A.        Canada

1.            Loi canadienne sur les sociétés par actions

Les modifications de 2001 apportées à la LCSA, qui sont entrées en vigueur le 24 novembre 2002, ont remplacé le régime de responsabilité solidaire entre les codéfendeurs par un régime de responsabilité proportionnelle modifiée dans l’hypothèse de certains renseignements financiers relatifs à une société assujettie à la LCSA. En vertu de la LCSA, sous certaines réserves, un défendeur déclaré responsable d’une perte financière découlant d’une erreur, omission ou inexactitude dans des renseignements financiers exigés relativement à une société en vertu de la LCSA, n’est tenu d’indemniser le plaignant qu’à concurrence de la somme correspondant à son degré de responsabilité[4]. 

 

Le régime de responsabilité proportionnelle prévu par la LCSA est limité à plusieurs égards. Tout d’abord, les modifications de 2001 s’appliquent uniquement aux cas d’inconduite en relation avec la LCSA, et pas aux manquements à la législation sur les valeurs mobilières[5]. Deuxièmement, la responsabilité solidaire continue de s’appliquer en cas de fraude[6]. Troisièmement, pour les situations dans lesquelles l’un des défendeurs (la société émettrice des valeurs par exemple) est insolvable, a une capacité financière limitée ou est indisponible, le montant de l’indemnité mise à la charge de ce défendeur par le tribunal ne peut être supérieure à 50 p. 100 de la somme établie initialement contre le codéfendeur[7].

 

Certains plaignants sont expressément exclus du régime de responsabilité proportionnelle; c’est le cas des sociétés d’État, de certaines œuvres de bienfaisance, des créanciers non garantis dans le cadre des biens et services que ces créanciers ont fournis au plaignant (société ou particulier) dont l’investissement est inférieur à 20 000 $[8]. Ces particuliers ou entités n’ont pas nécessairement les ressources nécessaires pour effectuer une évaluation adaptée des risques ou prendre des décisions éclairées en matière d’investissement ou peuvent subir un préjudice indu suite à la perte financière. Les plaignants en question peuvent continuer à bénéficier du régime de responsabilité solidaire. Enfin, les tribunaux ont la possibilité d’opter pour le régime de responsabilité solidaire lorsqu’ils estiment que c’est la solution équitable et raisonnable[9]. 

Quels sont les avantages et les inconvénients du modèle de responsabilité établi par la LCSA?

L’exception en cas de fraude est-elle raisonnable? 

Quelle place doit-on accorder au pouvoir discrétionnaire des juges pour la répartition de la responsabilité? 

L’exclusion expresse de certains plaignants du régime de responsabilité est-elle saine?

 

 

2.            Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario

Le 31 décembre 2005, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a modifié la Loi sur les valeurs mobilières pour créer de nouvelles causes d’action en faveur du « marché secondaire » à l’encontre des dirigeants, administrateurs et « experts » pour présentation inexacte des faits et manquement aux obligations en matière de publication d’information[10]. Les dispositions légales sur la responsabilité civile limitent les dommages-intérêts de trois façons. Tout d’abord, les dommages-intérêts doivent être calculés selon la formule énoncée dans la Loi sur les valeurs mobilières. Deuxièmement, le tribunal doit établir la part proportionnelle de ces dommages-intérêts dus par chaque défendeur reconnu coupable, le recouvrement auprès de chaque défendeur étant limité par sa part respective dans le total des dommages-intérêts évalués pour l’ensemble des plaignants. Troisièmement, le montant dû par chaque défendeur particulier reconnu coupable peut être encore limité, dans les cas où les défendeurs ignoraient la présentation inexacte des faits ou les cas dans lesquels ils n’ont pas notifié une modification matérielle en temps opportun, au moyen de diverses limitations de responsabilité spécifiques à chaque catégorie de défendeur.

 

La responsabilité d’une société est limitée à la plus élevée des sommes suivantes : 1 million de dollars ou 5 p. 100 de sa capitalisation boursière. La responsabilité d’un particulier (autre qu’un expert) est limitée à la plus élevée des sommes suivantes : 25 000 $ ou 50 p. 100 de la rémunération totale versée par la société et ses filiales pendant les 12 mois précédents (ceci incluant la valeur des options, régimes de retraite et droits à la plus-value des actions quels qu’ils soient accordés durant cette période). La responsabilité d’un expert est limitée à la plus élevée des sommes suivantes : 1 million de dollars ou les honoraires  versés par la société et ses filiales pendant les 12 mois précédents.

 

Le défendeur (autre que la société) ne peut bénéficier des limites de responsabilité et des dispositions sur la responsabilité proportionnelle si le plaignant prouve que le défendeur a sciemment autorisé ou accepté la présentation inexacte des faits ou n’a pas notifié une modification matérielle  en temps opportun. Dans ces hypothèses, les défendeurs sont responsables solidairement pour le montant total des dommages-intérêts évalués dans le cadre de la procédure.

 

Outre le nouveau régime légal en matière de responsabilité du marché secondaire, les plaignants ont toujours la possibilité de recourir au régime de droit commun sur la présentation inexacte d’information. En vertu de ce dispositif, le régime de responsabilité solidaire continue de s’appliquer et les dommages-intérêts ne sont pas plafonnés. De même, le régime de responsabilité solidaire continue de s’appliquer aux cas de présentation inexacte des faits dans un prospectus en application de la Loi sur les valeurs mobilières.

Les participants à la table ronde ont suggéré que, même s’il a fallu attendre un certain nombre d’années avant que les réformes introduites dans la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario entrent en vigueur, les effets pratiques ont été modestes. Un certain nombre de restrictions procédurales sont intégrées dans la Partie XXIII.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, lesquelles sont considérées comme étant favorables aux défendeurs, en particulier l’exigence d’obtention d’une autorisation de poursuivre ou de faire valoir ses droits.

 

Afin de satisfaire l’exigence d’autorisation de poursuivre, un test de bien-fondé de la demande basé sur des preuves doit être passé avec succès. Dans les cas où un plaignant doit prouver la fraude ou la négligence, ce test peut s’avérer difficile à passer étant donné le défaut d’accès aux renseignements par le plaignant. En outre, compte tenu du nombre de défendeurs éventuels envisagés par la Loi sur les valeurs mobilières, il est à craindre que le nombre d’affidavits qui seront présentés et le processus de contre-interrogatoire qui devra avoir lieu avant l’examen de la requête d’autorisation, entraîneront inutilement un procès long et coûteux. Par exemple, en application du régime de responsabilité proportionnelle plafonnée, si un défendeur est un expert et peut donc être déclaré responsable jusqu’à concurrence de 1 million de dollars, il n’est pas forcément judicieux de dépenser jusqu’à 2 millions de dollars en demandes d’autorisation et en semaines de contre-interrogatoire de chaque directeur lorsque le procès peut rapporter au maximum 1 million de dollars. Ces restrictions procédurales, qui s’ajoutent à ce qu’un participant considère comme des limites de responsabilité inefficaces, signifient que les effets pratiques des modifications apportées à la Loi sur les valeurs mobilières sont tout au plus modestes.

 

a)    Tendances en matière de recours collectifs fondés sur la règlementation canadienne sur les valeurs mobilières

 

Depuis l’adoption du régime de responsabilité du marché secondaire dans le cadre de la réglementation canadienne sur les valeurs mobilières, on a assisté à une augmentation du nombre de recours collectifs dans ce domaine. Ce qu’il faut surtout retenir de 2009, ce sont les décisions de la Cour supérieure de justice de l’Ontario validant trois recours collectifs fondés sur la réglementation sur les valeurs mobilières, et la décision rendue dans l’affaire Silver c. IMAX Corp.(« IMAX »)[11] accédant à la demande des plaignants de réclamer des dommages-intérêts en vertu de la Partie XXIII.1 de la nouvelle Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario[12]. La jurisprudence IMAX est la première décision rendue sur