Au cours des dernières années, les politiques relatives à l’emploi précaire ont fait l’objet de nombreuses analyses et études importantes. En 1990, le Conseil économique du Canada qualifiait la croissance du travail non traditionnel de « force sociale servant à augmenter la segmentation du marché de l’emploi, où les expériences professionnelles sont de plus en plus polarisées en deux catégories — les “bons” et les “mauvais” emplois ».[2] Les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques et la Commission du droit du Canada ont parrainé une série de publications portant sur les travailleurs vulnérables.[3] Le Québec a également entrepris des recherches sur cette question.[4] Plus récemment, on a connu une prolifération d’études universitaires sur l’emploi précaire.[5] Beaucoup de ces travaux sont explicitement multidisciplinaires et orientés vers les programmes et ils traitent des problématiques de façon extrêmement sophistiquée.

 

Depuis la fin des années 1980, la Cour suprême du Canada a démontré un intérêt marqué pour cette question, utilisant même les termes « travailleurs vulnérables ».[6] Dans l’arrêt Dunmore, la Cour, qui se penchait sur le droit d’association des travailleurs agricoles en Ontario, a fait état de la « vulnérabilité inhérente » des travailleurs en général par rapport à la direction et de la « vulnérabilité particulière » des travailleurs agricoles.[7] Le ministère du Travail de l’Ontario emploie également l’expression « travailleurs vulnérables » dans certains documents d’information fournis aux travailleurs.[8]

 

L’expérience canadienne relative aux travailleurs vulnérables n’est pas unique. D’autres pays se sont également intéressés au cas des travailleurs qui, pour une raison ou une autre, ne profitent pas des mesures de protection dont jouissent un grand nombre d’autres travailleurs, même s’ils y ont légalement droit, ce qui n’est pas toujours le cas. Même si beaucoup de travailleurs vulnérables sont nés au Canada, leur problématique ne peut pas être dissociée du phénomène de l’immigration mondiale. Une proportion considérable des travailleurs vulnérables canadiens est entrée au pays (et dans d’autres pays) en tant que travailleurs temporaires, même si tous les « migrants » ne sont pas des travailleurs vulnérables. De la même façon, un grand nombre de travailleurs vulnérables sont des immigrants qui ont le droit de devenir citoyens, même si tous les immigrants ne sont pas des travailleurs vulnérables. D’autres travailleurs vulnérables vivent au Canada, y compris en Ontario, sans avoir obtenu le statut d’immigré pour un certain nombre de raisons. Une étude des Nations Unies portant sur la croissance de migrants nés à l’étranger montre que le Canada se situe parmi les « nations à forte croissance », pour lesquelles le nombre de ces migrants a augmenté de plus de deux pour cent entre 1990 et 2010.[9]

 

Le phénomène des travailleurs vulnérables a crû en importance au cours du dernier quart de siècle avec le déclin de l’industrie manufacturière, les rapides avancées technologiques, les changements à la politique d’immigration et les migrations internationales de personnes et d’entreprises. Le présent document d’information explore ces changements, qui ont suscité des réponses positives, mais qui en exigent de nouvelles. On s’attend cependant à de plus grands changements à l’avenir par rapport à la nature du travail, à la retraite des « baby-boomers »[10] (dont les répercussions ne seront pas simples), à l’atteinte d’un plateau pour l’entrée des jeunes sur le marché du travail et au déclin des travailleurs qualifiés, facteurs qui ont tous une incidence sur la disponibilité du travail.[11] Qui plus est, « [traduction] le taux général de participation devrait diminuer radicalement d’ici à 2031. On s’attend à ce que la situation canadienne en matière de main-d’œuvre, qui est aujourd’hui excédentaire, devienne déficitaire ».[12] Ces prédictions de pénurie généralisée de main-d’œuvre ne font pas l’unanimité (tous ne croient pas, du moins, qu’elle découlera du vieillissement de la population), mais des pénuries localisées de main-d’œuvre sont à prévoir dans des régions et des secteurs de marché.[13] Quel que soit le cas, même si l’Ontario est l’une des trois provinces dont le bassin de main-d’œuvre devrait être plus important en 2031 qu’en 2005, elle devra faire face à des défis liés à la composition de sa population active,[14] qu’on pourrait percevoir comme des occasions de s’atteler aux problèmes du marché du travail, y compris ceux posant des difficultés aux travailleurs vulnérables.

 

La situation précaire des travailleurs vulnérables n’est pas seulement évidente au travail, mais aussi dans d’autres sphères de leurs vies, comme la santé, la vie communautaire, la famille et, souvent, l’intégration à la société canadienne, et donc ontarienne. La façon dont les travailleurs vulnérables sont traités (y compris lorsque leurs compétences et niveaux d’études sont élevés, mais qu’ils sont incapables d’obtenir des emplois correspondants) a des ramifications dans la société canadienne, et donc ontarienne, en général.

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