L’emploi précaire entraîne des coûts importants pour les employés vulnérables, leurs familles et la communauté en général. Ces coûts connexes sont souvent cachés parce qu’ils sont difficiles à quantifier et que leurs liens avec l’emploi peuvent être indirects. Bien qu’il serait utile d’effectuer des études publiques et théoriques plus détaillées à ce sujet, on constate de plus en plus que les coûts liés à l’emploi précaire se situent dans des domaines comme la santé, l’épanouissement personnel et le développement communautaire, ainsi que les études et la formation.[186] Il est plus difficile d’évaluer comment évolue l’attitude qui conforte l’idée que les choses restent immuables malgré le temps qui passe.

 

L’impact de la faible rémunération propre à l’emploi précaire est particulièrement évident. Pour améliorer leur sort financier, les travailleurs ayant des emplois précaires doivent travailler de longues heures pour obtenir un revenu suffisant ou assumer plus de responsabilités en détenant plusieurs emplois. Les travailleurs migrants temporaires font face à des situations encore plus difficiles. Ainsi, les travailleurs saisonniers sont liés à un employeur unique et ne peuvent pas circuler dans le marché du travail, ce qui fait qu’ils n’ont même pas le droit d’avoir recours à la stratégie compensatoire inadéquate de cumul d’emplois.

 

 

 

A. Contraintes en santé

 

L’emploi précaire entraîne des effets négatifs sur la santé physique et mentale.[187] En matière de santé physique, les travailleurs vulnérables ont tendance à être plus à risque d’accidents et de maladies dans le marché du travail.[188] Les travailleurs immigrants récents, par exemple, sont plus susceptibles d’effectuer du travail exigeant physiquement que les travailleurs nés au Canada, et ils font donc face à des risques accrus d’accidents de travail et de maladies professionnelles.[189] Qui plus est, les aspects propres aux emplois précaires, parmi d’autres variables, pourraient entraîner une augmentation du fardeau des risques en santé et sécurité au travail des employés vulnérables.[190]

 

Les employés vulnérables peuvent, en pratique ou selon leurs impressions, n’avoir qu’un accès restreint au processus de plainte en milieu de travail et au régime de protection juridique d’emploi, ce qui rend leur santé plus précaire.[191] De la même façon, le peu d’accès aux prestations de maladie et aux congés de maladie payés dans le cadre de leur emploi précaire leur impose le fardeau d’ignorer leurs blessures et leurs maladies et de ne pas chercher à recevoir un traitement médical. Un travailleur migrant qui reconnaît se sentir malade pourrait craindre d’être rapatrié par son employeur ou de ne plus être réinvité au Canada. Dans certains cas, les employeurs ne s’occupent pas d’obtenir de cartes d’assurance maladie pour les travailleurs migrants, comme ils devraient le faire, ou les travailleurs migrants ont de la difficulté à visiter une clinique ou à voir un médecin parce qu’ils éprouvent des difficultés de transport.[192] Sans congés de maladie payés, les travailleurs vulnérables peuvent augmenter la charge de travail de leurs collègues et, à plus long terme, alourdir le système de santé.

 

Cette interprétation semble valoir également en matière de santé mentale, car l’emploi précaire impose plus de stress au travail aux employés, y compris de la tension, de l’épuisement et de la dépression.[193] Qui plus est, l’insécurité inhérente à l’emploi précaire signifie que les travailleurs doivent vivre au jour le jour sans savoir s’ils vont travailler suffisamment d’heures par jour ou par semaine pour répondre à leurs besoins de base. Ceux qui sont employés par le biais d’agences de placement temporaire se plaignent du trop court préavis accordé avant la fin de leur contrat.[194]

 

B. Impact sur les relations interpersonnelles

 

L’impact de la précarité en emploi peut souvent dépasser le travailleur pour s’étendre également à ses relations interpersonnelles et communautaires. L’insécurité inhérente à l’emploi précaire entraîne des coûts cachés qui se reflètent par des relations personnelles tendues. Pour un grand nombre de gens occupant des emplois précaires, il reste peu de temps à consacrer à la famille et aux amis. Que ce soit parce qu’ils cumulent plusieurs emplois, que leurs horaires de travail sont incertains, qu’ils travaillent de longues heures ou qu’ils passent leurs temps libres à chercher de l’emploi, beaucoup de travailleurs détenant des emplois précaires ont peu de temps à consacrer aux interactions sociales en dehors de leur emploi. Cela peut entraîner une pauvre estime de soi et éroder le sentiment d’intégrité personnelle, ce qui fait en sorte que le travailleur évite les interactions sociales significatives en dehors du travail. Pour d’autres, l’instabilité de l’emploi, d’un point de vue à la fois pratique et émotif, constitue l’une des raisons pour lesquelles ils ne fondent pas de famille. Ceci s’avère préoccupant puisque la famille et les amis peuvent servir de bases solides, auxquels ne peuvent se rattacher certains travailleurs détenant des emplois précaires pour de multiples raisons.[195] L’impact de l’emploi précaire se fait également sentir dans les relations sociales au sens large. Détenir un emploi précaire peut signifier moins d’implication dans le développement de sa propre communauté.

 

C. Accès limité à l’éducation et à la formation

 

Le peu d’occasions offertes aux adultes détenant un emploi précaire pour améliorer leurs compétences ou acquérir des connaissances linguistiques a été cité comme facteur-clé contribuant à leur vulnérabilité économique à long terme.[196] Parce qu’on ne s’attend pas à ce que les travailleurs migrants temporaires s’établissent au Canada de façon permanente, même s’ils peuvent éventuellement y parvenir, on ne leur donne pas accès à des services d’établissement, conçus pour faciliter l’intégration à la société canadienne.[197] L’accessibilité à des programmes de formation est hors de portée d’un grand nombre de travailleurs détenant un emploi précaire qui sont exclus de la formation fournie par l’employeur à cause des systèmes de classification d’emplois. Souvent, les travailleurs sont obligés de payer pour leur formation dans l’espoir de conserver leur emploi ou pour augmenter leurs chances d’en trouver un meilleur.[198] Même ceux qui ont les moyens de payer leur formation doivent trouver le temps de faire des études. Certains sont obligés d’étudier tout en occupant plusieurs emplois – une pratique ayant des retombées négatives sur la santé et qui contribuent aux contraintes liées à l’emploi.[199]

 

D.   Vieillissement des travailleurs vulnérables

 
Les travailleurs qui ont occupé des emplois précaires au cours de leur vie active souffriront de leurs ramifications en vieillissant : ils peuvent être obligés de travailler après l’âge auquel ils auraient aimé prendre leur retraite; leur santé peut souffrir parce qu’ils ont eu accès à une moins grande quantité de congés de maladie payés que les employés détenant des emplois plus sûrs; ils peuvent avoir été incapables d’épargner ou de contribuer à un RÉER et ils sont peu susceptibles de détenir un régime de retraite privé.[200] Ils peuvent également avoir une « attitude ancrée » qui atténue leur envie de planifier à long terme, car ils pensent que la vie ne se vit qu’« au jour le jour » ou que, même si des occasions se présentent, il y a des raisons de ne pas s’en prévaloir.

 

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