A.                L’objet de la Loi de nos jours

Dans le chapitre II, nous avons commencé par évoquer l’objet de la Loi tel qu’il est décrit à l’article 2. Nous avons noté que les objectifs sous-jacents de la Loi étaient bien plus que de simplement « remplacer la procédure de déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans les poursuites à l’égard d’infractions provinciales […] par une procédure qui reflète la distinction existant entre les infractions provinciales et les infractions criminelles ». Selon plusieurs sources, la Loi était en fait véritablement « conçue pour proposer une méthode juste et efficace permettant de juger la majorité des affaires traitées par les tribunaux des infractions provinciales »[231] et pour « permettre la mise en place d’une méthode accélérée, efficace et pratique pour traiter en majorité les infractions mineures »[232] (Traduction libre). Les objectifs de proportionnalité, d’efficacité et d’équité étaient alors réels et le sont encore aujourd’hui. C’est pourquoi nous pensons qu’ils devraient être adéquatement inscrits dans le cadre d’une modification de l’article sur l’objet de la Loi.  

Après 30 ans d’expérience avec un code de procédure séparé pour les affaires fondées sur la Loi, il ne fait aucun doute que les infractions réglementaires doivent être régies par une procédure qui se distingue de la procédure sommaire de déclaration de culpabilité prescrite par le Code criminel. Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’envisager la création d’une procédure régie par la Loi qui se distingue de la procédure du Code criminel comme seul objet de la Loi. Il reste peut-être encore des raisons valables de distinguer les « infractions criminelles » des « infractions provinciales » dans l’article sur l’objectif. Comme le recommande le chapitre II, un code de procédure distinct devrait être maintenu pour les infractions provinciales étant donné la distinction entre la plupart des infractions réglementaires et les crimes, distinction qui devrait être conservée dans le cadre d’un nouvel article complété qui reflète les véritables objectifs sous-tendant la Loi sur les infractions provinciales. Il peut également être justifié d’indiquer expressément cette distinction dans l’article sur l’objet de la Loi, étant donné que les protections prévues par la Charte ne s’appliquent pas de la même façon aux infractions provinciales et aux infractions criminelles[233] et que certaines infractions peuvent faire l’objet de poursuites à titre d’infractions criminelles aussi bien que provinciales (p. ex. la cruauté envers les animaux)[234]. 

Un article sur l’objet de la Loi permet d’avoir un aperçu de l’intention véritable du législateur quant à son adoption. Cela permet non seulement de guider la sphère judiciaire en ce qui concerne l’interprétation et l’application de la loi, mais également d’enjoindre aux poursuivants et aux défendeurs d’agir d’une manière conforme à cet objectif législatif. De la même façon, l’ébauche des règles, règlements et formules subordonnés à la Loi suivra le principal objectif de la Loi. À ce jour, il incombe aux comités judiciaires[235] et chargés des règles d’interpréter le véritable objectif sous-tendant la Loi.

Selon nous, un article sur l’objet de la Loi qui intègre les concepts de proportionnalité, d’efficacité, d’équité, d’accessibilité et d’adaptabilité aux objectifs de la législation créatrice de l’infraction permettra de créer un code de procédure flexible et dynamique. Il sera alors possible de disposer d’une (ou de plusieurs) procédure(s) évolutive(s) et active(s) permettant de mieux répondre au volume et à la diversité des infractions régies par la Loi, tant aujourd’hui qu’à l’avenir. Nous pourrons alors nous appuyer sur des principes directeurs suivant lesquels nous devrons mettre en place, interpréter et appliquer toute procédure, règle ou règlementation liée à la Loi.

Le revers de la médaille avec la flexibilité est l’incertitude. D’aucuns pourraient dire que l’introduction de ces concepts engendrera un caractère incertain du code de procédure. Le pouvoir judiciaire, les poursuivants et les défendeurs doivent connaître le processus qui régit une instance et nous ne soutenons pas l’idée d’abandonner un code de procédure précis pour les infractions régies par la Loi. Au contraire, nous recommandons la mise en place de procédures claires pour les différents types de poursuites intentées en vertu de la Loi dans la prochaine section. Nous pensons cependant que les principes et les facteurs ci-dessus doivent être inclus dans l’article sur l’objet de la Loi afin de pouvoir orienter l’interprétation et l’application de la loi. L’autre possibilité est de ne fournir aucune ligne directrice et de laisser la question entièrement à la discrétion des juges, mais cela pourrait entraîner une plus grande incertitude et ne favoriserait peut-être pas l’atteinte des objectifs qui devraient selon nous régir les instances introduites en vertu de la Loi. 

L’approche que nous proposons n’est ni unique, ni nouvelle. Les codes de procédure régissant les affaires civiles[236], familiales[237], de petites créances[238] et criminelles[239] incluent tous un objectif principal ou une disposition interprétative qui transcrit les concepts de proportionnalité, d’équité ou d’efficacité dans l’administration de la justice. Des concepts similaires devraient définir les principes directeurs clés pour l’élaboration, l’interprétation et l’application d’une procédure relative aux infractions provinciales. Sans outrepasser l’expertise des légistes, nous nous permettons de proposer une version possible de la révision de l’article relatif à l’objet : 

L’objet de la présente Loi est de :

(a)                    fournir une procédure accessible pour la résolution ou l’arbitrage efficace et équitable d’infractions provinciales d’une manière proportionnée à la complexité et à la gravité de l’infraction provinciale;

(b)                    promouvoir les objectifs de la loi créant l’infraction;

(c)                     prévoir une procédure qui reflète la distinction entre les infractions provinciales et les infractions criminelles. 

 

La CDO formule la recommandation suivante :

 

4.  L’article sur l’objet de la Loi devrait être modifié en vue de mettre en avant une procédure pour l’arbitrage ou la résolution d’affaires liées à des infractions provinciales qui soit :

  • proportionnée à la complexité et à la gravité de l’infraction provinciale;
  • efficace;
  • équitable;
  • accessible;
  • adaptée à l’objectif de la loi créant l’infraction; 
  •  conforme à la distinction entre les infractions provinciales et les infractions criminelles. 

 

 

B.                Nouvelle structure de la Loi et des règles relatives à la Loi

Après avoir résumé au chapitre II la structure de la Loi et les règles et règlements qui régissent les instances et les appels liés aux infractions provinciales, nous avons déterminé un certain nombre de sujets de préoccupation à cet égard que nous allons à présent aborder. Il nous semble désormais grand temps de restructurer et de simplifier en profondeur la Loi conformément aux objectifs du cadre de réforme défini.

 

1.     Simplifier la Loi

Le régime de la Loi, accompagné de ses nombreuses règles, formules et réglementations, est très complexe. Sa complexité est d’autant plus gênante que, dans la plupart des cas, les infractions faisant l’objet de poursuites intentées en vertu de la Loi sont mineures et impliquent des défendeurs se représentant eux-mêmes. Voici une liste des composantes de ce régime afin de témoigner de sa nature complexe et fastidieuse. 

□     La Loi dispose de 10 parties et de 176 articles. Elle décrit comment introduire une instance, comment répondre à une instance, les pouvoirs d’arrestation, les mandats de perquisition, la détermination de la peine, la mise en liberté sous caution et les règles régissant les procès et les appels. Étant donné les renvois fréquents entre ses articles ou à d’autres règlements ou formules, la lecture de la Loi peut s’avérer des plus fastidieuses, même pour un public averti. En outre, elle n’emploie pas un langage courant.

□     Il y a sept règlements pris en application de la Loi qui peuvent s’appliquer à une instance fondée sur la Loi.

□     Il existe quatre groupes distincts de règles établis par le Comité des règles en matière criminelle en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui régissent les poursuites intentées et les appels interjetés en vertu de la Loi. Dans certains cas, les règles liées à la Loi semblent faire double emploi, voire rendre superflu ce qui est déjà inscrit dans la Loi[240].

□     Les formules nécessaires pour suivre la procédure établie dans la Loi se trouvent dans un règlement distinct et dans l’un de ces quatre ensembles de règles. Elles ne sont pas expressément définies dans la Loi, ce qui oblige à rechercher dans les ensembles de règles ou dans les sept règlements pour trouver la formule adaptée. 

□     Il y a plusieurs exceptions aux processus généraux prescrits par la Loi.  Par exemple :

·         Plusieurs procédures régissant les instances introduites en vertu de la partie I et de la partie II s’appliquent uniquement à certaines zones de l’Ontario[241] et il faut aller vérifier un règlement distinct pour déterminer si oui ou non, elles s’appliquent[242].

·         Plusieurs autres articles de la Loi ne s’appliquent pas dans certaines municipalités et inversement[243]. 

□     Afin de connaître la procédure législative fondée sur la Loi, il faut également consulter les règles de procédure établies en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de veiller à la conformité.  

Nous n’entendons pas suggérer que les exigences procédurales établies dans la Loi ne sont pas nécessaires ou fondées sur la logique. Un processus clairement défini est essentiel à tout code de procédure. La majeure partie de la procédure semble avoir été intégrée à la Loi au moment de son adoption en 1979 sur la base de conventions visant à mettre en place une procédure quasi criminelle. Néanmoins, nous doutons aujourd’hui de la nécessité et de l’efficacité d’aller autant dans le détail.   

Nous nous demandons également s’il est sage de devoir se reporter à plusieurs autres ensembles de règles, règlements et formules en vue de totalement comprendre et respecter la procédure prescrite par la Loi. La complexité qui en résulte peut rendre la procédure inintelligible, et par là même inaccessible. Le jargon juridique aggrave encore la situation et empêche un accès aisé, à moins qu’on ne sache comment appréhender les documents juridiques. Selon nous, la procédure prescrite par la Loi doit être simplifiée, notamment en ce qui concerne les instances introduites en vertu des parties I et II, qui représentent la grande majorité des poursuites intentées en vertu de la Loi et dans la mesure où il est plus probable qu’elles impliquent des défendeurs se représentant eux-mêmes.

Comme nous l’avons noté précédemment, 90 % des poursuites intentées en vertu de la Loi correspondent à des infractions de la partie I, parmi lesquelles 80 % sont commises à l’encontre du Code de la route et l’on pense que la plupart des défendeurs en question ne sont pas représentés. Demander à une personne sans représentant juridique de naviguer dans la Loi, ses règles et ses formules afin de comprendre le processus auquel elle est soumise ne favorise ni l’équité, ni l’accessibilité. La quantité de procédures détaillées est simplement disproportionnée si l’on considère les intérêts en jeu. À titre de comparaison, nous remarquons qu’un autre tribunal où la majorité des plaideurs ne sont pas représentés, à savoir la Cour des petites créances, dispose d’un code de procédure complet contenant au total 21 règles accompagnées des formules associées au sein même de ces règles[244]. En outre, des guides de procédure en langage courant, préparés par le ministère du Procureur général, sont facilement disponibles pour aider les défendeurs dans le cadre du processus existant pour la Cour des petites créances[245]. 

 

2.     Simplifier et mettre à jour les règles associées à la Loi 

Il y a quatre ensembles distincts de règles liées à la Loi avec les formules prescrites associées : (1) la procédure fondée sur la Loi devant la Cour de justice de l’Ontario[246]; (2) les appels interjetés devant la Cour de justice de l’Ontario à partir d’instances introduites en vertu des parties I et II[247]; (3) les appels d’instances introduites en vertu de la partie III devant la Cour de justice de l’Ontario ou la Cour supérieure de justice[248] et (4) les appels liés à la Loi devant la Cour d’appel[249]. Avec l’approbation du Procureur général, le Comité des règles en matière criminelle crée les règles liées à la Loi en application de la Loi sur les tribunaux judiciaires[250].

De même que la Loi, nous avons estimé que les règles sont indûment complexes. Elles sont rédigées dans un langage juridique et il relève du défi de les passer en revue sans avoir reçu au préalable une formation officielle. Pour illustrer la complexité de ces règles, la plaisanterie suivante a eu cours : « il faudrait pratiquement porter son anneau décodeur trouvé dans une boîte de Cheerios! » Depuis leur création, les règles générales liées à la Loi pour la Cour de justice de l’Ontario n’ont reçu que des modifications mineures. Les dernières modifications datent de dix ans et étaient de nature purement administrative[251]. Les trois autres ensembles de règles ont été établis en 1994 et n’ont jamais été modifiés depuis. De fait, elles font encore référence à la Cour de l’Ontario (Division provinciale), l’ancien nom de la Cour de justice de l’Ontario, de même que les formules prescrites. Les règles ne sont pas consolidées, ni facilement accessibles et il faut consulter différents règlements pour déterminer les formules adaptées, ce qui représente un problème, étant donné le nombre de défendeurs se représentant eux-mêmes. 

De plus, il nous a également été confié que le Comité des règles en matière criminelle, qui a compétence en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires pour faire les règles liées à la Loi, pourrait ne pas être le mieux adapté à cet égard. Il compte 28 membres, y compris les juges en chef et juges en chef adjoints de la Cour d’appel, de la Cour supérieure de justice et de la Cour de justice de l’Ontario, d’autres juges de tribunal de différentes instances, des avocats et des représentants du ministère du Procureur général et de l’administration des tribunaux. Cette composition peut s’avérer appropriée pour élaborer les règles en matière criminelle à appliquer à la Cour de justice de l’Ontario et à la Cour supérieure de justice, mais elle ne semble pas idéale pour les règles liées à la Loi. La grande majorité des membres du Comité ne sont pas directement impliqués dans les affaires régies par la Loi, à l’exception de certains juges de la Cour de justice de l’Ontario. Les juges de paix président pour la plupart des instances introduites en vertu de la partie I ou de la partie II et ne sont pas représentés au sein du Comité. Il n’y a pas non plus de représentants des municipalités qui assurent les poursuites et l’administration des tribunaux pour la majorité des infractions commises à l’encontre de la Loi, ni de parajuristes qui représentent les défendeurs lors de poursuites fondées sur la Loi. Le Comité des règles en matière criminelle a mis en place un sous-comité et recherche ses conseils et ses recommandations, mais cette structure d’élaboration des règles n’est peut-être pas la plus efficace, car elle dépend de l’approbation de l’ensemble du Comité en ce qui concerne les projets de modification. La taille du Comité des règles en matière criminelle et l’absence de réunions régulières sont d’autres obstacles au suivi permanent des règles liées à la Loi et à la présentation des améliorations nécessaires. 

 

3.     Créer des procédures claires et proportionnées pour les procès d’affaires fondées sur la Loi 

Il n’y a qu’un seul ensemble de dispositions relatives aux procès dans la Loi, les articles 28 à 55, qui s’appliquent à tous les procès, qu’ils soient de la partie I, II ou III. La plupart portent sur des éventualités particulières qui pourraient survenir lors d’un procès. Elles ne créent pas une feuille de route qui indique comment doit se dérouler un procès intenté en vertu de la Loi. Il semblerait qu’elles soient plus particulièrement pertinentes pour des procès plus complexes intentés en vertu de la partie III et elles peuvent sans aucun doute être utiles à cet effet. Toutefois, pour un défendeur non représenté qui cherche à avoir une compréhension de base du déroulement d’une instance simple introduite en vertu de la Loi, ces articles ne sont guère utiles.

Ce seul ensemble de dispositions relatives au procès s’applique de façon égale à l’ensemble des procès intentés en vertu de la Loi, quel que soit le type concerné ou la gravité de l’infraction. Il peut s’agir d’un procès impliquant un procès-verbal d’infraction de stationnement de 30 $ en vertu de la partie II, comme d’une infraction environnementale majeure fondée sur la partie III pouvant entraîner une amende de 10 millions de dollars et une peine d’emprisonnement. Les articles de la Loi relatifs au procès ne limitent pas le nombre de procédures disponibles pour le premier type de procès évoqué, ni n’offrent de règles spécialisées pour contribuer à la gestion des autres types de procès pouvant être plus complexes, exiger le témoignage d’experts et possiblement des semaines de procès.

On pourrait y trouver des avantages si des règles particulières en matière de procès étaient créées de façon proportionnée à la gravité de l’infraction. Si des règles simples et distinctes s’appliquaient exclusivement aux procès relatifs aux infractions de moindre gravité et si d’autres règles plus exhaustives étaient créées pour les procès plus graves, on pourrait s’attendre à un usage plus efficace du tribunal et des ressources judiciaires et à une meilleure compréhension des procédures intentées. Cela favoriserait la proportionnalité, l’équité et une meilleure accessibilité.  

 

 

4.     Faciliter les modifications des procédures régies par la Loi 

Il n’est ni facile, ni rapide de modifier la procédure régie par la Loi, car elle est inscrite dans un acte législatif et non une règle ou un règlement. Comme c’est le cas pour toutes les modifications législatives, les comités ministériels doivent d’abord donner leur aval aux projets de modifications de la Loi. En cas d’approbation, le Conseil des ministres doit alors envisager les modifications. Après qu’il a donné son approbation, il faut trouver du temps dans le programme du législateur pour introduire les modifications dans un projet de loi. II peut être difficile pour les hommes politiques de trouver du temps pour soumettre des modifications mineures ou techniques au législateur, notamment, lorsque des projets de loi de plus grande ampleur portant sur la stratégie judiciaire, économique ou sociale se disputent également le calendrier législatif. En outre, la plupart des députés n’auront qu’une faible compréhension technique, si ce n’est aucune, de la procédure créée par la Loi afin d’évaluer si ces modifications législatives sont réellement nécessaires. D’autre part, les modifications portant sur des actes subordonnés, tels que les règles ou les règlements, peuvent généralement être mises en place plus rapidement et plus facilement. En fonction de la loi qui les régit, de telles modifications ne nécessitent en règle générale que l’approbation du procureur général ou du lieutenant-gouverneur en conseil (Conseil des ministres). Des organes spécialisés disposant de l’expertise adéquate (exemple phare : les comités des règles) pourront comprendre pourquoi ces changements procéduraux sont requis. C’est le processus qui permet l’entrée en vigueur des modifications du code de procédure des affaires civiles, familiales et criminelles présentées par les comités des règles respectifs. C’est également le processus par lequel passent les modifications des règles associées à la Loi, mais dans la mesure où la majorité de la procédure régie par la Loi est contenue dans la législation, les modifications doivent être prises en charge par l’Assemblée législative provinciale. 

En conséquence, le gros de la procédure régie par la Loi étant inscrit dans la législation, cela favorise indûment les inefficacités et engendre un régime de la Loi qui manque de souplesse face aux améliorations requises. Cela crée des frustrations chez les personnes responsables de la poursuite, de la défense, de l’arbitrage et de l’administration des infractions fondées sur la Loi, qui souhaitent des modifications procédurales. Selon nous, le transfert du gros de la procédure à une compétence subordonnée pourrait permettre de corriger ce problème. 

Bien entendu, la loi doit toujours comprendre certains sujets fondamentaux, juridictionnels ou créant l’infraction, à l’inverse des règles ou règlements. Les règlements de l’Assemblée législative dictent quels sujets doivent apparaître dans la législation et non dans la réglementation. En outre, certaines procédures régies par la Loi peuvent avoir une composante politique, car elles ont une incidence directe sur la vie de la plupart des Ontariennes et des Ontariens. Ainsi, le recours au radar photo comme modalité d’introduction d’une instance fondée sur le Code de la route est un exemple. Le conseiller législatif est dans la meilleure position pour offrir son analyse et ses conseils concernant ce qui doit rester inscrit dans une loi et ce qui doit être transféré à une autorité subordonnée. En outre, les modifications législatives à la Loi ou à la Loi sur les tribunaux judiciaires peuvent être nécessaires pour étendre l’autorité d’adopter des règles ou des règlements subordonnés. Tout en nous inclinant devant l’expertise du conseiller législatif, nous nous permettons de suggérer que les dispositions établissant la compétence d’un tribunal à entendre les affaires régies par la Loi, l’autorité des juges et des juges de paix, l’autorité du personnel judiciaire à effectuer certaines tâches, l’autorité d’ordonner l’arrestation d’une personne et de délivrer des mandats de perquisition, la création des infractions et la détermination de la peine devraient toutes rester dans la Loi, sans compter d’autres points qui devraient peut-être également figurer encore au sein du texte législatif. 

À l’issue de cette analyse préliminaire, la CDO est d’avis qu’une grande partie de la procédure détaillée que l’on trouve actuellement dans la Loi devrait être grandement simplifiée et transférée à une autorité subordonnée. Voici des exemples de points inscrits dans la Loi qui pourraient être transférés dans des règles ou des règlements :

·         comment un défendeur peut déposer un avis d’intention de comparaître en réponse à un avis d’infraction en vertu de la partie I ou de la partie II et comment le greffier doit donner un avis de procès (art. 5 et 17);

·         comment une assignation est délivrée par le tribunal (art. 39);

·         comment les parties peuvent assister à des conférences préparatoires au procès (art. 45.1);

·         comment les ajournements sont accordés (art. 49);

·         la restitution des pièces (art. 48);

·         les circonstances dans lesquelles les documents peuvent être déposés par voie électronique (art. 76.1);

·         les circonstances dans lesquelles les parties ou les témoins peuvent comparaître par téléphone ou par vidéoconférence (art. 83.1);

·         comment et dans quelles circonstances des prorogations de délai peuvent être accordées (art. 85);

·         comment les appels sont interjetés (art. 116 et 135) et la procédure qui régit les appels (voir p. ex. art. 118,119 et 136). 

À la lumière des éléments précités, nous recommandons une refonte de la Loi et de ses règles. La Loi devrait être débarrassée de son code de procédure détaillé pour conserver uniquement les dispositions fondamentales, juridictionnelles et créatrices d’infractions nécessaires au fonctionnement du régime fondé sur la Loi. Elle devrait continuer de prescrire comment introduire les instances qu’elle régit et d’établir des volets distincts afin que les procédures proportionnées à ces différents volets puissent être décrites en détail dans le texte d’autorité subordonnée (p. ex. partie I pour les infractions de moindre gravité et partie III pour les infractions plus graves). Il convient également de conserver d’autres dispositions qui, par convention législative ou du fait d’une autre autorité, doivent rester dans une loi et sont nécessaires à l’efficacité du système fondé sur la Loi.  

Le code de procédure détaillé devrait alors être consolidé dans le cadre d’une autorité subordonnée, soit sous la forme d’un seul ensemble de règles, soit d’un seul règlement, avec toutes les formules associées. Les quatre ensembles de règles liées à la Loi seraient révoqués et remplacés par cette nouvelle autorité subordonnée. Comme avec la Loi actuelle, nous envisageons que l’autorité subordonnée continue d’établir différents volets afin que la procédure prescrite soit proportionnée à la gravité de l’infraction. Une des principales caractéristiques de ce nouveau code de procédure devrait être la simplicité en ce qui concerne les affaires de moindre gravité et les plus courantes. D’après les statistiques, une majorité écrasante de ces instances portent sur des infractions de stationnement ou de circulation et la procédure devrait être autant que possible simplifiée afin que les types d’instances les plus fréquents soient facilement compris et accessibles.  

Au sein de chaque volet, des procédures spécialisées pourraient être élaborées en vue de procès ou autres résolutions d’instances équitables et plus efficaces. Par exemple, pour les infractions régies par la partie III, on pourrait également prescrire un système de gestion de cas afin de garantir une utilisation des ressources judiciaires et du tribunal et le traitement équitable et rapide des instances correspondantes plus complexes. Une règle distincte relative aux appels pourrait également être créée. Il est possible de créer d’autres règles spécialisées relatives à certains types d’infractions, pourvu qu’elles soient établies afin de promouvoir les objectifs établis dans l’article mis à jour relatif à l’objet de la Loi.

Afin de mieux promouvoir l’accès à la justice pour ceux qui se représentent eux-mêmes et, simultanément à la publication et à la mise en œuvre d’une simplification et d’une rationalisation de la Loi accompagnée de ses autorités associées subordonnées, il serait utile que le ministère du Procureur général propose aux défendeurs un guide ou un manuel en langage courant facilement accessible afin que la procédure créée par la Loi soit clairement comprise. Cette proposition n’est pas nouvelle. Le ministère du Procureur général publie déjà sur son site Web des guides et des brochures simples et faciles à suivre pour les plaideurs de la Cour des petites créances[252], pour ceux impliqués dans des procédures civiles devant la Cour supérieure de justice[253] et un guide procédural et d’autres renseignements pour les défendeurs dans des affaires de droit familial[254]. Des outils similaires, rédigés en langage simple et faciles à suivre, devraient également être mis en place pour les défendeurs dans des affaires régies par la Loi et être facilement accessibles. 

En bref, nous pensons que ces modifications structurelles à apporter à la Loi favoriseront la clarté de la procédure et amélioreront l’accès aux tribunaux chargés de l’application de la Loi. En outre, elles mettront en avant les objectifs de proportionnalité des procédures par rapport à la gravité des infractions. Enfin, les modifications nécessaires à venir seraient plus faciles à mettre en place, ce qui rendrait la Loi plus réactive à la survenue éventuelle de nouvelles infractions réglementaires ou à de nouvelles circonstances.

 

La CDO formule les recommandations suivantes : 

5. La Loi devrait connaître une refonte majeure, afin d’être débarrassée de son code de procédure détaillé pour conserver uniquement les dispositions fondamentales, juridictionnelles et créatrices d’infractions nécessaires au fonctionnement du régime fondé sur la Loi. 

6. La Loi devrait continuer de prévoir différents volets pour l’introduction des instances qu’elle régit (partie I pour les infractions de moindre gravité et partie III pour les infractions plus graves). 

7. Les quatre ensembles de règles associées à la Loi et les formules connexes devraient être consolidés en un seul ensemble de règles ou en un seul règlement ou en un autre texte approprié faisant autorité. 

8. De nouveaux textes d’autorité subordonnée devraient prévoir un code de procédure simplifié et exhaustif en ce qui concerne la mise en place équitable, accessible et la plus efficace possible de procès, d’appel ou de résolution d’instances fondées sur la Loi, en fonction du volet régissant l’introduction de l’instance. Des règles de procès simplifiées devraient notamment être établies pour les infractions de la partie I, de même que d’autres règles de procès plus complètes pour les infractions de la partie III. Il est possible au besoin d’élaborer d’autres règles spécifiques et proportionnées pour les types d’infractions liées à la Loi les plus fréquents ou pour les instances indûment complexes ou qui tireraient parti de règles précises mettant en œuvre les objectifs de la Loi. 

9. Le ministère du Procureur général, en consultation avec les municipalités, devrait élaborer des guides de procédure simples et rédigés en langage courant pour les défendeurs dans le cadre d’affaires régies par la Loi qui pourraient y avoir accès sur le site Web du ministère et dans tous les tribunaux d’infractions provinciales. 

 

C.         Adoption d’un nouveau code de procédure dans un texte subordonné faisant autorité

Dans le cadre de ce rapport préliminaire, nous ne faisons aucune recommandation sur la façon d’élaborer ou de mettre en place le texte subordonné faisant autorité, contenant le nouveau code de procédure lié à la Loi. Nous préférons proposer les options suivantes en évoquant de façon préliminaire certains points pertinents. 

Option 1 :        modèle basé sur un comité traditionnel des règles 

Cette option verrait la création de nouvelles règles associées à la Loi par un nouveau comité des règles relatives à la Loi, comprenant des membres de la magistrature et du barreau, des poursuivants, des parajuristes et le personnel d’administration des tribunaux municipaux.

 

Option 2 :        modèle basé sur un comité judiciaire des règles 

Cette option verrait la création de nouvelles règles associées à la Loi par un nouveau comité des règles relatives à la Loi, comprenant exclusivement des représentants judiciaires, presque tous membres de la Cour de justice de l’Ontario.

 

Option 3 :        élaboration d’un règlement sous la direction de la sphère judiciaire

Cette option verrait la création d’un nouveau code de procédure pour la Loi dans le cadre d’un seul nouveau règlement, suivant les recommandations du juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario lequel aurait mené des consultations de façon appropriée et dans la mesure du nécessaire.

 

Option 4 :        élaboration d’un règlement par le ministère du Procureur général  

Il s’agit d’une variante de l’option précédente qui verrait cette fois la création d’un nouveau code de procédure pour la Loi dans le cadre d’un nouveau règlement élaboré suivant les recommandations du ministère du Procureur général, lequel aurait mené des consultations de façon appropriée et dans la mesure du nécessaire.

 

Option 5 :        lignes directrices procédurales ou pratiques exemplaires proposées par le pouvoir judiciaire

Cette dernière option verrait la création d’un nouveau code de procédure pour la Loi dans le cadre d’un document de lignes directrices ou de pratiques exemplaires, établi par le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario, lequel aurait mené des consultations de façon appropriée et dans la mesure du nécessaire.

 

L’examen des points suivants est pertinent en vue d’évaluer ces différentes options. Tout d’abord, les règles de tribunal adoptées par des organes autorisés par la loi sont des règlements[255]. Par conséquent, sur le plan de la loi, il n’y a pas de différence concrète si le nouveau code de procédure se trouve dans le cadre de règles associées à la Loi ou d’un règlement. Il s’agirait dans les deux cas de règlements, qui auraient la même force de loi. La distinction repose en fait sur l’autorité habilitée à créer les règles ou le règlement.    

Le modèle basé sur un comité des règles traditionnel (option 1) pourrait s’avérer inefficace s’il comprend trop de membres (p. ex. le Comité des règles en matière criminelle compte 28 membres). Il s’agissait d’une critique concernant au moins un comité des règles similaire[256]. Il peut également y avoir le risque de conflit interne, dans la mesure où la procédure proposée par le comité peut ne pas être soutenue par le procureur général ou le lieutenant-général en conseil[257]. En outre, si les membres du comité ne sont pas directement ou régulièrement impliqués dans les affaires régies par la Loi, ils pourraient ne pas être les mieux indiqués pour recommander des modifications techniques des règles. (Si l’option 1 est choisie, nous recommandons que tous les membres disposent d’expertise quant aux affaires régies par la Loi.) D’un autre côté, un comité des règles possédant une large composition veille à ce que les intérêts de la plupart des groupes concernés soient pris en compte. Un nouveau comité des règles associées à la Loi pourrait être plus petit, mais représenter les groupes clés d’intervenants (p. ex. 10 membres)[258] et s’appuyer sur des sous-comités informels si les membres ont besoin d’avis spécialisés sur des questions sur lesquelles ils ne possèdent aucune expertise.  

On pourrait penser qu’un modèle basé sur un comité judiciaire des règles comptant principalement des représentants judiciaires de la Cour de justice de l’Ontario (option 2) serait plus efficace. En effet, il disposerait d’une expertise fondamentale concernant les instances fondées sur la Loi. Néanmoins, les avis d’autres groupes d’intervenants permettraient de veiller à ce que les nouvelles règles proposées soient fonctionnelles (p. ex. administrateurs des tribunaux municipaux). De plus, pour les affaires en appel devant la Cour supérieure de justice ou devant la Cour d’appel, il serait utile que des juges siégeant à ces tribunaux soient directement impliqués dans les processus qui ont une incidence en la matière.  

Les mêmes points envisagés pour l’option 2 s’appliqueraient aussi à l’option 3, à savoir l’élaboration d’un règlement sous la direction du juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario. Cette option répondrait également au désir de donner au pouvoir judiciaire l’autorité expresse de rendre des règles de tribunal relatives à la Loi, autorité analogue à celle que le Code criminel lui confère pour les affaires pénales[259]. L’option 3 évite également la rigidité du processus qui pourrait advenir avec une structure formelle de comité des règles. Cependant, comme nous l’avons évoqué précédemment, les infractions provinciales ne ressemblent pas aux affaires criminelles; elles ont une incidence sur la plupart des gens et des entreprises et la procédure qui régit les affaires fondées sur la Loi aura généralement des conséquences sur un plus grand nombre de personnes, ce qui semble facilement justifier l’apport de divers horizons pour créer les règles associées à la Loi. Les municipalités ont de solides intérêts en ce qui concerne les affaires fondées sur la Loi, tout comme plusieurs ministères provinciaux et de nombreuses industries réglementées. Avec cette option, ces intervenants pourraient alors ne pas avoir de voix quant à la procédure choisie, à moins que le juge en chef ne mette en place un processus officiel de consultation pour obtenir leurs avis. Autre sujet de préoccupation : est-il approprié que le juge en chef élabore un règlement sur des affaires qui peuvent être potentiellement de nature politique ou propose des modifications procédurales qui répondent aux intérêts du gouvernement ou des poursuivants? De telles actions pourraient en effet soulever des questions sur le véritable rôle et sur l’indépendance du juge en chef. 

Si un modèle basé sur un comité des règles est adopté, les travaux initiaux de consolidation et de simplification des règles et formules existantes seront significatifs. Il faudrait du temps et des ressources pour mener à bien cette tâche importante. Les obstacles qui ont empêché le Comité des règles en matière criminelle de se réunir dernièrement pourraient concerner également un nouveau comité des règles liées à la Loi, notamment si ce dernier doit faire face à des travaux majeurs au démarrage. Pour cette raison, l’option la plus pratique et la plus efficace pourrait être de s’appuyer sur l’expertise stratégique du ministère du Procureur général afin de préparer un règlement après la consultation des groupes appropriés (option 4). Il s’agit du processus normal pour la plupart des règlements. Cependant, le personnel du ministère ne dispose peut-être pas de l’expertise du quotidien de ceux qui travaillent dans les tribunaux réglant les affaires fondées sur la Loi et de ce fait, pourrait ne pas être en mesure : a) d’exercer une fonction de surveillance pour veiller au fonctionnement efficace des règles; b) de répondre à toute autre modification réglementaire qui pourrait s’avérer nécessaire au fil du temps.  

La dernière option, à savoir des lignes directrices ou des pratiques exemplaires proposées par le pouvoir judiciaire, serait à l’origine d’un code de procédure qui n’a pas force de loi. Dans la mesure où le pouvoir judiciaire rend ces règles après avoir mené des consultations appropriées, on s’attendrait à ce que le nouveau code de procédure soit considéré par la sphère judiciaire, les poursuivants, les défendeurs et les administrateurs des tribunaux comme ayant force de loi. Néanmoins, le risque est qu’elles ne soient pas appliquées ou respectées de manière uniforme, n’étant ni un règlement, ni une règle. Comme nous l’avons déjà mentionné, le caractère certain de la procédure constitue un objectif important, car il sert les principes d’équité et de proportionnalité. De plus, des cas graves pourraient exiger tout particulièrement une plus grande formalité du processus, notamment lorsque des amendes significatives et la liberté sont potentiellement en jeu. 

Dans tous les cas, chaque option doit faire la place aux municipalités pour qu’elles apportent leur point de vue. Le transfert aux municipalités des poursuites intentées en vertu de la Loi et de l’administration des tribunaux impose qu’elles disposent d’une voix importante dans l’élaboration d’un nouveau code de procédure. 

Selon nous, il est préférable qu’après consultation avec le Comité des règles en matière criminelle, les juges en chef d’autres degrés de juridiction et les municipalités qui assument désormais l’administration des tribunaux pour les affaires liées à la Loi, le procureur général et le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario, conviennent ensemble de la façon d’établir un nouveau code de procédure mis à jour pour la Loi et s’accordent sur les personnes qui en seront en charge.

 

La CDO formule les recommandations suivantes : 

10. Après consultation avec le Comité des règles en matière criminelle, les juges en chef d’autres degrés de juridiction et les municipalités qui assument désormais l’administration des tribunaux pour les affaires relevant de la Loi, le procureur général et le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario, devraient convenir ensemble de la façon d’établir le nouveau code de procédure mis à jour pour la Loi et s’accorder sur les personnes qui en seront en charge.

11. Il conviendrait de modifier le paragraphe 70(2) de la Loi sur les tribunaux judiciaires en conséquence, afin que le Comité des règles en matière criminelle n’ait plus autorité pour créer les règles associées à la Loi et afin de déterminer le nouvel organe ou l’entité responsable de l’élaboration du nouveau code de procédure mis à jour pour la Loi.

 
 

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