A.        Responsabilité solidaire


La définition de « responsabilité solidaire » utilisée par la CDO est la suivante :

 

La responsabilité solidaire met en cause deux fautifs ou plus dont les actes indépendants ont causé le même préjudice à un plaignant. Lorsque deux personnes ou plus, agissant indépendamment l’une de l’autre, commettent des fautes séparées causant un préjudice unique et particulier à une autre personne, la loi les tient pour solidairement responsables de la totalité de la perte. La loi traite chacun des fautifs comme étant la cause réelle de la totalité de la perte du plaignant et permet en conséquence à ce dernier de se faire indemniser intégralement par n’importe lequel des défendeurs déclarés responsables.

 

Lorsqu’un tribunal statue que la perte causée à un plaignant est due à la négligence de trois défendeurs différents, le jeu de la responsabilité solidaire rend chacun des défendeurs responsable à 100 p. 100 vis-à-vis du plaignant, et ce dernier a le droit d’obtenir de n’importe lequel d’entre eux la totalité des dommages adjugés. Un défendeur qui satisfait entièrement aux conditions d’un jugement a droit à une contribution des autres parties tenues responsables à hauteur de leur responsabilité pour le préjudice causé. Parmi les défendeurs, la responsabilité peut être répartie inégalement par le tribunal, par exemple 40 p. 100 au défendeur n° 1 (D1), 35 p. 100 au défendeur n° 2 (D2) et 25 p. 100 au défendeur n° 3 (D3). Si le plaignant a choisi de recouvrer l’intégralité des dommages adjugés auprès de D1, ce dernier peut alors appeler D2 et D3 en garantie pour leur part dans le préjudice causé. Cependant, si D2 et (ou) D3 sont insolvables, incapables de s’acquitter de l’intégralité de la dette ou indisponibles, D1 doit supporter le fardeau de la perte.

 

B.        Responsabilité proportionnelle
 

1.            Régime de responsabilité proportionnelle complet

 

En vertu du principe de la responsabilité proportionnelle, chaque codéfendeur n’est responsable qu’à hauteur de sa participation réelle à la faute commise ou de sa part dans les dommages adjugés. Alors que selon le principe de la responsabilité solidaire, chaque codéfendeur déclaré responsable est la cause effective du préjudice total subi par le plaignant et que par conséquent le plaignant peut recouvrer l’intégralité des dommages auprès de n’importe lequel des défendeurs, la responsabilité proportionnelle répartit la cause effective selon le degré de responsabilité de chaque défendeur considéré comme responsable. Ainsi chaque défendeur ne sera tenu de payer qu’en fonction de sa part de responsabilité, comme l’établit le tribunal. 

 

L’exemple suivant montre comment le régime de responsabilité proportionnelle complet opère. Le plaignant se voit accorder 100 000 $ de dommages-intérêts, et il y a trois défendeurs dont la responsabilité est déterminée comme suit : 40 p. 100 pour D1, 35 p. 100 pour D2, 25 p. 100 pour D3. D2 et D3 sont insolvables, incapables de payer ou indisponibles. Le plaignant récupérera 40 000 $, soit la part des dommages de D1. D1 ne sera pas tenu de payer la part non récupérée de D2 et D3.

 

La différence essentielle entre la responsabilité solidaire et la responsabilité proportionnelle est que la première fait supporter le risque d’un codéfendeur insolvable, ayant une capacité financière limitée ou indisponible par les autres codéfendeurs, alors que la seconde transfère le risque au plaignant. C’est ainsi que le débat se résume à déterminer qui supportera le fardeau du défendeur insolvable, ayant une capacité financière limitée ou indisponible : le plaignant ou les autres codéfendeurs.

 

2.            Responsabilité proportionnelle modifiée

 

Il existe plusieurs formes modifiées de responsabilité proportionnelle, à savoir : (1) la responsabilité proportionnelle dans laquelle le plaignant est coupable d’une négligence contributive; (2) la responsabilité proportionnelle dans laquelle le défendeur est l’auteur indirect d’un méfait, c’est-à-dire un défendeur dont la responsabilité est limitée ou secondaire par rapport à celle des autres défendeurs; et (3) la réaffectation proportionnelle d’une partie ou de la totalité de la part non récupérée des dommages-intérêts attribués à un défendeur insolvable, ayant une capacité financière limitée ou indisponible.

 

3.            Responsabilité proportionnelle lorsque le plaignant est coupable de négligence contributive

 

Cette variante de la responsabilité proportionnelle maintiendrait la responsabilité solidaire lorsque le plaignant n’est pas responsable, mais abolirait ou modifierait la règle en cas de négligence contributive de celui-ci pour sa perte. Prenons le cas d’un plaignant (P) qui a subi une perte de 100 000 $. La responsabilité est répartie ainsi : 25 p. 100 pour P, 35 p. 100 pour D1 et 40 p. 100 pour D2. D2 est insolvable, a une capacité financière limitée ou est indisponible. En vertu d’un régime de responsabilité proportionnelle sans répartition secondaire de la part du défendeur insolvable, ayant une capacité financière limitée ou indisponible, P a droit à 35 000 $ de D1. P est tenu responsable de 25 000 $ et assume le solde de 40 000 $.

 

4.            Responsabilité proportionnelle en cas de négligence contributive du plaignant avec réaffectation proportionnelle de la part du défendeur insolvable, ayant une capacité financière limitée ou indisponible 

 

Cette variante de la responsabilité proportionnelle prévoit la répartition de la responsabilité d’un défendeur insolvable, ayant une capacité financière limitée ou indisponible entre toutes les parties restantes, y compris le plaignant coupable d’une négligence contributive, proportionnellement à leur degré de négligence. Ainsi, le plaignant et les autres défendeurs assument tous le risque de l’insolvabilité, de la limitation financière ou de l’indisponibilité d’un défendeur.

 

Par exemple, P a subi une perte de 100 000 $. La responsabilité est répartie ainsi : 10 p. 100 pour P, 40 p. 100 pour D1 et 50 p. 100 pour D2. D2 est insolvable ou indisponible. D1 paie 40 000 $ à P. D1 et P partageront le risque de l’insolvabilité ou de l’indisponibilité de D2. P sera responsable d’un cinquième de la part de D2 (10 000 $) et D1 sera responsable des quatre cinquièmes de la part de D2, soit 40 000 $ de plus.

 

5.            Responsabilité proportionnelle pour l’auteur indirect d’un méfait

 

Selon cette approche, le défendeur se verra imposer une responsabilité proportionnelle si sa part de la faute est inférieure à un pourcentage particulier, disons 30 p. 100; au-dessus de ce pourcentage, la responsabilité serait solidaire. Ce régime favorise les défendeurs dont le degré de responsabilité est relativement peu élevé par rapport à celui des autres défendeurs. Il existe toutefois un certain arbitraire quand il s’agit d’établir une limite entre la responsabilité proportionnelle et la responsabilité solidaire.

 

6.            Responsabilité proportionnelle avec réaffectation d’une partie ou de la totalité de la part du défendeur insolvable ou indisponible 

 

Cette variante prévoit la réaffectation de la responsabilité du défendeur insolvable ou indisponible entre les autres défendeurs, proportionnellement à leur degré de responsabilité. Selon cette approche, le plaignant peut être coupable ou non de négligence contributive; la responsabilité solidaire continuerait à s’appliquer en cas de fraude, et lorsque des lois ont été sciemment enfreintes. La réaffectation d’une partie de la part du défendeur insolvable ou indisponible entre les défendeurs solvables vise à établir un équilibre entre, d’une part, le dédommagement visé du plaignant et, d’autre part, la libération des défendeurs solvables de tout le fardeau de la responsabilité.

 

7.            Pouvoir discrétionnaire des tribunaux 

 

Une approche modifiée de la responsabilité proportionnelle pourrait consister à donner aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d’appliquer la responsabilité solidaire ou proportionnelle selon les faits et les circonstances d’une affaire particulière. Dans certains cas, le tribunal peut très bien convenir que la faute d’un défendeur est comparativement mineure et que sa part de responsabilité devrait être attribuée en proportion.

 

C.        Responsabilité plafonnée
 

Une autre manière de traiter les questions de responsabilité professionnelle consisterait à plafonner le montant des dommages-intérêts dans les actions pour préjudice financier dans le cas de certains types de tâches. Il existe plusieurs façons de le faire : (1) il pourrait être établi un montant unique à titre de limite; (2) la limite pourrait être fondée sur un pourcentage des honoraires exigés par le professionnel; (3) la limite pourrait être fondée sur un pourcentage des dommages-intérêts adjugés ou (4) sur tout autre montant établi. Les avantages et les inconvénients du régime de responsabilité plafonnée sont discutés plus en détail dans la section portant sur les voies envisageables en vue d’une réforme, ci-après.

 

D.        Régimes hybrides
 

Un certain nombre de compétences appliquent un régime hybride en répartissant ou en limitant les dommages-intérêts adjugés, principalement en utilisant des plafonds ou des limites au montant à hauteur duquel l’un quelconque des défendeurs sera déclaré responsable advenant que les autres défendeurs soient insolvables ou indisponibles. Par exemple, une forme hybride de responsabilité prévoit que, lorsqu’un défendeur est insolvable ou indisponible et que le plaignant n’est pas en mesure de recouvrer la part du défendeur, chaque défendeur restant doit prendre en charge les parts non recouvrées dès lors que la responsabilité supplémentaire ne représente pas plus de la moitié de la part proportionnelle des défendeurs restants. 

 

E.        Responsabilité limitée par contrat
 

Limiter la responsabilité par contrat permet aux parties qui concluent un contrat d’accepter le plafonnement de la responsabilité. Dans un certain type de limitation contractuelle de responsabilité, les parties pourraient, par exemple, s’entendre pour qu’en cas de préjudice, ce soit la responsabilité proportionnelle qui s’applique au lieu de la responsabilité solidaire. Cependant, la législation qui régit certaines professions ou les règles de conduite professionnelles peuvent, dans certains cas, interdire à certains membres de professions libérales de réduire leur responsabilité. Par exemple, la LCSA prévoit que les administrateurs et les dirigeants ne peuvent pas céder par voie contractuelle leurs responsabilités en vertu de la loi, notamment l’obligation de diligence. 

 

La possibilité de dispositions privées suggérerait, par exemple, que les cabinets de vérification comptable sont libres de négocier leurs propres régimes de responsabilité contractuelle. Dans les faits, les entreprises négocieraient pour le compte de leurs investisseurs, lesquels se fient à la fonction de vérification financière. Les vérificateurs limitant leur responsabilité au moyen de négociations contractuelles appliquent-ils des honoraires moins élevés pour leurs services? Dans de telles circonstances, les investisseurs devraient-ils avoir moins confiance dans les services de vérification fournis par ces cabinets? La mesure selon laquelle la responsabilité est limitée contractuellement par les cabinets de vérification comptable et d’autres membres de professions libérales et ses répercussions sont également de nature à déterminer quel modèle de responsabilité est préférable pour l’Ontario. 

Quelles sont les répercussions  de chaque modèle de responsabilité pour les entreprises, les investisseurs et les autres intervenants? 

Quelles sont les répercussions de chaque modèle de responsabilité sur

·         les membres de professions libérales susceptibles de se trouver en position de défendeurs?

·         la tarification des services professionnels?

·         l’accès de candidats qualifiés aux professions?

·         les primes d’assurance-responsabilité?

 

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