morale. Alors que les infractions criminelles sont habituellement conçues afin de condamner et de punir une conduite antérieure répréhensible en soi, les mesures réglementaires visent généralement à prévenir un préjudice futur par l’application de normes minimales de conduite et de prudence. 

Il s’ensuit que les infractions réglementaires et les crimes expriment deux concepts de faute différents. Étant donné que les infractions réglementaires ne visent pas principalement la conduite elle-même mais plutôt ses conséquences, on peut penser que la déclaration de culpabilité relative à une infraction réglementaire comporte un degré de culpabilité considérablement moins important qu’une déclaration de culpabilité relative à un crime proprement dit. Le concept de faute en matière d’infractions réglementaires repose sur une norme de diligence raisonnable et, comme tel, ne suppose pas la même réprobation morale que la faute criminelle. La déclaration de culpabilité d’un défendeur relativement à une infraction réglementaire n’indique rien de plus que le fait que celui-ci n’a pas respecté la norme de diligence prescrite[178].   

Certes, aux dires mêmes de la Cour, cette distinction est difficile à appliquer, mais il existe encore une raison logique qui la sous-tend[179]. De fait, la distinction que la Cour suprême a cherché à créer était sujette à controverses, comme l’a fait remarquer le juge Rick Libman dans le texte suivant :  

Donc, puisque les infractions réglementaires tendent de plus en plus à ne pas constituer des « infractions mineures », mais bien de « vrais crimes » (compte tenu, particulièrement, du fait que les sanctions dont elles sont assorties sont de plus en plus souvent plus élevées que celles qui accompagnent ces crimes), on peut se demander si la distinction entre ces catégories d’« infractions contre le bien-être public » ne deviendra pas avec le temps de moins en moins apparente. En fait, le doyen Hogg estime que les décisions de la Cour suprême qui font la distinction entre les vrais crimes et les infractions réglementaires font dans la dentelle[180]. (Traduction libre) 

Le caractère illusoire de cette distinction est évident au vu des nombreuses infractions inscrites dans le Code criminel qui ne correspondent pas au point de vue de la Commission de réforme du droit du Canada ou à la description d’un crime proposée par la Cour suprême. Dans Notre droit pénal, la Commission de réforme du droit du Canada a donné les infractions suivantes comme exemples d’infractions que la majorité des gens considèrent ne pas être suffisamment graves pour qu’on les incrimine : affecter de pratiquer la magie ou encore avoir la charge d’un véhicule à moteur muni d’un appareil produisant un écran de fumée[181]. De plus, certaines infractions réglementaires prévoient des sanctions sévères, notamment de lourdes amendes ou des peines d’emprisonnement. Il a été dit qu’une stigmatisation notable peut être associée à des infractions réglementaires comportant des sanctions sévères[182]. Or, cette stigmatisation, lorsqu’elle va de pair avec des infractions telles que celles liées aux valeurs mobilières, suit la volatilité du marché – dans un cas de figure extrême, les gens chercheront des coupables pour des comportements auparavant jugés insignifiants[183].  

Néanmoins, d’autres raisons sont mises en avant pour préserver la distinction. Il n’est pas nécessaire de prouver une intention de commettre une infraction réglementaire pour la plupart des infractions provinciales, et on a pu dire qu’il s’agissait d’une distinction clé entre les infractions réglementaires et les crimes dans la mesure où une plus grande stigmatisation sera susceptible d’être liée à des infractions pour lesquelles une preuve d’intention d’infraction est établie. De fait, la Cour s’est appuyée sur cette position dans R. c. Transport Robert (1973) Ltée. Dans ce cas, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé le paragraphe 84.1(1) du Code de la route qui a fait une infraction du détachement d’une roue d’un véhicule utilitaire sur la chaussée. Il s’agit d’une infraction de responsabilité absolue et l’assertion de la diligence raisonnable n’est pas un moyen de défense. L’infraction est punissable d’une amende maximum de 50 000 $, mais l’emprisonnement n’est pas une option disponible. Le défendeur a argumenté que l’infraction de responsabilité absolue a contrevenu au droit garanti de sécurité de la personne défini en vertu de l’article 7 de la Charte. La Cour a rejeté l’argument du défendeur et a confirmé la loi. Elle a établi que la plupart des infractions réglementaires sont axées sur les effets préjudiciables d’activités par ailleurs légales. En outre, elle a ajouté que, dans la mesure où il n’est pas nécessaire de prouver l’état d’esprit de l’accusé (mens rea) pour la plupart des infractions provinciales, la stigmatisation associée aux infractions réglementaires est généralement moindre[184].     

Une autre raison de distinguer les infractions criminelles des infractions réglementaires est que ces deux catégories nécessitent des approches différentes en matière de détermination de la peine. En ce qui concerne l’activité criminelle, elle n’est pas souhaitée et les sanctions existent afin d’éviter qu’elle ne survienne en premier lieu. L’activité réglementée, à l’inverse, est souvent nécessaire ou bénéfique à la société et ce sont uniquement les écarts vis-à-vis de ces normes de réglementation qu’il convient d’éviter. Les sanctions sont imposées pour dissuader de commettre des écarts vis-à-vis de la norme de réglementation, mais une fois la peine imposée (p. ex. une amende), l’activité réglementée est généralement reprise. La conduite d’un véhicule, la transformation des aliments ou le contrôle des sources d’approvisionnement en eau ne sont que quelques exemples de ces activités réglementées bénéfiques ou nécessaires.  

Sheri Verhulst propose que les principes de détermination de la peine qui vont au-delà de la simple dissuasion soient requis pour les infractions réglementaires, tout en étant différents de ceux appliqués aux infractions criminelles[185]. Selon elle, la détermination de la peine infligée pour des infractions provinciales doit reconnaître qu’une peine réglementaire fait partie du cycle réglementaire, mais l’imposition de la peine n’est pas la fin de l’affaire et il est probable que le défendeur retrouve l’activité pour laquelle il a été reconnu coupable :  

Néanmoins, la peine et toute sanction subséquente ne sont pas la « fin » du cycle. Sauf incapacité permanente, le contrevenant continue souvent de prendre part à l’activité réglementée après le prononcé de la peine. En effet, c’est même ce que peut souhaiter la société, dans la mesure où l’activité réglementée peut être socialement bénéfique, créatrice d’emplois ou de biens et services nécessaires. Ce que la société ne souhaite pas, c’est un engagement continu au niveau des mêmes schémas comportementaux qui ont entraîné l’infraction au départ. C’est pourquoi le comportement contrevenant doit être corrigé[186]. (Traduction libre)  

Il est clair qu’il existe une hausse marquée des amendes maximales et des peines d’emprisonnement possibles mises à disposition pour les affaires régies par la partie III, ce qui a estompé la distinction entre certaines infractions provinciales et les affaires pénales. Cependant, la CDO estime qu’il ne s’agit pas d’une raison suffisante pour abandonner le code de procédure distinct propre aux poursuites réglementaires et pour retourner à la procédure sommaire de déclaration de culpabilité du Code criminel. En effet, il reste des raisons solides justifiant le maintien d’un code de procédure distinct et efficace, proportionnel à la nature moins grave de la plupart des infractions provinciales, ce qui était d’ailleurs l’objectif sous-jacent de la Loi au moment de son adoption.  

La CDO reconnaît que la limite établie par la Cour suprême dans l’affaire R. c. Wholesale Travel Group Inc. peut souvent être dépassée et qu’il est difficile de la mettre en œuvre, même si elle tient son utilité de sa véracité. D’après les données statistiques, une majorité écrasante d’infractions réglementaires sont de nature mineure et moins grave que la plupart des infractions criminelles. Comme nous l’avons indiqué précédemment, 1,9 million d’accusations ont été portées en vertu de la partie I en 2009, contre moins de 200 000 en vertu de la partie III, soit environ 8 % du nombre total de mises en accusation effectuées en vertu des parties I et III[187]. Même si la CDO n’a pas pu obtenir la totalité des données provinciales sur les infractions de stationnement régies par la partie II, ces chiffres indiqueraient un nombre encore plus important d’infractions mineures, ce qui correspond à la description donnée dans R. c. Wholesale Travel Group Inc.[188]. Revenir à un code de procédure complexe mettant en jeu des protections procédurales élaborées ne cadrerait pas du tout avec les objectifs de proportionnalité et d’efficacité pour des infractions réglementaires qui sont principalement mineures. Pour les 8 % de cas plus graves qui nécessitent une protection législative plus importante, des règles de procédure distinctes peuvent être adoptées, mais il faut toujours passer par le système de la Loi.  

Enfin, il convient de reconnaître que de nombreuses infractions réglementaires, y compris celles pour lesquelles l’instance est introduite en application de la partie III, sont commises dans le cadre d’un comportement qui, par ailleurs, est légitime et utile. Environ 74 % des 2,1 millions de mises en accusation en vertu des parties I et III (ou 80 % des accusations de la partie I) portent sur des infractions au Code de la route ou à ses règlements[189]. En règle générale, les activités réglementées, comme le fait de conduire, ne sont pas mauvaises d’un point de vue moral; ce sont davantage la façon dont on effectue ces activités et les conséquences qui en résultent qu’il faut chercher à éviter. Cela se traduit par une demande en matière de principes distincts de détermination de la peine pour les infractions réglementaires, établis dans le cadre d’un code de procédure particulier et suivant des objectifs devant se distinguer de ceux appliqués aux affaires pénales. Pour ces motifs, nous sommes d’accord avec la position exprimée par la Commission de réforme du droit du Canada dans son rapport de 1976, selon laquelle « une procédure d’arbitrage plus sommaire, plus rapide et moins entourée de formalités » est nécessaire pour le grand nombre d’infractions réglementaires qui ne contreviennent pas aux valeurs fondamentales[190]. 

En conséquence, la Commission du droit de l’Ontario conclut qu’un code de procédure séparé pour les infractions réglementaires reste justifié et constitue un outil utile pour les organismes de réglementation qui ont besoin de modalités adaptées et souples pour veiller au mieux au respect des normes de réglementation. 

 

La CDO formule la recommandation suivante : 

3.  Étant donné les distinctions existant entre les infractions réglementaires et les infractions criminelles, il conviendrait de conserver un code de procédure séparé relatif à la poursuite, à la mise en application et à la détermination de la peine des infractions provinciales, de façon distincte de la procédure prescrite dans le Code criminel.

 
 

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