A.                Dispositions de la Loi sur les infractions provinciales relatives à la détermination de la peine

Durant nos consultations, il a été proposé de réformer deux domaines concernant la détermination de la peine : il s’agit de savoir si premièrement la Loi devrait comporter une disposition énonçant l’objectif ou les principes de la détermination des peines, et deuxièmement, si l’éventail des choix qui s’offrent au juge en matière de détermination de la peine devrait être étendu. Nous commençons par un aperçu des dispositions actuelles de la partie IV de la Loi relatives à la détermination de la peine avant d’analyser ces deux enjeux au regard de la pyramide réglementaire abordée dans le chapitre III.                                                                                                                  
Aux termes de la Loi, toute personne condamnée dans le cadre d’une instance introduite aux termes de la partie I est punissable d’une amende d’au plus 1 000 $[369]. Pour les infractions de la partie III, l’amende maximum est de 5 000 $ à moins de disposition contraire contenue dans une loi[370]. Certains pouvoirs en matière de détermination de la peine sont limités aux instances introduites aux termes de la partie III, comme le pouvoir d’ordonner la préparation d’un rapport présentenciel[371] et celui d’ordonner que le défendeur se conforme aux conditions prescrites dans une ordonnance de probation[372]. La Loi ne comporte pas de pouvoir général permettant de condamner une personne à une peine d’emprisonnement; un tel pouvoir doit exister dans la loi instituant l’infraction. La Loi crée toutefois plusieurs infractions procédurales pour lesquelles une peine d’emprisonnement peut être prononcée (p. ex. l’outrage est punissable d’une amende d’au plus 1 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement d’au plus trente jours[373]). Lorsqu’une loi autorise le prononcé d’une peine d’emprisonnement, le juge peut tenir compte de la période que la personne condamnée a déjà passée sous garde[374] et envisager une peine d’amende à la place de la peine d’emprisonnement[375].

Le défendeur qui est déclaré coupable est tenu de verser au tribunal, à titre de dépens, le montant fixé par les règlements[376], et doit payer une suramende lorsque l’instance est introduite en vertu de la partie I ou III et qu’une amende est imposée à l’égard de l’infraction[377].  

Une amende est exigible quinze jours après avoir été imposée[378]. S’il y a défaut de paiement d’une amende, celle-ci peut être mise à exécution au moyen d’un jugement civil en déposant un certificat auprès de la Cour des petites créances ou de la Cour supérieure de justice. Aux fins d’exécution, le certificat est réputé, dès son dépôt, être une ordonnance de ce tribunal[379]. Le juge dispose d’autres outils d’exécution de la peine d’amende : ordonner la suspension d’un permis, d’une licence, d’un enregistrement ou d’un privilège dont la suspension est autorisée en vertu d’une loi ou refuser leur renouvellement[380]. La Loi prévoit d’autres outils d’exécution, mais comme on l’a indiqué précédemment, ces outils ne sont pas réellement en vigueur puisque d’après l’article 165(3) de la Loi, les dispositions ne sont pas applicables aux municipalités qui ont conclu des ententes de transfert avec le procureur général. Ces outils incluent la possibilité pour un juge de décerner un mandat d’arrêt contre la personne en défaut et lorsque d’autres méthodes de recouvrement de l’amende ont été employées sans succès[381], et la possibilité pour un juge de prononcer une peine d’emprisonnement pour défaut de paiement de l’amende si l’emprisonnement de la personne ne serait pas contraire à l’intérêt public[382]. En outre, d’après une décision de la Cour suprême du Canada, l’incapacité réelle de payer une amende n’est pas un motif valable d’emprisonnement[383]. Lorsqu’une personne n’est pas en mesure de payer une amende, un juge peut accorder une prorogation du délai, établir un échéancier de paiements, ou dans des circonstances exceptionnelles, réduire le montant de l’amende[384].

Un programme de règlement optionnel des amendes, autorisé par la Loi et établi par règlement, permet le paiement des amendes au moyen de crédits accordés pour le travail exécuté[385], même si aucun programme de ce genre n’est actuellement en vigueur.  

 

B.             Objectifs et principes en matière de détermination de la peine

1.     Problèmes causés par l’absence d’énoncé d’objectif ou de principes en matière de détermination de la peine

La Loi ne comporte pas d’énoncé d’objectif ou de principes en matière de détermination de la peine. Le juge été contraint de combler le vide grâce à la jurisprudence. Cette approche a été critiquée car le pouvoir judiciaire a été amené à prendre des décisions d’ordre politique à propos des priorités en matière de détermination de la peine, domaine pourtant davantage du ressort du pouvoir législatif. De même, plusieurs affaires présentant des faits similaires ont débouché sur des peines tout à fait différentes, ce qui rend difficile toute rationalisation. Plusieurs chercheurs ont appelé de leurs vœux l’établissement de lignes directrices claires afin de favoriser une certaine uniformité dans la détermination de la peine et d’aider le juge à promouvoir les objectifs des lois instituant les infractions. En revanche, le Code criminel énonce expressément l’objectif et les principes en matière de détermination de la peine applicable aux affaires criminelles[386] de même que la loi de la Colombie-Britannique intitulée Public Health Act[387], qui comporte également un énoncé des principes de détermination de la peine infligée dans le cas des infractions qu’elle vise. La Loi sur la protection de l’environnement de l’Ontario énonce des circonstances aggravantes à envisager au moment de déterminer la peine à infliger aux contrevenants à la législation sur la protection de l’environnement[388] mais elle ne comporte pas de déclaration péremptoire à propos des objectifs et des principes applicables en matière de détermination de la peine. C’est la raison pour laquelle Todd Archibald, Kenneth Jull et Kent Roach en concluent qu’en Ontario, les dispositions relatives à la détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires « constituent un patchwork nécessitant une réforme »[389]. (Traduction libre)

Au fil des années, les tribunaux ont établi une longue liste de principes applicables aux infractions réglementaires. Ils ont défini et utilisé pas moins de 23 principes, y compris la nature de l’infraction, la taille, la quantité et la nature des activités du défendeur ainsi que leur utilité sociale[390]. Ce « catalogue » sert de guide pour les tribunaux mais il n’est pas pleinement satisfaisant[391]. Par exemple, les rapports qu’entretiennent ces principes entre eux ne sont pas évidents et on ignore s’ils doivent être considérés comme des circonstances aggravantes ou atténuantes, de même que leur ordre de priorité[392]. En outre, si le concept de catalogue a été élaboré par les tribunaux de première instance, la Cour d’appel de l’Ontario a rendu peu de décisions de nature à guider les tribunaux inférieurs en matière de détermination de la peine. L’absence de jurisprudence abondante dans le domaine de la détermination de la peine s’explique notamment par les critères stricts qui doivent être réunis pour pouvoir faire appel d’une décision devant la Cour d’appel[393].

La principale décision de la Cour d’appel traitant de la détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires est R. c. Cotton Felts Ltd[394]. Dans cette affaire, un employé nettoyait une machine roulante lorsque son bras a été aspiré dans les rouleaux de la machine et broyé. Son bras a dû être amputé jusqu’au coude. Un règlement pris en application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail prévoit qu’une machine doit être nettoyée uniquement lorsque le mouvement susceptible de mettre en danger la sécurité du travailleur est arrêté. Le défendeur a été condamné à une peine d’amende de 12 000 $, dont il a fait appel. La Cour d’appel a indiqué que les amendes sont généralement utilisées pour faire appliquer les dispositions réglementaires et que le principal élément déterminant pour la fixation du montant est la dissuasion :

Dans une large mesure l’application de tels textes [réglementaires] passe par l’imposition d’amendes aux entreprises contrevenantes. Le montant de l’amende sera déterminé par un ensemble complexe de considérations, notamment la taille de la compagnie impliquée, la portée de l’activité économique concernée, l’ampleur du préjudice réel et éventuel pour le public, et la sanction maximale prescrite par la loi. Par-dessus tout, le montant de l’amende sera déterminé par la nécessité d’appliquer les normes de réglementation par la dissuasion[395]. (C’est nous qui soulignons) (Traduction libre)

La Cour a ensuite déclaré que si l’amende ne devrait pas être sévère, elle ne devrait toutefois « pas être perçue comme une simple autorisation d’exercer une activité illégale »[396]. La Cour d’appel n’a pas rendu de décision de portée générale dans le domaine de la détermination de la peine comme celle de l’affaire Cotton Felts dans les 25 années qui ont suivi[397].

Ce que nombre de chercheurs contestent à propos de l’affaire Cotton Felts, c’est le recours aux amendes comme sanction prédominante avec la dissuasion comme principe suprême pour la détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires. Ils estiment que d’autres principes, tels que la réparation et la réadaptation, jouent un rôle équivalent, voire plus important, en matière de détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires[398]. Ils souhaitent également que l’on ait recours à d’autres outils que les seules peines d’amende pour mettre en œuvre cette vaste gamme de principes en matière de détermination de la peine[399]. Nous abordons ci-après les principes en matière de détermination de la peine et les autres possibilités qui devraient être envisagées pour permettre aux tribunaux de contribuer à la promotion des objectifs de la réglementation.

 

2.     Absence d’uniformité dans les peines prononcées

M. Libman, dans son rapport de recherche rédigé pour la CDO dans le cadre de ce projet, avance que la jurisprudence Cotton Felts donne peu d’indications et que, par conséquent, une grande partie des peines prononcées sont difficiles à expliquer. Il s’interroge également sur l’usage des amendes et l’absence d’autres sanctions visant à réparer le préjudice ou à réhabiliter l’auteur de l’infraction afin de promouvoir la conformité future à la disposition réglementaire. Pour illustrer ce point, M. Libman étudie plusieurs décisions rendues par des juridictions en Ontario ou dans d’autres provinces; nous évoquons certaines de ces décisions ci-après[400].

Tout d’abord, en matière de sécurité sur le lieu de travail, M. Libman fait référence à la décision R. c. Ellis-Don dans laquelle la Cour de district de l’Ontario a réduit l’amende imposée par un tribunal inférieur, en application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, de 20 000 $ à 10 000 $[401]. Un travailleur était décédé après avoir fait une chute depuis une gaine d’ascenseur. En appel, la majorité des juges la Cour d’appel n’avaient pas eu à traiter la question de la peine puisqu’ils avaient ordonné la tenue d’un nouveau procès en raison d’un problème de constitutionnalité, mais le juge dissident aurait confirmé l’amende de 10 000 $[402]. Ce qui signifie que l’amende aurait été inférieure à celle prononcée dans l’affaire Cotton Felts, alors que dans l’affaire Ellis-Don, une personne était décédée et que le défendeur était une grande entreprise[403]. Dans une autre affaire, un employé avait été victime de brûlures mineures et d’autres travailleurs avaient ressenti l’impact après que le bras d’une excavatrice fut entré en contact avec des conducteurs sous tension. La Cour d’appel avait approuvé les amendes prononcées contre une petite entreprise familiale pour un total de 35 000 $, soit une somme beaucoup plus élevée que les amendes infligées dans les affaires Cotton Felts ou Ellis-Don alors que les blessures étaient bien moins graves que dans ces deux autres affaires[404].

Même dans des affaires avec des faits similaires, les différents paliers de juridiction ont de la difficulté à déterminer le montant adéquat de l’amende. Dans R. c. Inco Ltd., le défendeur était une grande entreprise minière finalement condamnée pour ne pas avoir maintenu son équipement en bon état et pour ne pas avoir prévu de grille de protection pour protéger les travailleurs contre une pièce d’équipement mobile. Cette défaillance avait entraîné le décès d’un employé. Le juge de première instance avait condamné l’entreprise à une peine d’amende de 250 000 $ par chef d’accusation pour trois chefs d’accusation[405]. La Cour supérieure de justice avait infirmé l’une des condamnations et réduit la peine pour les autres chefs d’accusation à 125 000 $ par chef d’accusation après avoir réexaminé l’évaluation réalisée par le juge de première instance des deux facteurs applicables à la détermination de la peine[406]. La Cour d’appel avait ensuite rétabli l’amende de 250 000 $ pour les deux chefs d’accusation restants[407]. M. Libman relève des disparités similaires dans le montant des amendes dans des décisions rendues en Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve[408].

Les peines prononcées dans les affaires de protection du consommateur peuvent être tout aussi difficiles à expliquer. M. Libman cite l’affaire R. c. Browning Arms Co. of Canada dans laquelle le juge d’instance avait prononcé une peine de 15 000 $ par chef d’accusation pour quatre chefs d’accusation de « prix imposé », pour un total de 60 000 $. Le tribunal avait fait observer qu’il était nécessaire d’infliger une amende totale élevée pour que la décision ne passe pas pour une « autorisation pure et simple de continuer »[409]. La Cour d’appel n’était pas d’accord et avait prononcé une amende de 2 500 $ par chef d’accusation, pour un total de 10 000 $[410]. Le résultat était que le montant total de l’amende pour les quatre chefs d’accusation était inférieur de 5 000 $ à ce que le juge de première instance aurait ordonné pour chaque chef d’accusation pris individuellement. L’affaire R. c. Epson (Canada) Ltd. est un autre exemple. Le juge de première instance avait infligé à l’entreprise une amende de 200 000 $ pour avoir tenté de gonfler les prix au moyen desquels les distributeurs faisaient la promotion des produits du défendeur, mais la Cour d’appel avait trouvé l’amende disproportionnée et l’avait ramenée à 100 000 $[411]. Et dans l’affaire R. c. Total Ford Sales Ltd., la Cour de district de l’Ontario avait infirmé les amendes prononcées par le juge d’une cour provinciale totalisant 66 000 $ et les avaient remplacées par des amendes totalisant 19 600 $ en se basant sur le fait que le juge de première instance n’avait pas appliqué correctement certains facteurs de détermination de la peine[412]. Là encore l’écart entre les amendes prononcées pour des faits similaires montre bien la nécessité de mieux guider les tribunaux dans la détermination de la peine. 

Le troisième domaine examiné par M. Libman est celui des infractions à la législation sur la protection de l’environnement. Même si les outils de détermination de la peine autres que les amendes sont davantage susceptibles d’être utilisés dans le cas des infractions à la législation sur la protection de l’environnement, les écarts dans les peines prononcées sont considérables. Dans l’affaire R. c. Bata Industries Ltd., la Cour provinciale infligeait une sanction totale de 120 000 $ pour déversement illégal de déchets toxiques et une ordonnance de probation de deux ans. La moitié de la sanction était une amende et les 60 000 $ restants étaient infligés sous forme d’obligation de financer les frais de démarrage d’un programme local conçu pour nettoyer les déchets toxiques ménagers, ce qui constituait une condition de l’ordonnance de probation. Outre les amendes infligées à l’entreprise Bata, deux directeurs de l’entreprise ont été condamnés chacun à une amende de 12 000 $[413]. En appel, la Cour de district a réduit la sanction totale à 90 000 $, soit 60 000 $ d’amende versés au profit du Trésor du gouvernement et seulement 30 000 $ versés au programme local de nettoyage des déchets toxiques. Par ailleurs, les amendes personnelles infligées aux directeurs ont été réduites à 6 000 $ chacun[414].

De toute évidence, les circonstances particulières d’une affaire donnée donneront lieu à des peines différentes, et il faut donc toujours s’attendre à certaines disparités. Cependant, pour être légitime, la détermination de la peine doit se fonder « sur une démarche cohérente et fondée sur des principes, qui aligne cet aspect du processus de réglementation sur ses objectifs sous-jacents »[415]. (Traduction libre) On pourra s’attendre à des peines plus fondées et faciles à défendre si les objectifs de la détermination de la peine et les priorités à considérer sont fermement établis et ne sont pas laissés à l’entière discrétion du pouvoir judiciaire. En outre, c’est davantage au pouvoir législatif que revient la tâche de fournir aux tribunaux les outils dont ils ont besoin pour atteindre les objectifs visés par les règlements. Comme le fait remarquer M. Libman :

« …on ne peut pas à proprement parler de « chaos » pour désigner l’état de la détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires au Canada, mais de toute évidence, les décisions des tribunaux ne sont pas uniformes, de même qu’il n’y a aucune cohérence dans l’application des objectifs et des principes de détermination de la peine s’agissant de ces infractions. Ceci dit, on se demande comment il pourrait en être autrement, étant donné l’absence de fondement législatif ou de principe directeur dans les dispositions relatives à la détermination de la peine pour la plupart des infractions réglementaires[416]. (Traduction libre)

D’autres chercheurs ont également fait valoir qu’une plus grande uniformité dans la détermination de la peine est nécessaire et que la législation peut jouer un rôle en fournissant une approche fondée sur des principes et uniforme[417]. Il importe tout particulièrement que la législation fasse en sorte que la détermination de la peine s’aligne avec les objectifs visés par les règlements. Comme l’indique une auteure :

De toute évidence, il faut s’attendre à certaines disparités. L’équité commande que les tribunaux adaptent leurs peines aux circonstances de chaque délinquant et de chaque infraction. Toutefois, pour être légitime, la détermination de la peine doit se fonder sur une démarche cohérente et fondée sur des principes, qui aligne cet aspect du processus de réglementation sur ses objectifs sous-jacents. Ces objectifs peuvent généralement être classés comme suit : prévention ou limitation du préjudice, amélioration de l’efficacité administrative et atteinte d’un objectif particulier qui sert l’intérêt du public[418]. (Traduction libre)  

 

 

3.     Élaboration d’objectifs et de principes en matière de détermination de la peine dans d’autres compétences

Les objectifs et principes en matière de détermination de la peine adoptés dans d’autres contextes fournissent une base qui permet de se demander si des réformes similaires devraient être entreprises s’agissant de la Loi. Diverses études réalisées par la Commission de réforme du droit du Canada, des comités permanents du Parlement, la Commission canadienne sur la détermination de la peine et le gouvernement du Canada ont chacune conclu à la nécessité de dégager des principes dans le Code criminel. Le Comité permanent de la justice et du solliciteur général a procédé à un examen de la détermination de la peine et des mesures de mise en liberté conditionnelle et, dans son rapport de 1988, a formulé les commentaires suivants à propos des disparités observées dans le contexte pénal :

Les recherches en matière de disparité des peines laissent entendre que c’est la confusion entourant le but de la détermination de la peine qui est la raison la plus souvent invoquée pour expliquer cette situation. À l’heure actuelle, les lois n’énoncent pas l’objet de la détermination de la peine. Le manque d’uniformité dans la jurisprudence semble provenir du fait qu’il est souvent impossible de combiner des éléments comme la protection de la société, la punition, la dénonciation et la dissuasion; ces éléments sont souvent contradictoires et incompatibles. Il convient donc de s’entendre sur une finalité de la détermination de la peine qui puisse orienter la magistrature et éclairer les citoyens[419]. (Traduction libre)

Ce mouvement réformateur a finalement débouché sur le dépôt du projet de loi C-41[420] qui a donné lieu à « une réforme globale du processus de détermination de la peine »[421]. Le Code criminel contient donc désormais un énoncé d’objectifs et de principes en matière de détermination de la peine[422]. 
 

Objectif

718  Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

a) dénoncer le comportement illégal;

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

Principe fondamental

718.1  La peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

 

Principes de détermination de la peine

718.2  Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant :

(i) que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique ou l’orientation sexuelle,

(ii) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement de son époux ou conjoint de fait,

(ii.1) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans,

(iii) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d’autorité à son égard,

(iv) que l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle,

(v) que l’infraction perpétrée par le délinquant est une infraction de terrorisme;

b) l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

c) l’obligation d’éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives;

d) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;

e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Les dispositions du Code criminel n’établissent pas de hiérarchie des objectifs ou des principes, et n’indiquent pas non plus au pouvoir judiciaire comment les appliquer, ce qui a donné lieu à de vives critiques[423]. En dépit de ces difficultés, d’aucuns ont déclaré que les dispositions du Code criminel étaient préférables à l’absence d’objectifs et de principes et qu’elles permettaient de mettre un peu d’ordre dans le domaine de la détermination de la peine[424].

La loi de la Colombie-Britannique intitulée Public Health Act[425] est un autre exemple de texte législatif qui comporte un énoncé des objectifs et principes de détermination de la peine. Contrairement au Code criminel, cette loi établit une priorité dans les principes et exige des peines qui soient, premièrement, réparatrices dans les cas où il y a eu un préjudice; deuxièmement, conçues pour favoriser la réadaptation lorsque l’on s’attend à ce que l’auteur de l’infraction poursuive son activité réglementée; troisièmement, dissuasives lorsque la peine applicable conformément aux priorités précédentes est insuffisante et qu’une autre sanction peut être justifiée pour dissuader d’autres personnes; et quatrièmement, punitives si l’infraction était délibérée ou que d’autres circonstances aggravantes justifient la sanction. Les articles pertinents sont abordés plus en détail ci-après. 

 

4.     Introduction d’objectifs et de principes en matière de détermination de la peine dans la Loi sur les infractions provinciales

Comme avec les résultats de la recherche sur les disparités en matière de détermination de la peine sous l’empire du Code criminel, il semble qu’il existe des variations infondées dans les peines prononcées en vertu de la Loi. Le patchwork de dispositions législatives et la jurisprudence limitée de la Cour d’appel n’ont pas permis de combler les lacunes législatives. L’argumentation du Comité permanent en faveur d’un consensus sur une justification de la détermination de la peine dans le contexte pénal est tout aussi valable pour le contexte réglementaire. La détermination de la peine devrait avoir une base fondée sur des principes pour promouvoir au mieux les objectifs visés par les règlements et un énoncé des principes dans la Loi est de nature à promouvoir cela. 

Plutôt que de simplement adopter les principes du Code criminel en matière de détermination de la peine, il convient d’accorder une attention particulière à la distinction entre les infractions pénales et les infractions réglementaires, et tout particulièrement, au « cycle réglementaire » évoqué précédemment[426]. Pour dire les choses simplement, il s’agit du cycle dans lequel une partie assujettie à la réglementation se livrera à une activité réglementée, où un manquement à une norme de réglementation sera détecté et résolu (p. ex. au moyen d’une lettre d’avertissement, d’une sanction administrative pécuniaire, ou de poursuites avec condamnation à une amende), à la suite de quoi la partie assujettie à la réglementation reprendra en général son activité réglementée. Les entreprises ou les particuliers continueront à transporter des déchets, à conduire leur véhicule, à exploiter une usine de fabrication ou à répandre des biosolides dans une ferme. En effet, il est dans l’intérêt de la société que la personne condamnée poursuive son activité réglementée, mais qu’elle le fasse dans le respect de la réglementation, plutôt qu’elle soit contrainte de cesser de l’exercer.  

Lorsqu’une infraction provinciale a été commise, le tribunal devrait reconnaître le cycle réglementaire. Il doit regarder « non seulement en arrière pour observer la conduite qui a débouché sur le manquement, mais aussi vers l’avant, dès lors que le défendeur continuera souvent de se livrer à l’activité réglementée après l’imposition de la sanction[427]. (Traduction libre) Par conséquent, lorsque le tribunal se prononce sur la peine, il devrait se demander quelle réponse est la plus à même de favoriser le respect de la norme dans le futur, « ce qui est très différent du contexte pénal dans lequel les défendeurs sont punis pour leur comportement fautif antisocial ou immoral »[428]. C’est là la distinction fondamentale entre la détermination de la peine dans les affaires pénales et les infractions réglementaires et il doit en être tenu compte pour élaborer des principes de détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires et pour envisager la corrélation existant entre ces principes[429].

Pour bien comprendre le cycle réglementaire et ses implications dans le domaine de la détermination de la peine, il est nécessaire de se pencher sur les tendances en matière d’application des règlements. Les normes de réglementation tendent à ne plus être basées sur des modèles[430]. Les règlements basés sur des modèles précisent la façon dont un acte doit être accompli et sont clairs et directs (p. ex. l’exploitant doit poser un absorbeur n° 2 sur chaque cheminée)[431]. On leur a toutefois reproché de ne pas s’adapter facilement à l’évolution de la technologie et des compétences, au détriment de l’efficacité et de l’innovation[432]. Un règlement trop restrictif ou rigide est susceptible d’affecter indument le fonctionnement efficace des activités. On peut lire dans un rapport consacré au secteur financier que de telles normes prescriptives ne répondent pas suffisamment rapidement aux changements intervenant sur le marché, constituent un fardeau pour l’industrie et ne permettent pas de prévenir les actes répréhensibles[433].

Les stratégies plus récentes de réglementation produisent des règlements basés sur les résultats, le rendement ou les principes. Ces types de règlements se distinguent comme suit[434] :

1.         Les règlements « basés sur les résultats » quantifient le résultat à atteindre (p. ex. l’exploitant doit faire en sorte que les émissions d’une cheminée contiennent moins de x parties par million d’oxyde nitreux).

2.         Les règlements « basés sur le rendement » ne quantifient pas le résultat à atteindre (p. ex. l’exploitant doit faire en sorte que la teneur en oxyde nitreux des émissions ne soit pas nuisible pour l’environnement).

3.         Les règlements « basés sur les principes » fixent des normes de comportement (p. ex. l’exploitant doit disposer des cadavres d’animaux d’une manière écologique).

Ces stratégies sont plus souples sur le plan opérationnel pour les personnes assujetties à la réglementation, mais les deux dernières laissent également plus de place à l’incertitude quant aux obligations. L’obligation de disposer d’un épurateur donné est moins souple, mais elle est également plus claire que celle de faire en sorte que l’exploitation fonctionne de manière écologique. Lorsqu’une norme de réglementation incertaine donne lieu à des poursuites, le tribunal appelé à se prononcer sur la peine doit tenir compte de l’absence de certitude de la norme; il doit par ailleurs se demander si la peine peut être utilisée pour aider le défendeur à déterminer ce qu’exige la norme et comment la peine aidera à observer les normes à l’avenir[435].

Cette nouvelle tendance s’est accompagnée d’une démarche d’exécution moins accusatoire[436] et d’un recours accru aux outils d’exécution indiqués au bas de la pyramide réglementaire abordée dans le chapitre III. Les lettres d’avertissement, la formation et les tentatives de persuasion par l’organisme de réglementation devraient être utilisées avant que ne soient invoquées les approches placées au sommet de la pyramide, telles que les enquêtes, les poursuites et la suspension de permis. Lorsque le tribunal prononce une peine, il devrait tenir compte des tentatives d’observation antérieures et de la réponse du défendeur à ces tentatives. Le tribunal doit également tenir compte de l’effet de la peine sur les rapports futurs entre l’organisme de réglementation et la personne concernée. Selon toute vraisemblance, l’organisme de réglementation et la partie assujettie à la réglementation continueront de traiter l’un avec l’autre et le tribunal doit se demander si la peine pourrait en fait être utilisée pour favoriser une application collaborative à l’avenir[437]. M. Libman résume ces considérations de la façon suivante :

Pour dire les choses autrement, tenir compte de la relation antérieure entre la partie assujettie à la réglementation et l’organisme de réglementation, des répercussions de la peine infligée par le tribunal sur l’aptitude des parties à aller de l’avant et à instaurer de nouveau une relation de travail non conflictuelle et collaborative[438]. (Traduction libre)

Après avoir considéré les nouvelles stratégies de réglementation, Sherie Verhulst estime que le tribunal chargé de déterminer la peine applicable dans le cas d’une infraction prévue par la loi de la Colombie-Britannique intitulée Offence Act[439], l’équivalent de la Loi sur les infractions provinciales en Ontario, devrait passer par les cinq étapes suivantes :

1.         encourager la présentation de positions communes sur les facteurs aggravants ou atténuants et la peine à infliger (« présentation de positions communes »);

2.         dans la mesure du possible et du raisonnable, infliger une peine qui remédie à la violation (p. ex. indemnisation, probation, ordonnances communautaires) (« réparation »);

3.         s’il est probable que le délinquant continuera de se livrer à l’activité réglementée après l’imposition de la peine, mais que son comportement doit changer pour éviter des violations futures, infliger une peine qui favorise les changements nécessaires à la prévention de violations futures (p. ex. probation, service communautaire) (« réadaptation »);

4.         infliger une peine qui favorisera le changement du comportement de tiers, mais seulement si le tribunal est convaincu que cela va dans le sens d’un objectif de la réglementation et lorsque les sanctions axées sur la réparation et la réadaptation sont insuffisantes étant donné les circonstances de l’affaire (p. ex. service communautaire, amendes) (« dissuasion »);

5.         si les circonstances aggravantes le justifient, infliger une peine qui sanctionne et punit le comportement du délinquant (p. ex. ordonnances de publication, ordonnance de cessation des activités de façon temporaire ou permanente) (« punition »)[440].

L’approche de Sherie Verhulst envisage une hiérarchie claire des principes dont le tribunal doit tenir compte aux fins de détermination de la peine[441]. Cette hiérarchie a été considérée comme une amélioration par rapport à l’approche du Code criminel, lequel n’établit aucune priorité et fournit peu d’indications sur la façon d’appliquer ses principes et objectifs en matière de détermination de la peine[442]. Cette approche donne aux tribunaux des indications claires et utiles de façon à ce que le processus de détermination de la peine soit plus cohérent et plus fondé, en particulier lorsque le juge est confronté à des principes de détermination de la peine divergents. 

La CDO approuve la hiérarchie de principes de détermination de la peine proposée par Sherie Verhulst. M. Libman fait remarquer que chaque étape individuelle est bien ancrée dans la jurisprudence concernant les infractions réglementaires. Les principes de dissuasion et de dénonciation sont considérés comme des principes de détermination de la peine traditionnels conformes à la jurisprudence Cotton Felts, mais désormais les principes de réparation et de réadaptation sont expressément inscrits et ils prennent le pas sur la dissuasion. Cette approche s’inscrit dans une vision contemporaine du droit réglementaire qui envisage la persuasion comme un facteur de motivation plus fort que la punition et dans un système d’exécution des peines qui est souple et susceptible de s’adapter aux stratégies de réglementation plus récentes.

Mme Verhulst et M. Libman proposent des arguments convaincants pour chacune des étapes. Le premier consiste en l’encouragement de la présentation de positions communes par le procureur et la défense mettant en évidence les facteurs aggravants ou atténuants ainsi que la sanction qui devrait selon eux être infligée par le tribunal. Pour les affaires complexes qui mettent en cause un règlement basé sur le rendement ou basé sur les principes, cette première étape pourrait s’avérer extrêmement utile. L’organisme de réglementation et les personnes assujetties à la réglementation, dotés chacun de connaissances que ne possède pas nécessairement le tribunal, peuvent proposer une peine qui favorisera les objectifs du règlement et qui peut être choisie en fonction de la capacité de la personne assujettie à la réglementation à se conformer aux conditions de la peine. On peut alors envisager des peines plus créatives de nature à favoriser un meilleur respect de la réglementation à l’avenir. En outre, des peines approuvées par les parties concernées favorisent une meilleure compréhension des positions de chacune d’elles, ce qui va dans le sens d’une coopération accrue pour l’avenir[443]. Le recours à une présentation de positions communes au lieu d’une punition purement imposée par le tribunal peut également favoriser le respect futur de la réglementation. Comme l’indiquent Ian Ayres et John Braithwaite :

Lorsque la punition est placée au premier plan des mesures réglementaires plutôt que le dialogue, la psychologie humaine veut que les personnes concernées trouvent la mesure humiliante, éprouvent du ressentiment et fassent preuve de résistance notamment en abandonnant l’autoréglementation[444]. (Traduction libre)

La présentation de positions communes sur les facteurs aggravants ou atténuants et la peine à infliger peut s’avérer très utile, mais pas nécessairement pratique dans tous les cas visés par la Loi. Premièrement, nombre de parties comparaissant devant le tribunal, en particulier pour des infractions mineures à la Loi, n’auront pas de formation juridique ou assureront elles-mêmes leur représentation; il se peut donc qu’elles ignorent les facteurs aggravants ou atténuants ou l’éventail de peines adaptées. Deuxièmement, même en cas de transaction, bien souvent les parties ne seront pas en mesure de se mettre d’accord sur d’éventuels facteurs aggravants ou atténuants et le tribunal devra déterminer si de tels facteurs existent. Pour ces raisons, nous pensons qu’une entente sur les facteurs aggravants ou atténuants ou sur la peine à infliger ne doit pas être une exigence dans tous les cas. Nous pensons plutôt que le tribunal devrait simplement être prêt à entendre toute entente sur ces questions éventuellement conclue par les parties. En cas de consensus autour de ces facteurs, celui-ci permettra de faire en sorte que toutes les considérations pertinentes pour la détermination de la peine soient présentées au tribunal, et supprimera la nécessité de résoudre des conflits factuels à propos de leur application. Lorsque les parties n’arriveront pas à s’entendre, le tribunal devra résoudre ces difficultés factuelles afin d’arriver à une base correcte sur laquelle il pourra s’appuyer pour prononcer la peine.   

Ensuite, les ordonnances qui visent à réparer le préjudice subi devraient être l’objectif premier de toute peine prononcée. Lorsqu’une personne se livre volontairement à une activité réglementée et que sa conduite illégale cause un préjudice, le bon sens et l’équité commandent que le préjudice soit réparé par la personne qui en est à l’origine. Les personnes assujetties à la réglementation devraient assumer la responsabilité de leurs actes au moyen de sanctions ayant un lien logique avec l’infraction[445]. La réparation est importante car elle vise à replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la violation de la règle et elle est conforme aux principes de justice réparatrice[446].

Des outils comme l’indemnisation, les ordonnances de probation et les services à la communauté peuvent être des outils bien plus efficaces que les amendes lorsqu’il s’agit de réparer le préjudice et les circonstances de l’espèce peuvent commander qu’ils soient préférés aux amendes. La détermination du montant approprié de l’amende est souvent une tâche difficile et parfois les amendes ne modifient pas directement le comportement du délinquant ou ne permettent pas d’atteindre les objectifs établis par la réglementation[447]. Les amendes peuvent être perçues comme étant un simple coût de fonctionnement des entreprises et, une fois encaissées dans les coffres de l’État, elles ne sont pas nécessairement allouées à la réparation du préjudice subi.

Le principe de réparation peut s’avérer plus difficile à mettre en œuvre lorsqu’il n’y a eu aucun préjudice réel et que c’est davantage l’atteinte d’un objectif particulier touchant à l’intérêt général qui est compromise. Néanmoins le tribunal reste capable de concevoir une peine visant la réparation dans de telles circonstances[448]. Par exemple, si un délinquant est responsable d’un déversement dans un lac mais qu’on ignore les effets néfastes immédiats, le tribunal peut exiger une étude à long terme des effets toxiques des matières déversées. De même, en l’absence de préjudice physique entraîné par des produits chimiques découverts dans une maison de soins infirmiers, le tribunal peut ordonner que le personnel soit mieux formé à l’utilisation de produits chimiques toxiques. Ces peines seraient plus utiles en ce qu’elles obligeraient le délinquant à s’intéresser directement à l’atteinte des objectifs de la réglementation. 

Après s’être intéressé à la réparation, le tribunal pourrait se pencher sur la réadaptation du délinquant. L’objectif du tribunal est de déterminer une peine qui encourage et aide le délinquant à se conformer aux normes de réglementation à l’avenir. Le principe de réadaptation est approprié lorsqu’il est probable que le délinquant continuera de se livrer à l’activité réglementée après l’infliction de la peine[449]. La société a souvent intérêt à ce que la personne poursuive son activité dans le respect de la réglementation plutôt qu’elle cesse purement et simplement son activité; par conséquent, les ordonnances de réadaptation sont préférables aux suspensions de permis ou aux amendes écrasantes. Dans le cas de la maison de soins infirmiers par exemple, il est préférable que ses portes restent ouvertes de façon sécuritaire pour ceux et celles qui ont besoin de services d’assistance et de logement, plutôt que de faire fermer l’établissement complètement.  

La recherche suggère que les organisations passent par trois étapes s’agissant de la conformité aux obligations réglementaires. Compte tenu de ces trois phases, les tribunaux devraient tenir compte de la situation particulière dans laquelle se trouve l’organisation au moment de déterminer des peines visant la réadaptation. Dans le cadre de la première étape, l’organisation s’engage à se conformer à la réglementation. Dans la deuxième phase, l’organisation doit apprendre comment se conformer à ladite réglementation. Dans la troisième phase, elle doit institutionnaliser la mise en conformité au moyen de procédures d’exploitation uniformisées, d’évaluations du rendement et d’une culture de l’organisation[450]. Donc, si l’organisation se trouvait dans la deuxième phase de conformité, le tribunal pourrait ordonner, comme condition de la probation, que certains employés suivent une formation pour apprendre comment  se conformer aux normes de réglementation. Si elle se trouvait dans la troisième phase, le tribunal pourrait exiger de l’entreprise qu’elle embauche un expert pour l’aider à mettre au point des procédures d’exploitation uniformisées conformes aux normes de réglementation. 

Si l’objectif est la réadaptation, la probation est préférable aux amendes. L’expérience suggère que si les amendes dissuadent certains types de comportement[451], elles ne changent pas les attitudes ou le comportement à long terme[452]. Nous discutons ci-après de la nécessité d’élargir les pouvoirs conférés par la Loi aux tribunaux afin de leur permettre d’imposer une probation car celle-ci peut jouer un rôle crucial dans la mise en œuvre du principe de réadaptation. D’autres outils comme un « vérificateur intégré » sont également de nature à favoriser l’objectif de réadaptation; nous abordons cet outil plus loin.

Les ordonnances de probation devraient être axées sur les facteurs comportementaux qui favorisent la conformité à la réglementation. Dans le Chapitre III, nous citions des auteurs qui suggèrent que les parties assujetties à la réglementation sont souvent disposées à observer les normes de réglementation, non pas par crainte d’une amende, mais en raison d’autres facteurs. Il peut s’agir du risque d’atteinte à la réputation, du désir de faire ce qu’il faut, de la volonté d’être fidèle à son image de citoyen respectueux des lois et d’assumer une certaine responsabilité sociale[453]. Ces facteurs de motivation devraient servir de points de départ pour des ordonnances de probation proportionnées et adaptées aux cas de manquement à des dispositions réglementaires qui favoriseront la conformité, plutôt que de déboucher sur une amende classique comme réponse première.

Quatrièmement, le tribunal devrait considérer le principe de dissuasion du public. Après avoir fait remarquer que la dissuasion du public avait été le principal objectif de la détermination de la peine dans le domaine des infractions réglementaires, Mme Verhulst affirme que ce principe ne devrait plus se trouver au premier plan et qu’il devrait laisser la place à d’autres principes de détermination de la peine pressants pour les motifs suivants :

(1)   compte tenu de la nécessité de tenir compte de l’effet de la totalité de la peine sur un délinquant, le fait de mettre l’accent sur la dissuasion laisse peu de place pour les mesures axées sur la réparation et la réadaptation, or, si l’on veut que les objectifs de la réglementation soient atteints, ces considérations devraient être prioritaires;

(2)   que ce soit dans le contexte du droit pénal ou dans celui du droit réglementaire, les études montrent que la dissuasion du public, et en particulier les sanctions très sévères à cette fin, ne réussit pas à faire changer les comportements à long terme;

(3)   il est injuste de punir une personne pour anticiper les éventuels manquements d’autres personnes;

(4)   le succès d’un règlement basé sur le rendement ou sur des principes, et de stratégies d’exécution moins accusatoires, repose sur le postulat selon lequel les personnes les plus assujetties à la réglementation font preuve dans une large mesure de bonne volonté et ne se contentent pas de répondre aux menaces de sanction formelle; l’infliction d’une sanction aux fins de dissuasion du public va à l’encontre de ce postulat[454]. (Traduction libre)

Une sanction basée sur la dissuasion du public ne devrait être imposée que si deux conditions sont réunies :  

Tout d’abord, si le tribunal a des raisons de croire que l’objectif de la sanction serait conforme à celui du règlement; deuxièmement, si la totalité de la peine ne serait pas disproportionnée au regard des sanctions déjà infligées au titre de la réparation et de la réadaptation[455]. (Traduction libre)

Cette approche est conforme à la pyramide réglementaire. Lorsque les sanctions au bas de l’échelle de la pyramide ont été tentées sans succès, ou lorsqu’une sanction moindre serait tout à fait inadaptée compte tenu des circonstances aggravantes d’un délinquant donné, une sanction plus sévère pourrait bien s’imposer. Une sanction basée sur la dissuasion du public pourrait être justifiée en cas, par exemple, de problème systémique au sein de l’industrie réglementée.

En termes de sévérité de la sanction, celle-ci doit signifier à la collectivité que le non-respect ne sera pas toléré. Nous préconisons d’élargir l’explication de la dissuasion du public donnée dans la jurisprudence Cotton Felts Ltd. pour inclure d’autres types de sanctions que les amendes, mais comme il a été dit dans cette affaire, la sanction infligée doit avertir le public que l’infraction ne sera pas tolérée sans pour autant être sévère. En revanche, la sanction ne doit pas être perçue comme de simples droits de licence[456]. Il convient de se demander si une amende est en fait la peine la plus appropriée dès lors qu’elle peut suggérer « que le délinquant se tire d’affaire à coup d’argent »[457]. Les ordonnances de probation ou les ordonnances de publication portant à la connaissance du public l’infraction commise par le délinquant, ainsi que la sanction, pourraient bien être des facteurs de motivation plus efficaces pour promouvoir l’observation de la règle.

Enfin, le tribunal ne devrait sanctionner pour dénoncer qu’en présence de facteurs aggravants suffisants. De façon unanime, les juges de la Cour suprême du Canada décrivaient comme suit l’objectif de dénonciation :

L’objectif de dénonciation requiert qu’une peine traduise également le fait que la société condamne la conduite d’un contrevenant particulier. Bref, une peine qui comporte un élément dénonciateur représente une déclaration collective symbolique à l’effet qu’on devrait châtier le comportement du contrevenant parce qu’il a enfreint le code des valeurs fondamentales de notre société telles qu’enchâssées dans les règles de fond de notre droit pénal[458].

Pour déterminer s’il existe des facteurs aggravants qui justifient une sanction contenant un élément dénonciateur, le tribunal devrait s’attacher davantage à la conduite du délinquant qu’à l’infraction elle-même. Les facteurs à considérer seraient alors la conduite délibérée ou imprudente (le fait d’ignorer les agents chargés de la réglementation par exemple), les manquements répétés à l’obligation d’agir avec la diligence requise, le point de savoir si le respect de la réglementation aurait pu être atteint à peu de frais ou facilement ou si le risque de préjudice était élevé. 

La dénonciation peut également s’avérer adaptée dans le cas d’une infraction ayant entraîné la mort ou des répercussions de grande envergure et à long terme. Cependant, le préjudice réel, tout en étant pertinent, ne devrait pas être une condition préalable pour le recours à une sanction contenant un élément dénonciateur. Par exemple, une personne qui met délibérément en danger la santé publique en dépit des avertissements répétés des agents chargés de la réglementation pourrait bien mériter une sanction exemplaire.

Mme Verhulst estime également que la dénonciation devrait être utilisée avec retenue de façon à laisser plus de place aux sanctions visant la réparation et la réadaptation. Un usage répandu de la dénonciation compromettrait les approches non accusatoires de l’exécution. Ceci s’explique par le fait que des réponses sévères des tribunaux, qui prononceraient par exemple des peines d’incarcération et de révocation de permis, rendraient les organismes de réglementation réticents à engager des poursuites, ce qui finalement compromettrait les approches non accusatoires qui reposent sur une menace crédible de sanctions plus sévères[459]. Ceci est tout à fait conforme aux études menées par Ian Ayres et John Braithwaite. Ces auteurs avaient en effet observé que les parties assujetties à la réglementation sont davantage disposées à collaborer avec les organismes de réglementation au bas de la pyramide; toutefois, en cas de non-conformité à la réglementation, la dénonciation par le recours au « gros bâton » doit toujours être un outil disponible[460].

La loi de la Colombie-Britannique intitulée Public Health Act adopte une approche proposée par Mme Verhulst et pourrait servir de modèle pour l’énoncé de nouveaux objectifs et principes de détermination de la peine dans la Loi sur les infractions provinciales. Les articles 105 et 106 sont traduits ci-dessous :  

 

Détermination de la peine

105  (1) Avant de prononcer une peine, le juge peut demander à l’auteur de l’infraction et au procureur d’établir une entente portant sur les éléments suivants :

(a) les circonstances qui devraient être considérées par le juge qui prononce la peine comme aggravant ou atténuant la gravité de l’infraction`;

(b) la sanction à infliger.

(2) Pour déterminer la peine appropriée, le juge doit tenir compte, conformément aux règlements, des circonstances qui aggravent ou atténuent l’infraction.

(3) Pour déterminer la peine appropriée, le juge doit :

a) tenir compte des objectifs de la détermination de la peine énoncés dans l’article 106 [objectifs de la peine];

b) pour concrétiser ces objectifs,

(i)  d’abord, envisager à titre de sanction, une ou plusieurs des ordonnances qui peuvent être prises en application de l’article 107 [autres sanctions];

(ii)  ensuite, déterminer s’il est également nécessaire de prononcer une peine d’amende ou d’emprisonnement en application de l’article 108 [amendes et emprisonnement].

 

Objectifs de la détermination de la peine

106  (1) Lorsqu’il prononce une peine, le juge peut infliger une ou plusieurs sanctions afin de satisfaire les objectifs énoncés ci-dessous dans l’ordre de priorité :

a) d’abord,

(i)  si un préjudice a été causé, réparer le préjudice ou indemniser la personne qui a réparé le préjudice ou en a été victime, y compris le gouvernement;

(ii)  si aucun préjudice n’a été causé, prendre acte du préjudice potentiel ou favoriser l’atteinte de l’objectif de la réglementation en soulignant la disposition qui a été enfreinte;

b) ensuite, si l’infraction a été commise dans le cadre d’une activité réglementée ou d’une autre activité que le délinquant continuera vraisemblablement d’exercer, permettre la réadaptation de l’auteur de l’infraction.

(2) En plus d’infliger une sanction en application du paragraphe (1), le juge qui prononce la peine peut infliger une ou plusieurs sanctions en application du paragraphe (3) ou (4), à moins que ce ne soit disproportionné par rapport à l’infraction compte tenu de la nature de l’infraction et du total des sanctions infligées en application de cet article.

(3) Le juge qui prononce la peine peut infliger une sanction dans un but de dissuasion du public s’il croit raisonnablement que la sanction supplémentaire aura un effet dissuasif, notamment :

a) parce que la sanction infligée en application du paragraphe (1) ne répond pas de façon adéquate aux circonstances entourant l’infraction, ou

b) parce que la nature de la sanction peut

(i)  soit aider d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation que le délinquant à éviter de commettre une infraction similaire;

(ii)  soit éduquer d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation que le délinquant sur la manière de respecter la gravité de l’infraction.

(4) Le juge qui prononce la peine peut infliger une sanction pour punir le délinquant si l’une ou l’autre des conditions suivantes sont satisfaites :

a) le délinquant a commis l’infraction en connaissance de cause ou délibérément, ou a fait preuve d’insouciance quant aux conséquences de l’infraction;

b) il existe des circonstances aggravantes suffisantes justifiant que le délinquant soit puni pour l’infraction commise. 

Pour les raisons énoncées ci-dessus, nous sommes persuadés qu’il est nécessaire d’adopter une nouvelle approche en matière de détermination de la peine, une approche qui serait d’application générale pour les infractions poursuivies en vertu de la Loi, sauf lorsque la loi qui crée l’infraction prévoit l’application de principes différents ou supplémentaires. Nous sommes conscients qu’une loi peut prescrire un ensemble différent de principes spécifiques en matière de détermination de la peine, et ce, afin de promouvoir les objectifs de la réglementation; ces principes doivent toujours avoir préséance sur les principes généraux prescrits en la matière par la Loi.

Les principes en matière de détermination de la peine proposés par Mme Verhulst, appuyés par M. Libman, et illustrés dans la loi de la Colombie-Britannique intitulée Public Health Act au sujet des objectifs de cette loi, pourraient servir de modèle de détermination de la peine pour les infractions réglementaires régies par la Loi. Nous recommandons qu’un modèle de ce type soit adopté. Comparé à l’actuel paradigme « dissuasion et amende » qui a prévalu dans le cadre de la Loi ces 25 dernières années au moins, le nouveau modèle proposé est réactif, souple et mieux adapté pour favoriser la conformité aux nouvelles stratégies de réglementation. Il serait d’application générale et particulièrement utile dans le cas des infractions pour lesquelles il n’existe aucun principe en matière de détermination de la peine, mais il serait assujetti à d’autres principes spécifiques et éventuellement différents énoncés expressément par la loi créant l’infraction. Les principes de détermination de la peine proposés fournissent des instructions claires permettant au pouvoir judiciaire de concevoir des peines adaptées aux différents types d’infractions et de délinquants, et permettant une meilleure rationalisation des peines par les cours d’appel et entre les différentes affaires présentant des faits similaires. 

Certains auteurs ont fait part de leur inquiétude à propos de la « rétrogradation » des amendes et du principe de dissuasion au sein de la hiérarchie des principes en matière de détermination de la peine. Les poursuivants en charge des infractions provinciales affirment que, selon leur expérience, les amendes constituent la « base » pour ce qui est de contrôler la conduite des parties assujetties à la réglementation. Ils n’approuveraient pas les études suggérant que des facteurs autres que les amendes motivent la conformité à la réglementation. Ils nous ont indiqué que les entreprises subissent les effets d’une amende substantielle et suivent de près la façon dont leurs concurrents sont condamnés sur le terrain des infractions provinciales. 

La peine d’amende en tant qu’outil de détermination de la peine restera disponible et devra continuer à être utilisée à des fins dissuasives lorsque les circonstances d’une espèce donnée montreront clairement que des peines visant la réparation ou la réadaptation ne permettraient pas de promouvoir efficacement l’atteinte des objectifs établis par la loi créant l’infraction. Les amendes salées autorisées par une loi resteraient disponibles et continueraient à être ordonnées si elles s’avéraient être le moyen le plus efficace de promouvoir la conformité. La seule différence avec l’introduction de principes en matière de détermination de la peine serait qu’un juge se tournerait d’abord vers les principes situés au premier rang dans la hiérarchie des principes. Il pourrait en résulter des peines coûteuses, affectant tout autant les profits nets et la compétitivité des entreprises qu’une peine d’amende, mais axées sur la réparation ou la réadaptation.     

 

On pense par exemple aux coûteuses opérations de dépollution ou aux ordonnances visant la modernisation ou l’amélioration de l’équipement pour le rendre conforme à des normes plus exigeantes en termes de sécurité et de protection de l’environnement. En outre, l’entreprise contrevenante pourrait être condamnée à payer une amende en plus de ces mesures visant la réparation ou la réadaptation. Tout ce que suppose la hiérarchie des principes, c’est que l’on envisage en premier lieu les principes de détermination de la peine axés sur la réparation et la réadaptation de façon à ce que les conséquences et les causes de la non-conformité puissent être traitées en premier, avant de se tourner vers la dissuasion; dans tous les cas, toute peine prononcée doit viser la conformité aux normes de réglementation.

Enfin, nous ne proposons pas que les parties soient obligées de présenter des positions communes sur les facteurs aggravants ou atténuants ou sur la peine recommandée. Nombre de plaideurs non représentés ne seront pas en mesure de s’entendre sur les facteurs aggravants ou atténuants ou sur une peine. Nous proposons simplement que les parties soient encouragées à le faire lorsque cela semble approprié et que le tribunal tienne compte de ces positions communes lorsqu’elles ont été présentées par les parties. Concrètement, il est probable que des positions communes ne soient jamais présentées dans le cas des infractions les plus courantes, même s’il pourrait y avoir des cas dans lesquels elles pourraient s’avérer intéressantes et utiles et que nous ne voulons pas écarter cette possibilité. En revanche les positions communes peuvent être extrêmement utiles pour la détermination de la peine dans le cas des infractions plus graves qui impliquent un préjudice grave pour des personnes physiques ou qui seraient susceptibles de justifier une peine de nature punitive. Par conséquent, selon nous, l’application de cette étape des nouveaux principes de détermination de la peine n’est pas particulièrement exigeante compte tenu de ses bienfaits potentiels.

 

5.     Application des principes en matière de détermination de la peine aux infractions de la partie I

La dernière question, et l’enjeu est complexe, consiste à déterminer si les nouveaux principes proposés en matière de détermination de la peine devraient s’appliquer à toutes les infractions poursuivies en vertu de la Loi ou seulement aux questions les plus graves désormais poursuivies en vertu de la partie III. Trois arguments principaux ont été avancés pour traiter les infractions de la partie I différemment et ne pas les assujettir aux principes proposés en matière de détermination de la peine. Ces arguments sont les suivants :

·         Proportionnalité – Maintien de la distinction entre les infractions de la partie I et celles de la partie III. Comme l’ont envisagé les rédacteurs initiaux de la Loi, un processus simplifié doit régir les infractions les moins graves. Ceci est conforme au concept de proportionnalité que nous avons défendu et il s’applique de la même manière au stade de la détermination de la peine. Dès lors que 80 % des infractions de la partie I sont des infractions au Code de la route qui sont réglées de façon efficace par des amendes (et par le système de points d’inaptitude), les principes de détermination de la peine et, en particulier, la nécessité d’envisager en premier lieu les concepts de réparation et de réadaptation ajouteront un niveau de complexité inutile à des affaires par ailleurs simples et ordinaires.  
·         Inefficacité dans la détermination de la peine : La considération des cinq étapes lors de chaque audience de détermination de la peine pour les infractions de la partie I pourrait être source d’inefficacité et paralyser inutilement l’administration de la justice, compte tenu, en particulier, du volume des infractions de la partie I jugées chaque année (1,9 million par an). Les principes en matière de détermination de la peine pourraient finir par être appliqués de façon rapide et courante, mais, pour les appliquer correctement, le juge en charge de la détermination de la peine est obligé de se familiariser avec les faits spécifiques de chaque affaire. Ceci risquerait de nuire inutilement à la bonne administration de la justice.

·         La majorité des infractions de la partie I découlent de règlements basés sur des modèles ou sur des résultats pour lesquels des ordonnances axées sur la réparation ou la réadaptation auraient peu d’utilité. La plupart des infractions de la partie I sont des infractions au Code de la route qui impliquent généralement la violation d’une norme précise et mesurable (p. ex. dépassement de la vitesse autorisée de 100 km/h, défaut de port de la ceinture, non-respect d’un panneau d’arrêt). On imagine difficilement des ordonnances visant la réparation du préjudice ou la réadaptation du délinquant pour ce type d’infractions mineures. Par ailleurs, les infractions de la partie III ayant entraîné des blessures sur le lieu de travail en raison d’une formation inadaptée aux règles de sécurité ou des déversements dans l’environnement en raison d’une planification inadaptée des mesures de précaution peuvent mettre en cause des normes de réglementation moins précises. C’est pour ce type d’infractions que les ordonnances visant la réparation d’un préjudice et la prévention de violations futures des normes de réglementation seraient les plus bénéfiques.

Voici les arguments en faveur de l’application des principes en matière de détermination de la peine à la fois aux infractions de la partie I et de la partie III :

·         Les ordonnances visant la réparation et la réadaptation seront plus efficaces si elles sont prises tôt dans le cas de certaines infractions de la partie I : Le tribunal ne devrait pas avoir à attendre que des accusations plus graves soient portées en application de la partie III et qu’un préjudice plus grave ait été causé avant de pouvoir imposer une sanction visant la réparation ou la réadaptation pour prévenir des violations futures. La poursuite des objectifs de la législation commande que des ordonnances visant la réparation et la réadaptation soient prises tôt. Par exemple, dans le cas d’un employeur condamné pour une infraction à la Loi sur la santé et la sécurité au travail qui a entraîné un préjudice mineur ou aucun préjudice pour les employés, il serait intéressant d’assortir la période de probation de conditions imposant à l’employeur de supprimer les risques professionnels de façon à ce que la probabilité d’un préjudice futur soit réduit ou supprimé. On ne favoriserait pas l’atteinte des objectifs de la législation en demandant au tribunal d’attendre qu’un préjudice plus grave ait été subi et qu’une condamnation en application de la partie III ait été déposée avant de pouvoir assortir la période de probation de conditions de nature à réduire ou à supprimer le risque.

·         Nécessité de peines adaptées à l’infraction et au délinquant dans le cas de certaines infractions de la partie I : Dans le cas de certaines infractions de la partie I, les circonstances de l’infraction ou la situation particulière du délinquant peuvent justifier le prononcé d’une peine allant au-delà de l’amende standard. Par exemple, une amende pourrait s’avérer ne pas être un moyen dissuasif efficace pour un conducteur ayant déjà été condamné à plusieurs reprises pour des infractions au Code de la route. Un délinquant peut voir son permis retiré parce qu’il a accumulé suffisamment de points de démérite du fait de condamnations précédentes. Cependant, il a besoin de son véhicule pour se rendre à son travail et son revenu est indispensable à l’entretien de sa famille. Le tribunal pourrait envisager une disposition innovante de façon à ce que le délinquant ne perde pas son permis mais qui serait de nature à favoriser la conformité aux objectifs de la législation (p. ex. condamnation pour une infraction moins grave assortie de la condition que le délinquant suive un cours de sécurité routière, ou qu’il ne puisse conduire que pour des trajets domicile-travail).

·         Nécessité de principes en matière de détermination de la peine pour les infractions de la partie I : Si les principes en matière de détermination de la peine ne s’appliquent pas également aux infractions de la partie I, il ne peut y avoir de principes applicables en la matière. La demande en faveur de principes pour les infractions de la partie I n’est pas moindre que celle relative aux infractions de la partie III. Comme M. Libman le fait remarquer : « Cela reviendrait à créer un vaste corpus d’infractions pour lesquels les considérations relatives à la détermination de la peine continueraient à être inapplicables, et peut-être laisserait à penser que les infractions visées ne méritent pas autant des sanctions imposées sur la base de principes »[461]. (Traduction libre) Comme on l’a relevé, il peut parfois être nécessaire de prendre une ordonnance de réadaptation ou de probation pour les infractions de la partie I les moins graves afin de maîtriser le comportement de la partie assujettie à la réglementation pour l’empêcher de commettre éventuellement une nouvelle infraction aux conséquences plus graves. Si les principes en matière de détermination de la peine s’appliquent uniquement aux infractions de la partie III, la possibilité pour le tribunal de prononcer une peine « corrective » utile pourrait ne pas exister. 

Nous avons examiné attentivement ces différents arguments. Notre conclusion est que les principes en matière de détermination de la peine devraient servir de lignes directrices pour aider les tribunaux dans la détermination de la peine, sous réserve d’autres principes ou de principes différents prescrits dans la loi créant l’infraction. Dans le cas des infractions de la partie I, nous craignons d’aboutir à des peines trop compliquées avec des conditions de probation de grande envergure pour les infractions les plus mineures et les plus ordinaires. Nous nous inquiétons également des possibles faiblesses du système provoquées si les tribunaux devaient examiner les principes en matière de détermination de la peine et les circonstances de chaque cas. Nous approuvons également le fait que les infractions de la partie I et de la partie III soient traitées différemment. La Loi prévoit des approches différentes pour l’introduction des instances en application de la partie I et de la partie III et nous sommes d’avis qu’il faudrait faire de même pour la détermination de la peine, compte tenu de l’objectif de proportionnalité et d’équilibre de la procédure avec les intérêts en jeu.

Cependant, le fait d’appliquer un traitement différent ne signifie pas que les principes en matière de détermination de la peine ne doivent jamais s’appliquer à certaines infractions de la partie I. À partir des exemples relevés plus haut, les circonstances particulières de certaines affaires ou un préjudice susceptible de se répéter pourraient appeler une peine axée sur la réparation ou la réadaptation. Il y aura toujours des cas particuliers d’infractions de la partie I pour lesquels la peine simple et habituelle (à savoir l’amende) ne permettra pas d’atteindre les objectifs législatifs compte tenu des circonstances entourant l’infraction ou de la situation du délinquant, ou de remédier au risque d’un préjudice plus grave en cas de récidive. Ces cas peuvent être identifiés par le défendeur ou le poursuivant (p. ex. cas de condamnations multiples pour la même infraction, risque de préjudice plus grave dans le futur); le tribunal peut également de sa propre initiative décider dans quel cas il sera approprié et nécessaire, dans l’intérêt de la justice, de prononcer une peine axée sur la réadaptation, la réparation ou la punition. Le message que la Loi devrait faire passer est que, en règle générale, le tribunal n’a pas besoin d’appliquer les principes en matière de détermination de la peine à l’ensemble des infractions de la partie I, mais qu’il convient de faire preuve de souplesse pour prononcer des peines innovantes et adaptées pour les infractions de la partie I lorsque cela est nécessaire et approprié.

 

La CDO formule les recommandations suivantes :

19. La Loi devrait être modifiée pour fournir un énoncé de principes d’application générale en matière de détermination de la peine qui pourrait être utilisé par le tribunal comme lignes directrices aux fins de détermination de la peine dans les instances introduites en application de la partie III, sous réserve d’autres dispositions ou principes ou de dispositions ou principes différents prescrits par la loi créant l’infraction.
 

20. Lorsque ceci est nécessaire compte tenu des circonstances particulières d’une affaire et des intérêts de la justice, le tribunal pourrait tenir compte des principes en matière de détermination de la peine pour les infractions de la partie I et prononcer une peine axée sur la réparation, la réadaptation ou la punition en fonction de ce qui convient le mieux. 

21.  L’énoncé des principes de détermination de la peine devrait comprendre les cinq étapes suivantes, présentées par ordre de priorité : 

(i) Encourager les parties à présenter des positions communes sur les facteurs aggravants ou atténuants et la peine à infliger (« présentation de positions communes »);

(ii) Infliger une peine qui remédie à la violation dans la mesure du possible et du raisonnable (« réparation »);

(iii) S’il est probable que le délinquant continuera de se livrer à l’activité réglementée après l’imposition de la peine, mais que son comportement doit changer pour éviter des violations futures, infliger une peine qui favorise les changements nécessaires à la prévention de violations futures (« réadaptation »);

(iv) Infliger une peine qui favorisera le changement du comportement de tiers (p. ex. dissuader d’autres personnes de commettre la même infraction ou une infraction similaire), mais seulement si le tribunal est convaincu que cela va dans le sens d’un objectif de la réglementation et lorsque les sanctions axées sur la réparation et la réadaptation sont insuffisantes étant donné les circonstances de l’affaire (« dissuasion »);                                                                     

(v) Infliger une peine qui sanctionne et punit le comportement du délinquant si les circonstances aggravantes le justifient (« punition »).

 
 

 

 

C.             Outils de détermination de la peine

Les dispositions actuelles de la Loi en matière de détermination de la peine sont trop limitées pour permettre aux tribunaux de mettre en œuvre correctement les principes et objectifs de détermination de la peine recommandés dans la section précédente. On insiste trop sur les amendes, sans tenir compte des autres possibilités, ce qui laisse peu de place à des peines de nature à davantage favoriser l’atteinte des objectifs de la réglementation. Pour que les tribunaux soient en mesure de « concevoir la peine la plus appropriée », il est essentiel qu’ils disposent d’un « vaste éventail de peines »[462]. « Les tribunaux ne seront pas en mesure de jouer un rôle efficace dans le cycle réglementaire si on ne leur donne pas les outils de détermination de la peine qui permettent d’y parvenir »[463]. (Traduction libre) En particulier, si le tribunal doit mettre en œuvre les principes recommandés dans la section précédente en matière de détermination de la peine, il doit disposer des outils nécessaires pour concrétiser lesdits principes.

Il ne s’agit pas dans le cadre du présent rapport de recenser l’ensemble des possibilités en matière de détermination de la peine qui pourraient convenir à toutes les infractions provinciales. Notre étude portera plutôt sur les outils supplémentaires qui devraient être introduits dans la Loi qui auraient vocation à s’appliquer à l’ensemble des lois de nature réglementaire. 

 

1.     Ordonnances de probation

La Loi permet au tribunal de rendre une ordonnance de probation dans une instance introduite au moyen du dépôt d’une dénonciation, à moins que l’infraction commise entraîne la responsabilité absolue[464]. D’après le paragraphe 72(2) de la Loi, l’ordonnance de probation est réputée contenir un certain nombre de conditions standard et le paragraphe 72(3) permet au tribunal de prescrire quatre types de conditions supplémentaires mais uniquement dans des circonstances bien précises. Ces circonstances sont, selon nous, trop restrictives pour permettre aux tribunaux de mettre en œuvre les principes de détermination de la peine axés sur la réparation et la réadaptation.

Premièrement, aux termes de l’alinéa 72(3) a), l’indemnisation ou la restitution ne peut être ordonnée comme condition dans une ordonnance de probation que lorsqu’elle est autorisée par une loi. Cela signifie que le juge peut ordonner une mesure d’indemnisation ou de restitution pour certaines lois de nature réglementaire en Ontario, mais pas pour d’autres. Si l’on accorde la priorité à la réparation comme principe de détermination de la peine, un mécanisme de détermination de la peine doit être disponible pour concrétiser ce principe. Nous remarquons qu’il existe un grand nombre d’infractions pour lesquelles il n’y a pas de préjudice (p. ex. nombre d’infractions poursuivies en vertu de la partie I); toutefois, ceci ne devrait pas empêcher la mise à disposition de manière générale d’une peine de nature réparatrice pour les infractions ayant causé un préjudice. L’Ontario semble à la traîne dans ce domaine car les lois de procédure générale d’autres provinces donnent de larges pouvoirs aux tribunaux pour rendre des ordonnances de restitution ou d’indemnisation[465].

Deuxièmement, l’alinéa 72(3) b) permet au tribunal d’exiger que le défendeur exécute des services à la communauté, mais uniquement dans le cas des infractions punissables d’emprisonnement et avec le consentement du défendeur. La raison d’être de cette limitation semble être liée au fait que les services à la communauté sont perçus comme étant une atteinte à la liberté du délinquant et que, par conséquent, cette sanction ne devrait être disponible qu’à titre d’alternative lorsque l’emprisonnement est une des sanctions autorisées[466]. Cependant, la législation dans d’autres provinces permet au tribunal d’imposer des services à la communauté et la disponibilité de cette mesure n’est pas subordonnée au consentement du défendeur ou au fait que l’infraction soit punissable d’une peine d’emprisonnement[467]. Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle les services à la communauté seraient uniquement une alternative appropriée à l’emprisonnement n’est plus vraie aujourd’hui. La mesure peut constituer une alternative efficace à l’amende dans les cas où le délinquant serait incapable de la payer[468], et lorsqu’elle serait de nature à « favoriser la réadaptation du délinquant qui assumerait davantage la responsabilité de son méfait, ou à prendre acte des répercussions de l’acte du délinquant sur une victime »[469]. (Traduction libre) Il est vrai que les services à la communauté dans une certaine mesure empiètent sur la liberté du délinquant par le temps nécessaire à leur accomplissement mais d’autres conditions assortissant les ordonnances probatoires peuvent de la même façon créer des obligations pour le délinquant en termes de temps à consacrer à la mesure (p. ex. se présenter à un agent de probation ou former le personnel dans le domaine de la sécurité au travail). En outre, c’est certainement une atteinte moindre à la liberté par rapport à l’incarcération totale lorsque l’emprisonnement est une sanction autorisée par la loi qui crée l’infraction. Afin de limiter les répercussions sur la liberté du délinquant, nous recommandons que les heures et la durée des services à la communauté soient limitées dans la Loi comme c’est le cas dans d’autres compétences[470].

Enfin, l’alinéa 72(3) c) permet au juge de prescrire des conditions dans une ordonnance de probation relatives aux circonstances de l’infraction et à la situation du défendeur qui ont contribué à la perpétration de l’infraction « soit pour empêcher le défendeur de récidiver, soit pour contribuer à sa réadaptation », mais seulement lorsque le défendeur est coupable d’une infraction punissable d’emprisonnement. La réadaptation, en tant que principe de détermination de la peine, peut s’appliquer à toutes les infractions. La limitation aux infractions punissables d’emprisonnement affecte indument l’aptitude du tribunal à favoriser le respect des lois de nature réglementaire lorsque l’emprisonnement ne fait pas partie des sanctions autorisées. Si l’on veut permettre aux tribunaux de prononcer des peines appropriées propices à la réadaptation pour toutes les infractions, cette limitation n’a plus de raison d’être et doit, selon nous, être supprimée.

 

2.     Sanctions de rechange

Plusieurs lois de nature réglementaire offrent aux tribunaux un vaste éventail de pouvoirs en matière de détermination de la peine, pouvoirs qui leur permettent d’infliger une sanction allant au-delà des sanctions typiques à savoir l’amende, la probation ou l’emprisonnement. Connues sous différentes appellations (« sanctions de rechange » ou « mesures innovantes en matière de détermination de la peine »), nombre d’entre elles pourraient s’avérer extrêmement utiles dans le contexte de la Loi pour favoriser l’atteinte des objectifs de la réglementation dans un grand nombre de régimes de réglementation.

On en trouve un exemple dans la loi de la Colombie-Britannique intitulée Public Health Act. L’article 107 prévoit un grand nombre de type d’ordonnances, notamment le pouvoir d’ordonner des services à la communauté pour une durée de trois ans au plus et d’indemniser au titre des coûts engagés dans le cadre de mesures de prévention ou de réparation. Il permet également au tribunal d’ordonner à une personne morale poursuivie de désigner un cadre supérieur au sein de l’entreprise comme étant la personne en charge de veiller au respect de la loi ou de ses règlements, ou des conditions assortissant toute licence ou tout permis détenu par la personne morale en application de la loi. Un autre pouvoir intéressant permet au tribunal d’ordonner au défendeur de verser une caution pour le montant que le tribunal estime approprié pour garantir le respect d’une interdiction, d’une instruction ou d’une exigence établie conformément à la section sur les autres sanctions. Ces ordonnances peuvent être utilisées pour favoriser l’atteinte des objectifs liés à la réparation et à la réadaptation.

On trouve dans la Loi sur les pêches[471] une source différente de « peine innovante ». L’article 79.2 énonce que le tribunal, en tenant compte de la nature de l’infraction ainsi que des circonstances de sa perpétration, peut rendre une ordonnance contenant une ou plusieurs des interdictions, instructions ou exigences énumérées. Ces instructions peuvent notamment consister à indemniser le ministre des frais qu’il a engagés pour la réparation ou la prévention ou à verser une caution afin de garantir l’exécution de l’ordonnance prise en application de cet article. En outre, il permet au tribunal d’ordonner à la personne de soumettre au ministre les renseignements relatifs à ses activités que le tribunal estime justifiés. 

Le Code criminel permet au tribunal d’ordonner la restitution et l’indemnisation dans le cadre d’une ordonnance indépendante ou comme condition facultative dans une ordonnance de probation afin d’indemniser les victimes de crime[472]. Aucune de ces possibilités n’est actuellement prévue par la Loi. La législation sur les infractions provinciales dans d’autres compétences autorise les tribunaux à ordonner l’indemnisation des personnes lésées en raison d’une perte ou de dommages matériels causés par le défendeur. L’ordonnance est ensuite exécutoire devant les tribunaux civils en cas de non-paiement[473]. L’un des avantages d’une ordonnance indépendante est qu’on peut en demander l’exécution forcée au même titre qu’un jugement civil, alors que la restitution en tant que condition d’une ordonnance de probation n’est exécutoire que pendant la durée de validité de l’ordonnance de probation et par la suite, uniquement si un recours en manquement est engagé. Les ordonnances de restitution ou d’indemnisation visent à réparer le préjudice causé aux victimes ou à la collectivité, à favoriser un certain sens de la responsabilité chez les délinquants et à leur faire prendre conscience du préjudice causé aux victimes et à la collectivité. Elles sembleraient être un outil utile pour l’exécution et conformes aux principes recommandés en matière de détermination de la peine. Elles vont également dans le sens du principe d’efficacité puisqu’elles suppriment la nécessité d’engager une procédure civile distincte pour obtenir la restitution sur les mêmes fondements.

Le pouvoir de nommer un vérificateur intégré serait un autre outil utile à insérer dans la Loi[474]. Le tribunal ordonnerait qu’un vérificateur de gouvernement, ou un éventuel vérificateur privé agréé par le tribunal, passe un certain temps au sein d’une entreprise pour s’assurer de sa conformité à la réglementation. L’entreprise serait tenue de coopérer pleinement avec le vérificateur et devrait prendre en charge son salaire ou ses honoraires pendant la période de mise en conformité. La portée de la mission du vérificateur pourrait être limitée à la surveillance et à l’établissement de rapports sur la conformité de l’entreprise à intervalles déterminés par le tribunal; on peut également concevoir que le vérificateur joue un rôle proactif pour aider l’entreprise à établir et à mettre en œuvre des mesures d’application de la réglementation améliorées. Nous faisons remarquer que les pratiques du gouvernement en matière d’embauche et d’approvisionnement pourraient être un obstacle à l’efficacité de cette option, mais nous estimons malgré tout que ce serait un outil utile. 

De notre point de vue, nombre des sanctions de rechange mentionnées ci-dessus pourraient être utilisées pour favoriser l’atteinte des principes recommandés en matière de détermination de la peine et s’avérer efficaces pour l’atteinte des objectifs de la réglementation.

 

3.     Déclarations de la victime

La Loi, contrairement au Code criminel, ne codifie par le droit d’une victime d’une infraction à rédiger une déclaration de la victime[475]. Le Code criminel comporte des dispositions permettant à la victime d’un crime de rédiger, selon une forme prescrite, une déclaration détaillant le préjudice ou la perte causé(e) à la victime du fait de l’infraction. La victime a également le droit de lire sa déclaration au tribunal. Même si certains tribunaux ont utilisé les déclarations de la victime dans des instances introduites en application de la Loi, cette dernière ne prévoit aucun droit précis leur permettant de le faire[476]. En fait une incertitude entoure le pouvoir de faire de telles déclarations et l’identité de la personne susceptible de pouvoir présenter une telle preuve et selon quelle forme (p. ex. présentations orales ou écrites). 

Une déclaration de la victime peut être un outil précieux dans les instances introduites en application de la Loi. En plus de permettre aux victimes de se faire entendre dans le cadre de l’instance, de telles déclarations fourniraient au tribunal suffisamment de renseignements pour lui permettre de prononcer des peines adaptées et conformes aux principes d’indemnisation ou de réadaptation. Pour l’anecdote, nous avons appris que certaines victimes autochtones avaient eu de la difficulté à faire une déclaration de la victime. Même si d’autres raisons (p. ex. des obstacles culturels) peuvent expliquer cela, la codification expresse du pouvoir d’avoir recours aux déclarations de la victime favoriserait leur utilisation dans les cas appropriés, sans égard à la nature de la victime ou à sa race. 

Cet outil serait, selon nous, utilisé principalement pour les infractions provinciales les plus graves car les infractions les moins graves tendent à ne pas impliquer de « victimes ». Cependant, nous ne souhaitons pas limiter l’accès aux déclarations de la victime aux seules infractions les plus graves. Il pourrait bien se trouver des cas où il serait utile que le tribunal puisse entendre les victimes pour pouvoir prononcer des peines adaptées et conformes aux principes d’indemnisation ou de réadaptation. Imaginons par exemple un quartier subissant un préjudice en raison du dépôt de déchets sauvages ou de nuisances sonores occasionnées par une entreprise locale. Même si le dépôt de déchets sauvages ou les nuisances sonores peuvent être considérés comme une infraction mineure, la collectivité peut avoir intérêt à présenter au tribunal son opinion à propos des répercussions des violations répétées afin qu’une peine appropriée puisse être prononcée. En pratique, le juge qui préside devrait pouvoir décider si le tribunal devrait tenir compte des déclarations de la victime après avoir examiné comme il se doit les circonstances entourant l’infraction et tout préjudice causé. 

 

4.     Mesures de rechange

On entend par « mesures de rechange », une forme de déjudiciarisation après la mise en accusation par laquelle la Couronne abandonne un chef d’accusation ou par laquelle le tribunal écarte un chef d’accusation si le défendeur a effectué un programme convenu de mesures de rechange. Ces mesures sont différentes des « sanctions de rechange » abordées ci-dessus, lesquelles interviennent uniquement à l’issue d’une condamnation et servent de solution de rechange à une amende, une probation ou une peine d’emprisonnement. Dans le cas des mesures de rechange, il n’y a pas de condamnation. Par exemple, un procureur peut accepter de renoncer à poursuivre un excès de vitesse s’il est prouvé que le défendeur a suivi avec succès un cours de sécurité routière. Lorsque de tels programmes sont utilisés correctement, ils peuvent appuyer les efforts de réadaptation d’un défendeur tout en faisant l’économie (en temps et en argent) d’un procès.  

Des mesures de rechange sont prévues par l’article 712 du Code criminel, mais elles ne peuvent être utilisées que lorsqu’elles vont dans le sens de la protection de la société et si certaines conditions sont réunies. L’article énumère également des circonstances dans lesquelles les mesures de rechange ne sont pas autorisées; les restrictions à l’utilisation des admissions faites par le défendeur et les règles entourant les chefs d’accusation ultérieurs sont également traitées par l’article 712.

Il n’existe pas de base législative pour les mesures de rechange en Ontario, même si en décembre 2009, nous avons connaissance que certaines municipalités proposent de tels programmes. Si elles étaient adoptées dans le contexte de la Loi, les modifications à la Loi pourraient permettre d’exercer un certain contrôle sur ces programmes et de veiller à ce qu’ils soient efficaces et correctement utilisés. L’article 712 servira de guide précieux à cet égard. La partie X de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement pourrait également servir pour la rédaction des nouvelles dispositions de la Loi. Avant de recommander l’adoption de ces dispositions dans le cas des infractions mineures à la Loi, de nouvelles consultations doivent avoir lieu auprès des municipalités et du gouvernement provincial pour faire en sorte que des structures administratives appropriées soient en place afin d’appuyer la déjudiciarisation des infractions provinciales en faveur d’autres mesures, nouvelles ou existantes.  

 

La CDO formule les recommandations suivantes :

22. La Loi devrait être modifiée pour conférer des pouvoirs plus importants au tribunal qui pourra rendre des ordonnances de probation pour l’ensemble des infractions provinciales, ce qui permettra de concrétiser les principes de détermination de la peine visant la réparation et la réadaptation. Les conditions assortissant les ordonnances de probation pouvant être prononcées par le tribunal devraient inclure la restitution et toute autre condition que le tribunal considère nécessaire et appropriée pour prévenir un comportement illégal similaire ou pour contribuer à la réadaptation du délinquant, et ce, que l’infraction soit ou non punissable d’une peine d’emprisonnement. 
 

23.  La Loi devrait être modifiée pour inclure les services à la communauté comme condition possible de la probation lorsque la mesure serait de nature à réparer le préjudice subi, à contribuer à la réadaptation du délinquant ou à servir de sanction de rechange au paiement d’une amende lorsque le défendeur n’est pas en mesure de la payer. 

24. La Loi devrait être modifiée pour prévoir que des sanctions de rechange puissent être prononcées par le tribunal. En particulier, le pouvoir de rendre des ordonnances indépendantes visant la restitution ou l’indemnisation exécutoires devant un tribunal civil devrait être expressément créé, de même que le pouvoir de nommer un vérificateur intégré chargé de veiller au respect des normes de réglementation. 
 

25. La Loi devrait être modifiée pour autoriser expressément l’utilisation des déclarations de la victime pour les infractions pour lesquelles un préjudice a été causé, à charge pour le tribunal d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour décider de les admettre ou pas après avoir considéré la gravité de l’infraction et tout préjudice causé. 
 

26. À l’issue de consultations approfondies auprès des municipalités et du ministère du Procureur général, il conviendrait d’envisager l’adoption de programmes de mesures de rechange pour les infractions provinciales moins graves.
 

 
 

D.            Détermination de la peine à l’égard des entreprises (organisations commerciales) contrevenantes

Jusqu’ici nous n’avons pas fait de distinction entre les personnes physiques et les personnes morales en matière de détermination de la peine. En fait, nombre de nos exemples ont présumé la possibilité d’un défendeur personne morale et ont considéré que les objectifs et principes de détermination de la peine s’appliqueraient indifféremment aux personnes physiques et aux personnes morales. Nous estimons en effet qu’il n’y a pas lieu de réaliser une distinction, même si ceci remet en question certains de nos concepts traditionnels en matière de détermination de la peine. La réadaptation, par exemple, est en général associée au rétablissement de la moralité d’une personne physique, mais comment « guérir » une entreprise qui n’est pas une personne en chair et en os? Les amendes et les ordonnances d’indemnisation sont directement liées à l’« essentiel » et à l’aptitude d’une entreprise à générer des profits, en fait à sa raison d’être; par conséquent, des sanctions non monétaires telles que des ordonnances de probation peuvent-elles être efficaces? L’étendue des activités réglementaires auxquelles participent les entreprises démontre la nécessité de sanctions réglementaires efficaces, et nous réexaminons les études qui montrent ce qui motive les entreprises à se conformer aux normes de réglementation. Nous nous demandons ensuite si des dispositions relatives à la détermination de la peine spécifiques aux entreprises devraient être insérées dans la Loi.

Les entreprises ont de vastes répercussions dans notre société. Elles constituent « les principaux moyens de faire des affaires, d’employer la vaste majorité des travailleurs, de produire la plupart des biens et services de l’économie, et d’acheter nombre de biens et services »[477]. (Traduction libre) Nous voulons que les entreprises se livrent à ces activités mais, ce faisant, elles risquent de commettre des infractions. Nous connaissons malheureusement les conséquences tragiques qui peuvent affecter le bien-être public lorsque les entreprises ne respectent pas les normes de sécurité au travail, ignorent la réglementation sur les valeurs mobilières sur l’autel des profits, ne testent pas correctement notre approvisionnement en eau, ou se livrent à des pratiques commerciales qui entraînent des catastrophes pour l’environnement. La majorité des actes répréhensibles commis par les entreprises ne sont pas interdits par le Code criminel, mais par de nombreuses lois de nature réglementaire régissant l’activité dans ces domaines[478]. C’est pourquoi il est essentiel de disposer de mécanismes d’exécution efficaces dans le cadre des régimes d’infractions provinciales afin de promouvoir la conformité aux normes de réglementation.

Nous avons déjà expliqué comment les amendes peuvent s’avérer inefficaces pour promouvoir la conformité aux normes. Elles peuvent souvent devenir un coût d’exploitation répercuté sur les consommateurs. Les entreprises peuvent délibérément être conçues comme des coquilles sans actifs pour ne pas avoir à payer des amendes, ce qui compromet encore un peu plus l’application des régimes de réglementation[479]. Si le montant élevé des amendes peut inciter certaines entreprises à respecter la réglementation, les amendes ne remédient pas aux causes profondes de la non-conformité aux règlements et elles manquent une occasion d’induire des changements positifs dans le comportement de l’entreprise[480]. En fait les recherches empiriques montrent que la punition peut souvent inhiber la conformité aux normes de réglementation; elle insulte les acteurs assujettis à la réglementation et les démotive[481]. Elle favorise la rébellion individuelle et la possibilité d’une sous-culture de résistance à la réglementation au sein de l’entreprise[482]. Par ailleurs, les facteurs qui motivent la conformité incluent le risque d’atteinte à la réputation, le désir de faire ce qu’il faut, la volonté d’être fidèle à son image de citoyen respectueux des lois et d’assumer une certaine responsabilité sociale[483]. Les sanctions qui répondent à ces facteurs de motivation pourraient permettre de mieux répondre à ces motifs de non-conformité et de favoriser le respect futur de la réglementation.

L’article 732.1(3.1) du Code criminel tient compte des principes de réparation et de réhabilitation dans le domaine des ordonnances de probation prononcées contre des « organisations », ce qui englobe les personnes morales et les entités sans personnalité morale. La disposition a) de l’article 732.1 (3.1) autorise le tribunal à intimer à une organisation de dédommager une personne pour le préjudice subi. Les dispositions b) à e) établissent des mécanismes de surveillance visant à réduire la probabilité d’un nouvel acte répréhensible de la part de l’organisation. La disposition f) autorise le tribunal à exiger de l’organisation qu’elle informe le public de la nature de l’infraction et de la peine infligée. Ce type d’ordonnance prend acte de ce que « le public et les clients peuvent jouer un rôle important s’agissant d’influencer et de surveiller le comportement de l’organisation »[484]. (Traduction libre) Cela va également dans le sens des études qui montrent que les parties assujetties à la réglementation ne désirent pas nuire à leur bonne réputation et qu’elles cherchent à faire ce qu’il faut et à être socialement responsables. L’article 732.1 (3.1) énonce ce qui suit :

(3.1) Le tribunal peut assortir l’ordonnance de probation visant une organisation de l’une ou de plusieurs des conditions ci-après, intimant à celle-ci :

a) de dédommager toute personne de la perte ou des dommages qu’elle a subis du fait de la perpétration de l’infraction;

b) d’élaborer des normes, règles ou lignes directrices en vue de réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions;

c) de communiquer la teneur de ces normes, règles et lignes directrices à ses agents;

d) de lui rendre compte de l’application de ces normes, règles et lignes directrices;

e) de désigner celui de ses cadres supérieurs qui veillera à l’observation de ces normes, règles et lignes directrices;

f) d’informer le public, selon les modalités qu’il précise, de la nature de l’infraction dont elle a été déclarée coupable, de la peine infligée et des mesures — notamment l’élaboration des normes, règles ou lignes directrices — prises pour réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions;

(g) d’observer telles autres conditions raisonnables qu’il estime indiquées pour empêcher l’organisation de commettre d’autres infractions ou réparer le dommage causé par l’infraction.

Nous recommandons l’adoption dans le cadre de la Loi d’une disposition similaire prévoyant expressément de donner au tribunal le pouvoir d’assortir une ordonnance de probation prononcée à l’égard d’une entreprise, ou toute autre organisation commerciale dotée ou non de la personnalité morale, de conditions visant la réparation et la réadaptation. Un tel pouvoir est nécessaire si l’on veut que les objectifs et principes de détermination de la peine recommandés soient mis en œuvre par le tribunal. En outre, la Loi devrait prévoir le pouvoir général d’imposer d’autres conditions telles que celles énoncées par la disposition 732.1(3.1) g) du Code criminel afin de permettre au tribunal d’assortir la décision d’autres conditions innovantes de nature à favoriser l’atteinte des objectifs visés par la loi qui crée l’infraction[485].

Il convient de remarquer que nombre d’organisations qui enfreignent les normes de réglementation peuvent être exploitées par une personne physique, une société en nom collectif ou une organisation avec un nom d’entreprise enregistrée, sans que l’organisation ne soit une entité dotée de la personne morale. Pour ce type d’organisations, les conditions de probation indiquées ci-dessus pourraient tout autant promouvoir la conformité et il n’y a aucune raison, selon nous, qu’elles ne respectent pas les règles uniquement parce que l’organisation a choisi de ne pas se doter de la personnalité morale. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle les dispositions du Code criminel visent une « organisation », un terme très général incluant les organismes dotés ou non de la personnalité morale, ainsi que d’autres associations de personnes[486]. Nous n’adopterions pas la définition très large d’organisation retenue par le Code criminel, étant donné le vaste champ d’application possible. En revanche, nous recommandons que des conditions probatoires similaires à celles énoncées par l’article 732.1(3.1) soient à la disposition du tribunal au moment où il doit décider de la peine à infliger à une entreprise ou toute autre organisation commerciale, qu’elle soit ou non dotée de la personnalité morale. 

Une autre question est de savoir si la Loi devrait énumérer les facteurs dont le tribunal doit tenir compte lorsqu’il cherche à punir une entreprise, ou toute autre organisation commerciale, après avoir examiné les principes de réparation, de réadaptation et de dissuasion. L’alinéa 106(4) b) de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Public Heath Act prévoit que le juge qui prononce la peine peut infliger une sanction aux fins de punition si « des circonstances aggravantes suffisantes justifient que le délinquant soit puni pour l’infraction commise ». (Traduction libre) La Loi ne précise toutefois pas la liste des facteurs aggravants. À titre de comparaison l’article 718.21 du Code criminel énumère les éléments dont le tribunal doit tenir compte pour infliger une peine à une organisation, mais la liste inclut tant les facteurs aggravants (p. ex. le degré de complexité des préparatifs reliés à l’infraction) que les facteurs atténuants (p. ex. les mesures prises en vue de réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions). Par conséquent, le système ne se greffe pas facilement sur le modèle de détermination de la peine que nous proposons dans le cadre de la Loi sur les infractions provinciales.

À notre avis, il y a de bonnes raisons de prescrire une liste non exhaustive de facteurs pouvant justifier une sanction visant la punition ou la dénonciation. Tout d’abord, la liste signalera aux entreprises et autres organisations commerciales le type de comportement susceptible de donner lieu à une sanction punitive. Elle mettra également en évidence le fait qu’une réponse punitive n’est pas le principal fondement de la peine prononcée; en effet, le tribunal doit d’abord considérer les principes de réparation, de réadaptation et de dissuasion avant d’envisager les facteurs aggravants susceptibles de justifier une sanction axée sur la dénonciation. Enfin, elle répondra aux attentes croissantes du public en faveur d’une plus grande responsabilisation des entreprises et organisations commerciales pour les actes commis de façon éhontée[487] en leur montrant qu’elles seront punies lorsque certains facteurs aggravants sont établis.

Pour l’instant, nous ne formulons pas de recommandations quant aux facteurs aggravants à inclure; nous préconisons simplement de rédiger une liste. Évoquant le type de facteurs aggravants susceptibles de mériter une réponse à caractère punitif, Mme Verhulst indique, à titre d’exemples, l’incapacité du délinquant à faire preuve de la prudence nécessaire alors qu’« il aurait été simple ou peu coûteux de le faire, ou les cas où les risques de préjudice étaient particulièrement élevés », « l’attitude de mépris ou d’obstruction vis-à-vis des agents chargés de la réglementation », en particulier « si des tentatives ont eu lieu pour faire disparaître l’infraction ou pour faire porter le blâme à quelqu’un d’autre »[488]. (Traduction libre) On peut également faire référence à l’article 718.21 du Code criminel qui, par exemple, prévoit comme facteur aggravant le fait que l’entreprise ait tenté de dissimuler des éléments d’actif, ou d’en convertir, afin de se montrer incapable de payer une amende ou d’effectuer une restitution. La jurisprudence sur la détermination de la peine dans le domaine des infractions provinciales donnera plus d’indications sur les autres facteurs aggravants justifiant une réponse punitive[489].

 

 

La CDO formule les recommandations suivantes :

27. La Loi devrait être modifiée pour conférer des pouvoirs au tribunal afin qu’il puisse prononcer une ordonnance de probation à l’égard d’une entreprise ou de toute autre organisation commerciale, dotée ou non de la personnalité morale, assortie de conditions inspirées de l’article 732.1(3.1) du Code criminel portant sur les conditions de la probation dans le cas d’une organisation.  

28. Le ministère du Procureur général, après avoir consulté le pouvoir judiciaire, les poursuivants, les avocats de la défense et les parajuristes, devrait établir une liste non exhaustive de facteurs aggravants à inclure dans la Loi pour que le tribunal puisse en tenir compte au moment de prononcer une sanction axée sur la punition ou la dénonciation à l’encontre d’une entreprise ou d’une organisation commerciale. 

 
 

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