A. La définition des « biens familiaux » selon la Loi sur le droit de la famille

Aux fins de ce rapport, la CDO a présumé que les caractéristiques principales des dispositions sur les biens familiaux de la LDF seront maintenues, y compris le fait qu’elles ne s’appliquent pas aux conjoints de fait et le respect des principes que les ex-conjoints partagent également la valeur des biens familiaux nets (plutôt que détenir chacun un droit à la moitié de tous les éléments composant les biens familiaux) et que les dettes ne peuvent pas faire en sorte que les biens familiaux nets des conjoints soient inférieurs à zéro. L’opportunité de modifier ces aspects du droit sur les biens familiaux est une question dont les implications dépassent largement les régimes de retraite et il serait incorrect de l’aborder dans le cadre de ce projet, qui se limite aux régimes de retraite. Nous avons donc examiné l’opportunité de continuer à soumettre les régimes de retraite au régime d’égalisation de la LDF en faisant référence aux caractéristiques génériques actuelles de ce régime.

 

1. Les régimes de retraite devraient-ils être retirés du régime d’égalisation?

Selon la CDO, le retrait des régimes de retraite du régime d’égalisation pourrait être source d’injustice entre conjoints détenant un patrimoine net équivalent. Prenez l’exemple d’une participante à un régime de retraite avec des dettes de 200 000 $, un régime de retraite évalué à 150 000 $ et d’autres biens évalués à 50 000 $, dont le conjoint possède des biens valant 10 000 $ et des dettes de 10 000 $. Si le régime de retraite est partagé en dehors du régime d’égalisation, la participante perdra la moitié de la valeur de son régime de retraite au profit de son conjoint non participant, même si les deux parties sont dans une position semblable eu égard aux biens familiaux nets. Cependant, si les droits en vertu d’un régime de retraite sont compris dans le processus d’égalisation, la participante pourrait conserver tout son régime de retraite parce que ses biens familiaux nets seraient à zéro.[62] (Ce qui ne suggère aucunement que le conjoint non participant, selon l’état de sa situation, n’aurait pas droit à une pension alimentaire. Cependant, le but de la partie I de la LDF est de placer les conjoints dans une situation équivalente par rapport aux biens familiaux, et non de répondre aux besoins alimentaires. Les obligations alimentaires sont traitées à la partie III de la LDF).

La CDO remarque que le partage d’un régime de retraite en dehors du régime d’égalisation peut diminuer la flexibilité dont les parties jouissent par rapport à d’autres biens familiaux. Par exemple, il n’est pas rare qu’un couple ne possède que deux biens d’importance, des droits en vertu du régime de retraite d’un des conjoints et un foyer conjugal détenu conjointement. Dans un tel cas, le partage du régime de retraite en dehors du régime d’égalisation entraînerait probablement la vente du foyer conjugal, alors que, si l’on traite tous les biens familiaux ensemble selon le régime d’égalisation, cela peut augmenter la probabilité que le conjoint non participant puisse conserver le foyer conjugal s’il/elle préfère cette solution à celle de la vente et du partage de son produit. Finalement, la CDO remarque qu’il est difficile de justifier une politique d’exclusion des régimes de retraite du régime d’égalisation alors que d’autres comptes de retraite, comme les REER, ne sont pas exclus des biens.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

A.1. Les droits en vertu d’un régime de retraite, qui ont été acquis par un participant, devraient continuer à être considérés comme des « biens familiaux » aux fins de la Loi sur le droit de la famille (LDF) et donc, être assujettis au régime d’égalisation de la LDF.

 

2. Les droits non acquis devraient-ils être traités comme des biens?

Aux fins du calcul des « biens familiaux nets » d’un conjoint, la LDF définit « bien » comme comprenant :

… dans le cas du droit du conjoint, en vertu d’un régime de retraite, qui a été acquis, le droit du conjoint….

Certains pourraient prétendre que la référence au concept d’acquisition du droit signifie qu’un droit en vertu d’un régime de retraite non encore acquis n’est pas pris en compte dans le calcul des biens familiaux nets d’un participant à un régime de retraite, mais les tribunaux ont plutôt décidé que la valeur de ce droit doit être comprise. Même s’il ne s’agit pas de l’intention originelle, la CDO ne voit aucune raison de ne pas inclure les droits non acquis selon un régime de retraite parmi les « biens » aux fins du régime d’égalisation. Bien que ces droits soient éventuels, ils ne sont pas pour autant dépourvus de valeur.[63] Un amendement à la définition de la LDF serait désirable, afin d’écarter toute implication selon laquelle un droit non acquis n’est pas compris (résultat qui pourrait être obtenu en enlevant les mots « qui a été acquis ») puisqu’il permettrait de rendre le texte de la Loi conforme à l’état actuel du droit.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

A.2. La LDF devrait être amendée afin d’indiquer que les droits non acquis en vertu d’un régime de retraite sont aussi des « biens familiaux ».

 

B. Évaluation des droits selon un régime à prestations déterminées

Comme nous en avons discuté précédemment, il existe trois méthodes principales d’évaluation d’un régime de retraite en droit de la famille : la méthode de la cessation d’emploi, la méthode de la retraite et la méthode mixte retraite/cessation d’emploi (ci-après appelée la « méthode mixte »). La méthode de la cessation d’emploi et la méthode mixte prennent toutes deux comme point de départ le montant accumulé dans le régime de retraite à la date d’évaluation (habituellement, la date de la séparation), sans présumer de services supplémentaires et sans projeter d’augmentations futures de salaire (sauf, parfois, pour l’inflation). Cependant, selon la méthode mixte, contrairement à la méthode de la cessation d’emploi, on présume un service continu aux fins des avantages complémentaires non acquis au moment de la séparation lorsque le participant n’a pas accumulé suffisamment d’états de service, mais que ces prestations seront éventuellement acquises si le participant conserve son emploi. (Un exemple à ce sujet serait le droit à des prestations de préretraite non réduites si le participant s’y qualifie par un « facteur quatre-vingt-dix » lorsque, au moment de la séparation, son âge et ses états de service n’atteignent pas encore quatre-vingt-dix). La méthode de la retraite présume des services futurs à ce sujet, tout en projetant des augmentations de salaire, ce qui comprend une augmentation non liée à l’inflation, comme celle provenant d’une promotion. La tendance ontarienne serait de préférer la méthode mixte (malgré un manque de cohérence par rapport à la terminologie utilisée dans plusieurs décisions), mais, en droit, on ne peut pas considérer cette question comme clairement décidée.

La CDO recommande que la LDF soit amendée afin de prévoir que la méthode mixte soit utilisée dans l’évaluation des droits en vertu d’un régime de retraite aux fins du droit de la famille. Même si certains pourraient s’opposer qu’en tenant compte des services futurs aux fins des avantages complémentaires comme des prestations de préretraite non réduites, la méthode mixte accorde dans les faits au conjoint non participant une part des augmentations de la valeur du régime de retraite du participant après la séparation, la CDO note que l’accumulation d’états de service suffisants pour permettre l’acquisition de tels droits découle partiellement des états de service gagnés pendant la durée du mariage.[64] D’autre part, la méthode de la retraite pourrait manifestement faire en sorte que le conjoint non participant partage de façon inappropriée les augmentations de valeur survenues après la séparation, ce qui est particulièrement évident lorsque le participant obtient d’importantes promotions après l’échec du mariage. Bien que la CDO reconnaisse l’argument selon lequel l’origine des succès de carrière après la séparation puisse, dans une certaine mesure du moins, provenir de décisions prises et de rôles acceptés lors du mariage, la méthode de la retraite ne fait aucune distinction à cet égard, et, qui plus est, elle est beaucoup plus spéculative que l’une ou l’autre des autres méthodes. Tout compte fait, la CDO croit que la méthode mixte établit le meilleur équilibre entre les parties.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

B. La LDF devrait être amendée afin de prévoir qu’aux fins de l’évaluation, les droits en vertu d’un régime de retraite à prestations déterminées soient évalués avec la méthode mixte retraite/cessation d’emploi.

 

C. Règlement d’un régime de retraite à prestations déterminées non encore versées

De toutes les provinces et tous les territoires canadiens ayant édicté des lois sur le partage des régimes de retraite en cas d’échec du mariage, la majorité a préféré une méthode habituellement appelée le « mécanisme de règlement immédiat » (MRI),[65] selon lequel il y a (au sens large) une détermination immédiate de la part du conjoint non participant en fonction de la valeur du régime de retraite du participant et un transfert immédiat d’un montant à même la caisse de retraite du participant au profit du conjoint non participant. Trois provinces ont adopté une méthode alternative, le mécanisme de règlement différé (MRD),[66] selon lequel la formule de partage du régime de retraite est déterminée immédiatement, mais le partage remis à plus tard.

 

1. MRI contre MRD

Voici certains des motifs au soutien de l’adoption du MRI :

Le MRI permet une « rupture nette » entre les parties;

Le MRI est une méthode de nature simple et d’application facile comparativement au MRD;

Le MRI est beaucoup moins lourd et coûteux pour les régimes de retraite que le MRD;

Le MRD fait en sorte que le conjoint non participant partage les augmentations de valeur du régime de retraite du participant survenus après la séparation.

D’autre part, ceux qui préfèrent le MRD font valoir que :

Le fait que le conjoint non participant partage les augmentations de valeur du régime de retraite du participant survenant après la séparation, puisque la valeur ultime d’un régime de retraite est surtout payée grâce aux cotisations effectuées en début de carrière;

Avec le MRD, il n’est pas nécessaire de calculer la valeur actualisée du régime de retraite du participant, ce qui fait que le « jeu de devinettes » inhérent au choix de la valeur actualisée – et donc au risque de surévaluer ou de sous-évaluer le régime de façon importante à cause d’hypothèses postulées pour déterminer une valeur actualisée – est écarté; et

Le MRI, tel qu’appliqué dans presque toutes les autres provinces et les territoires canadiens, utilise la méthode de la valeur de rachat lors de l’évaluation du droit du participant à des prestations, ce qui donne donc une valeur relativement basse aux fins du transfert hors de la caisse de retraite au profit du conjoint non participant.

Selon la CDO, une partie des arguments formulés au soutien du MRI ou du MRD surestime les enjeux.

Le fait que le MRI permet une « rupture nette » ne fait pas de doute, mais le MRD n’oblige pas pour autant les ex-conjoints à continuer à se parler. (Les contacts se feraient plutôt avec l’administrateur du régime que l’un avec l’autre, même si un lien financier subsiste évidemment entre les conjoints, puisque le montant des prestations de retraite du conjoint non participant dépend de la valeur du régime de retraite du participant lorsque des prestations commencent à être versées).

Les arguments quant aux augmentations de valeur du régime de retraite survenant après la séparation sont également exagérés, des deux côtés. Les adeptes du MRD, qui prétendent que la valeur d’un régime de retraite dépend surtout des cotisations faites par le participant en début de carrière, peuvent avoir raison sur ce point, mais cela ne tient pas compte du fait qu’aux fins du droit de la famille, la valeur d’un régime de retraite à prestations déterminées (contrairement à un régime à cotisations déterminées) ne dépend pas du montant des cotisations ou du rendement du placement. D’autre part, il est certainement inexact de prétendre que le succès du participant après la séparation (et donc les augmentations de valeur de son régime de retraite) ne dépend aucunement des événements survenus lors du mariage.

Quant à l’argument selon lequel le choix du MRD signifie qu’il n’est plus nécessaire de déterminer la valeur actualisée du régime, la CDO reconnaît que les hypothèses utilisées pour déterminer la valeur actualisée font habituellement en sorte que le régime de retraite s’avère sous-évalué ou surévalué comparativement aux prestations ultimement versées. Cependant, nous croyons également que cela ne tient pas compte du fait que la valeur de presque tous les biens, déterminée à la date de la séparation, puisse s’avérer beaucoup plus ou moins élevée qu’à un autre moment futur. Bien que cela puisse causer du ressentiment de la part de l’un ou de l’autre des conjoints, le risque à ce sujet est inhérent au régime même, qui exige que les biens familiaux soient évalués à des fins d’égalisation.

La CDO convient avec les critiques du MRI que ce dernier, comme appliqué ailleurs au Canada, tend à conférer une valeur basse au régime de retraite et est donc injuste à l’égard du conjoint non participant. La CDO convient également avec les critiques du MRD que ce dernier est compliqué comparativement au MRI et qu’il impose un fardeau aux administrateurs de régimes de retraite, ce que ne fait pas le MRI. Cela nous a amenés à faire une recommandation en deux volets :

· Le MRI devrait être l’option principale de partage des régimes de retraite, offerte dans tous les cas d’échec du mariage, avec une réserve toutefois : que la dette d’égalisation du participant soit seulement satisfaite dans la mesure de la valeur transférée hors du régime au profit du conjoint non participant;

· Une option de MRD devrait être offerte sur une base strictement restreinte, c’est-à-dire :

o Lorsque le participant est à dix ans ou moins de la date normale de la retraite selon le régime et qu’il/elle en convient avec le conjoint non participant. Le MRD, qui permet d’en arriver à un résultat financier qui est probablement conforme aux attentes des deux parties n’eût été de la séparation, semble alors plus approprié (malgré le fardeau supplémentaire que cela impose aux administrateurs du régime) seulement lorsque la retraite est relativement proche, et que les attentes sont les plus précises et les plus claires; ou

o Lorsque le participant n’est pas à dix ans ou moins de la date normale de la retraite, mais que les parties et l’administrateur du régime de retraite conviennent d’appliquer le MRD.

 

a) D’autres possibilités de MRI

Les critiques du MRI prétendent que ce mécanisme est injuste envers le conjoint non participant parce qu’habituellement,[67] la méthode de la valeur de rachat est utilisée pour évaluer le régime de retraite du participant, et donc sa « sortie du régime » au profit du conjoint non participant. La méthode de la valeur de rachat, lorsqu’elle présume de la cessation immédiate de l’adhésion au régime, n’attribue aucune valeur à des avantages complémentaires non acquis, comme le droit à des prestations de préretraite non réduites, lorsqu’on n’a pas encore répondu aux exigences d’admissibilité. Cela peut produire une valeur moindre – et donc un montant de transfert moins élevé au profit du conjoint non participant – qu’une évaluation faite à l’aide d’une autre méthode, comme la méthode mixte discutée précédemment (dans la partie VI.B). À cet égard, la CDO a évalué si un MRI faisant appel à la méthode mixte d’évaluation plutôt qu’à la méthode de la valeur de rachat serait possible. Une telle approche pourrait cependant donner lieu à des versements de transferts plus élevés au profit du conjoint non participant, qui seraient justifiés par la valeur que le régime de retraite du participant atteindrait ultimement (comme dans le cas où le participant met fin à son emploi peu de temps après la séparation sans jamais avoir eu droit à des prestations de préretraite non réduites). Le manque à gagner devrait soit être absorbé par le régime ou récupéré des prestations de retraites déjà réduites du participant.

La CDO a également étudié s’il serait pratique d’exiger un deuxième calcul de valeur de rachat effectué lorsque le participant parvient à une « date de déclenchement » (celle de la retraite, de la préretraite, du décès ou de la cessation d’emploi), dans le but de compléter le montant originellement transféré au profit du conjoint non participant en fonction de toute augmentation de valeur subséquente. Nous avons toutefois conclu que cette approche serait trop complexe et qu’elle ajouterait un fardeau aux administrateurs du régime, surtout dans le cas de participants qui se retrouveraient avec plus d’un ex-conjoint.

Tout compte fait, la CDO croit que le MRI avec un transfert basé sur la valeur de rachat constitue la meilleure solution. Nous remarquons également que la valeur de rachat, ne donne pas toujours une valeur moindre à celle de la méthode mixte, et nous aimerions souligner que, quel que soit le cas, selon la proposition de la CDO, le participant demeurerait responsable pour toute différence entre le montant transféré de la caisse de retraite du régime au profit du conjoint non participant et pour sa dette d’égalisation. Finalement, nous croyons que notre proposition d’offrir une option de MRD sur une base restreinte pourrait fournir une solution appropriée aux parties qui ne font face à l’échec de leur mariage que très tard au cours de la carrière du participant ou qui obtiennent le consentement de l’administrateur du régime.

 

b) Destination du transfert

Selon la LRR, un participant à un régime de retraite qui met fin à son emploi et qui a droit à des prestations différées, mais qui souhaite sortir ses droits du régime a trois options : les transférer à un autre régime de retraite (si l’autre régime est prêt à accepter le transfert); les transférer dans « un arrangement d’épargne-retraite prescrit »[68] d’un type prescrit aux fins de l’alinéa 42(1)(b) de la Loi sur les régimes de retraite (essentiellement, un compte de retraite « immobilisé »), ou acheter une rente différée. La CDO croit que des options semblables aux deux premières devraient être offertes au conjoint non participant dans le cas d’un règlement par MRI. (La troisième option, soit l’achat d’une rente différée par quelqu’un qui n’est pas un participant au régime de retraite, pourrait causer des difficultés selon l’article 147.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu[69]).

Le transfert à un compte de retraite immobilisé peut être indiqué pour certains conjoints non participants qui pensent détenir l’expérience nécessaire pour gérer leurs propres investissements ou qui pensent avoir facilement accès à une telle expertise d’autres sources. Cependant, de nombreux conjoints non participants qui n’ont pas leur propre régime de retraite peuvent ne pas détenir les connaissances en placement et l’expérience nécessaires pour autoadministrer un REER ou pour choisir quelqu’un qui détiendrait les qualités nécessaires pour l’administrer pour eux. La création d’une nouvelle caisse publique de retraite dans laquelle les sommes transférées pourraient être versées pourrait fournir une bonne solution de rechange aux conjoints non participants se trouvant dans une telle position, en ce que cela leur conférerait des avantages comparables à ceux conférés par l’adhésion à un régime de retraite important, soit la mise en commun des ressources et du risque de placement, le pouvoir associé à des capitaux de placement importants et à la gestion et l’administration professionnelle et experte de la caisse de retraite.

De façon générale, il semble peu probable que les administrateurs de régimes de retraite soient pour de la création d’un compte à même le régime de retraite du participant au profit du conjoint non participant, le transformant essentiellement en un participant. Cependant, il peut arriver qu’un administrateur de régime soit prêt à le faire, et il n’existe aucune raison alors de l’en empêcher.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

C.1. Sous réserve des autres recommandations contenues à cette partie, lorsqu’un participant à un régime de retraite à prestations déterminées est débiteur d’une obligation d’égalisation envers son conjoint/sa conjointe et qu’il/elle souhaite régler sa dette d’égalisation à même ses droits en vertu du régime de retraite, la loi devrait prévoir que le mécanisme de règlement immédiat de partage s’applique, selon lequel le participant pourrait exiger que l’administrateur du régime transfère, à partir de la caisse de retraite de son régime, une part au prorata de la valeur de rachat du régime à la date de la séparation à :

(a) la caisse de retraite du régime auquel adhère le conjoint non participant, si l’administrateur de ce régime y consent;

(b) un arrangement d’épargne-retraite du type prescrit aux fins de l’alinéa 42(1)(b) de la Loi sur les régimes de retraite;

(c) la caisse de retraite du régime du participant, si l’administrateur de ce régime y consent;[70] ou

(d) dans l’éventualité où le gouvernement juge qu’il est approprié de constituer une caisse de retraite provinciale, cette dite caisse (voir la partie E, ci-après).

Lorsque le montant qui serait autrement transféré excède la dette d’égalisation du participant, ce dit montant serait réduit au montant de la dette d’égalisation. Si le montant à être transféré est moins élevé que la dette d’égalisation du participant, ce dernier ou cette dernière demeurerait responsable de la différence.

Dans certaines circonstances, le MRD serait possible, comme cela est mentionné aux recommandations C.3 et C.4.

C.2. Lorsque le mécanisme de règlement immédiat s’applique, la part au prorata du conjoint non participant serait calculée selon la formule suivante :

½ X A/B X VR

A représente le service validable accumulé durant le mariage des parties; B, le service validable du participant; et VR, la valeur de rachat à la date de la séparation.

 

2. Disponibilités réduites de l’option de MRD

Parce qu’il crée un fardeau plus lourd pour les administrateurs de régimes de retraite que le MRI en établissant dans les faits deux régimes de retraite à gérer, la CDO ne croit pas qu’une solution de MRD devrait être généralement offerte de droit aux parties. Cependant, lorsque l’échec du mariage survient à un moment où la retraite du participant est probablement imminente, la CDO croit que les parties devraient avoir l’option de partage des prestations lorsqu’elles commencent à être versées, puisqu’il est alors plus probable que les deux parties ont formulé des hypothèses au sujet de leur avenir financier solidement et spécifiquement fondées sur le versement de prestations provenant du régime du participant. (Le MRD serait également offert si l’administrateur du régime y consent).

Le fait de restreindre la disponibilité de cette option au maximum permettrait de faire en sorte que le fardeau imposé aux administrateurs des régimes par rapport à la nécessité de traiter le conjoint non participant comme un participant soit une occurrence relativement peu fréquente, à moins que les administrateurs de régimes n’y consentent. (Nous remarquons que certains administrateurs préfèrent accepter un tel fardeau plutôt que sortir des montants de la caisse de retraite du régime tard dans la carrière du participant[71]). Le fardeau administratif peut également être diminué en exigeant que le choix de cette option soit effectué à l’aide de formulaires prescrits par règlement (ou, du moins, fournis par le gouvernement) de façon à ce que les administrateurs du régime n’aient pas à assumer le fardeau ni le risque d’avoir à interpréter des documents variés, aux styles différents, écrits par des rédacteurs aux talents dissemblables. Les administrateurs qui agissent de bonne foi afin de respecter l’orientation donnée dans le formulaire ne devraient pas être considérés comme responsables des pertes en découlant. Qui plus est, ces derniers auraient le droit d’exiger des frais au participant et au conjoint non participant afin de compenser les coûts additionnels encourus compte tenu du choix de l’option de MRD.

Lorsque l’option de MRD est choisie, aucune rente de survivant ne devrait être liée au droit du conjoint non participant, à moins que le régime décide d’offrir un tel avantage. En d’autres termes, la « rente » du conjoint non participant serait une seule rente viagère plutôt qu’une rente commune et une rente de survivant.

De façon générale, le versement des prestations du conjoint non participant devrait débuter lorsque le participant prend sa retraite et reçoit ses propres prestations. Le conjoint non participant ne devrait pas avoir le droit de faire débuter ses prestations quand bon lui semble, car cela pourrait être pénible pour l’administrateur du régime. Cependant, la CDO est préoccupée du fait que, parfois, le participant (que ce soit par dépit ou parce qu’il/elle perçoit un besoin) reporte indûment sa retraite, et nous croyons alors que le conjoint non participant devrait être en mesure d’exiger que ses prestations soient versées lorsque le participant atteint l’âge normal de la retraite, même si le participant continue à travailler.

Le partage du régime de retraite se ferait selon une formule simple basée sur le ratio entre la durée du mariage et la durée de service validable. Des méthodes de partage plus compliquées, comme le versement d’un montant au conjoint non participant jusqu’à ce qu’un montant égal à la dette d’égalisation soit atteint, créent un fardeau pour l’administrateur. Le participant ne devrait donc pas être en mesure d’exiger l’application de ces autres méthodes de partage sans le consentement de l’administrateur.

Lorsque l’option de MRD est choisie, la répartition entre les ex-conjoints des prestations du participant devrait être vue comme remplaçant la dette d’égalisation. Il existe un risque inhérent à cette forme de partage puisque le montant total versé au conjoint non participant pourrait s’avérer moins ou plus élevé que le montant de la dette résultant de l’obligation d’égalisation, et les deux parties devraient assumer ce risque également.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

C.3. Si, à la date de la séparation, le conjoint participant est à dix ans ou moins de la date normale de la retraite selon le régime, les parties pourraient convenir, à titre d’alternative à un règlement faisant appel au MRI, de partager le droit du participant à des prestations entre le participant et le conjoint non participant de façon à ce que chacun ait le droit de recevoir des prestations distinctes. Le conjoint non participant deviendrait alors quasi-participant au régime et il/elle aurait la faculté de faire valoir ses droits selon le régime ainsi que le droit de recevoir directement de l’administrateur du régime des renseignements au sujet du régime de retraite du participant et de sa propre part dans ce régime.

De façon générale, le conjoint non participant commencerait à recevoir des prestations à la retraite du participant, soit, lorsque le participant commence à recevoir des prestations; mais, lorsque le participant ne prend pas sa retraite à la date normale de la retraite selon le régime, le conjoint non participant aurait l’option de recevoir ses prestations à la date normale de la retraite du participant.

Dans les cas où le conjoint non participant commence à recevoir ses prestations en même temps que le participant, les états de service du participant seraient partagés selon la formule suivante :

½ X A/B

A représente le service validable accumulé durant le mariage des parties et B, le service validable total du participant à la retraite. Les prestations du participant seraient calculées à l’aide de la formule de calcul des prestations prévue au régime et des états de service tels que réduits. Pour déterminer le montant des prestations du conjoint non participant, un calcul initial serait effectué à l’aide de la formule de calcul des prestations prévue au régime et des états de service qui lui auront été transférés. Ce montant serait ensuite rajusté pour s’assurer que la valeur actualisée actuarielle de ses prestations, une fois ajoutée à la valeur actualisée actuarielle des prestations du participant, équivaut à la valeur actualisée actuarielle des prestations totales du participant avant le rajustement.

Lorsque le participant ne prend pas sa retraite, ou qu’il/elle ne commence pas autrement à recevoir ses prestations à la date normale de la retraite selon le régime, et que le conjoint non participant choisit de commencer à recevoir ses prestations, ces dernières seraient basées sur le montant accumulé au régime de retraite calculé à la date normale de la retraite à l’aide de la formule suivante :

½ X A/C

A représente le service validable accumulé durant le mariage des parties et C, le service validable du participant à la date normale de la retraite. Un rajustement actuariel pourrait être effectué pour tenir compte de l’âge du conjoint non participant.

À la retraite du participant, il/elle recevrait des prestations en fonction de la formule de calcul des prestations du régime, calculées à la date réelle de la retraite, moins le montant des prestations payables au conjoint non participant. [72]

Lorsque l’option de MRD est choisie, aucune rente de survivant ne serait liée aux prestations du conjoint non participant.

Le choix de l’option de MRD (et tout choix par le conjoint non participant de recevoir ses prestations avant la retraite du participant) serait effectué à l’aide des formulaires prescrits par règlement ou autrement autorisés par le gouvernement. Les administrateurs de régime ne seraient pas responsables des pertes résultant d’un de leurs actes de bonne foi posés sur la foi du formulaire qu’on leur aurait soumis. Ils pourraient également réclamer des frais pour compenser les coûts initiaux et permanents qu’ils encourraient en conséquence du choix de ces options.

Une loi prévoirait que, lorsqu’une telle option est choisie, l’obligation d’égalisation du participant, dans la mesure où elle est basée sur la valeur des prestations, serait réputée avoir été satisfaite (c.-à-d., même si le montant total ultimement versé au conjoint non participant était moins élevé que la dette d’égalisation du participant). Elle devrait également prévoir que la succession du conjoint non participant ne détiendrait aucune dette envers le participant ni envers sa succession si le montant total ultimement versé au conjoint non participant excédait la dette d’égalisation du participant.

 

3. Cas où l’administrateur du régime convient d’un MRD non autrement offert

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la CDO considère qu’à cause du fardeau imposé par le MRD aux administrateurs de régimes de retraite, le MRD ne devrait pas être offert de droit de façon généralisée, mais plutôt seulement lorsque le participant est à dix ans ou moins de la date normale de la retraite selon le régime. Cependant, lorsque des parties autrement non admissibles souhaitent choisir le MRD et que l’administrateur du régime y consent, il ne semble exister aucune bonne raison de s’y opposer.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

C.4. Lorsque le participant est à plus de dix ans de la date normale de la retraite, les parties pourraient choisir l’option de MRD si l’administrateur du régime y consent.

 

4. Champ d’application du régime à prestations déterminées

Les recommandations précédentes proposées aux fins d’un règlement visent seulement les régimes à prestations déterminées. La CDO remarque cependant qu’il peut exister des régimes à prestations déterminées atypiques pour lesquels les options de règlement recommandées peuvent être inadéquates. Ainsi, la loi de mise en œuvre de la règlementation recommandée devrait permettre que des régimes à prestations déterminées avec certaines caractéristiques particulières puissent être exemptés par règlement lorsque le gouvernement considère qu’une telle exemption est de mise. De même, un pouvoir de règlementation devrait également être conféré afin de traiter des régimes communément appelés « régimes mixtes », c.-à-d., ceux combinant des caractéristiques des régimes à prestations déterminées et des régimes à cotisations déterminées. Le pouvoir conféré devrait clairement énoncer que les règles qui s’appliquent autrement pour un régime de retraite assujetti à la règlementation peuvent être modifiées.

Sous réserve de certaines exceptions, la CDO recommande que les options de règlement s’appliquent seulement aux régimes de retraite enregistrés selon la LRR. Ils devraient cependant être également offerts aux régimes de retraite du secteur privé sous juridiction fédérale en matière d’emploi, comme c’est le cas selon la Loi de 1985 sur les normes de prestations de pension[73] applicable à ces régimes, qui rend le droit sur les biens familiaux applicable au partage des régimes de retraite en cas d’échec du mariage. (Les régimes de retraite du secteur public fédéral sont régis par la Loi sur le partage des prestations de retraite,[74] qui contient son propre mécanisme de partage des régimes de retraite). De plus, certains employés ontariens adhèrent à un régime créé par un employeur exerçant ses activités dans plus d’une province et qui a enregistré ce régime selon la loi d’une autre province que l’Ontario. Dans un tel cas, bien que les dispositions de la LRR soient inapplicables, les dispositions de fond des lois ontariennes sur les régimes de retraite s’appliqueraient et les options de règlement recommandées aux présentes devraient être offertes.

Alors que, de façon générale, la CDO ne considère pas qu’il soit possible de rendre la règlementation recommandée aux présentes applicable aux régimes complémentaires de retraite offerts par l’employeur, nous ne voyons pas pourquoi de tels régimes ne seraient pas couverts lorsqu’ils dupliquent un régime enregistré selon la LRR (à la seule différence qu’ils accorderaient des prestations ou permettraient des cotisations excédant les limites de la Loi de l’impôt sur le revenu) ou s’ils étaient inadmissibles à l’enregistrement, si la LRR leur était applicable, compte tenu de la façon dont les prestations s’accumulent ou parce que l’employeur pourrait discrétionnairement modifier les prestations du régime ou la formule régissant les cotisations de l’employeur.

Enfin, la CDO reconnaît que des régimes qui ne correspondent pas aux descriptions contenues aux paragraphes (c) à (f) ci-après puissent exister et que les options de règlement recommandées ne leur conviendraient pas. Lorsque le gouvernement apprend l’existence d’un tel régime, il devrait pouvoir étendre l’application de la règlementation à son égard par règlement.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

C.5. Les recommandations C.1 à C.4 s’appliquent à :

(a) un régime de retraite à prestations déterminées autre que toute catégorie de régime à prestations déterminées prescrite par règlement;

(b) sous réserve des règlements, tout régime mixte, pourvu qu’il prévoie des prestations déterminées;

Et ce, si des prestations ne sont pas versées et que :

(c) le régime est enregistré selon la Loi sur les régimes de retraite ou que les dispositions de fond de cette Loi s’appliquent à lui;

(d) le régime est enregistré selon la Loi de 1985 sur les normes de prestations de pension fédérale;

(e) le régime n’est pas enregistré selon la Loi sur les régimes de retraite, mais il est complémentaire à un régime ainsi enregistré et

(i) il prévoit l’accumulation des prestations de retraite de manière graduelle et uniforme, et

(ii) ni la formule relative aux cotisations de l’employeur à la caisse de retraite du régime ni les prestations de retraite versées ne sont à la discrétion de l’employeur; ou

(f) le régime fait partie d’une autre catégorie de régime à prestations déterminées prescrite.

 

D. Options de règlement et régimes à cotisations déterminées

Alors que l’évaluation des droits d’un participant dans un régime à cotisations déterminées ne soulève généralement aucun problème, certaines parties intéressées ont suggéré que la loi ontarienne devrait prévoir le partage immédiat comme option de règlement, peu importe que le régime de retraite soit un régime à prestations déterminées ou un régime à cotisations déterminées, et la CDO ne voit pas pourquoi l’option de MRI qu’elle recommande ne devrait pas être offerte pour les deux types de régimes. Cependant, il ne semble pas à l’avantage des parties que le conjoint non participant devienne un quasi-participant au régime à cotisations déterminées de son conjoint; cela étant, et compte tenu du fait que le MRD impose inévitablement un fardeau aux administrateurs du régime, la CDO ne recommande pas que le MRD, tel que décrit à la recommandation C.3 soit offert dans le cas des régimes à cotisations déterminées.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

D. L’option de MRI discutée aux recommandations C.1 et C.2 devrait également être offerte lorsqu’un conjoint adhère à un régime à cotisations déterminées, mais non l’option de MRD.

 

E. Une nouvelle caisse de retraite provinciale?

Comme nous en avons discuté à la partie C, la CDO recommande trois options de transfert pour les conjoints non participants qui obtiennent des droits de transfert à la suite du partage d’un régime de retraite, ainsi que, possiblement, une quatrième option : le transfert à une caisse de retraite provinciale, si le gouvernement décide d’en créer une. Lorsque le conjoint non participant adhère à son propre régime, ou lorsque l’administrateur du régime du participant est prêt à créer un compte de retraite à même le régime au profit du conjoint non participant, un transfert au régime constitue probablement la meilleure option. Pour ceux qui n’adhèrent pas à un régime, cependant, le transfert dans un REER peut ne pas s’avérer intéressant, surtout si l’on est néophyte ou sans expérience en matière de placement. Pour de telles gens, le transfert à une caisse de retraite importante offrant une mise en commun du risque du placement, le pouvoir d’investir des montants importants en capital et une gestion par des experts peut s’avérer préférable.

La CDO suggère au gouvernement de considérer la création d’une caisse de retraite provinciale pour recevoir les transferts au nom des conjoints non participants qui choisissent cette option si elle est offerte. Le gouvernement nommerait le personnel responsable de gérer la caisse de retraite et d’effectuer les placements au nom des participants à la caisse. La création d’une telle caisse de retraite fournirait également l’occasion de diminuer le fardeau des administrateurs de régimes de retraite, puisque cette caisse pourrait également recevoir les transferts relatifs aux « participants introuvables » des autres régimes de retraite lorsque les administrateurs souhaitent se départir d’une responsabilité continue envers des participants avec qui ils n’ont plus été en contact depuis un temps donné et ce, malgré des efforts raisonnables de communication de leur part. Le gouvernement pourrait réclamer des frais d’administration pour les comptes des participants à cette caisse de retraite (y compris aux participants introuvables transférés). La CDO reconnaît cependant que même si des frais sont exigés, la création d’une caisse de retraite provinciale pourrait s’avérer coûteuse et ne pas être perçue comme une mesure prudente en période d’incertitude économique.

Dans les circonstances, bien que la CDO ne fasse aucune recommandation définitive, elle suggère ce qui suit :

E. L’Ontario devrait considérer la création d’une caisse de retraite où les conjoints non participants ayant droit à un transfert à la suite du partage d’un régime de retraite (voir la recommandation C.1 faite précédemment) pourraient placer le montant transféré. Le régime pourrait également recevoir les transferts des régimes de retraite souhaitant se départir de leurs « participants introuvables ». Le régime serait une caisse de retraite avec accumulation de capital, c.-à-d., les prestations ultimement versées au bénéficiaire seraient basées sur le montant originellement versé à la caisse de retraite plus le rendement du placement de ce montant par la caisse de retraite.

 

F. La règle des cinquante pour cent

La CDO reconnaît que la règle des cinquante pour cent reflète un objectif légitime pour les régimes de retraite (et même pour la société), soit celui d’augmenter la possibilité pour les participants au régime d’avoir un revenu de retraite raisonnable (même si nous remarquons que cette règle peut perdre une partie de son effet à la suite d’ordonnances alimentaires visant les prestations de retraite, puisque la règle s’applique relativement au règlement des biens familiaux, mais non aux obligations alimentaires). Bien que nous ne recommandions pas l’abolition de cette règle, nous sommes préoccupés par la possibilité que son application pure puisse dans certains cas empêcher l’exécution de l’une des options de règlement recommandées à la partie C, même si (dans le cas où les recommandations soient adoptées) l’approche choisie est conforme aux options spécifiquement offertes par la loi. Puisque la CDO considère que ses recommandations de règlement fournissent un mécanisme juste de partage des droits du régime lorsque l’égalisation ne peut être réussie sans recourir au régime de retraite, nous croyons qu’un règlement se conformant à la règlementation relative au MRI ou au MRD devrait être présumé conforme à la règle des cinquante pour cent.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

F. Un règlement se conformant à la règlementation relative au MRI ou au MRD devrait être présumé conforme à la règle des cinquante pour cent.

 

G. Les crédits du Régime de pensions du Canada

Il ne fait guère de doute en droit que les crédits du RPC constituent des « biens familiaux » selon la LDF, même s’il semble que, dans les faits, cela soit souvent ignoré. Bien que certaines parties intéressées aient suggéré que la définition de « biens familiaux » soit amendée en conséquence, de façon à exclure les crédits du RPC, la CDO ne voit en principe aucune raison de décider que les droits en vertu d’un régime de retraite professionnel sont des « biens familiaux » et pas les crédits du RPC. La CDO croit cependant que les parties devraient pouvoir renoncer au droit de partager ces crédits. Le RPC, qui découle d’une loi fédérale, permet aux provinces d’édicter des lois permettant une telle renonciation, cependant, alors que plusieurs provinces l’ont fait, ce n’est pas le cas de l’Ontario. La CDO a eu vent d’anecdotes selon lesquelles une partie accepte parfois, dans le cadre d’un règlement d’égalisation, de ne pas demander de partage des crédits, et qu’elle décide plus tard de se raviser. En l’absence de loi ontarienne autorisant une renonciation, les autorités fédérales n’ont d’autre choix que d’effectuer le partage. L’Ontario devrait éliminer cette brèche pouvant donner lieu à un comportement contraire à l’éthique.

En conséquence, la CDO recommande ce qui suit :

G. L’Ontario devrait édicter une loi permettant aux parties de renoncer au droit de partager les crédits du RPC.

 

H. La « double ponction »

Une « double ponction » survient lorsque, lors du processus d’égalisation, un conjoint qui adhère à un régime de retraite transfère de l’argent comptant ou d’autres biens à son conjoint non participant afin de respecter son obligation d’égalisation sans recourir au partage du régime de retraite, pour apprendre plus tard que le conjoint non participant sollicite une ordonnance alimentaire en fonction des prestations de retraite du participant.[75] Le participant est naturellement amer, puisqu’il/elle considère que le régime de retraite a déjà été pris en compte dans le règlement des biens et ne devrait pas l’être à titre de revenu pour des fins alimentaires.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la Cour suprême du Canada a décidé, dans Boston c. Boston que la double ponction n’était généralement pas appropriée, même si la Cour a reconnu qu’elle pouvait être acceptée dans certaines circonstances, comme dans les cas où une ordonnance alimentaire est fondée sur le besoin plutôt que sur la compensation ou lorsque, malgré que l’ordonnance soit de nature compensatoire, le conjoint non participant a déployé des efforts raisonnables pour utiliser les actifs qui lui ont été transférés lors du processus d’égalisation pour obtenir un revenu, mais qu’il/elle éprouve toujours des difficultés économiques. Même si la Cour pensait qu’elle avait énoncé une exception assez restrictive à la règle générale que la double ponction était inappropriée, un commentateur a remarqué que l’exception était « [TRADUCTION] pratiquement assez large pour avaler la règle elle-même ».[76]

Quoi qu’il en soit, l’assertion de la Cour à l’effet qu’il faille généralement éviter la double ponction relativement à un régime de retraite, par opposition aux autres actifs générateurs de revenus, était basée sur le point de vue qu’un régime de retraite diffère des autres actifs comme les placements parce que le régime est « liquidé »[77] dès que les prestations commencent à être versées, alors qu’un placement peut générer du revenu sans épuiser l’actif lui-même.

La CDO suggère respectueusement que les motifs invoqués par la Cour suprême du Canada pour traiter les régimes de retraite différemment des autres actifs sont viciés. Il est vrai que, dans une perspective actuarielle, le fait que des prestations soient versées fait perdre de la valeur au régime puisque le participant se rapproche de son décès à mesure que les prestations sont versées, ce qui fait diminuer la valeur actualisée du régime. Cependant, du point de vue du participant, le régime de retraite n’est pas liquidé puisqu’il/elle continuera à recevoir ses prestations jusqu’à ce qu’il/elle meure – la dépréciation actuarielle n’a pas d’impact sur la valeur réelle selon lui/elle.[78] Dire que le régime de retraite est liquidé implique un capital limité qui diminue à chaque versement et ce n’est tout simplement pas le cas.

Quant à la question de la double ponction, la CDO considère qu’il n’existe en principe pas de différence entre un conjoint participant qui donne de l’argent comptant pour respecter une dette d’égalisation dans l’espoir de conserver l’intégralité de ses prestations de retraites et un conjoint actionnaire qui donne de l’argent comptant pour respecter une dette d’égalisation dans l’espoir de conserver l’intégralité de son revenu de dividende. De notre point de vue, la question de la double ponction n’est pas propre aux régimes de retraite : elle est pertinente dans le cas de tout actif générateur de revenus qui sera pris en compte lors du processus d’égalisation. Si la double ponction doit être interdite ou si les exceptions à la « règle » interdisant la double ponction doivent être restreintes, il s’agit d’une question à être traitée dans le cadre d’un projet générique sur le droit des biens familiaux et non dans un projet restreint aux régimes de retraite.

H. Par conséquent, pour les motifs exprimés, la CDO ne propose aucune recommandation à l’heure actuelle au sujet de la double ponction.

 

I. Unions de fait

La CDO a présumé, aux fins de ce rapport, que les dispositions de la LDF portant sur les biens familiaux continueront généralement à ne pas s’appliquer aux unions de fait. Ce faisant, nous n’exprimons aucune opinion sur l’opportunité de continuer à exclure ces unions. La question de l’application des dispositions sur les biens familiaux aux unions de fait s’étend bien au-delà des droits selon les régimes de retraite et, de façon générale, la CDO croit qu’il serait inapproprié de la traiter dans le cadre d’un projet restreint aux régimes de retraite. La CDO considère cependant que les options de partage des régimes de retraite offertes aux ex-époux devraient être offertes aux conjoints de fait qui se séparent lorsqu’ils conviennent qu’un régime de retraite appartenant à l’un des deux devrait être partagé lors du règlement de leur union.

I. Lorsqu’une union de fait prend fin et que l’un des conjoints ou les deux adhèrent à un régime de retraite à prestations déterminées, ils pourraient convenir que ce ou ces régimes de retraite soient partagés selon le mécanisme décrit à la partie C.

 

 

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