A.             Droit constitutionnel
 

La plupart des lois portant sur l’emploi ou le travail relèvent de la compétence provinciale. Il existe cependant des lois et des politiques fédérales qui ont une incidence sur le statut des travailleurs et un impact sur la capacité de la province de rejoindre les travailleurs vulnérables par le biais des lois et des politiques provinciales.  

Le mandat de la CDO ne s’applique qu’au droit provincial. L’immigration est un domaine de pouvoirs concurrents selon l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867; le gouvernement fédéral est cependant généralement responsable de l’immigration au Canada, du moins en ce qui concerne l’Ontario, même s’il le fait de plus en plus en partenariat avec la province. Comme cela a été mentionné, de nombreux travailleurs vulnérables sont venus au Canada, et donc en Ontario, par le biais de programmes fédéraux visant les travailleurs. Ces programmes contiennent des règles qui influent sur la façon dont la province répond aux préoccupations des travailleurs vulnérables. Ce projet examinera les relations entre les lois et les politiques fédérales et celles de la province afin de comprendre l’étendue de la capacité d’agir de l’Ontario.

La Charte canadienne des droits et libertés peut également s’avérer pertinente pour aborder le cas des travailleurs vulnérables, en ce qui concerne la liberté d’association et les exclusions à la négociation collective ou l’égalité et l’impact des normes d’emploi sur la vie des femmes (blanches) et des hommes et des femmes racialisés qui effectuent du travail précaire.

 

B.             Droit provincial

1.                 Lois 

Les lois ontariennes les plus importantes aux fins de ce projet sont la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, la Loi modifiant la Loi de 2000 sur les normes d’emploi en ce qui concerne les agences de placement temporaire et certaines autres questions, la Loi sur la santé et la sécurité au travail, la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, la Loi sur l’équité salariale, la Loi de 1995 sur les relations de travail et le Code des droits de la personne de l’Ontario. Nous étudierons également la mise en application de ces lois.  

·                     La Loi de 2000 sur les normes d’emploi, L.O. 2000, chap. 41 (LNE de 2000) : elle établit les normes minimales s’appliquant à la plupart des employés par rapport à la plupart des conditions de travail.  

·                     La Loi modifiant la Loi de 2000 sur les normes d’emploi en ce qui concerne les agences de placement temporaire et certaines autres questions (le projet de loi 139) : parmi d’autres dispositions couvrant ce groupe de travailleurs, cette loi, promulguée en mai 2009 et qui fait maintenant partie de la LNE de 2000, clarifie que l’agence de placement est l’employeur des travailleurs, même s’ils travaillent temporairement pour un client de l’agence ou que leur nom apparaît simplement dans les registres de l’agence. Un résumé des dispositions de cette loi peut être consulté au http://www.labour.gov.on.ca/french/es/pubs/guide/tempagencies.php

·                     La Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, chap. O.1 (LSST) précise l’implication des employés en matière de santé et de sécurité dans la plupart des milieux de travail. 

·                     La Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, L.O. 1997, chap. 16, Annexe A (LSPAAT de 1997) précise un mécanisme d’assurance sans faute, payée par les employeurs pour les accidents subis par les employés au travail. 

·                     La Loi de 1995 sur les relations de travail, L.O. 1995, chap. 1, Annexe A (LRT de 1995) précise le mécanisme de négociation collective pour la plupart des employés, ainsi que les dispositions connexes servant à faire respecter l’intégrité de ce mécanisme. 

·                     La Loi sur l’équité salariale, L.R.O. 1990, chap. P.7 (LES) oblige les employeurs des secteurs public et privé à payer un salaire égal pour du travail de valeur équivalente, et ce, à titre de compensation pour la discrimination salariale fondée sur le sexe.  

·                     Le Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, chap. H.19 (CDP) interdit la discrimination en emploi en fonction de 15 critères, y compris la race, le lieu d’origine, l’origine ethnique, la citoyenneté, le handicap et le sexe et il exige l’accommodement des employés handicapés, sans aller jusqu’à la contrainte excessive. Des renseignements au sujet des accommodements sont disponibles sur le site Internet de la Commission ontarienne des droits de la personne au http://www.ohrc.on.ca/fr.  

D’autres lois provinciales et fédérales touchent les travailleurs vulnérables, parfois par omission. Par exemple, l’article 5(b) de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, L.O. 2006, chap. 17, exempte « les logements dont l’occupation dépend du fait que les occupants continuent d’être employés dans une exploitation agricole, que les logements y soient situés ou non », ce qui fait en sorte que les travailleurs migrants n’ont aucun recours en vertu de la loi si leur logement ne répond pas aux normes. D’autres types d’aide pour les travailleurs sont les prestations d’aide sociale disponibles par le biais du système d’aide social provincial et les prestations d’assurance-emploi fédérales. 

 

2.                 Mécanismes d’application des lois 

Les processus d’application des lois sont importants pour en déterminer l’efficacité. Selon de nombreuses lois, le moyen principal d’application de la loi est un système de plaintes individuelles, qui est parfois renforcé par une surveillance proactive exercée par des agences gouvernementales. La LNE de 2000, la LES, la LSST et le CDP prévoient des systèmes reposant sur les plaintes. Qui plus est, la LES contient des obligations proactives obligeant les employeurs et les agents négociateurs à créer et à mettre en œuvre des programmes d’équité en matière d’emploi en vertu de la LSST pour que les employeurs, les syndicats et les agents négociateurs fournissent un milieu de travail sécuritaire. Selon la LSST, les travailleurs peuvent refuser de travailler s’ils croient que le travail n’est pas sécuritaire. 

Dans certains cas, le gouvernement surveille la mise en œuvre de la loi. Par exemple, selon la LNE de 2000, le ministère du Travail vise les employeurs des secteurs à haut risque et les récidivistes. Entre 2003 et 2007, un peu plus de 15 000 plaintes individuelles furent déposées annuellement en moyenne, et cela passa à 21 304 plaintes en 2009. Les enquêtes d’employeurs sélectionnés par le ministère du Travail augmentèrent de 151 en 2003 à 2713 en 2006. Des 15 000 enquêtes effectuées à la suite de plaintes en 2006, le ministère du Travail conclut à des violations dans 11 358 cas, qui entraînèrent quatre poursuites de sociétés et d’administrateurs.[24]

 

3.                 Protection des travailleurs qui se plaignent 

Les travailleurs peuvent s’abstenir de déposer une plainte par crainte de représailles. Même si les lois contiennent des mesures anti-représailles, ces dernières peuvent s’avérer inefficaces.  

Les travailleurs migrants font face à des difficultés s’ils désirent porter plainte, compte tenu de leur manque de compétences linguistiques ou de leur manque de connaissance du système. Qui plus est, les employeurs peuvent les rapatrier – en mettant fin à leur emploi et en les renvoyant dans leur pays d’origine – sans avoir à motiver leur décision, ce qui peut décourager les travailleurs de déposer des plaintes.  

Les domestiques peuvent avoir de la difficulté à se plaindre de leurs conditions de travail à cause de leur isolement, de leur statut d’immigrant, de leur langue et de leur sexe. Les travailleurs à domicile, qui travaillent chez eux pour le compte d’une entreprise ou d’une agence, sont également protégés par la LNE de 2000, mais ils peuvent avoir de la difficulté à déposer une plainte compte tenu de leur isolement.

Les nouvelles dispositions touchant les travailleurs des agences de placement selon la LNE de 2000 font en sorte que l’agence de placement et son client sont tous deux visés par les mesures anti-représailles.

 

4.                 Négociation collective 

La négociation collective et la procédure de grief doivent servir à donner une voix au travail aux employés. Les employeurs peuvent également déposer des griefs à l’encontre du syndicat et, dans certaines circonstances, des employés peuvent le faire personnellement en vertu de la LRT de 1995 en alléguant que le syndicat a agi de façon arbitraire ou discriminatoire.  

Le secteur public est très organisé; son taux global de syndicalisation est cependant inférieur à 30 % en Ontario. Les taux relatifs aux hommes, et surtout aux jeunes hommes, ont diminué (de près de 20 % entre 1981 et 2004), alors que les taux concernant les femmes âgées de 45 à 64 ans ont augmenté de 8 %, surtout parce que le service public compte plus de femmes. Ce que nous appelons le « travail précaire » a de faibles taux de syndicalisation et les travailleurs effectuant certains types de travail précaire, comme les travaux domestiques, n’ont pas le droit de se syndiquer ou de négocier collectivement. Les travailleurs agricoles sont exclus de la LRT de 1995 et sont assujettis à la Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles, L.O. 2000, chap. 16. La constitutionnalité de cette loi a été contestée en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et la question est devant la Cour suprême du Canada.[25]

 

C.              Ententes fédérales-provinciales
 

Comme l’ont fait d’autres provinces, l’Ontario a conclu des accords avec le gouvernement fédéral au sujet des travailleurs étrangers temporaires. La province a signé le premier accord fédéral-provincial canadien portant sur l’immigration en novembre 2005, dans le but de se faire transférer des fonds fédéraux pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Un accord subséquent vise spécifiquement les travailleurs étrangers temporaires « dont la présence en Ontario peut contribuer à promouvoir les priorités de la province en matière de développement économique ».[26] L’Ontario participe au Programme de désignation des candidats des provinces qui lui permet de sélectionner des immigrants pour obtenir un statut de résidant permanent en priorité. Le programme est actionné par les employeurs et il vise les personnes qualifiées ou ayant fait des études supérieures.[27] 

L’Ontario, la ville de Toronto et le gouvernement fédéral ont également conclu un protocole d’entente dans le but d’« améliorer la situation des immigrants sur plusieurs aspects intéressant les trois niveaux de gouvernement, y compris la citoyenneté et l’engagement civique, et à faciliter l’accès à l’emploi, aux services, à l’enseignement et à la formation ».[28]

 

D.             Droit international
 

Bien que le Canada n’ait pas signé toutes les conventions internationales traitant de la situation des travailleurs, ces dernières fournissent un étalon permettant d’évaluer comment les travailleurs vulnérables sont traités. Un exemple à ce titre serait la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, que le Canada n’a pas signée. L’Organisation internationale du Travail a promulgué huit conventions fondamentales qui visent les droits des travailleurs, dont cinq ont été ratifiées par le Canada. La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998 prévoit que tous les membres de l’OIT ont l’obligation « de respecter, promouvoir et réaliser (…) les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions », même s’ils ne les ont pas ratifiées. Parmi les catégories de droit citées se trouvent la liberté d’association, la reconnaissance effective du droit de négociation collective et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. [29]

 

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