A.        Commentaires d’ordre général
 

Ce projet est centré sur la LSAO. Au cours de la table ronde, cependant, plusieurs participants ont soulevé des questions à propos de la portée appropriée de la réforme de la responsabilité professionnelle. Étant donné que la responsabilité civile relève de la compétente constitutionnelle, la province de l’Ontario dispose de plusieurs options. Quatre domaines généraux de réforme potentielle des régimes de responsabilité professionnelle ont été proposés : (1)  une législation sur des sujets divers (comme la Loi sur le partage de la responsabilité); (2) une législation spécifique à une profession (comme la Loi sur l’expertise comptable); (3) une législation sur les valeurs mobilières; et (4) une législation sur les sociétés.

 

Plusieurs commentateurs ont estimé que la Loi sur le partage de la responsabilité devrait être le point de départ de la réforme. D’après eux, ce serait un mauvais choix que de réformer la législation sur les sociétés étant donné la pléthore de lois et de règlements qu’il faudrait modifier simultanément. On a considéré qu’une réforme de la législation spécifique à une profession serait trop limitée et risquerait d’exclure certaines professions (comme les professions médicales et les ingénieurs) qui pourraient également faire valoir qu’elles risquent d’être attaquées en vertu du régime de responsabilité solidaire.

 

En réponse aux suggestions de réforme de la Loi sur le partage de la responsabilité, on a discuté de l’importance de la distinction entre blessures corporelles et préjudice financier. Selon qu’il s’agit d’indemniser la victime de blessures corporelles ou de dédommager un plaignant au titre d’un préjudice financier ou de dommages aux biens, les considérations relatives au régime de responsabilité peuvent être très différentes. On a suggéré que, si un régime de responsabilité proportionnelle devait être proposé dans le cadre d’une réforme plus vaste de la Loi sur le partage de la responsabilité, une exclusion devrait être prévue dans le cas des blessures corporelles.

 

B.        Maintien du statu quo : Responsabilité solidaire


Le modèle actuel de responsabilité solidaire privilégie le dédommagement intégral des plaignants, ainsi que l’équité et la facilité de recouvrement pour ces derniers au détriment, aux dires de certains, de l’équité et de la certitude en ce qui concerne les défendeurs.

L’argument central en faveur de la responsabilité solidaire se base sur le dédommagement intégral des plaignants et sur l’équité pour les plaignants. Si au moins deux personnes sont la cause d’un préjudice financier ou d’une perte financière subi(e) par une autre, elles doivent être tenues responsables des conséquences. En d’autres termes, il serait inéquitable pour le plaignant de faire porter sur lui le risque de l’incapacité du défendeur à payer les dommages-intérêts. Ce risque devrait être assumé par le ou les défendeurs qui ont causé la perte financière ou le préjudice financier.

 

L’un des principaux arguments pratiques en faveur du maintien de la responsabilité solidaire consiste à déterminer, dans l’hypothèse de plusieurs défendeurs, dans quelle mesure le plaignant serait obligé d’engager des poursuites contre l’ensemble des défendeurs pour recouvrer l’intégralité des dommages-intérêts. Si tel était le cas, cela risquerait d’augmenter l’implication du plaignant dans le procès et la négociation d’arrangements amiables et de finalement augmenter les coûts. Certains suggèrent que l’abandon de la responsabilité solidaire portera préjudice aux plaignants, ces derniers étant dans l’incapacité d’obtenir un dédommagement intégral de leur préjudice.

 

D’aucuns prétendent également que la responsabilité solidaire sert d’outil approprié pour dissuader les membres de professions libérales de se livrer à des activités pouvant causer des pertes à autrui. Sachant qu’elles seront tenues entièrement responsables, les parties sont plus enclines à prendre des mesures pour éviter la responsabilité. Il a été proposé que le remplacement de la responsabilité solidaire par un régime de responsabilité proportionnelle pourrait avoir un effet néfaste sur la manière dont les défendeurs éventuels gèrent les risques; comme ils ne seraient responsables que de leur part du dommage, l’incitation à élaborer des normes professionnelles, à les respecter et à les améliorer pourrait diminuer.

 

Les tenants de la responsabilité solidaire soutiennent qu’elle est moins complexe qu’un régime de responsabilité proportionnelle ou qu’un système hybride plafonné. En effet, avec le régime de responsabilité solidaire, la réclamation d’un plaignant peut être traitée sans avoir à prendre en considération la répartition entre les défendeurs. Si cela est peut-être vrai pour l’action principale, la question de la répartition doit toujours être examinée dans les actions subséquentes de contribution. Ainsi, les partisans d’une réforme suggèrent que la disparition de ces audiences sur la contribution, applicables dans un régime de responsabilité proportionnelle, pouvait constituer un avantage. 

 

De façon générale, la profession des vérificateurs s’inquiète de ce que la responsabilité solidaire nuit à la qualité globale des services proposés par la profession. Elle reconnaît que les cabinets de vérificateurs de grande envergure appliquent un certain nombre de mesures de protection pour assurer le respect de normes de grande qualité (par exemple des contrôles de la qualité et des dispositifs de surveillance externes), mais aucun des cabinets n’est suffisamment assuré pour pouvoir couvrir des sinistres catastrophiques. Et même s’ils l’étaient, la profession est d’avis que les primes d’une telle assurance rendraient le coût des services de vérification prohibitif. 

 

Dans la même veine, les professionnels de la vérification font remarquer qu’il est de plus en plus difficile d’attirer de jeunes professionnels de qualité vers la profession de vérificateur et de les conserver, et que de moins en moins de cabinets sont prêts à prendre le risque de vérifier les grandes sociétés ouvertes. L’un des participants à la table ronde, représentant les cabinets de vérificateurs de petite taille ou de taille intermédiaire, a fait remarquer que les cabinets de taille intermédiaire sont également désavantagés par le régime de responsabilité solidaire, notamment en matière de recrutement des employés et de capacité à aider les plus petites sociétés et les entreprises à but non lucratif. De façon générale, les participants représentant les grands cabinets de vérificateurs ont le sentiment que le régime de responsabilité solidaire a pour effet de rendre les vérificateurs garants des autres parties, ce qui est injuste.

 

C.        Responsabilité proportionnelle


On considère que le régime de responsabilité proportionnelle permet aux plaignants d’obtenir un dédommagement raisonnable (à noter que dans certains cas, il ne s’agira pas d’un dédommagement intégral car il se peut que tous les défendeurs ne soient pas en mesure de s’acquitter de leur part). Ce régime est considéré comme plus coûteux et moins efficace du point de vue du plaignant étant donné que ce dernier doit intenter une action auprès de chaque défendeur, au lieu d’une action unique. Cependant, du point de vue des défendeurs, ce système est considéré comme plus équitable et comme conférant plus de certitude étant donné que leur responsabilité est proportionnelle à leur faute. On ignore quelles seraient les répercussions du régime en termes de dissuasion.

Il existe un certain nombre d’arguments pour et contre le régime de responsabilité proportionnelle complet. Pour la plupart, ces arguments concernent l’équité, l’effet sur la disponibilité et le coût de l’assurance-responsabilité, les coûts et l’incertitude liés au litige et la question de la dissuasion. L’argument principal en faveur de la responsabilité proportionnelle est aussi fondé sur l’équité, mais cette fois-ci l’équité du point de vue des défendeurs. On soutient qu’il est injuste qu’un défendeur dont le degré de responsabilité est mineur par rapport à celui des autres défendeurs soit tenu d’indemniser intégralement le plaignant en cas d’insolvabilité ou d’indisponibilité des autres défendeurs. En théorie, le défendeur qui est le moins à blâmer pourrait se faire dédommager par les défendeurs qui sont les plus à blâmer. Dans la pratique, toutefois, en particulier lorsqu’il s’agit de professionnels assurés, le premier défendeur doit payer la part du lion de la responsabilité lorsque les autres défendeurs sont insolvables ou indisponibles.

 

Les partisans de la responsabilité proportionnelle soutiennent que la responsabilité solidaire encourage les plaignants à cibler de façon inéquitable les défendeurs que l’on sait assurés ou solvables ou qui sont perçus comme tels. Par exemple, l’industrie de la comptabilité prétend que, parce qu’ils save