A.    Introduction

1.     Les principes des cadres et le problème de l’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui

Les enjeux liés à l’abus et à l’exploitation forment un thème persistant dans les lois régissant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle et dans les débats qui les entourent. Ces lois sont nées, du moins pour une part, du désir de prévenir l’exploitation des personnes exposées à un risque par suite de l’affaiblissement de leurs capacités cognitives. On peut en fait considérer que la nature même des déficiences qui provoquent une perte ou une diminution de l’« aptitude à comprendre et à évaluer » et, partant, entraînent la nomination d’un mandataire spécial augmente le risque que des individus sans scrupules exploitent ces personnes sans être découverts et sans que leurs victimes soient conscientes de l’existence de recours ou capables de s’en prévaloir. Comme l’a mentionné Community Living Manitoba dans une recherche sur l’exploitation des femmes ayant des déficiences intellectuelles :

[traduction] Les restrictions cognitives chez les femmes ayant une déficience intellectuelle grave peuvent leur enlever toute conscience des risques qu’elles courent. Autrement dit, elles sont incapables de déceler, dans le comportement des autres, les indices pouvant leur révéler l’existence d’une menace, d’une tentative d’exploitation ou d’un danger potentiel. De plus, elles peuvent même, après coup, ne pas être en mesure de comprendre qu’elles ont été maltraitées[618].

De même, comme la déficience est souvent associée à la marginalisation, les personnes ayant des déficiences touchant leur capacité juridique peuvent se retrouver en situation de vulnérabilité économique ou sociale, ce qui augmente le risque qu’elles soient victimes d’abus. Comme on peut le voir dans Vulnerable Adults and Capability Issues in BC: Provincial Strategy Document (projet Vanguard) :

[traduction] Plus grand est le niveau de vulnérabilité ou d’incapacité sociale, plus l’adulte en cause dépend d’autrui. Et plus grande est sa dépendance, plus il court le risque d’être victime d’abus ou de mauvais traitements[619].

Toutefois, comme les lois sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle confèrent à certains des pouvoirs sur d’autres, elles créent elles-mêmes des occasions d’abus. Comme le note le rapport du projet Vanguard :

[traduction] La confiance et le pouvoir occasionnent toujours des possibilités d’abus. Curieusement, les instruments conçus pour protéger une personne contre certaines formes d’abus créent eux-mêmes des occasions de lui infliger de mauvais traitements[620].

Compte tenu des restrictions assez considérables sur l’autonomie qu’impose la prise de décision au nom d’autrui et des déséquilibres de pouvoirs qu’elle occasionne entre la personne représentée et son mandataire, il est essentiel que tout régime de capacité juridique, de prise de décision et de tutelle comprenne des mécanismes sérieux pour prévenir les abus et y remédier s’ils se produisent. L’imposition d’un régime de prise de décision au nom d’autrui et, en particulier, d’un régime de tutelle sans garanties suffisantes pourrait soulever d’importants problèmes touchant les droits fondamentaux de la personne. L’article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) traite précisément des préoccupations que suscitent les abus possibles dont peuvent être victimes les personnes assujetties aux lois sur la capacité juridique et la prise de décision au nom d’autrui. On trouve en effet ce qui suit au paragraphe 4 de l’article 12 :

Les États Parties font en sorte que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique soient assorties de garanties appropriées et effectives pour prévenir les abus, conformément au droit international des droits de l’homme. Ces garanties doivent garantir que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, soient exemptes de tout conflit d’intérêts et ne donnent lieu à aucun abus d’influence, soient proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée, s’appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire. Ces garanties doivent également être proportionnées au degré auquel les mesures devant faciliter l’exercice de la capacité juridique affectent les droits et intérêts de la personne concernée.

Le Cadre du droit touchant les personnes âgées de la CDO a adopté le principe reconnaissant l’importance de la sécurité, qui établit « le droit d’être protégé contre la violence ou l’exploitation physique, psychologique, sexuelle ou financière » ainsi que le droit au soutien de base, par exemple en matière de services de santé et de services juridiques et sociaux. Le Cadre du droit touchant les personnes handicapées comprend le principe de l’avancement du droit à la sécurité, qui met en évidence « le droit des personnes handicapées de vivre dans un milieu où elles n’ont pas à craindre d’être victimes de mauvais traitements ou d’exploitation et où elles peuvent recevoir le soutien dont elles ont besoin pour prendre des décisions qui peuvent influer sur leur sécurité ». Les discussions et les consultations publiques qui ont abouti aux deux cadres ont révélé l’existence d’une certaine opposition entre les principes de sûreté et de sécurité, d’une part, et l’avancement de l’autonomie et de l’indépendance, de l’autre : on souhaitait éviter que les premiers ne soient invoqués comme prétextes pour réduire l’autonomie et l’indépendance des personnes âgées et des personnes handicapées, afin que ces personnes puissent, comme tout le monde, choisir d’accepter un certain degré de risque dans leur vie sans ingérence indue des autres.

Comme nous l’avons déjà noté, les abus, la négligence et l’exploitation dont peuvent être victimes les personnes âgées et les personnes handicapées sont, du moins pour une part, attribuables à la marginalisation et à la dévalorisation des membres de ces groupes. Les attitudes négatives, la honte, l’isolement social, la précarité économique qui réduit les possibilités de choix, tous ces facteurs peuvent intensifier le risque d’abus. Ainsi, le problème de l’exploitation liée à l’application des lois sur la capacité juridique et la tutelle se rattache étroitement au fait plus vaste que la société n’a pas réussi à promouvoir suffisamment les principes de dignité, de respect, de participation et d’inclusion. Ce contexte indique également que, même s’il est vrai qu’une bonne loi est importante pour prévenir, déceler et combattre les abus et l’exploitation, la loi toute seule ne peut constituer qu’un élément de la solution.

 

2.     Situer le problème de l’abus dans les lois sur la capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle

Le présent chapitre traite essentiellement de l’utilisation abusive et impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui, des garanties pouvant protéger contre une telle utilisation et des modifications qu’il serait possible d’apporter à cet égard à la législation sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Le problème de l’exploitation des personnes vulnérables est lié à de nombreuses questions plus vastes de droit et de politique, dont la prestation de services sociaux adéquats, les mécanismes de surveillance et de contrôle des services publics et le système de justice pénale. L’examen de ces autres domaines du droit déborde le cadre tant de ce chapitre que de l’ensemble du projet.

Il ne faudrait pas perdre de vue que la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui (LPDNA) et la Loi de 1992 sur le consentement au traitement (qui a précédé la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé) avaient à l’origine était élaborées parallèlement à la Loi de 1992 sur l’intervention, comme nous l’avons mentionné au chapitre I de la partie Un. Cette dernière loi établissait un important régime à financement public pour soutenir les personnes assujetties à la législation sur la capacité juridique et la tutelle et défendre leurs droits. Certains croient que l’abrogation de la Loi de 1992 sur l’intervention a « déséquilibré » la législation, donnant lieu à quelques-uns des problèmes de mise en œuvre et d’abus que nous connaissons. Le soutien et la défense des droits des personnes qui n’ont pas ou pourraient ne pas avoir la capacité juridique de prendre des décisions dans un domaine particulier sont des questions primordiales sur lesquelles insistent fortement les deux cadres de la CDO et que nous abordons au chapitre suivant du présent document de travail.

Les problèmes d’exploitation attribuables à l’utilisation abusive ou impropre de la loi se rattachent à tous les aspects de la législation sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle et, partant, à de nombreux autres éléments du présent document de travail. Les préoccupations suscitées par les possibilités d’abus ont amené certains à préconiser l’adoption de nouvelles formes de décision, comme la prise de décision accompagnée (chapitre II, partie Trois), les mêmes préoccupations étant également invoquées dans beaucoup des objections élevées contre ces propositions. Elles jouent en outre un rôle assez important dans la détermination des personnes pouvant assumer des pouvoirs de décision (chapitre II, partie Trois). Comme les processus de nomination constituent le principal moyen d’écarter d’éventuels exploiteurs et de s’assurer que les mandataires spéciaux comprennent leurs responsabilités, les considérations liées à l’exploitation influent sensiblement sur la conception des processus de nomination (chapitre III, partie Trois). Des mécanismes efficaces pour faire respecter les droits et régler les différends, que nous examinons dans les chapitres suivants de la partie Quatre, sont essentiels pour déceler les abus et y remédier. Bref, le problème de l’exploitation doit être pris en compte dans la détermination de chaque aspect, ou presque, de la réforme du droit dans ce domaine.

Pour examiner les possibilités de réforme qui s’offrent, nous ne répéterons pas ici les arguments présentés dans les autres chapitres. Nous nous concentrerons plutôt sur les effets de ces questions primordiales sur les problèmes particuliers que pose l’exploitation, en insistant particulièrement sur les mécanismes administratifs permettant de les affronter. Les possibilités de réforme doivent être considérées à la lumière de toute la gamme des questions et options présentées dans ce document. Par exemple, une présélection très rigoureuse avant les nominations pourrait être compensée par des processus moins exigeants de production de rapports ou de surveillance, ou l’inverse. De même, un mécanisme efficace d’examen des plaintes pourrait réduire les pressions qui s’exercent sur les systèmes actuels de règlement des différends.

 

B.    Comprendre le problème : exploitation grâce à la loi et utilisation impropre des pouvoirs législatifs

1.     Abus, exploitation après nomination et utilisation impropre des pouvoirs législatifs

Les abus commis grâce aux pouvoirs de décision au nom d’autrui forment un élément d’un ensemble plus vaste d’enjeux liés à l’exploitation des aînés et des personnes handicapées. Ce sont là des enjeux importants aux multiples dimensions que nous ne saurions examiner adéquatement dans le cadre de ce document. Toutefois, les préoccupations suscitées par les abus commis grâce aux pouvoirs de décision au nom d’autrui doivent être comprises dans ce contexte plus étendu.

Les définitions d’« abus » et d’« exploitation d’une personne âgée » varient. L’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (NICE), qui reçoit du financement de Développement des ressources humaines Canada, s’efforce d’élaborer une définition consensuelle de l’exploitation d’une personne âgée, qui puisse servir dans une étude nationale de prévalence. L’exploitation peut être physique, sexuelle, psychologique ou financière et comprendre un élément de négligence[621]. Elle peut être le fait d’établissements ou de particuliers : comme le signale le projet Vanguard, elle peut être due à « quiconque est en situation d’intimité ou d’autorité vis-à-vis de l’adulte vulnérable ». Elle implique en général de trahir en quelque sorte la relation de confiance et de dépendance[622].

Comme ce projet est axé sur le régime ontarien de capacité juridique, de prise de décision et de tutelle, nous nous intéressons, dans le présent chapitre, non à l’exploitation des aînés ou des personnes handicapées en général, mais plus particulièrement à l’utilisation des pouvoirs de décision au nom d’autrui – par exemple, les procurations et la tutelle – comme moyen pour exploiter une personne ou faciliter son exploitation. Ainsi, un procureur aux biens peut directement se servir de sa procuration pour faire des opérations financières qui l’enrichiront et appauvriront la personne représentée, et un procureur aux soins de la personne peut utiliser sa procuration pour en isoler l’auteur afin de pouvoir l’exploiter à l’insu de tout le monde.

L’exploitation fondée sur une procuration ou une tutelle n’est pas nécessairement la même chose que l’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision. Une personne bien intentionnée peut ne pas connaître ou ne pas comprendre le rôle et les obligations que lui impose sa nomination. Par exemple, elle pourrait utiliser la tutelle à des fins autres que celles qui étaient prévues à l’origine, omettre de s’acquitter d’importantes obligations, comme celle de consulter la personne représentée ou de tenir des comptes, ou encore agir d’une manière impropre en prenant des décisions paternalistes ou axées sur l’intérêt de la personne alors que la législation prescrit une démarche différente. Cette utilisation impropre, que beaucoup croient très courante, est problématique parce que ses résultats peuvent être très préjudiciables à la personne représentée et clairement contraires à l’intention du législateur. L’ARCH Disability Law Centre a cerné un certain nombre de formes courantes d’utilisation impropre des pouvoirs de tutelle, par exemple :

  • omettre de s’acquitter d’obligations légales;
  • exercer des pouvoirs allant au-delà des dispositions de la LPDNA;
  • omettre de tenir compte des vœux de la personne représentée ou prendre des décisions contraires à ces vœux;
  • avoir des contacts trop peu fréquents avec la personne représentée ou lui communiquer des renseignements insuffisants ou inexacts;
  • omettre d’aider la personne représentée à retrouver sa capacité juridique grâce à des évaluations de la capacité ou à l’annulation d’une tutelle inutile ou impropre[623].

Il y a également lieu de se poser des questions de ce genre lorsque des pouvoirs de décision au nom d’autrui sont exercés au moyen d’une procuration. Nous examinerons dans le cadre de ce projet tant l’exploitation de personnes grâce à ces pouvoirs que leur utilisation impropre.

Ce genre de malentendu ainsi que l’utilisation impropre qui en découle vont au-delà de l’exploitation ou de l’abus. C’est un problème qui touche non seulement les mandataires spéciaux, mais aussi tout un éventail d’organismes et d’établissements qui utilisent la législation sur la capacité juridique et la tutelle dans l’exercice de leurs fonctions. C’est le cas par exemple des établissements de soins, des institutions financières et des prestataires de services publics. Les mécanismes destinés à prévenir cette utilisation impropre et à y remédier peuvent avoir des aspects communs avec ceux qui sont destinés à combattre l’exploitation délibérée, mais ils peuvent aussi présenter des différences qu’il y a lieu d’examiner lors de l’évaluation des différentes options de réforme.

 

2.     Prévalence des abus

Compte tenu de l’utilisation relativement répandue de la prise de décision au nom d’autrui, et particulièrement des procurations, compte tenu aussi du degré de préoccupation exprimé au sujet de l’utilisation abusive et impropre de ces pouvoirs aussi bien durant les consultations préliminaires de la CDO que dans les rapports sur la réforme du droit d’autres administrations canadiennes, il est surprenant de constater qu’il n’y a que peu de documentation sur le sujet.

Comme nous l’avons signalé au chapitre précédent, le nombre de personnes en tutelle est relativement petit, et leur situation ne semble pas avoir beaucoup retenu l’attention des chercheurs. Le nombre de personnes qui ont donné une procuration est beaucoup plus important, mais il est difficile de trouver des renseignements à leur sujet. Cela découle en partie de la nature des procurations. Elles sont généralement établies en privé, souvent au moyen de « trousses » vendues un peu partout ou de formulaires obtenus auprès du ministère ontarien de la Procureure générale. Il n’existe aucun dépôt central de procurations, de sorte qu’il est impossible de connaître le nombre des procurations perpétuelles ou subordonnées à une condition suspensive établie et, à plus forte raison, le nombre de procurations en vigueur à un moment donné. Bien qu’il ne manque pas de données anecdotiques sur l’utilisation abusive de procurations, et particulièrement de procurations relatives aux biens, il semble relativement rare que des particuliers aient intenté des poursuites judiciaires à cet égard, pour des raisons que nous abordons plus bas. Même si nous connaissions le nombre absolu de cas d’utilisation abusive de procurations qui surviennent en Ontario chaque année, nous n’aurions aucun « dénominateur » qui nous permette de déterminer la fréquence relative de tels abus par rapport au nombre de procurations en vigueur. Par conséquent, il est difficile de dire avec un degré quelconque certitude à quel point le problème de l’utilisation abusive des procurations est répandu. Il est cependant clair que ceux qui travaillent régulièrement avec des aînés et des personnes handicapées s’en inquiètent sérieusement.

D’une façon générale, les études canadiennes sur l’exploitation des aînés et des personnes handicapées sont rares. Une enquête nationale plutôt exceptionnelle réalisée en 1989 indique que 4 p. 100 des quelque 2 000 répondants âgés de 65 ans et plus ont déclaré avoir connu une forme ou une autre d’exploitation. Environ 2,5 p. 100 des membres de l’échantillon ont dit avoir été victimes d’exploitation financière, qui était la forme la plus courante. Parmi ces derniers, un pourcentage disproportionné de participants ont déclaré être en mauvaise santé et n’avoir personne à qui ils pouvaient faire confiance ou se confier. Après l’exploitation financière, l’abus le plus courant était l’agression verbale chronique, suivie des sévices physiques et de la négligence. Il y a lieu de noter que l’échantillon se composait uniquement de personnes âgées vivant dans des logements privés et non dans des établissements[624]. Une étude réalisée en Colombie-Britannique, qui était strictement axée sur l’exploitation financière, a révélé un taux d’exploitation beaucoup plus élevé, 8 p. 100 des adultes interrogés ayant déclaré en avoir été victimes. D’après cette étude, les deux formes les plus courantes d’exploitation financière étaient la coercition concertée, le harcèlement et la présentation déformée des faits, suivis de l’utilisation abusive d’une procuration[625]. Certaines populations sont plus vulnérables que d’autres à l’exploitation : une étude manitobaine sur l’exploitation financière d’adultes incapables faisant l’objet d’une ordonnance de surveillance du Tuteur et curateur public a révélé un taux d’exploitation soupçonnée de 21,5 p. 100 parmi les sujets de plus de 60 ans[626]. Le plus souvent, l’exploiteur soupçonné était un enfant adulte du sujet. Les études ont révélé que la déficience cognitive constitue une variable prédictive particulièrement puissante en matière d’exploitation des aînés[627].

Les jeunes handicapés courent en général un risque plus élevé de violence et de victimisation. Ce risque est plus important dans le cas de ceux qui vivent en établissement ou qui ont de graves déficiences ou des « troubles mentaux ». Les personnes handicapées sont particulièrement susceptibles d’être victimes d’une personne qu’ils connaissent : membre de la famille, ami, voisin ou prestataire de services[628]. Les auteurs d’une étude de Community Living Manitoba sur les mauvais traitements infligés aux femmes ayant des déficiences intellectuelles disent qu’on leur a fait part de préoccupations relatives à tout un éventail d’abus, notamment sexuels, physiques, émotionnels et financiers, et ont cerné un certain nombre d’importants facteurs qui aggravaient les risques d’abus ou faisaient obstacle aux efforts déployés pour y remédier. Par exemple, les femmes victimes peuvent craindre qu’une plainte de leur part n’entraîne une perte d’indépendance et de contrôle[629]. Elles peuvent aussi ne pas être assez sûres d’elles-mêmes pour se plaindre ou n’avoir jamais appris à reconnaître et à combattre les abus. De plus, les autorités peuvent ne pas se rendre compte de l’impact d’actes de victimisation qui peuvent leur paraître mineurs :

[traduction] Par exemple, une femme ayant une déficience intellectuelle qui dépend de l’aide sociale est très susceptible d’être pauvre, surtout si elle ne vit pas chez ses parents ou chez un frère ou une sœur… Le vol de 20 $ appartenant à cette femme pourrait ne pas sembler « sérieux » aux yeux de la loi, de ceux qui l’interprètent ou de la population, mais pourrait enlever à cette femme les moyens de s’acheter à manger pendant plusieurs jours. Les femmes qui se trouvent dans une telle situation pourraient bien considérer un tel vol comme une très importante perte et même comme un événement traumatique, surtout s’il se répète plus d’une fois ou deux dans une longue période[630].

 

3.     Dynamique familiale, prise de décision au nom d’autrui et abus

L’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui doit être comprise dans le contexte où elle se produit, contexte qui se situe le plus souvent dans le cadre d’étroites relations personnelles. Comme nous l’avons mentionné au chapitre II de la partie Trois, « Qui peut jouer le rôle de mandataire? », même s’il arrive que le Tuteur et curateur public (TCP) ou une société de fiducie joue le rôle de mandataire spécial, la plupart du temps, ce sont des membres de la famille et de proches amis qui le font. Ce fait peut avoir des effets sensibles sur la dynamique de l’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision.

Nos relations personnelles avec nos proches sont importantes aussi bien pour répondre à nos besoins pratiques que pour assurer notre bien-être émotionnel. Les gens peuvent hésiter à argumenter avec des membres de leur famille, de crainte de nuire à leurs relations avec eux. Les membres de la famille sont souvent très désireux de penser du bien les uns des autres et peuvent donc refuser de croire qu’un proche les exploite ou agit au détriment de leur bien-être. Les jeunes adultes peuvent avoir l’habitude de s’en remettre à leurs parents et à des membres plus âgés de la famille. Les parents peuvent être extrêmement réticents s’ils doivent prendre des mesures pouvant nuire à leurs enfants adultes, même s’ils l’ont bien mérité[1]. Dans son étude sur le comportement des adultes handicapés dans leur milieu familial, Laschewicz dit ceci des jeunes adultes ayant des déficiences intellectuelles :

Les membres de la famille peuvent leur attribuer un « âge chronologique » très jeune : « [p]eu importe s’ils ont 18 ans. Il est extrêmement choquant pour la famille d’admettre qu’ils sont légalement adultes et peuvent décider par eux-mêmes. » En fait, de nombreux adultes handicapés ont passé toute leur vie chez leurs parents, qui leur ont toujours prodigué des soins, créant des habitudes bien ancrées aussi bien chez les soignants que chez les soignés[1].

Bien sûr, les antécédents de dysfonctionnement familial se manifesteront dans le contexte de la prise de décision au nom d’autrui comme dans tout autre contexte.

Une personne déclarée incapable peut avoir besoin d’un soutien allant au-delà de la prise de décisions personnelles ou financières. Elle peut par exemple dépendre de membres de sa famille ou d’autres prestataires de soins informels pour l’aider à accomplir diverses tâches comprenant l’interaction avec des prestataires de services, les courses, les travaux ménagers ou les activités de la vie quotidienne. Cette aide peut être essentielle pour lui permettre de rester dans un milieu communautaire. Cela est particulièrement vrai là où l’aide formelle est coûteuse ou difficile à obtenir. Ainsi, lors de la réalisation des projets de cadres, la CDO a examiné d’une façon assez détaillée les obstacles et les difficultés qui s’opposent à l’accès des adultes âgés et des personnes handicapées aux soins à domicile et aux services auxiliaires[631]. Par suite du manque de soins communautaires formels, les personnes qui ont besoin de soins à domicile et de services auxiliaires peuvent dépendre essentiellement de l’aide de leur famille ou d’amis pour être en mesure de maintenir leur autonomie dans la collectivité. Le fait qu’elles soient alors tributaires de l’aide informelle donnée par la famille ou les amis crée un déséquilibre de pouvoir qui les rend vulnérables à l’exploitation fondée sur la tutelle ou les procurations.

Comme nous l’avons signalé au chapitre I de la partie Un, les adultes âgés et les personnes ayant des déficiences développementales et des problèmes de santé mentale qui sont déclarés incapables connaissent des situations et des risques d’exploitation quelque peu différents. Par exemple, l’argent suscite toujours de la convoitise : au cours des consultations préliminaires, les prestataires de services sociaux ont souligné qu’il n’était pas inhabituel de constater que des personnes vulnérables à bas revenu sont exploitées par des parents ou des « amis » désireux de s’approprier des sommes relativement petites, comme les prestations du POSPH ou la pension de vieillesse. Toutefois, les adultes âgés déclarés incapables sont plus susceptibles que des jeunes handicapés d’avoir accès à des biens et des revenus assez importants, comme une pension ou une maison (surtout si on tient compte de l’association qui existe entre la déficience et la faiblesse du revenu), de sorte que la tentation de les exploiter financièrement peut être assez forte. Ce serait l’une des raisons pour lesquelles il n’existe que peu de documentation sur l’exploitation financière des jeunes handicapés. Autre exemple, comme conséquence naturelle de leur parcours de vie et de l’évolution démographique, les adultes âgés sont particulièrement exposés à se retrouver dans un cercle très réduit de parents et d’amis désireux ou capables d’agir en qualité de mandataire ou en mesure de déceler l’exploitation et d’y remédier. Les jeunes ayant des déficiences développementales sont plus susceptibles que les autres de ne pas avoir eu l’occasion de développer leur aptitude à décider, de ne pas avoir bénéficié de l’aide nécessaire pour le faire ou de ne pas avoir acquis l’expérience qu’il faut pour savoir à qui ils peuvent ou ne peuvent pas faire confiance.

Les pouvoirs de décision au nom d’autrui peuvent servir à faciliter n’importe quel genre d’abus (exploitation physique, psychologique, sexuelle ou financière et négligence) et à permettre de contrôler la personne incapable en limitant son accès à l’argent et aux autres ressources financières, à la famille et aux amis ainsi qu’à l’ensemble de la collectivité. Les pouvoirs de décision relatifs aux biens peuvent procurer un moyen direct d’exploitation financière puisque le titulaire d’une procuration relative aux biens peut user de ses pouvoirs étendus pour virer des sommes à son propre nom, vendre des biens, réaliser des valeurs mobilières ou autrement spolier le signataire de la procuration.

Le type de prise de décision au nom d’autrui influe sur la nature et la dynamique de l’exploitation. Par exemple, l’accès à des flux de revenus et à des biens suscite directement la convoitise de certains genres d’exploiteurs. Des prestataires de services sociaux ont dit que le moyen le plus facile de se débarrasser de la plupart des exploiteurs consiste à leur enlever l’accès à l’argent : quand l’argent disparaît, l’exploiteur se volatilise. Toutefois, il faut se souvenir qu’en dépit de la séparation des domaines de prise de décision, le pouvoir relatif au soin de la personne donne la possibilité d’exercer un certain contrôle sur les biens, et inversement. Par exemple, l’ARCH Disability Law Centre signale, dans une étude de cas, qu’une tutrice légale aux biens a usé de son pouvoir de contrôle des finances de l’homme qu’elle représentait pour limiter l’indépendance dont il jouissait dans sa vie personnelle, par exemple en refusant de lui accorder des fonds pour louer un appartement avec des amis ou se livrer à des activités sociales et en contrôlant son accès à des appareils fonctionnels et à du matériel de communication[632].

Les risques d’exploitation varient en fonction non seulement du genre de décision, mais aussi du contexte dans lequel la décision est prise. Dans certains cas, d’autres parties sont présentes ou sont au courant de l’opération, de sorte qu’elles pourraient déceler l’abus et agir en conséquence. Dans d’autres cas, la décision est prise dans un contexte d’isolement qui facilite l’exploitation. Par exemple, si des décisions sont prises en matière de soins, des professionnels de la santé connaîtront l’intéressé (le patient) ainsi que le mandataire ou l’accompagnateur et seront au courant de la décision prise. Par contre, la décision de virer un montant d’un compte à un autre pourrait se faire à l’insu de tous, surtout dans la situation actuelle où tant d’opérations financières sont faites en ligne. Le contrôle exercé sur les activités quotidiennes au moyen d’une procuration relative au soin de la personne peut permettre au mandataire d’isoler le mandant et de l’exploiter sans que personne ne s’en doute. Par conséquent, les mesures destinées à déceler l’exploitation et à y remédier peuvent varier d’une situation à l’autre.

 

4.     Prestataires de services et abus commis par les mandataires et d’autres

Des tiers prestataires de services peuvent jouer un rôle important dans la détection des abus commis grâce aux pouvoirs de décision au nom d’autrui. La responsabilité de déceler les abus et d’agir en conséquence varie avec le genre de prestataires. Dans certains cas, ils ont clairement l’obligation légale d’exercer une surveillance et de déclarer les anomalies tandis que dans d’autres, leur rôle peut dépendre des orientations de l’établissement ou de leur éthique personnelle. De toute façon, les abus peuvent occasionner des difficultés complexes aux prestataires de services.

Il est souvent difficile pour des tiers de déceler les abus. Dans un rapport traitant de l’exploitation financière et de personnes atteintes de démence, des professionnels ont dit qu’il était « difficile de faire une nette distinction entre les soins, le partage des ressources et l’abus ». De plus, l’impression que les finances constituent un sujet personnel et privé et qu’il est délicat d’en parler ou de reconnaître les abus commis faisait obstacle à la détection des anomalies[633]. La collecte de preuves des abus peut être très difficile : par exemple, lorsque des personnes atteintes de démence sont en cause, il est bien possible qu’elles pensent être victimes d’un vol quand elles ne le sont pas, de sorte que des allégations d’exploitation financière doivent être sérieusement corroborées[634].

Dans certains cas, les prestataires de services peuvent s’inquiéter des obligations que leur impose la législation sur la protection de la vie privée. Comme nous le mentionnons au chapitre III de la partie Trois, cette législation comprend de multiples lois fédérales et provinciales. À titre d’entreprises sous réglementation fédérale, les établissements bancaires sont assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques[635] (LPRPDE), dont l’objet est de fixer « des règles régissant la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels d’une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée à l’égard des renseignements personnels qui les concernent et du besoin des organisations de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances[636] ». La règle générale à observer est que l’intéressé doit être informé de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui le concernent et y consentir[637]; toutefois, une organisation peut, à son insu et sans son consentement, communiquer des renseignements à un organisme d’enquête, une institution publique ou une subdivision d’une telle institution si elle « a des motifs raisonnables de croire que le renseignement est afférent à la violation d’un accord ou à une contravention au droit fédéral, provincial ou étranger qui a été commise ou est en train ou sur le point de l’être[638] ».

Certains se sont inquiétés du fait que cette exception est trop restrictive. Par exemple, la communication de renseignements n’est permise que si elle est « exigée par la loi ». Comme l’Ontario n’impose pas la déclaration des cas d’abus sauf dans les circonstances limitées notées ci-dessus, cela semble indiquer que les banques n’ont pas à communiquer de tels renseignements de leur propre initiative. La LPDNA établit clairement cependant que les banques et les autres institutions financières sont obligées de communiquer les renseignements pertinents si le TCP le leur demande dans le cadre d’une enquête[639]. De plus, des efforts ont été déployés en vue d’une modification du paragraphe 7(3) de la LPRPDE qui élargirait les critères permettant de communiquer des renseignements sans consentement, afin d’apaiser les préoccupations suscitées par l’exploitation financière[640].

Les prestataires de services peuvent se retrouver dans une situation difficile s’ils essaient de prévenir des abus ou tentent d’y remédier. Ainsi, il arrive assez souvent qu’un procureur aux biens essaie de faire une opération clairement incorrecte, comme de transférer à son propre compte des biens appartenant à la personne qu’il représente, afin d’éviter les frais d’homologation. Si la banque bloque l’opération, le procureur peut la poursuivre en justice parce que les frais supplémentaires de liquidation de la succession ont réduit l’héritage[641]. Dans certains cas, le mandataire spécial peut, si l’institution financière tente de bloquer une telle opération incorrecte, réagir en transférant le compte à une autre institution financière qui, n’étant pas au courant de la situation, pourrait accepter la opération[642].

Les institutions financières ont réagi de différentes façons aux préoccupations suscitées par le risque d’exploitation financière des personnes susceptibles d’être juridiquement incapables : par exemple, elles ont produit du matériel de formation à l’intention de leurs employés de première ligne pour les aider à déceler les cas possibles d’abus et à les transmettre à des cadres ou à des autorités extérieures; elles ont participé à des activités de sensibilisation destinées à informer le public des risques et des responsabilités[643]; elles ont établi des listes d’indices et de scénarios courants et ont simplifié les processus internes permettant de transmettre de tels cas à un échelon supérieur.

Les prestataires de services, et particulièrement de services sociaux, peuvent trouver ce domaine complexe et difficile à cause tant des aspects juridiques que des questions éthiques et pratiques qui se posent. Au cours des consultations préliminaires de la CDO, plusieurs prestataires de services ont dit qu’ils auraient voulu disposer de ressources et d’appuis plus importants lorsqu’ils sont aux prises avec des problèmes de ce genre.

 

5.     Mécanismes généraux de lutte contre les abus

Il importe de noter qu’il existe de nombreux mécanismes, en dehors de la législation ontarienne sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, dont le but est de prévenir, de déceler et de combattre l’exploitation des adultes. La plupart de ces mécanismes ne concernent pas particulièrement les personnes déclarées incapables, mais s’appliquent à ce groupe comme aux autres. Les mécanismes prévus à cette fin dans la LPDNA doivent être interprétés dans ce contexte plus vaste.

Il faut également se rendre compte que les mécanismes de lutte contre les abus ne se distinguent pas très nettement les uns des autres, les chevauchements et les intersections étant fréquents. Par exemple, une enquête du TCP sur des allégations relatives à des « conséquences préjudiciables graves » – décrites plus loin dans le présent chapitre – peut entraîner le renvoi d’un dossier au système de justice pénale, mais l’inverse peut aussi se produire. Les gens qui prennent contact avec le TCP pour lui faire part d’inquiétudes au sujet du traitement d’une personne susceptible d’être légalement incapable peuvent ne pas comprendre la nature du mandat du TCP et croire qu’ils déclenchent ainsi un processus semblable à une enquête de police. De même, des personnes qui se plaignent en recourant à la ligne ACTION du ministère ontarien de la Santé peuvent ne pas comprendre la portée et les limites de ce service.

 

Le Code criminel

Le système de justice pénale est probablement le moyen le plus important de lutte contre les abus. Les dispositions du Code criminel couvrent la plupart des questions pouvant nous intéresser : vol, voies de fait, agression sexuelle, séquestration, omission de fournir à une personne à charge les choses nécessaires à l’existence, fraude, détournement de fonds par une personne en situation de confiance et vol par une personne détenant une procuration[644]. Conformément aux dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine, la preuve que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l’âge ou la déficience constitue une circonstance aggravante, de même que le fait d’abuser de la confiance de la victime ou de faire preuve d’abus d’autorité à son égard[645].

Toutefois, beaucoup ont noté que, tout important qu’il soit dans la lutte contre les abus, le système de justice pénale a de sérieuses limites et ne suffit donc pas à lui seul pour résoudre le problème[646]. Par exemple, la dynamique des relations familiales qui se manifeste dans certaines formes d’exploitation des personnes âgées, s’ajoutant à la honte et à la crainte des représailles, peut empêcher les victimes de parler de leur situation ou les amener à ne pas vouloir exposer des proches à des sanctions pénales[647]. De plus, les délais de la justice sont tels que les victimes peuvent être décédées ou légalement incapables lorsque leur cas arrive devant les tribunaux[648].

Les personnes handicapées peuvent avoir à surmonter différents obstacles pour accéder au système de justice pénale, en dépit des mesures prises ces dernières années pour faciliter cet accès[649]. Malgré le risque accru de victimisation, l’Enquête de 2006 sur la participation et les limitations d’activités de Statistique Canada a révélé que seuls 24 p. 100 des services canadiens d’aide aux victimes étaient en mesure de desservir des personnes handicapées[650]. Comme RAFH Canada l’a signalé à la CDO :

[traduction] il importe de noter que les femmes ayant une déficience (physique, mentale, sensorielle, maladie chronique) sont beaucoup plus souvent victimes d’abus de tous genres que les femmes non handicapées et, dans une moindre mesure, les hommes handicapés. C’est un fait à retenir, car il est souvent très difficile pour les femmes handicapées de se soustraire à la situation dans laquelle elles se trouvent et, à plus forte raison, de porter plainte contre leur agresseur. Il arrive fréquemment que les refuges et les maisons de transition pour femmes ne soient pas équipés pour accueillir des femmes handicapées. Il semble donc encore plus difficile pour elles d’accéder à une aide juridique quelconque, surtout si elles n’ont pas d’abord réussi à trouver un lieu d’asile sûr[651].

De même, les institutions publiques pourraient ne pas être équipées pour assurer respect et protection aux personnes handicapées qu’elles servent. Ainsi, les personnes handicapées sont moins satisfaites que les autres de la réaction de la police à leurs plaintes et ont une impression moins favorable du système de justice pénale[652].

 

La Stratégie ontarienne de prévention des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées

L’Ontario a une stratégie non législative complète de lutte contre les mauvais traitements infligés aux aînés. Élaborée par le Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l’Ontario et mise en œuvre de concert avec le ministère de la Procureure générale, le Secrétariat ontarien des services aux victimes et le Réseau ontarien pour la prévention des mauvais traitements envers les personnes âgées, la stratégie est axée sur trois grandes priorités :

  • coordination des services communautaires,
  • formation du personnel de première ligne,
  • sensibilisation de la population.

Les éléments de la stratégie comprennent une ligne d’aide aux victimes avec numéro gratuit accessible partout en Ontario et un réseau de consultants régionaux pour la prévention des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées. Les consultants sont censés promouvoir et appuyer les efforts destinés à prévenir et à combattre les abus et orienter les intéressés qui en ont besoin vers les services communautaires et les parties intéressées de la justice[653].


Dispositions relatives à des domaines particuliers du droit

Dans de nombreux cas, les lois et les programmes destinés à des personnes exposées à des risques particuliers contiennent des mécanismes pour prévenir, déceler et combattre les abus. La liste ci-dessous n’est pas exhaustive; elle présente simplement quelques exemples.

La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée et ses règlements d’application comprennent de nombreuses dispositions sur les mauvais traitements et la négligence. Comme beaucoup des pensionnaires des foyers de soins de longue durée sont des adultes âgés ayant des déficiences pouvant affecter les facultés cognitives, comme la démence ou les suites d’un accident vasculaire cérébral, la protection prévue constitue un élément très important de l’environnement législatif lié aux abus. La Loi impose aux foyers d’informer le ministère s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner que l’un des incidents suivants s’est produit :

  1. administration d’un traitement ou de soins de façon inappropriée ou incompétente, ce qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident;
  2. mauvais traitement d’un résident de la part de qui que ce soit ou la négligence envers un résident de la part du titulaire de permis ou du personnel, ce qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident;
  3. acte illégal ayant causé un préjudice ou un risque de préjudice à un résident;
  4. mauvaise utilisation ou détournement de l’argent d’un résident;
  5. mauvaise utilisation ou détournement de fonds octroyés à un titulaire de permis aux termes de la présente loi ou de la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local[654].

L’omission d’informer le ministère de tels incidents constitue une infraction[655]. Les pensionnaires des foyers de soins de longue durée peuvent présenter au ministère un rapport concernant de mauvais traitements, mais ils ne sont pas tenus de le faire. Les travailleurs sociaux, les médecins et les membres d’autres professions réglementées de la santé qui déclarent de mauvais traitements sont protégés contre les plaintes touchant la communication de renseignements confidentiels ou privilégiés pourvu qu’ils n’aient pas agi avec l’intention de nuire ou sans motifs raisonnables[656]. La Loi prévoit en outre des inspections pour donner suite aux rapports reçus ainsi que des mesures pour protéger les dénonciateurs contre d’éventuelles représailles[657].

Les dispositions ci-dessus de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée sont les seules en Ontario qui imposent la déclaration des mauvais traitements infligés à des adultes, contrairement à d’autres administrations canadiennes qui ont des exigences de déclaration obligatoire plus étendues et plus rigoureuses. Toutefois, d’autres mesures législatives ontariennes comprennent des mécanismes pouvant servir à déceler ou à combattre les abus. Les membres des professions réglementées de la santé ainsi que certains types d’établissements doivent déclarer les abus sexuels commis sur un patient par un professionnel de la santé [658]. De plus, en vertu de la Loi de 2008 sur les services et soutiens favorisant l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle, le Règlement sur les mesures d’assurance de la qualité impose aux organismes de service différentes exigences auxquelles ils doivent se conformer. Dans de nombreux cas, il s’agit de mesures positives visant à promouvoir l’inclusion sociale, le choix individuel et les droits, qui peuvent aussi avoir pour effet de prévenir les abus. Le Règlement comprend également des exigences particulières imposant aux organismes d’élaborer des lignes directrices et des procédures, et de les revoir régulièrement, afin de :

  • documenter et signaler tout cas allégué, soupçonné ou observé de mauvais traitements envers des personnes ayant une déficience intellectuelle;
  • soutenir la personne ayant fait l’objet des mauvais traitements allégués, soupçonnés ou observés;
  • prendre les mesures nécessaires à l’égard des employés ou des volontaires responsables du mauvais traitement allégué de personnes ayant une déficience intellectuelle.

Si les mauvais traitements allégués, soupçonnés ou observés peuvent constituer une infraction criminelle, les organismes de service en cause doivent immédiatement signaler le cas à la police[659]. De plus, ils sont tenus d’organiser des séances obligatoires de formation et de sensibilisation sur les questions liées aux mauvais traitements et sur leurs propres lignes directrices à l’intention des employés, des bénévoles, des membres du conseil d’administration et des pensionnaires.

 

Exigences ou initiatives sectorielles

Des industries de services ou des secteurs particuliers ayant des contacts fréquents avec des personnes susceptibles d’être victimes d’abus peuvent avoir élaboré des protocoles, des lignes directrices ou des mécanismes internes ou sectoriels destinés à combattre les abus. Par exemple, dans le secteur des services financiers, beaucoup de banques ont mis au point des programmes internes de formation pour aider leurs employés à déceler les cas possibles d’abus et à agir en conséquence. Ces initiatives peuvent comprendre des cours destinés à aider le personnel à découvrir les cas d’utilisation impropre de procurations et à prendre les mesures nécessaires, par exemple en bloquant les virements suivants, en annulant des cartes client, en plaçant une mise en garde sur le compte en cause et, en dernier ressort, en avertissant les membres de la famille, la police ou le bureau du tuteur public.

 

  • QUESTION À ABORDER : Y a-t-il des moyens de veiller à ce que les lois, les orientations et les méthodes destinées à combattre les abus commis par l’intermédiaire de la législation sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle soient mieux coordonnées avec les dispositions générales de lutte contre l’exploitation des personnes généralement visées par ce domaine du droit?

 

C.    Contexte juridique actuel

1.     Nomination du mandataire spécial

Nous avons examiné en détail le processus de nomination personnelle et publique d’un mandataire spécial au chapitre III de la partie Trois. Ce processus est important dans le contexte de l’utilisation abusive et impropre des pouvoirs de décision parce qu’il donne l’occasion, d’une part, d’écarter d’éventuels exploiteurs et, de l’autre, d’informer et de sensibiliser aussi bien les mandataires spéciaux que ceux qu’ils représentent.

Les personnes qui ont la capacité légale de le faire peuvent nommer elles-mêmes un mandataire spécial et lui donner une procuration relative soit aux biens soit au soin de la personne. Dans le cas des nominations personnelles par voie de procuration, c’est l’intéressé lui-même qui examine les mandataires possibles pour déterminer s’ils sont en mesure de s’acquitter des fonctions attendues d’eux et s’ils sont disposés et aptes à le faire. Comme nous l’avons mentionné au chapitre III de la partie Trois, les dispositions législatives touchant les procurations visent à mettre celles-ci à la portée de tout le monde. De ce fait, il y a en Ontario relativement peu de difficultés pratiques ou d’obstacles de procédure à leur établissement par rapport aux autres administrations. Cela crée évidemment le risque que ceux qui donnent des procurations ne comprennent pas toutes les conséquences possibles de leur décision, s’exposant ainsi à devenir victimes d’abus, de négligence ou d’exploitation de la part de leur mandataire. En pratique, les gens choisissent un mandataire pour des raisons liées bien plus à la dynamique familiale qu’à la compétence. Et, comme les nominations sont faites à titre privé, les procurations sont peu susceptibles de faire l’objet d’un examen, malgré l’étendue des pouvoirs qu’elles peuvent conférer, de sorte qu’une utilisation abusive ou impropre peut être difficile à déceler. Au chapitre III de la partie Trois, nous avons examiné un certain nombre de modifications possibles des conditions d’établissement des procurations, qui peuvent avoir des effets sur les risques d’utilisation abusive ou impropre.

Les nominations publiques (tuteurs) sont proposées à ceux qui n’ont pas la capacité légale de nommer leur propre mandataire spécial. Bien qu’il faille quand même consulter les personnes devant être mises sous tutelle sur leurs préférences lors du choix d’un mandataire, la décision finale appartient au tribunal (en cas de tutelle d’origine judiciaire) ou au TCP (en cas de présentation d’une demande de remplacement dans le cadre d’une tutelle légale). Par conséquent, c’est un organisme public qui examine les tuteurs possibles.

Dans les deux cas, le mandataire spécial choisi est un membre de la famille ou un ami proche : en effet, dans le cas d’une procuration, ce sont les personnes que l’intéressé est susceptible de choisir et, dans le cas d’une tutelle, ce sont les personnes les plus susceptibles d’accepter la nomination et celles à qui la loi accorde la préférence dans certaines circonstances. Ces personnes sont aussi celles qui connaissent le mieux l’intéressé et qui sont censées bien comprendre ses valeurs et ses vœux, avoir son bien-être à cœur et avoir le dévouement et l’engagement nécessaires pour s’acquitter des responsabilités, parfois assez lourdes, que comporte ce rôle. Comme nous l’avons noté ci-dessus, ce sont en outre les personnes avec qui l’intéressé qui est incapable ou qui se prépare en vue d’une telle éventualité est susceptible d’avoir en permanence des rapports complexes d’interdépendance.


2.     Attributions du mandataire spécial

Bien que les processus et les moyens de contrôle puissent varier selon qu’il s’agit d’une nomination personnelle ou d’une nomination publique, les attributions des tuteurs et des procureurs sont très proches. Il y a cependant quelques différences entre les rôles des mandataires spéciaux aux biens et au soin de la personne.

 

Mandataire spécial aux biens

Le mandataire spécial aux biens est un fiduciaire qui s’acquitte de ses obligations avec diligence, honnêteté et intégrité et qui agit de bonne foi, dans l’intérêt de l’incapable[660]. Dans la détermination de cet intérêt, il doit tenir compte des conséquences de ses décisions sur le confort et le bien-être de l’incapable[661]. Le mandataire spécial aux biens peut être rémunéré[662]. S’il ne l’est pas, il doit agir avec le même degré de prudence, de diligence et de compétence que s’il dirigeait ses propres affaires; s’il est rémunéré, il doit manifester le degré de prudence, de diligence et de compétence dont doit faire preuve une personne qui exerce la profession de gestionnaire des biens d’autrui[663]. S’il manque à ses obligations, il est responsable des pertes subies, à moins qu’un tribunal ne le dégage de l’ensemble ou d’une partie de sa responsabilité parce qu’il estime qu’il a agi de façon honnête, raisonnable et diligente[664].

Dans sa gestion des biens, le mandataire spécial engage les dépenses raisonnablement nécessaires pour :

  • les aliments, l’éducation et les soins de l’incapable;
  • les aliments, l’éducation et les soins des personnes à la charge de l’incapable;
  • satisfaire aux autres obligations légales de l’incapable.

Si les biens sont limités, les dépenses doivent être faites selon un ordre de priorité. Par exemple, les dépenses des personnes à charge ne peuvent être faites que s’il reste suffisamment de biens pour payer les aliments, l’éducation et les soins de l’intéressé. De plus, le mandataire spécial doit tenir compte de la valeur des biens, du niveau de vie habituel de l’intéressé et des personnes à sa charge ainsi que de la nature de ses autres obligations légales. Le mandataire spécial ne peut faire des dons de bienfaisance ou encore offrir des cadeaux ou accorder des prêts aux parents et amis de l’intéressé que dans des circonstances particulières[665].

Le mandataire spécial doit tenir des comptes relativement à toutes les opérations concernant les biens conformément aux exigences détaillées exposées dans le Règlement[666]. Il a en outre un certain nombre d’importantes obligations procédurales, par exemple :

  • expliquer à l’intéressé en quoi consistent ses pouvoirs et ses obligations;
  • l’encourager à participer autant que possible aux décisions concernant ses biens;
  • favoriser des contacts personnels réguliers entre l’intéressé et les parents et amis qui le soutiennent;
  • consulter de temps à autre les parents et amis qui ont des contacts réguliers avec l’intéressé et le soutiennent ainsi que les personnes qui le soignent[667].

Le tuteur légal aux biens doit, si l’intéressé le demande, organiser une évaluation de sa capacité par un évaluateur à des intervalles aussi courts que six mois[668].


Mandataire spécial au soin de la personne

La LPDNA donne des indications sur la prise de décision en matière de soin de la personne. Si les décisions ne sont pas assujetties à la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé, le mandataire spécial doit respecter comme suit les vœux exprimés par l’intéressé lorsqu’il était légalement capable :

  • si l’intéressé avait, lorsqu’il était capable, exprimé un vœu ou donné une instruction ayant un rapport avec une décision à prendre, le mandataire spécial prend la décision conformément au vœu ou à l’instruction;
  • le mandataire spécial fait preuve d’une diligence raisonnable lorsqu’il détermine si le vœu ou l’instruction existent vraiment;
  • le mandataire spécial respecte les vœux et instructions les plus récents.

En l’absence de vœux ou d’instructions antérieures, le mandataire spécial agit dans l’intérêt de l’intéressé en tenant compte :

  • des valeurs et des croyances qu’il avait lorsqu’il était capable et en fonction desquelles il aurait agi, de l’avis du mandataire spécial, s’il l’était encore;
  • de ses désirs actuels s’ils peuvent être établis.

Le mandataire spécial doit également déterminer si la décision à prendre est susceptible d’améliorer la qualité de vie de l’intéressé ou de réduire l’ampleur ou le rythme de la détérioration de cette qualité et si les avantages de la décision l’emportent sur les effets néfastes d’une autre décision possible[669]. En général, le mandataire spécial doit choisir les mesures les moins contraignantes et les moins perturbatrices qui soient possibles et appropriées dans les circonstances. Il ne doit pas recourir au confinement, à des appareils de contrôle ou à des entraves à moins qu’ils ne soient indispensables pour empêcher que l’intéressé ou d’autres ne subissent un préjudice physique grave ou qu’ils ne permettent à l’intéressé de jouir d’une plus grande liberté ou d’autres avantages[670].

Les obligations procédurales du mandataire spécial au soin de la personne sont très semblables à celles du mandataire spécial aux biens et comprennent ce qui suit :

  • expliquer à l’intéressé en quoi consistent ses pouvoirs et ses obligations[671];
  • l’encourager à participer autant que possible aux décisions prises en son nom[672];
  • favoriser des contacts personnels réguliers entre l’intéressé et les parents et amis qui le soutiennent[673];
  • favoriser, dans la mesure du possible, l’indépendance de l’intéressé[674];
  • consulter de temps à autre les parents et amis qui ont des contacts réguliers avec l’intéressé et le soutiennent ainsi que les personnes qui le soignent[675].

Le mandataire spécial garde, conformément aux règlements, des dossiers des décisions qu’il prend au nom de l’intéressé[676]. Il doit, si celui-ci le demande, organiser une évaluation de sa capacité par un évaluateur à des intervalles aussi courts que six mois[677].

 

3.     Mécanismes existants de lutte contre l’utilisation abusive et impropre

La législation ontarienne comprend déjà un nombre considérable de mesures pouvant aider à prévenir, déceler et combattre les abus découlant des pouvoirs de décision au nom d’autrui. Certains mécanismes s’appliquent à tous les mandataires spéciaux. D’autres concernent plus particulièrement les procureurs ou les tuteurs, reflétant la nature différente des processus de nomination.

 

Mécanismes s’appliquant à tous les mandataires spéciaux

Obligation de tenir des dossiers. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, tous les mandataires spéciaux ont l’obligation de tenir des comptes relativement aux opérations faites au nom de la personne qu’ils représentent.

Obligations procédurales. La LPDNA comprend plusieurs dispositions destinées à renforcer la transparence et la responsabilité des mandataires spéciaux, y compris l’obligation d’expliquer leur rôle à la personne qu’ils représentent, de favoriser ses contacts avec les parents et amis qui la soutiennent et de les consulter dans l’exercice de leurs fonctions.

Norme de diligence. Les mandataires spéciaux aux biens doivent se conformer à une norme fiduciaire tandis que les mandataires spéciaux au soin de la personne sont tenus d’agir avec diligence et bonne foi.

Obligations claires en matière de prise de décision. Les exigences claires liées aux principes et aux considérations à prendre en compte dans l’exercice de leurs fonctions permettent de déterminer assez facilement si les mandataires spéciaux agissent dans l’intérêt de la personne qu’ils représentent ou dans leur propre intérêt.

Pouvoirs d’enquête du TCP. D’après les articles 27 et 62 de la LPDNA, le TCP a le devoir et le pouvoir d’enquêter « sur toute allégation selon laquelle une personne est incapable » de gérer ses biens ou de prendre soin d’elle-même, si « des conséquences préjudiciables graves se produisent ou peuvent se produire en conséquence ». Si l’enquête révèle qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une personne est incapable et que des conséquences graves – selon la définition de la loi – en découlent ou peuvent en découler, le TCP doit demander au tribunal de rendre une ordonnance le nommant tuteur pour une période d’au plus 90 jours et précisant ses pouvoirs et les conditions s’appliquant à la tutelle. La LPDNA confère au TCP des pouvoirs discrétionnaires assez importants quant à la conduite de l’enquête ainsi que des pouvoirs d’entrée et d’accès à des dossiers aux fins de l’enquête[678].

 

Mécanismes s’appliquant aux procureurs

Exigences de passation. Comme nous l’expliquons en détail au chapitre VII, la LPDNA prescrit certaines conditions à respecter lors de l’établissement d’une procuration afin de s’assurer que les intervenants en comprennent les conséquences et n’agissent pas sous la contrainte. Les conditions comprennent notamment la présence de témoins indépendants lors de l’établissement de la procuration et, dans le cas d’une procuration perpétuelle relative aux biens, l’existence d’une déclaration d’intention.

Reddition des comptes et autres pouvoirs du tribunal. La Cour supérieure de justice peut donner des directives sur toute question relative à l’exercice d’une procuration, sur demande du procureur, d’une personne à charge, du procureur ou du tuteur de l’autre catégorie, du TCP ou de toute autre personne autorisée par la cour[679]. Celle-ci peut donner les directives qu’elle juge être dans l’intérêt de la personne représentée et des personnes à sa charge et qu’elle estime compatibles avec la LPDNA.

De plus, la Cour peut, sur requête, ordonner la reddition de la totalité ou d’une partie des comptes d’un procureur. La requête peut provenir du procureur, de la personne représentée, d’une personne à sa charge, du procureur ou du tuteur au soin de la personne, du TCP, de l’avocat des enfants, d’un créancier agissant en vertu d’un jugement ou de toute autre personne autorisée par la cour. Celle-ci a de vastes pouvoirs quant à la reddition des comptes : elle peut notamment ordonner au TCP de présenter une requête en tutelle, suspendre la procuration ou nommer le TCP comme tuteur en attendant les résultats de l’enquête, ordonner une évaluation de la capacité de la personne représentée ou mettre fin à la procuration[680].

 

Mécanismes s’appliquant aux tuteurs

Rôle du TCP dans l’examen des requêtes. Comme nous l’avons expliqué au chapitre III de la partie Trois, le TCP doit examiner les requêtes présentées pour le remplacer à titre de tuteur légal.  De même, le TCP est un intimé en vertu de la loi dans toutes les requêtes visant la nomination d’un tuteur par le tribunal[681]. Il examine les requêtes et présente par écrit ses observations sur les points qui y sont soulevés à l’avocat du requérant ainsi qu’au greffier de la Cour supérieure de justice. Dans la plupart des cas, les questions soulevées sont réglées avant la tenue d’une audience. Dans de rares cas, le TCP comparaît pour soumettre des preuves ou des arguments oraux, ou les deux, en réponse à ces questions[682].

Reddition des comptes. Comme les procureurs, les tuteurs ont l’obligation de tenir des comptes. Le tuteur, le procureur, la personne représentée, une personne à sa charge, le TCP, l’avocat des enfants, un créancier agissant en vertu d’un jugement ou toute autre personne autorisée par la cour peut présenter une requête pour la reddition des comptes. De même, le TCP a le pouvoir général, en vertu de la LPDNA, de demander une copie des dossiers tenus par le tuteur aux biens ou le tuteur à la personne[683].

Registre des tuteurs. Le TCP doit tenir un registre à jour des tuteurs tant aux biens qu’à la personne. Le registre comprend le nom et l’adresse de la personne représentée et de son tuteur ou ses tuteurs. Pour chacun de ceux-ci, le registre doit indiquer la façon dont le tuteur a acquis ses pouvoirs, les restrictions dont ils sont assortis, la date à laquelle les pouvoirs du tuteur ont pris effet, ont pris fin ou ont changé et, dans le cas des tuteurs à la personne, si les pouvoirs sont pleins ou partiels, et, s’ils sont partiels, les domaines dans lesquels le tuteur a le pouvoir de prendre des décisions[684].

Plans de gestion. Comme nous l’avons expliqué au chapitre III de la partie Trois, il faut, avant d’être accepté comme tuteur aux biens ou tuteur à la personne, présenter un plan de gestion ou de tutelle. Ces plans peuvent être modifiés avec l’approbation du TCP ou, si nécessaire, sur présentation d’une requête à la Cour.

 

D.   Préoccupations et options pour la réforme

1.     Problèmes perçus des mécanismes existants

Au cours des consultations préliminaires, de nombreux intervenants se sont inquiétés du manque d’efficacité des mécanismes de lutte contre l’utilisation abusive et impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui. Tout en estimant qu’en général, les principales fonctions et responsabilités des mandataires spéciaux sont adéquates, nos interlocuteurs étaient pour la plupart d’avis que la mise en œuvre des mécanismes en cause n’était pas efficace[685]. Les préoccupations exprimées étaient centrées sur trois domaines.

  1. Manque de connaissance de la loi. Tuteurs et procureurs connaissent souvent mal les attributions que leur confère la LPDNA et peuvent, par conséquent, ne pas respecter les limites de leurs pouvoirs et ne pas s’acquitter sérieusement de leurs obligations procédurales. De plus, comme nous l’avons expliqué au chapitre III de la partie Trois, il arrive souvent que les personnes qui donnent une procuration ne comprennent pas vraiment la portée des pouvoirs qu’elle confère et les risques d’abus auxquels elles s’exposent. Cela peut entraîner le choix de procureurs qui n’ont pas les qualités voulues ou empêcher l’inscription de garanties assez efficaces dans la procuration.
  2. Manque de mécanismes efficaces de contrôle. Les mécanismes existants de contrôle des activités des tuteurs et des procureurs sont limités. De plus, la plupart sont essentiellement « passifs » plutôt que proactifs. Par exemple, même si l’obligation de tenir des comptes est importante, les procureurs peuvent ne jamais avoir à montrer ces comptes à quiconque. Il pourrait donc être difficile de déceler des abus. Selon l’ARCH Disability Law Centre :

    [traduction] Les mécanismes disponibles… [sont] tous passifs en ce sens qu’il faut une intervention de la personne « incapable » pour qu’il y ait un contrôle ou un examen des activités du tuteur. Avec un accès limité à des conseils sur leurs droits et à des avis juridiques, de nombreux « incapables » n’ont pas la possibilité ou n’ont qu’une possibilité réduite de déclencher ces mécanismes[686].

    Il y a lieu de noter qu’en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé, un professionnel de la santé peut présenter une requête à la Commission du consentement et de la capacité pour lui signaler qu’un mandataire spécial ne s’est pas conformé à la loi dans ses décisions concernant le traitement, l’admission à un établissement de soins de longue durée ou des services d’aide personnelle[687], mais la personne dont les droits sont directement touchés par ces décisions n’a aucun moyen de présenter une telle requête ou d’essayer de faire valoir ses droits.

  3. Manque de mécanismes efficaces de recours. Lorsqu’une utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision est décelée, certains craignent que les moyens d’y réagir ne soient insuffisants, lents et inaccessibles ou n’offrent qu’une réparation inadéquate. Compte tenu de l’importance des droits en jeu lorsqu’une personne est soumise aux décisions d’autrui, il est essentiel de disposer de mécanismes forts et accessibles pour tenir les mandataires spéciaux responsables de leurs actes. Par exemple, une réaction lente pourrait être totalement inutile : comme beaucoup l’ont noté dans le contexte de l’exploitation financière, « une fois l’argent parti, il est parti » et il ne reste plus à la personne représentée que des difficultés financières à long terme et des options limitées. 

 

2.     Autres mécanismes possibles pour prévenir, déceler et combattre les abus

Les préoccupations suscitées par l’utilisation abusive ou impropre des nominations ne se limitent pas à l’Ontario. Nous présentons dans la section qui suit un certain nombre de dispositions mises en œuvre, envisagées ou recommandées par d’autres pays ou administrations pour prévenir, déceler et combattre l’exploitation dans le contexte de la législation relative à la nomination de mandataires spéciaux.

Comme nous l’avons noté plus haut, les questions liées au règlement des différends comptent parmi les importantes lacunes signalées. Nous examinons les possibilités de réforme dans ce domaine au chapitre II de la partie Quatre et les questions connexes touchant la défense des droits et le soutien de l’accès au droit, au chapitre III de la même partie. Nous abordons le manque de compréhension des attributions des mandataires spéciaux, tant par eux-mêmes que par ceux qu’ils représentent, ainsi que certaines options susceptibles de renforcer l’accès à l’information à la section D.2 du chapitre III pour les procureurs et au chapitre III, partie Quatre, pour les tuteurs. Nous traitons de même question d’une manière plus globale au chapitre IV de la même partie.

Il y a lieu de noter que beaucoup de pays et d’administrations font une nette distinction entre les nominations relatives aux biens et les nominations relatives au soin de la personne, reconnaissant ainsi que les risques d’abus sont sensiblement différents dans le cas des biens. Il convient de garder cette distinction à l’esprit lors de l’examen des différentes possibilités exposées plus loin.

Les mesures possibles de réforme du droit que nous abordons dans la présente section se répartissent entre quatre catégories : mesures visant à améliorer la compréhension des attributions des mandataires spéciaux, mesures destinées à établir des mécanismes pour contrôler l’exercice de ces pouvoirs et déceler les abus, mesures pour établir ou renforcer les mécanismes de plainte et d’enquête et mesures ayant pour but de prévenir ou de limiter les pertes de fonds attribuables à une utilisation impropre des nominations. Ces quatre catégories devraient être envisagées en relation les unes avec les autres : par exemple, les mécanismes de contrôle et de surveillance doivent être soigneusement coordonnés avec les mécanismes de plainte et d’enquête; en même temps, de bons programmes d’éducation et de sensibilisation peuvent réduire le besoin d’importants mécanismes de contrôle et de surveillance.

Améliorer la compréhension des attributions des mandataires spéciaux

Information et formation des mandataires spéciaux. Même si la nomination d’un tuteur s’inscrit clairement dans le cadre d’un processus plus rigoureux que la nomination d’un procureur, il n’en reste pas moins que les tuteurs peuvent ne pas bien comprendre leurs fonctions et leurs pouvoirs. Comme nous l’avons noté au chapitre II de la partie Trois, le rôle d’un mandataire spécial est très éprouvant, mais ceux qui l’assument en Ontario ne peuvent compter que sur un soutien officiel très limité pour les aider à s’en acquitter.

L’État australien du Victoria propose actuellement des séances de formation facultatives aux tuteurs aux biens et à la personne nouvellement nommés. Dans son examen de la législation relative à la tutelle, la Commission de réforme du droit du Victoria (VLRC) a appuyé l’adoption de modifications qui permettraient au Tribunal civil et administratif du Victoria (VCAT) d’ordonner à ceux qui souhaitent être nommés tuteurs aux biens ou à la personne de suivre une formation comme condition de nomination : « La Commission croit qu’une formation améliorée serait très utile à tous les mandataires spéciaux qui sont, en grande majorité, des gens bien intentionnés ayant accepté d’être nommés à des fonctions très difficiles et peu connues[688] ».

Dans son étude sur la protection des droits des personnes handicapées placées sous tutelle, l’ARCH Disability Law Centre appuie l’adoption de programmes obligatoires d’information et d’éducation pour les tuteurs et propose que la formation porte sur les obligations prévues dans la LPDNA, la portée et les limites des pouvoirs de décision du mandataire spécial, les droits des personnes placées sous tutelle et la façon dont les mandataires spéciaux doivent s’acquitter de leurs fonctions dans le respect de la dignité, de l’autonomie, de la participation, de l’inclusion sociale et du droit général à l’égalité de la personne qu’ils sont chargés de protéger[689].

Engagements signés des mandataires spéciaux. La Commission de réforme du droit du Victoria a également recommandé que les tuteurs aux biens et à la personne soient tenus, au moment de leur nomination, de signer un document dans lequel ils prennent l’engagement de s’acquitter de leurs responsabilités. Bien que la Commission n’ait pas recommandé de sanctions particulières en cas de manquement à un tel engagement, elle a dit que « le document pourrait être utilisé dans toute procédure engagée par la suite parce qu’un mandataire spécial a manqué à un devoir particulier[690] » et permettrait de s’assurer que les tuteurs sont conscients de l’importance des responsabilités qu’ils assument et de la nature des obligations que la loi leur impose.


  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il des initiatives particulières d’information, d’éducation ou de formation à intégrer dans les lois, les orientations ou les méthodes pour s’assurer que les mandataires spéciaux et ceux qu’ils représentent comprennent mieux leurs droits et leurs attributions? Si oui, comment peut-on les mettre en œuvre?

 

Contrôle et surveillance

Comme nous l’avons expliqué plus haut, l’Ontario a quelques mécanismes de surveillance ou de contrôle des mandataires spéciaux, notamment l’obligation pour les tuteurs d’établir des plans de gestion et pour les mandataires spéciaux de tenir des comptes ainsi que les dispositions relatives à la reddition des comptes. Toutefois, la plupart des mécanismes ontariens de lutte contre l’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui nécessitent une intervention active de la personne représentée pour déclencher la surveillance ou le contrôle. L’ARCH Disability Law Centre note à ce sujet :

[traduction] Les mécanismes disponibles… [sont] tous passifs en ce sens qu’il faut une intervention de la personne « incapable » pour qu’il y ait un contrôle ou un examen des activités du tuteur. Avec un accès limité à des conseils sur leurs droits et à des avis juridiques, de nombreux « incapables » n’ont pas la possibilité ou n’ont qu’une possibilité réduite de déclencher ces mécanismes[691].

Certaines administrations confèrent à leurs organismes publics des pouvoirs et des responsabilités beaucoup plus rigoureux en matière de contrôle des mandataires spéciaux. Nous en donnons quelques exemples ci-dessous.

Production de rapports. Certaines administrations imposent aux tuteurs de prendre eux-mêmes l’initiative de présenter des rapports réguliers, surtout s’ils ont des responsabilités financières. Dans l’État du Victoria, par exemple, les tuteurs aux biens doivent produire des états financiers tous les ans et à d’autres moments si on le leur demande[692]. Cette exigence ne s’applique cependant ni aux procureurs ni aux tuteurs à la personne. La Commission de réforme du droit du Victoria a rejeté des propositions visant à étendre l’exigence à ces groupes, estimant qu’il serait sans doute plus avantageux de consacrer les fonds que nécessiterait l’examen des rapports à l’amélioration de la formation et du soutien des tuteurs à la personne[693].

Programmes de « visiteurs ». Certaines administrations ont inscrit dans leur législation sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle des pouvoirs actifs de surveillance des tuteurs et, dans certains cas, des procureurs. Ainsi, le Mental Capacity Act, 2005  (MCA) de l’Angleterre et du Pays de Galles impose au Tuteur public non seulement de tenir un registre des procureurs et des tuteurs aux biens et à la personne, mais aussi de surveiller les tuteurs et de recevoir des rapports réguliers d’eux et des procureurs.

De plus, le MCA définit le rôle des « visiteurs de la Cour de protection ». Ces visiteurs, dont certains ayant le titre de « visiteur spécial » ont des connaissances spécialisées en matière de déficiences liées à la capacité, peuvent recevoir de la Cour de protection l’ordre de rendre visite aux tuteurs, aux procureurs ou aux personnes qu’ils représentent et de produire des rapports sur différentes questions à l’intention du Tuteur public[694]. Le Code de pratique (Code of Practice) du MCA décrit ainsi le rôle des visiteurs :

[traduction] Le rôle du visiteur de la Cour de protection consiste à donner des avis et des conseils impartiaux à la cour et au Tuteur public. Ses avis et conseils portent sur la façon dont toute personne investie d’un pouvoir en vertu de la Loi s’acquitte ou devrait s’acquitter de ses fonctions et responsabilités. Il y a deux catégories de visiteurs : les visiteurs généraux et les visiteurs spéciaux. Les visiteurs spéciaux sont des médecins agréés ayant une expertise pertinente. La Cour ou le Tuteur public peut charger un visiteur de la catégorie qui convient le mieux de rendre visite à une personne susceptible d’être incapable pour l’interroger. Les visiteurs sont également autorisés à interroger des tuteurs ou des procureurs et d’examiner tout document pertinent relatif à des soins de santé ou à des services sociaux. Tuteurs et procureurs doivent coopérer avec les visiteurs et leur fournir tous les renseignements pertinents. S’ils ne coopèrent pas, la Cour peut annuler leur nomination si elle estime qu’ils n’ont pas agi au mieux des intérêts de la personne qu’ils représentent[695].

En sus de leurs fonctions d’enquête sur des abus possibles, les visiteurs peuvent évaluer l’état général de bien-être de la personne représentée et donner des conseils et du soutien aux procureurs et aux tuteurs.

L’avant-projet de loi irlandais adopte une démarche très semblable, avec des systèmes complets de registres, des exigences de production de rapports, l’attribution d’un rôle de surveillance au Tuteur public et la création d’une catégorie générale et d’une catégorie spécialisée de « visiteurs ». Le régime se distingue par le fait que ces fonctions s’étendent aussi aux arrangements de décision « assistée » et de « codécision »[696].

Le système des « visiteurs communautaires » de l’État australien du Queensland est axé sur les personnes qui vivent dans des établissements collectifs tels que les foyers de soins de longue durée et les établissements psychiatriques. Le système comprend des fonctions de surveillance et de traitement de plaintes. Dans le cadre de leurs fonctions de surveillance, les visiteurs vont régulièrement dans les établissements psychiatriques et d’autres lieux (sauf les domiciles privés) où des personnes aux capacités réduites résident ou reçoivent des soins[697] afin d’examiner les aspects suivants et de présenter des rapports à leur sujet :

  • Qualité des services d’évaluation, de traitement et de soutien de l’établissement.
  • Qualité des services d’hébergement, de santé et de bien-être de l’établissement.
  • Mesure dans laquelle les pensionnaires de l’établissement reçoivent des services qui limitent le moins possible l’exercice de leurs droits.
  • Qualité de l’information donnée aux pensionnaires au sujet à leurs droits.
  • Accessibilité et efficacité des procédures prévues par l’établissement pour permettre aux pensionnaires de se plaindre des services reçus[698].

La section ci-dessous concernant les mécanismes de traitement des plaintes contient une description des fonctions relatives aux plaintes du programme des visiteurs communautaires.

Bureau de surveillance et de défense des droits. L’ARCH Disability Law Centre a recommandé qu’on envisage de créer un organisme indépendant, compétent et impartial qui serait chargé de surveiller et de contrôler les mandataires spéciaux, de régler les cas où ils exercent leurs pouvoirs d’une manière abusive ou impropre et de s’occuper des plaintes des personnes déclarées légalement incapables. Ce Bureau recevrait et examinerait les rapports des mandataires spéciaux et serait autorisé à enquêter sur les cas qui suscitent des préoccupations et, si nécessaire, à obliger les mandataires à prendre des mesures pour se conformer aux règles. Il serait également chargé de donner des conseils sur les droits et pourrait aussi recevoir les plaintes et les régler d’une manière informelle[699].

Surveillance par le Tuteur public. Dans le Queensland, le programme des visiteurs communautaires est appuyé par un éventail de pouvoirs de surveillance que le Tuteur des adultes de l’État exerce à l’égard des procureurs et des tuteurs aux biens et à la personne : pouvoir de conseiller, pouvoir d’assujettir, sur avis écrit, à la surveillance du Tuteur des adultes pendant une période raisonnable si celui-ci croit, pour des motifs raisonnables, que cela est nécessaire dans l’intérêt de la personne représentée, notamment si le procureur ou le tuteur a involontairement enfreint la loi ou manqué à ses obligations, et pouvoir d’imposer à un procureur ou un tuteur aux biens de soumettre un plan de gestion pour approbation[700].

De tels programmes de surveillance active ne manquent pas de détracteurs. Ainsi, la Commission de réforme du droit du Victoria a rejeté les propositions visant à soumettre les mandataires spéciaux à un régime de vérifications et d’enquêtes au hasard en s’appuyant sur les motifs suivants :

[traduction] La Commission ne croit pas que le fait de soumettre les mandataires spéciaux à des enquêtes et des vérifications au hasard constituerait un moyen utile ou économique d’encourager les gens à s’acquitter efficacement de ces fonctions difficiles. La confiance nécessaire pour qu’une nomination donne des résultats positifs pourrait être compromise si les mandataires spéciaux ont l’impression qu’on les soupçonne d’exercer leurs pouvoirs d’une manière impropre. La Commission croit qu’il est préférable d’encourager la nomination de bons mandataires spéciaux et de leur dispenser une formation et un soutien de qualité pour les aider à s’acquitter de leurs fonctions[701].

 

  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il des mécanismes à ajouter aux lois, aux orientations et aux méthodes pour améliorer la surveillance et le contrôle des mandataires, comme des obligations élargies de production de rapports ou de reddition de comptes, des programmes de « visites » aux personnes représentées ou d’autres types de pouvoirs de surveillance? Si oui, quels sont les mécanismes les plus avantageux et comment peut-on les mettre en œuvre?


Pouvoir de recevoir et d’examiner les plaintes

Comme nous l’avons noté plus haut, le Tuteur et curateur public de l’Ontario a l’obligation d’enquêter s’il est allégué qu’une personne est incapable de gérer ses biens et que des conséquences préjudiciables graves en découlent ou peuvent en découler. Si l’enquête révèle qu’il y a des motifs raisonnables de croire à l’existence de conséquences préjudiciables graves et que la nomination d’un tuteur temporaire est nécessaire, le Tuteur et curateur public doit demander à la cour de le nommer tuteur temporaire aux biens.

Le TCP est investi de pouvoirs très étendus lui permettant d’enquêter sur les allégations qui s’inscrivent dans son mandat. Par exemple, il a le droit, dans le cadre de son enquête, d’accéder « à tout dossier concernant la personne prétendue incapable [qu’il] a des motifs raisonnables de croire pertinent », y compris les dossiers médicaux, les renseignements relatifs à une caisse de retraite, les comptes bancaires et autres documents financiers, c’est-à-dire à des renseignements que la plupart d’entre nous jugeraient éminemment personnels. Le TCP a le droit, à des fins d’enquête, d’entrer sans mandat dans un établissement ou une résidence à accès contrôlé. S’il en est empêché, il peut obtenir un mandat et le faire exécuter avec l’aide de la police[702].

Il importe de noter cependant que le mandat du TCP est limité aux situations dans lesquelles des « conséquences préjudiciables graves » se produisent ou risquent de se produire. Le critère auquel il faut satisfaire pour déterminer l’existence de « conséquences préjudiciables graves » est rigoureux : dans les cas liés au soin de la personne, il s’agit d’« une maladie ou une lésion graves, ou une atteinte à la liberté ou à la sécurité de la personne[703] » et, dans les cas liés aux biens, de « la perte d’une partie importante des biens d’une personne ou le défaut, pour une personne, de se procurer les objets de première nécessité ou d’en procurer aux personnes à sa charge[704] ». Bref, les pouvoirs d’enquête du TCP ne s’étendent pas à des violations moins graves, mais plus fréquentes, des droits légaux par les mandataires spéciaux.

De plus, le rôle du TCP à cet égard peut impliquer une sérieuse intervention de l’État dans la vie des citoyens. Le processus d’enquête du TCP est « spécialement conçu pour affronter les situations où on ne peut éviter un préjudice à une personne incapable qu’en présentant promptement au tribunal une demande d’ordonnance en vue de la nomination du Tuteur et curateur public comme tuteur temporaire de la personne ». Dans la décision Ziskos v. Miksche, la Cour supérieure de justice avait déclaré :

[traduction] Le TCP n’a pas le mandat de dispenser des services d’enquête gratuits à des particuliers en les appuyant quand ils ont un différend avec d’autres particuliers au sujet de la gestion des biens d’une personne incapable. Le TCP doit consacrer ses ressources d’enquête à la défense des intérêts des personnes incapables qui sont exposées à des risques et n’ont aucun autre recours pour obtenir de l’aide[705].

Dans d’autres cas, le TCP peut décider lui-même de la façon de procéder dans les limites générales de son mandat et du cadre législatif qui le régit. Il peut, par exemple, décider de ne pas intervenir, d’intervenir de façon informelle, de renvoyer l’affaire aux services sociaux ou à la police, de recommander une évaluation volontaire de la capacité ou de présenter une requête à la cour pour demander des instructions[706]. En 2013-2014, le TCP a reçu 10 574 appels à son centre d’examen préliminaire des enquêtes (ce chiffre pourrait comprendre de multiples appels d’une même personne). L’examen a abouti à l’ouverture de 239 enquêtes. Les personnes qui appellent sont souvent renvoyées à d’autres services, y compris des avocats du secteur privé, le Bureau d’évaluation de la capacité, le Centre d’accès aux soins communautaires, des médecins, la police ou d’autres bureaux de l’administration publique.

Les 214 enquêtes terminées en 2013-2014 ont donné les résultats suivants :

  • 78 ont été renvoyées à d’autres sources d’aide, dont les familles, les organismes communautaires et la police.
  • 63 ont abouti à la conclusion qu’une requête au tribunal n’était pas justifiée à cause de l’insuffisance des preuves d’incapacité ou de préjudice grave.
  • 61 ont entraîné la nomination du TCP comme tuteur aux biens après un examen de la capacité en vertu de la Loi sur la santé mentale, une évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA ou d’un rétablissement de la tutelle légale en vertu de l’article 19 de la LPDNA.
  • Dans 8 cas, des requêtes ont été présentées à la cour en vue de la nomination permanente ou temporaire de tuteurs aux biens ou au soin de la personne.
  • 3 dossiers ont été fermés par suite du décès de la personne prétendue incapable au cours de l’enquête.
  • Dans un cas, les allégations ont été jugées frivoles et sans fondement juridique[707].

Au cours des consultations préliminaires, les intervenants ont formulé des commentaires positifs au sujet des pouvoirs d’enquête du TCP, mais ont exprimé des préoccupations relativement à son mandat « de dernier recours » dans ce domaine. Par exemple, l’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) a dit ceci dans un document de recherche sur l’accès à la justice des personnes vivant dans des établissements collectifs :

[traduction] L’ACE a pu constater cependant que le Tuteur et curateur public interprète très étroitement ses fonctions, affirmant qu’il s’agit d’un « service de dernier recours », et n’use pas assez souvent de ses pouvoirs pour intervenir et enquêter. Inquiets du bien-être d’une personne âgée, des parents, des amis et des médecins frustrés appellent souvent l’ACE après s’être fait dire par le Tuteur et curateur public qu’il n’ouvrira pas une enquête[708].

Cette question est étroitement liée à celle des mécanismes de règlement des différends, que nous examinons en détail au chapitre suivant. Bien qu’il y ait des mécanismes permettant de s’élever contre la façon dont le mandataire spécial s’acquitte de ses responsabilités légales, ces mécanismes exigent souvent de s’adresser à la justice, recours que beaucoup jugent inaccessible à cause des frais et des formalités qu’il implique, sans compter que l’initiative doit être prise par les personnes représentées. Par conséquent, ces personnes n’ont en pratique que peu de moyens de contester les activités (ou l’inactivité) de leur mandataire spécial. Dans son étude sur la protection des droits des personnes handicapées soumises à une tutelle, l’ARCH Disability Law Centre, ayant passé en revue une série d’études de cas sur des personnes ayant souffert d’un exercice abusif ou impropre des pouvoirs de décision prévus dans la législation actuelle, conclut :

[traduction] Ce qui ressort, ce sont les importantes lacunes et faiblesses des mécanismes actuels de surveillance et de responsabilisation des tuteurs en Ontario. Dans bien des cas, la LPDNA prévoit en principe des mécanismes de surveillance et de réparation, mais ils sont quasiment inefficaces parce qu’ils sont inaccessibles pour de nombreuses personnes « incapables »[709].

Plaintes : plusieurs administrations ont un mécanisme d’une forme ou d’une autre permettant aux particuliers représentés par un mandataire spécial de déposer une plainte. En vertu du MCA, le Tuteur public de l’Angleterre et du Pays de Galles est habilité à recevoir des « instances » (y compris des plaintes) concernant la façon dont les tuteurs et les procureurs exercent leurs pouvoirs[710]. Le Tuteur public est investi de pouvoirs d’enquête, bien qu’il puisse enquêter conjointement avec d’autres organismes comme les services sociaux, les Services nationaux de santé, la police et autres. Il peut également renvoyer des plaintes aux organismes compétents, même s’il continue à assumer la responsabilité de tenir la Cour de protection au courant de l’information dont elle a besoin pour prendre toutes mesures nécessaires concernant les tuteurs et les procureurs[711].

Dans le système des « visiteurs communautaires » du Queensland, dont nous avons parlé plus haut, les visiteurs sont chargés d’enquêter sur les plaintes, d’essayer de les régler et, s’ils n’y parviennent pas, de les renvoyer promptement à l’organisme compétent d’enquête ou de règlement, ou aux deux[712]. Ils ont des pouvoirs étendus leur permettant de « faire toutes choses nécessaires ou appropriées pour s’acquitter de leurs fonctions », notamment d’accéder sans préavis aux établissements « visitables », d’exiger la production de renseignements ou de documents et de s’entretenir sans témoins avec les personnes représentées[713]. De plus, le Tuteur des adultes du Queensland (dont les fonctions sont semblables à celles du TCP ontarien) est habilité à enquêter sur toute plainte ou allégation selon laquelle un adulte aux capacités affaiblies est ou a été victime de négligence, d’exploitation, de mauvais traitements ou d’une utilisation abusive ou impropre de pouvoirs de décision au nom d’autrui[714]. Dans le cadre de ce mandat, le Tuteur des adultes est autorisé à exiger des procureurs ou tuteurs aux biens la production de comptes détaillés et l’accès à « toute l’information nécessaire pour enquêter sur une plainte ou une allégation ou pour procéder à une vérification[715] ». Au terme d’une enquête ou d’une vérification, le Tuteur des adultes produit un rapport et le communique à la personne qui a demandé l’enquête ou la vérification ainsi qu’à chaque procureur et tuteur aux biens ou à la personne et à toute autre partie intéressée[716].

Comme nous l’avons déjà noté, l’ARCH Disability Law Centre a recommandé de créer un Bureau de surveillance et de défense des droits chargé d’un certain nombre de fonctions, dont la réception et le règlement des plaintes des particuliers contre les activités de leur mandataire spécial. Le bureau aurait le mandat de régler les plaintes de façon informelle si possible et de mener des enquêtes. S’il ne parvient pas à régler une plainte de cette manière, le bureau conseillerait l’auteur sur les différentes possibilités officielles de règlement des différends[717].

 

  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il de nouveaux mécanismes d’examen des plaintes, ou des améliorations à apporter aux pouvoirs d’enquête du Tuteur et curateur public, pour répondre d’une manière efficace et appropriée aux préoccupations suscitées par l’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui? Si oui, quels sont les mécanismes les plus avantageux et comment peut-on les mettre en œuvre?

 

Limiter ou prévenir la perte de fonds due à l’exploitation

L’inconvénient le plus souvent mentionné des mécanismes de lutte contre l’exploitation financière découlant d’une nomination personnelle, c’est qu’au moment où l’exploitation est découverte et le mécanisme déclenché, il ne reste souvent plus d’argent à sauver et aucun recours utile n’est vraiment possible. Même si on peut empêcher le responsable de commettre d’autres actes répréhensibles et le punir si des poursuites criminelles sont intentées, ces mesures n’apportent pas beaucoup de réconfort à la personne spoliée, qui est obligée de réduire son train de vie sinon de vivre dans la misère. Un certain nombre de mécanismes sont recommandés ou sont déjà en place dans d’autres administrations pour remédier à ce problème, du moins en partie. Comme dans le cas d’autres recours contre les abus, il importe de juger l’accessibilité de ces instruments juridiques en fonction de la réduction possible des abus qu’ils peuvent assurer.

Restrictions sur les opérations litigieuses et les cadeaux. Les personnes qui ont établi des rapports fiduciaires, par exemple en agissant en vertu d’une procuration ou en exerçant des pouvoirs de tutelle, ont l’obligation d’éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts[718]. Comme la portée de toute obligation fiduciaire dépend de la nature précise et de l’étendue des rapports, certaines administrations ont pris la peine de la codifier et de définir les responsabilités des mandataires spéciaux en matière de conflits d’intérêts.

En Australie, le Queensland a inscrit dans sa législation des restrictions précises sur les opérations litigieuses effectuées par des personnes agissant en vertu d’une procuration. Son Powers of Attorney Act 1998 impose aux procureurs aux biens d’éviter ces opérations, à moins que la personne représentée ne les ait autorisées ou n’ait autorisé les opérations de ce type ou encore, d’une façon plus générale, les opérations litigieuses. La définition d’« opération litigieuse » (conflict transaction) établit clairement qu’il n’y a pas nécessairement conflit si le procureur s’occupe d’un bien qu’il détient conjointement avec la personne représentée, s’il acquiert un intérêt conjoint dans un bien ou encore obtient un prêt ou donne une garantie ou une indemnité en rapport avec ce genre d’intérêt conjoint[719]. Le Tribunal civil et administratif du Queensland qui s’occupe de ces questions est investi du pouvoir d’autoriser certaines opérations litigieuses[720], de même que la Cour suprême[721].

Dans leur rapport de 2008, les Western Canada Law Reform Agencies (WCLRA) notent qu’il est peu réaliste d’exiger des procureurs de ne tirer aucun avantage personnel de l’exercice de leur procuration :

[traduction] Par exemple, il serait impossible de satisfaire à une telle obligation si les frais du ménage sont partagés parce que le procureur et la personne représentée sont mariés ou parce que le procureur vit avec la personne représentée à titre de soignant. En fait, à l’occasion, il pourrait être inévitable que le procureur profite lui-même, comme avantage accessoire, des mesures qu’il prend pour assurer un mode de vie salutaire à la personne représentée[722].

Les WCLRA ajoutent qu’il serait sans doute extrêmement difficile de définir l’obligation d’éviter les conflits et que cela nécessiterait vraisemblablement des dispositions législatives d’une haute complexité.

Toutefois, dans son examen approfondi de 2010 de la législation sur la tutelle, la Commission de réforme du droit du Queensland a souligné que le manquement à l’obligation d’éviter les opérations litigieuses pourrait aussi constituer un symptôme d’attitudes inacceptables du genre « l’argent des vieux est une affaire de famille ». En effet, les enfants d’une personne âgée peuvent rejeter l’idée que les biens lui appartiennent et ne doivent être utilisés qu’à son profit, préférant les considérer comme une forme d’héritage ou comme des biens communs. Ils pourraient même aller jusqu’à supposer que la personne âgée « ne verrait pas d’inconvénient » à ce que les biens profitent à d’autres personnes, même si cela lui était préjudiciable[723].

Dans son rapport, la Commission de réforme du droit du Queensland, ayant examiné à fond les dispositions relatives aux opérations litigieuses, a recommandé qu’elles soient maintenues et renforcées :

[traduction] Compte tenu du fait que la violation des dispositions relatives aux opérations litigieuses peut avoir de graves conséquences, il est essentiel que ces dispositions soient aussi claires que possible et qu’elles traitent d’une manière appropriée des types de situations de conflit qui se produisent couramment, notamment au sein des familles, de façon à éviter que la nomination comme procureur ou tuteur aux biens ne soit considérée comme un fardeau[724].

Dans son rapport de 2012 sur la tutelle, la Commission de réforme du droit du Victoria recommande l’adoption de mesures similaires. Elle note que les réactions de la population ont mis en évidence des préoccupations au sujet du manque de compréhension des circonstances dans lesquelles il peut y avoir un conflit d’intérêts entre la personne qui donne une procuration et celle qui l’exerce[725]. Elle recommande que la loi interdise aux tuteurs de faire des opérations litigieuses et prévoie des exceptions claires et limitées, par exemple lorsqu’une opération a été autorisée d’avance par une personne représentée ayant la capacité juridique de le faire ou par le Tribunal civil et administratif du Victoria. La Commission a proposé une définition des opérations litigieuses qui comprend les opérations « pouvant donner lieu à un conflit entre : a) les obligations envers la personne représentée d’un tuteur aux biens ou d’un procureur agissant en vertu d’une procuration perpétuelle, et b) soit (i) les intérêts du tuteur ou procureur ou ceux d’une relation, d’un collaborateur ou d’un proche ami du tuteur ou procureur, soit (ii) une autre obligation du tuteur ou procureur[726] ».

Il y a lieu de noter que la LPDNA prévoit déjà un ensemble clair d’obligations positives quant à la façon dont les procureurs aux biens doivent répartir les actifs de la personne représentée et donne des directives sur les questions liées aux cadeaux et aux prêts. Les difficultés que suscite une répartition impropre des biens par les procureurs pourraient témoigner non d’une lacune des dispositions législatives, mais d’un manque de connaissance de la loi ou d’une insuffisance des dispositions de surveillance et de contrôle d’application. Il n’est pas sûr que des dispositions explicites liées à des genres particuliers opérations, y compris l’obligation d’obtenir une approbation préalable, puissent améliorer sensiblement la situation.

Pouvoir de geler des comptes. En Saskatchewan, si une institution financière a motifs raisonnables de croire qu’un adulte vulnérable est financièrement exploité, elle peut suspendre les retraits et les paiements effectués sur un compte personnel pendant un maximum de cinq jours ouvrables. Aussitôt qu’elle a pris la mesure, l’institution financière doit en avertir le Tuteur et curateur public, qui a le pouvoir d’ordonner la suspension des retraits et des paiements sur le compte de la personne en cause pendant un maximum de 30 jours. Le Tuteur et curateur public est investi du pouvoir d’enquêter sur les allégations qui ont servi de base à la suspension des retraits et des paiements[727].

Garantie ou cautionnement. La loi ontarienne impose aux tuteurs de fournir une garantie dans certaines circonstances. Cette exigence peut être étendue aux procureurs ou aux personnes ayant fait l’objet d’une autre nomination personnelle liée aux biens comme moyen de prévenir les abus ou d’obtenir une réparation s’ils se produisent. Toutefois, avec une telle exigence, il deviendrait probablement difficile de trouver des procureurs. C’est pour cette raison que l’Alberta Law Reform Institute n’a pas voulu inscrire cette recommandation dans son examen des propositions visant à combattre l’utilisation abusive des procurations perpétuelles[728].

 

  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il des mécanismes pouvant réduire les pertes subies par suite de l’exercice abusif des pouvoirs de décision au nom d’autrui, comme les restrictions sur les opérations litigieuses, le pouvoir de geler des comptes si on soupçonne des abus ou une obligation élargie de fournir un cautionnement ou une garantie? Si oui, quels sont les mécanismes les plus avantageux et comment peut-on les mettre en œuvre?

 

E.    Questions à aborder

  1. Y a-t-il des moyens de veiller à ce que les lois, les orientations et les méthodes destinées à combattre les abus commis par l’intermédiaire de la législation sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle soient mieux coordonnées avec les dispositions générales de lutte contre l’exploitation des personnes généralement visées par ce domaine du droit?
  2. Y a-t-il des initiatives particulières d’information, d’éducation ou de formation à intégrer dans les lois, les orientations ou les méthodes pour s’assurer que les mandataires spéciaux et ceux qu’ils représentent comprennent mieux leurs droits et leurs attributions? Si oui, comment peut-on les mettre en œuvre?
  3. Y a-t-il des mécanismes à ajouter aux lois, aux orientations et aux méthodes pour améliorer la surveillance et le contrôle des mandataires, comme des obligations élargies de production de rapports ou de reddition de comptes, des programmes de « visites » aux personnes représentées ou d’autres types de pouvoirs de surveillance? Si oui, quels sont les mécanismes les plus avantageux et comment peut-on les mettre en œuvre?
  4. Y a-t-il de nouveaux mécanismes d’examen des plaintes, ou des améliorations à apporter aux pouvoirs d’enquête du Tuteur et curateur public, pour répondre d’une manière efficace et appropriée aux préoccupations suscitées par l’utilisation abusive ou impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui? Si oui, quels sont les mécanismes les plus avantageux et comment peut-on les mettre en œuvre?
  5. Y a-t-il des mécanismes pouvant réduire les pertes subies par suite de l’exercice abusif des pouvoirs de décision au nom d’autrui, comme les restrictions sur les opérations litigieuses, le pouvoir de geler des comptes si on soupçonne des abus ou une obligation élargie de fournir un cautionnement ou une garantie? Si oui, quels sont les mécanismes les plus avantageux et comment peut-on les mettre en œuvre?
  6. Y a-t-il d’autres modifications des lois, orientations et méthodes à envisager pour prévenir, déceler et combattre l’exercice abusif ou impropre des pouvoirs de décision au nom d’autrui?

 

 

 

 

 

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