A.    Introduction

Ce chapitre présente l’examen et l’analyse critique des lois, en Ontario et dans d’autres administrations, qui fournissent de l’information quant à l’élaboration d’un nouveau processus pour établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI. Les critères de référence pour la réforme sont utilisés de façon flexible tout au long de l’examen et de l’analyse (voir le chapitre I.C, Approches au processus de projet). L’une des étapes pour répondre aux critères de référence consiste à mettre à profit les réalisations déjà accomplies. Cela dit, le présent document de discussion met l’accent sur les enjeux clés qui ont été mentionnés à plusieurs reprises lors des recherches et des consultations préliminaires de la CDO.

Le premier de ces enjeux, le choix des modalités visant à établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI, est le principal enjeu du projet. Il prend en considération les modalités générales de désignation ou de nomination d’un représentant légal. Les autres enjeux clés tiennent compte des aspects de tout choix de modalités méritant une analyse approfondie. Ils font l’objet d’un examen dans des sections distinctes sur les rôles et les responsabilités des intervenants, l’admissibilité des représentants légaux et les mesures de protection contre l’exploitation financière.

Il a été conclu que d’autres enjeux ne relevaient pas du mandat de la CDO, ne faisaient pas partie intégrante des objectifs de la réforme ou mobilisaient trop de ressources. Ils comprennent des questions concernant les exigences procédurales complexes qui vont habituellement de pair avec les nominations personnelles afin de les valider en droit, ainsi que des questions sur les recours au sein des systèmes de justice criminelle et civile. Certaines de ces questions seront abordées dans le cadre du projet en cours de la CDO concernant la capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle.


B.    Choix des modalités visant à établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI

1.     Introduction

Cette section se penche sur les modalités existantes visant à établir un représentant légal pour la gestion financière, au Canada comme à l’étranger, à commencer par deux provinces qui ont mis en place un processus particulier pour le REEI. Elle examine ensuite d’autres modalités des lois sur la prise de décisions, du droit des fiducies et des lois concernant le soutien du revenu et les avantages sociaux. Elle termine en résumant plusieurs options générales de réforme.

La figure 2, Options de réforme du choix des modalités, située aux pages 103 et 104, peut vous servir d’aide visuelle à propos des options de réforme en lien avec l’enjeu clé examiné dans la présente section. Nous vous invitons à utiliser la figure 2 comme point de référence tout au long du reste du document de discussion. Le chapitre VI, Options de réforme, abordera de nouveau les options de réforme en ce qui concerne les implications relatives de leur mise en œuvre, en plus de présenter un résumé des autres enjeux clés du projet.

Chacune des modalités existantes examinées dans la présente section commence par la présomption de capacité législative ou de common law. Ainsi, l’établissement d’un représentant légal peut dépendre de l’exécution d’une nomination personnelle par un adulte ayant une déficience mentale, d’une déclaration d’incapacité ou encore de la détermination du besoin d’aide d’un adulte. Par exemple, les nominations personnelles, comme les procurations et les fiducies autodésignées, sont des modalités privées utilisant des termes positifs afin de définir le niveau de capacité qu’un adulte doit avoir pour nommer une personne pouvant lui fournir de l’aide à la prise de décisions. Une nomination personnelle n’entraîne pas une déclaration d’incapacité. Cependant, il peut y avoir des procédures en place, comme la présence de témoins, visant à garantir la validité juridique de la nomination. Les nominations externes, y compris les ordonnances d’un tribunal judiciaire ou administratif, sont des processus publics pouvant reposer sur une déclaration d’incapacité. Cependant, il arrive aussi plutôt fréquemment que des lois prévoient un moyen d’établir un représentant légal sans égard à la capacité de l’adulte, par exemple lorsqu’il est confirmé que celui-ci a besoin d’aide pour gérer ses dépenses quotidiennes. Ces concepts, et leurs conséquences possibles pour les bénéficiaires d’un REEI, ont été examinés de façon approfondie au chapitre II.B.3, Qu’est-ce que la capacité? Concepts de base et tensions.

Il existe un manque flagrant de données empiriques sur les implications pratiques et l’efficacité des approches existantes. Dans le cadre de son projet sur la capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, la CDO a commandé un rapport de recherche évaluant la mise en œuvre de certaines des modalités de rechange[278]. Nous espérons obtenir les commentaires du public à propos des enjeux soulevés.


2.     Provinces canadiennes ayant un processus particulier pour le REEI

a. Procuration spéciale limitée de la Saskatchewan

Le ministère de la Justice et du Procureur général de la Saskatchewan a publié une brochure d’information qui recommande que les adultes utilisent une procuration « spéciale limitée » pour nommer un procureur relativement au REEI[279]. La brochure a été publiée avant l’examen du REEI effectué par le gouvernement fédéral, et il se peut qu’elle ne réponde pas directement aux difficultés précises signalées par les intervenants. Elle porte néanmoins sur l’enjeu fondamental du présent projet, car elle reconnaît que [traduction] « certaines personnes ayant une déficience mentale n’ont pas la capacité de conclure un contrat. Un représentant légal pour une telle personne doit donc être nommé afin qu’il signe le contrat établissant un REEI[280] ». L’approche de la Saskatchewan est créative et n’exige pas une modification de la loi. Elle s’appuie, cependant, sur la législation de cette province en matière de procuration, qui prévoit un seuil de capacité moins élevé que celui de l’Ontario.

En Saskatchewan, le seuil de la capacité d’exécution d’une procuration reflète la simplicité de la common law[281]. Selon la Loi de 2002 sur les procurations, « peut donner une procuration persistante tout adulte qui a la capacité d’en comprendre la nature et la portée[282] ». D’après la brochure sur le REEI, il s’agit d’un « seuil bas » qu’il serait possible d’atteindre [traduction] « si une personne comprend qu’elle signe un document nommant un parent à titre de procureur dans le but d’établir un régime d’épargne[283] ». De même, les exigences d’une procuration spéciale limitée pour un REEI suivant les recommandations de la brochure seraient peu élevées[284].

Le ministère de la Justice et du Procureur général de la Saskatchewan propose que la procuration spéciale limitée soit propre au REEI, ce qui limiterait la portée des pouvoirs du procureur à celle d’un titulaire restreint qui n’aurait donc pas l’autorité de décider le montant et le calendrier du paiement unique d’aide à l’invalidité (PAI) ou de gérer des fonds issus du REEI. Il indique que ces pouvoirs exigent la pleine tutelle des biens en raison des préoccupations à propos de l’exploitation financière :

[Traduction]
L’on propose que la procuration spéciale limitée accorde au parent le pouvoir d’ouvrir un REEI, d’y verser des fonds, de consentir à la contribution d’une autre partie ou de transférer le REEI à un autre établissement financier, mais pas le pouvoir d’en retirer des fonds ou de fermer le REEI. Pour qu’une personne ait le pouvoir de retirer des fonds, elle doit présenter une demande pour obtenir la pleine tutelle des biens, qui comprend des mesures de protection comme les états financiers annuels, les garanties et la possibilité de retirer la tutelle[285].

La CDO a appris que le fait de restreindre le pouvoir d’un titulaire de régime de demander un PAI unique, ce que propose l’approche de la Saskatchewan, pourrait entrer en conflit avec les contraintes opérationnelles de certains établissements financiers. Aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), le titulaire d’un régime n’a pas le pouvoir de gérer les fonds issus du REEI. Il peut toutefois demander que des PAI uniques soient faits à partir du REEI au nom du bénéficiaire avant que celui-ci commence à recevoir les paiements obligatoires payables à vie dès le 60e anniversaire, ou pendant que le bénéficiaire les reçoit (pour obtenir de plus amples renseignements, consulter le chapitre II.B)[286]. Aux termes de la LIR, les établissements financiers peuvent préciser dans un contrat si les PAI sont autorisés[287]. Il s’agit de l’un des domaines où une certaine latitude est accordée aux établissements financiers afin de prendre en considération les variations de leurs contraintes opérationnelles. Les PAI constituent une modalité normale des contrats de la plupart, si ce n’est la totalité, des établissements financiers. Ainsi, un représentant légal n’ayant pas la possibilité de demander un PAI ne serait pas en mesure d’accepter les modalités relatives à l’ouverture d’un REEI dans de nombreux établissements financiers. Par conséquent, l’adoption de l’approche de la Saskatchewan en Ontario risquerait de limiter le choix de fournisseur de services des bénéficiaires d’un REEI. En outre, il ne semble pas viable sur le plan commercial que les établissements financiers offrent deux types de contrat pour le REEI.

L’approche proposée par la Saskatchewan comporte un autre défaut possible : en effet, elle prive les bénéficiaires d’un REEI du droit d’effectuer des retraits uniques, à moins qu’ils aient la capacité de le faire de façon indépendante[288]. Par conséquent, elle n’est pas utile pour les adultes ayant une capacité réduite et qui se servent du REEI comme plan de secours tout au long de leur vie, plutôt que pour faire des épargnes à long terme. La CDO a reçu les commentaires d’une telle personne, pour qui le REEI est un filet de sécurité en cas de changement de ses capacités, des services qu’elle reçoit ou de son réseau de soutien[289].

D’après la brochure d’information, lorsqu’un adulte n’est pas en mesure de satisfaire au critère de capacité pour une procuration spéciale limitée ou qu’il a besoin d’un représentant légal pour effectuer un retrait, l’Adult and Co-Decision-Making Act de la Saskatchewan lui permet de demander à la Cour du Banc de la Reine (l’équivalent de la Cour supérieure de justice de l’Ontario) la nomination d’un tuteur aux biens ou d’un codécideur[290]. Les nominations peuvent servir des fins particulières et [traduction] « toute demande de nomination de tuteur peut être limitée aux fins d’ouverture et de gestion du REEI, plutôt que de s’appliquer à l’ensemble des biens de l’adulte[291] ». En Ontario, la LPDNA prévoit que le tribunal peut « subordonner la nomination aux autres conditions que le tribunal juge appropriées », ce qui pourrait également inclure la nomination d’un tuteur pour la prise de décisions relatives au REEI[292]. Cependant, les bénéficiaires d’un REEI et leur famille ont éprouvé des difficultés en ce qui a trait aux tutelles ordonnées par la cour, comme mentionné au chapitre III.C, Difficultés découlant du cadre actuel de l’Ontario. Il a été établi, dans la sous-section 3(b) ci-dessous, que le cadre de la Saskatchewan pour la prise de décisions conjointe est une solution de rechange moins restrictive que la tutelle.

Des éléments de la procuration spéciale limitée de la Saskatchewan en matière de REEI ont été intégrés à l’option 1 dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

b. Ententes de désignation de Terre-Neuve-et-Labrador

Peu de temps après que le gouvernement fédéral a mis en œuvre des mesures dans le Plan d’action économique de 2012 en réponse à la rétroaction reçue durant l’examen du REEI, Terre-Neuve-et-Labrador a adopté un projet de loi modifiant l’Enduring Powers of Attorney Act, afin de permettre à un adulte, en vertu d’une « entente de désignation », de désigner deux personnes autorisées ou le curateur public à titre de représentants pour le REEI[293]. Ces modifications ne sont pas encore en vigueur. Par conséquent, il est impossible d’évaluer l’efficacité de la solution de Terre-Neuve-et-Labrador. Les paramètres de la loi, ainsi que les débats parlementaires qui ont mené à son adoption, peuvent faire, à l’instar des commentaires connexes de la collectivité juridique, l’objet d’une discussion générale.

L’objet des ententes de désignation est de surmonter les mêmes difficultés que celles auxquelles les bénéficiaires d’un REEI et leur famille font face en Ontario, y compris les dépenses, la complexité et les répercussions négatives de la prise de décisions au nom d’autrui sur le bien-être des adultes[294]. Le seuil de capacité pour l’exécution d’une entente de désignation est moins restrictif que les exigences d’exécution d’une procuration à Terre-Neuve-et-Labrador et que celles liées à la gestion des biens et aux soins personnels en Ontario[295]. On a dit de cette entente qu’elle est [traduction] « louable du fait qu’elle habilite les personnes handicapées à nommer des personnes en qui elles ont confiance pour gérer leur REEI, sans les dépenses et les retards liés à la présentation d’une demande au tribunal pour la nomination officielle, dans le contexte ontarien, d’un tuteur aux biens[296] ».

Les ententes de désignation s’appuient en partie sur la Representation Agreement Act[297] de la Colombie-Britannique. Celle-ci adopte une approche fonctionnelle originale mettant l’accent sur l’expression des souhaits et des préférences ainsi que sur l’existence d’une relation de confiance avec un représentant légal[298]. Elle est en vigueur en Colombie-Britannique depuis 2001. Étant donné qu’il existe plus de données sur son efficacité que sur celle de la loi adoptée à Terre-Neuve-et-Labrador, cette approche est examinée ultérieurement à la sous-section 3(a).

Si un adulte n’est pas en mesure d’atteindre le seuil pour une nomination personnelle, un époux, un conjoint de fait ou un enfant ayant atteint l’âge de la majorité peut entamer la procédure de nomination externe du curateur public par l’intermédiaire de la Section de première instance de la Cour suprême (l’équivalent de la Cour supérieure de justice de l’Ontario[299]).

À Terre-Neuve-et-Labrador, il est possible d’accorder aux personnes désignées des pouvoirs dépassant ceux d’un titulaire de régime afin de leur permettre de gérer les fonds issus du REEI. Les personnes désignées sont tenues de le faire en fonction des investissements établis et des dépenses qu’un tribunal peut ordonner aux termes de la Mentally Disabled Persons’ Estates Act[300]. En outre, elles doivent respecter les mêmes responsabilités et normes de diligence qu’un procureur à l’égard de l’intérêt véritable de l’adulte[301]. Ces dispositions limitent les pouvoirs des personnes désignées et protègent les adultes de la mauvaise gestion financière. Cependant, certains s’inquiètent que la loi de Terre-Neuve-et-Labrador ne soit pas suffisamment explicite quant à la portée des pouvoirs relatifs aux transactions avec des tierces parties lors de la gestion de fonds issus d’un REEI. Vincent De Angelis a formulé le commentaire suivant :

[Traduction]
Bien que la loi limite la portée des pouvoirs de la personne désignée en ce qui concerne la gestion des fonds issus d’un REEI, elle soulève plus de questions qu’elle ne fournit de réponses. Par exemple, la loi autorise-t-elle la personne désignée qui reçoit les fonds à ouvrir un compte bancaire, à garder les investissements en son nom, à conclure des contrats pour des biens et services ou à acheter des biens au nom de la personne incapable? Ces préoccupations ont été mentionnées par certains des établissements financiers qui devront interpréter la portée des pouvoirs de la personne désignée[302].

De plus, la CDO a appris des intervenants que, en vertu des mesures de protection en vigueur dans la législation de Terre-Neuve-et-Labrador, le curateur public a une plus grande responsabilité; en Ontario, il ne pourrait pas s’en acquitter en raison des contraintes liées aux ressources. Les personnes désignées qui sont des titulaires de régime doivent soumettre des états de compte et des opérations annuels au curateur public, à l’adulte ainsi qu’à l’établissement financier émetteur. Les personnes autorisées à recevoir des paiements issus d’un REEI doivent également soumettre un rapport résumant l’ensemble des paiements et des dépenses. Le curateur public est habilité à surveiller les personnes désignées. Il doit en outre tenir un registre des ententes de désignation[303]. Ces considérations, et d’autres encore, concernant les mesures de protection contre l’exploitation sont examinées de manière plus approfondie ultérieurement, dans la section E.

Des éléments des processus de nomination externe et personnelle de Terre-Neuve-et-Labrador ont été intégrés aux options 2 et 5 dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

6. Avez-vous de l’expérience en ce qui concerne la procuration spéciale limitée de la Saskatchewan pour les REEI?

7. Y a-t-il des leçons à tirer des provinces ayant un processus particulier de nomination des représentants légaux des bénéficiaires d’un REEI?

 

 

3.     Lois sur la prise de décisions : solutions de rechange au cadre de l’Ontario

a. Nomination personnelle

Comme susmentionné, au cours des dernières années, les solutions de rechange aux processus de nomination personnelle ont fait l’objet d’une attention accrue à la suite de l’adoption de la CDPH et des efforts considérables de réforme du droit au Canada et à l’étranger. Une gamme de nominations personnelles n’exigeant pas une déclaration d’incapacité ont été acceptées à titre d’options moins restrictives pour les procureurs et les tuteurs aux biens. Elle met l’accent sur [traduction] « la façon dont la plupart des adultes fonctionnent dans leur vie quotidienne grâce à la prise de décisions interdépendantes faisant appel au soutien et aux conseils disponibles[304] ». Il est reconnu à l’échelle internationale que le Canada est un chef de file à cet égard, et le présent document de discussion met l’accent sur des lois de provinces et de territoires canadiens. L’appui de la Victorian Law Reform Commission (VLRC) envers ces modalités est brièvement mentionné.

Modalités de la prise de décisions assistée
Au Yukon et en Alberta, les adultes peuvent effectuer des nominations personnelles afin de formaliser le rôle du soutien informel auquel les adultes ayant une capacité réduite ont habituellement accès. Ces modalités sont appelées, respectivement, « conventions de prise de décisions soutenues » et « autorisations de prise de décisions assistée ». Au Yukon, la prise de décisions soutenues s’applique aux soins personnels aussi bien qu’aux questions financières, tandis qu’en Alberta, elle s’applique aux soins personnels, mais pas aux questions financières. La Loi sur la prise de décisions, le soutien et la protection des adultes[305] explique ainsi l’objet des ententes de prise de décisions assistée :

(a)    habiliter les amis et les membres de la famille dignes de confiance à aider les adultes qui n’ont pas besoin d’être sous tutelle et qui sont en grande partie capables de gérer leurs affaires, mais dont la capacité à prendre ou à communiquer des décisions à l’égard d’une partie ou de la totalité de leurs affaires est diminuée;

(b)    donner aux personnes qui fournissent du soutien à un adulte […] le statut juridique leur permettant d’accompagner cet adulte et de participer à des discussions avec d’autres personnes lorsque ce dernier prend des décisions ou tente d’obtenir de l’information[306].

Des représentants du gouvernement du Yukon et de l’Alberta ont indiqué que la création de ces types de nomination visait essentiellement à répondre aux préoccupations d’ordre idéologique sur les définitions de capacité exprimées par la collectivité des personnes handicapées[307]. En Alberta, elle a également répondu au besoin pragmatique d’officialiser les relations de confiance dans le domaine des soins de santé, afin d’accorder aux aidants l’accès aux renseignements confidentiels[308]. Étant donné que les ententes ne sont pas enregistrées dans ces administrations, la portée de leur mise en application est inconnue. Selon l’Office of the Public Guardian de l’Alberta, elles ont été très populaires[309], tandis qu’au Yukon, l’on estime qu’elles sont peu utilisées en raison notamment du manque d’aidant disponible ou de confiance[310].

Il est important de souligner, dans le cadre du projet, la portée limitée du pouvoir d’un aidant en matière de prise de décisions financières. Dans ces deux administrations, un aidant n’est pas autorisé à prendre des décisions au nom de l’adulte, et l’on considère qu’une décision prise ou communiquée avec de l’aide a été prise par l’adulte[311]. Il est précisé que l’adulte conserve sa capacité de prise de décisions[312]. En Alberta, un adulte doit avoir la capacité de prendre ses propres décisions afin de recevoir de l’aide. Ce processus est recommandé uniquement pour [traduction] « les personnes capables dont la langue maternelle n’est pas l’anglais ou ayant des déficiences mineures et qui doivent prendre des décisions complexes[313] ». Au Yukon, la convention « est destinée aux adultes qui ont besoin d’aide pour prendre leurs propres décisions[314] ». Dans son rapport final de 2012 intitulé Guardianship, la VLRC a recommandé que les modalités de prise de décisions assistée soient utilisées lorsqu’une personne n’a pas [traduction] « une absence manifeste de capacité, mais peut tirer profiter de l’aide fournie » ou « dont la capacité à prendre des décisions sans aide est douteuse, mais qui serait assurément capable de prendre des décisions avec l’aide d’un ami ou d’un membre de sa famille en qui elle a confiance[315] ». Par conséquent, les modalités de prise de décisions assistée ne conviennent peut-être pas aux adultes qui éprouveraient de la difficulté à prendre des décisions relatives au REEI malgré le soutien qu’ils reçoivent.

Certaines personnes ont exprimé leurs préoccupations selon lesquelles [traduction] « la disponibilité de modalités de soutien à la prise de décisions financières pourrait entraîner de la confusion et de l’incertitude[316] ». C’est pourquoi le cadre albertain ne s’applique qu’aux soins personnels, et non à la gestion financière. L’Office of the Public Trustee de l’Alberta a informé la CDO que les modalités de prise de décisions assistée pourraient entraîner de la confusion du fait que les transactions financières requièrent un pouvoir légal bien établi et, aux termes de ces modalités, la personne ayant le pouvoir décisionnel définitif demeure l’adulte dont la capacité est en question[317]. Au Yukon, un aidant peut aider un adulte à prendre des décisions sur les opérations bancaires, l’établissement du budget mensuel, les dépenses alimentaires et d’autres questions financières. Cependant, la Section des Services aux aînés – Protection des adultes du Yukon a appris à la CDO que les conventions de prise de décisions soutenues n’étaient pas très courantes en ce qui concerne les questions bancaires[318].

Il a également été mentionné que les modalités de prise de décisions assistée accroissent les risques d’exploitation, notamment la coercition et l’influence indue[319]. On se préoccupe notamment du fait que [traduction] « quelqu’un en présence de telles ententes attribuera par erreur les pouvoirs décisionnels et les responsabilités aux personnes nommées à titre d’aidant; les ententes constituent donc des ordonnances de tutelle de facto, sans le système de freins et de contrepoids lié aux véritables tutelles[320] ». Ainsi, on considère que les modalités moins officielles sont associées à [traduction] « une plus faible responsabilisation[321] » et qu’elles sont « plus éloignées de la surveillance et du champ des organismes publics[322] ».

Dans ses recommandations, la VLRC recommandait que les ententes de prise de décision assistée soient utilisées pour les questions financières, tout en interdisant explicitement qu’un aidant communique les décisions à propos des transactions financières importantes à des tierces parties, comme les banques, les organismes gouvernementaux, les services publics et d’autres fournisseurs de services afin de protéger les adultes contre l’exploitation. Elle a proposé que [traduction] « ces décisions soient communiquées par la personne elle-même ou, si ce n’est pas possible, que d’autres modalités soient prises en considération, comme la prise de décisions au nom d’autrui[323] ».

Les modalités de prise de décisions assistée sont résumées dans l’option 3 de la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.


Conventions de représentation
Les conventions de représentation (CR) du Yukon et de la Colombie-Britannique constituent une autre forme de nomination personnelle. Elles permettent cependant à un « représentant » de prendre des décisions exécutoires au nom d’un adulte en ce qui a trait à la gestion financière courante. Il est souvent indiqué dans la documentation que les CR facilitent la prise de décisions assistée[324] ou constituent une solution de rechange moins restrictive que les procurations ou la tutelle[325]. Comme susmentionné, Terre-Neuve-et-Labrador a fondé ses conventions de désignation, c’est-à-dire sa réponse à l’enjeu du présent projet, sur la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique[326]. Au cours de l’examen du REEI effectué par le gouvernement fédéral, les particuliers et les organismes ont indiqué que le cadre de la Colombie-Britannique fonctionne bien pour l’établissement d’un représentant légal pour le REEI[327]. Lors des consultations préliminaires de la CDO, des propositions visant à mettre en place un régime comparable en Ontario ont été présentées. La Representation Agreement Act est examinée ici après l’examen de son équivalent au Yukon.

Au Yukon, les CR se situent à mi-chemin entre la prise de décision assistée et une procuration. Elles confèrent au représentant le pouvoir de prendre des décisions sur des questions financières prédéfinies, y compris la signature de titres négociables, la prise de mesures pour recevoir des prestations, l’investissement et le retrait de fonds, la réception et le dépôt de la pension ou d’autres sommes ainsi que l’achat de biens et de services pour un usage quotidien[328]. Le Règlement portant sur la Loi sur la protection des adultes et la prise de décisions les concernant qui définit ces questions ne mentionne pas explicitement le REEI[329].

En tout, il y a eu environ 30 conventions en vigueur au Yukon, dont la population est d’un peu plus de 35 000 personnes[330]. Ces conventions ont permis de présenter au nom d’adultes ayant une capacité réduite des demandes de paiements d’expérience commune (PEC) de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, et de gérer ceux-ci[331]. Dans ce contexte, elles visaient à protéger les adultes susceptibles d’être vulnérables à l’exploitation financière étant donné que la collectivité saurait probablement qu’ils ont reçu ces fonds[332]. L’exemple des PEC soulève des préoccupations analogues au REEI, bien que les exigences liées à la présentation d’une demande de PEC ne soient pas aussi complexes que la détermination des modalités d’un REEI.

Le seuil de la capacité pour l’exécution d’une CR au Yukon est formulé de la même façon que pour les conventions de prise de décisions soutenues et les procurations : un adulte doit avoir la capacité de comprendre la nature et la portée de la convention. Puisque les CR portent sur des transactions plus complexes, le seuil est naturellement plus élevé que dans le cas de conventions de prise de décisions soutenues. Selon les pouvoirs conférés au représentant, le seuil peut être moins élevé que celui d’une procuration ou être équivalent. Les banques et l’ensemble des administrations sont plus disposés à reconnaître les procurations. Par conséquent, lorsqu’une CR a le même objet qu’une procuration, la Section des Services aux aînés – Protection des adultes du Yukon favorise les procurations perpétuelles[333].

Néanmoins, il existe plusieurs distinctions entre les CR et les procurations, dont une, importante, est le fait que les CR ne peuvent accorder les pleins pouvoirs de gestion financière[334]. De plus, les CR ont été conçues pour accroître l’accessibilité sur le plan des coûts et des exigences en matière de validation. Contrairement à l’Ontario, au Yukon, l’avocat d’un adulte doit préparer une procuration[335]. Les coûts liés aux services de l’avocat peuvent être prohibitifs pour certains adultes; or, les CR contournent cette exigence. Cependant, étant donné que la participation d’un avocat est considérée comme une mesure contre l’exploitation, les CR sont assorties de mesures visant à réduire les risques d’exploitation. La Section des Services aux aînés – Protection des adultes du Yukon joue un rôle plus important de témoin des CR dans le but de faire le tri des représentants et d’en approuver la validité. D’autres mesures qui s’éloignent du régime ontarien comprennent le fait que les CR se terminent après trois ans ou lorsque la capacité de l’adulte diminue, selon ce qui survient en premier. Par conséquent, « [c]e type de convention n’est pas destiné aux adultes souffrant d’une maladie dégénérative telle que la maladie d’Alzheimer » ou pour ceux dont la capacité de prendre des décisions varie[336].

Dans ses consultations préliminaires, la CDO a appris que ces dispositions pourraient limiter l’applicabilité de l’approche du Yukon envers le REEI[337]. Ce régime est un instrument pour des épargnes à long terme qui signifie qu’un représentant légal sera responsable de la prise de décisions pendant de nombreuses années. Même si la portée de son autorité est limitée à celle d’un titulaire de régime, le représentant légal devra peut-être approuver des paiements uniques d’aide à l’invalidité et surveiller les investissements tout au long de la durée de vie du REEI. Si, en vertu d’un processus, un représentant légal pour le bénéficiaire d’un REEI est établi pendant quelques années seulement, l’adulte devra conclure une nouvelle convention à intervalles réguliers ou demander une nomination externe en cas de diminution de ses capacités. Cela pourrait être perçu comme une mesure de protection positive ou comme une complication additionnelle.

En Colombie-Britannique, une CR peut perdurer tout au long de l’incapacité de l’adulte[338]. Comme au Yukon, une CR en Colombie-Britannique comprend une longue liste des domaines de la gestion financière courante. La Representation Agreement Act et le Règlement connexe définissent intégralement ce qui constitue une « gestion financière courante[339] ». Bien que les régimes enregistrés d’épargne-retraite et les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) figurent dans cette liste, le REEI n’y est pas inscrit. Cela est dû au fait que le cadre législatif est antérieur au REEI. La CDO a confirmé que certains établissements financiers avaient accepté que des CR en Colombie-Britannique servent à l’établissement d’un titulaire de régime pour les REEI[340].

Le REEI est un instrument financier complexe qui peut faire intervenir des sommes importantes. Il comporte un risque d’exploitation plus élevé que les types de gestion financière courante actuellement couverte par la loi. Il soulève donc des préoccupations politiques importantes sur lesquelles se penche le gouvernement de la Colombie-Britannique[341]. La CDO a appris que les établissements financiers souhaitent une plus grande clarté en ce qui concerne l’application de la loi au REEI, particulièrement en ce qui concerne le retrait de fonds et la gestion des paiements, lorsque les risques d’exploitation financière sont plus élevés. Il convient de garder ce détail à l’esprit lors de l’évaluation des options de réforme dans le cadre du projet.

La Representation Agreement Act est entrée en vigueur en 2001 après des années de [traduction] « vaste collaboration sans précédent entre la collectivité et le gouvernement[342] ». Compte tenu des nombreux commentaires du public quant à leurs aspirations en matière de modalités de rechange pour la prise de décisions, elle se positionne comme l’une des lois interreliées sur la prise de décisions, et il était prévu qu’elle remplacerait les procurations. Toutefois, la législation de la Colombie-Britannique sur les procurations est demeurée en vigueur et, à la suite d’un examen des deux régimes commandé par le procureur général, ils fonctionnent maintenant en parallèle[343].

Au moment de son adoption, la Representation Agreement Act permettait à un adulte d’autoriser son représentant pour la gestion financière à [traduction] « faire, au nom de l’adulte, tout ce qu’un procureur peut faire en vertu d’une procuration[344] ». Dans son rapport Review of Representation Agreements and Enduring Powers of Attorney (le rapport McClean), A. J. McClean a recommandé que la vaste portée du pouvoir du représentant soit limitée à la gestion courante des affaires financières de l’adulte et que les procurations perpétuelles demeurent le principal outil de gestion des biens[345]. En 2007, la Representation Agreement Act a été modifiée afin qu’il ne soit plus possible d’autoriser un représentant à prendre des décisions financières ne relevant pas de la gestion courante des affaires financières d’un adulte. Aujourd’hui, les pouvoirs d’un représentant en matière de prise de décisions comprennent le paiement de factures, la réception et le dépôt des revenus de pension et la réalisation d’investissements, ainsi que d’autres domaines précisés dans le Règlement. Le processus d’exécution a également été simplifié, de sorte que la participation d’un avocat n’est plus nécessaire[346].

Les CR en Colombie-Britannique chevauchent la prise de décisions assistée et au nom d’autrui. D’après la Representation Agreement Act, [traduction] « un adulte peut autoriser son représentant à l’aider à prendre des décisions ou à prendre des décisions en son nom[347] ». Bien que certaines personnes estiment que ce passage signifie qu’un adulte peut choisir de demander de l’aide ou de demander que des décisions soient prises en son nom, d’autres personnes jugent qu’il s’agit plutôt d’une modalité globale qui tient compte de la dynamique du processus de prise de décisions : un adulte peut avoir besoin de plus ou moins d’aide, selon ses capacités relativement à une décision en particulier[348]. Dans son examen, M. McClean a fait la remarque suivante :

[traduction]
[…] Sur le plan philosophique, mais ultimement aussi en pratique, d’aucuns affirment que la procuration perpétuelle est un mécanisme trop direct du fait qu’elle confère l’ensemble des pouvoirs décisionnels au procureur. La convention de représentation correspond davantage à la façon dont les décisions sont prises; elle prévoit non seulement la prise de décisions conjointe et les consultations, mais aussi les souhaits, les croyances et les valeurs de l’adulte.

La section 7 [convention de représentation pour affaires financières] a été conçue pour fournir des modalités plus souples en vertu desquelles une personne pourrait recevoir de l’aide pour prendre des décisions et demander que des décisions soient prises en son nom uniquement en dernier recours[349].

Le processus de prise de décisions prévu par la Representation Agreement Act vise donc les adultes dont la capacité varie, se dégrade et porte sur une question en particulier. La définition même de capacité illustre cet objet par l’adoption d’un ensemble de facteurs non cognitifs devant être pris en considération pour déterminer si un adulte peut exécuter une CR[350]. Ces facteurs établissent un seuil plus bas que celui d’une procuration qui s’en distingue considérablement. Plus particulièrement, il se fait l’écho d’une décision en matière de politique sociale qui vise à rendre possible les nominations personnelles dans le cas d’adultes ayant une déficience mentale importante qui ont [traduction] « une façon singulière de communiquer » pouvant être comprise par une personne de confiance qui sait « ce qui a de l’importance pour l’adulte, ce qu’il souhaite, ce qu’il n’aime pas et ce dont il ne veut pas[351] ». Les facteurs sont les suivants :

a)    l’adulte indique qu’il souhaite qu’un représentant prenne des décisions ou l’aide à le faire, ou encore qu’il cesse d’en prendre;

b)    l’adulte démontre ses choix et ses préférences et peut exprimer son approbation ou sa désapprobation d’autrui;

c)    l’adulte est conscient que l’exécution de la convention de représentation et la modification ou la révocation de certaines dispositions signifient que son représentant peut prendre ou cesser de prendre des décisions le concernant;

d)    la relation de l’appelant et du représentant en est une de confiance[352].

La collectivité des personnes handicapées favorise cette façon de définir la capacité, puisqu’elle reconnaît [traduction] « les divers tons de gris de la capacité[353] ». Le Nidus Personal Planning Resource Centre and Registry, un service bénévole de soutien à l’enregistrement et à la défense des droits, a mené une étude qui a révélé que 989 CR ont été conclues et enregistrées entre 2006 et 2009, dont 70 % incluaient des pouvoirs relatifs aux affaires financières. Les plus grands utilisateurs des CR avaient de 19 à 29 ans, suivis des adultes âgées de 80 à 89 ans. Cependant, des personnes de tous âges ont eu recours à ces conventions[354]. En outre, la CDO a appris dans ses consultations préliminaires que les CR ont été recommandées à des adultes afin de les aider à gérer le soutien du revenu gouvernemental et les avantages sociaux dans le secteur des déficiences développementales[355].

Malgré cela, les praticiens du droit hésitent à adopter les conventions de représentation. À l’origine, un avocat devait valider les CR, et l’écart entre le seuil de capacité fixé par la loi et la capacité à donner des directives à l’avocat en common law créait un malaise. Même s’il n’est plus nécessaire qu’un avocat participe à la validation d’un CR, cette tension n’a pas été réglée pour les adultes souhaitant obtenir des conseils juridiques[356].

L’accroissement des risques d’exploitation découlant de la libéralité du seuil de capacité des CR a également soulevé des préoccupations. Certains intervenants ont déclaré à la CDO que l’approche cognitive à la détermination de la capacité ne devrait pas être modifiée dans le cas des transactions financières complexes, comme le REEI, lorsque les risques et les conséquences de l’exploitation sont élevés. La VLRC, lors de l’examen du régime de tutelle à Victoria, a décidé de ne pas adopter l’approche de la Colombie-Britannique et a plutôt recommandé un processus de nomination externe pour les adultes dont les capacités réduites ne répondent pas aux critères cognitifs habituels[357]. En outre, en raison de la souplesse de la portée des pouvoirs d’un représentant, qui peut à la fois aider un adulte à prendre des décisions et prendre des décisions en son nom, certains estiment qu’il n’y a pas de mesures de protection adéquates protégeant la participation d’un adulte[358].

La Representation Agreement Act contient des mesures de protection améliorées contre l’exploitation financière et l’abus de pouvoir d’un représentant. La mesure qui se distingue le plus des modalités des autres administrations est celle exigeant qu’un adulte nomme un surveillant dans certaines circonstances[359]. L’adulte n’est pas tenu de nommer un surveillant si au moins deux de ses représentants doivent agir de façon unanime dans l’exercice de leurs pouvoirs, ni si son unique représentant est un époux, le tuteur et curateur public, une société de fiducie ou une caisse populaire[360]. Des études menées par Nidus ont révélé que certains adultes nomment des surveillants même lorsque leur participation n’est pas obligatoire. En tout, 52 % des CR faisaient intervenir un surveillant, et 74 % des adultes préféraient nommer un surveillant plutôt que plusieurs représentants devant agir de façon unanime. La majorité des surveillants sont des membres de la famille élargie[361], des amis et des frères ou des sœurs. Environ 20 % des CR font intervenir deux représentants devant agir conjointement. Peu de CR sont établis différemment[362].

La tutrice et curatrice publique de Colombie-Britannique a confirmé avoir répondu à des plaintes concernant les conventions de représentation, mais a laissé entendre qu’elles n’étaient pas très répandues[363]. Il n’y a eu aucune [traduction] « affaire importante d’exploitation financière par un représentant portée devant les tribunaux » comme « l’avaient prévu certains professionnels du droit »[364]. Néanmoins, comme mentionné précédemment, les risques d’exploitation peuvent être plus élevés dans le cas du REEI que dans celui de la gestion financière courante en raison des montants importants liés au REEI et à la complexité de la prise de décisions connexes. Cela pourrait être une préoccupation si la portée des pouvoirs du représentant légal était étendue à la demande de retraits et à la gestion des fonds issus du régime.

Des éléments des conventions de représentation du Yukon et de la Colombie-Britannique ont été intégrés aux options 1 et 2 dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

8. Conviendrait-il d’abaisser le seuil ontarien de la capacité d’accorder une procuration pour la gestion des biens dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI?

9. Si un seuil différent de capacité d’exécuter une autorisation personnelle dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI était accepté en Ontario, quelle définition de capacité serait suffisamment souple pour répondre aux besoins des bénéficiaires?

10.  Un seuil de capacité reposant sur la norme de common law ou sur des critères non cognitifs rendrait-il les bénéficiaires d’un REEI plus vulnérables à l’exploitation financière ou à l’abus de pouvoir d’un représentant?

11.  Quelle serait l’incidence sur les tierces parties d’une modalité de prise de décisions assistée ou d’une convention de représentation dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI?

12.  Comment un processus de nomination personnelle dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI pourrait-il être mis en œuvre dans le contexte de l’Ontario? Serait-il nécessaire de modifier la LPDNA ou de décréter une loi distincte?

 

 

b. Nominations judiciaires et d’un tribunal administratif simplifiées

De façon générale, les nominations externes s’appliquent lorsqu’un adulte n’a aucune mesure privée comme une procuration et que ses difficultés de prise de décisions sont si importantes qu’il ne peut pas atteindre le seuil de capacité requis pour une nomination personnelle. L’adulte ou une autre personne peut entamer le processus de nomination externe lorsque l’on juge que la capacité de l’adulte est réduite et qu’il a besoin d’aide. En outre, les nominations externes peuvent servir de premier recours si la surveillance d’un arbitre indépendant est souhaitable. Les ordonnances du tribunal pour la prise de décisions conjointe en sont un exemple. Dans la présente section, nous examinons la prise de décisions conjointe en tant que modalité de rechange pour la prise de décisions, avant d’étudier les procédures judiciaires et d’un tribunal administratif simplifiées.

 

Prise de décisions conjointe
En Alberta et en Saskatchewan, les parties intéressées peuvent demander qu’un juge nomme un codécideur qui prendra des décisions conjointement avec un adulte ayant une capacité diminuée. En Saskatchewan, la prise de décisions conjointe s’applique aux soins personnels aussi bien qu’aux questions financières, tandis qu’en Alberta, elle s’applique aux soins personnels, mais pas aux questions financières. En Saskatchewan, un juge peut nommer un codécideur, ce qui est une solution moins restrictive que la tutelle, lorsque la [traduction] « capacité de l’adulte est si diminuée qu’il doit recevoir de l’aide pour prendre des décisions raisonnables […] et qu’il a besoin d’un codécideur à la gestion des biens[365] ». Dans les deux administrations, les modalités de prise de décisions conjointe sont destinées aux adultes qui peuvent prendre des décisions les concernant s’ils reçoivent de l’aide[366].

Bien que la nomination d’un codécideur soit établie par un tribunal, elle s’apparente fortement aux modalités de prise de décisions assistée que nous avons abordées précédemment[367]. La prise de décisions conjointe se distingue toutefois de celle-ci par le fait qu’un codécideur partage avec l’adulte le pouvoir de prendre des décisions. Le codécideur doit cependant [traduction] « accepter une décision prise par l’adulte et ne doit pas refuser de signer un document […] si une personne raisonnable aurait pu prendre la décision en question et que celle-ci n’entraîne aucune perte du patrimoine de l’adulte[368] ». Les pouvoirs d’un codécideur peuvent donc consister uniquement à conseiller l’adulte et à donner effet à sa décision.

Contrairement à la prise de décisions assistée, la prise de décisions conjointe est plus formelle pour les tiers fournisseurs de services. Un codécideur peut signer un contrat dans le contexte bancaire; un contrat signé seulement par l’une ou l’autre des personnes peut être résiliable[369]. Les établissements financiers utilisent depuis un certain temps des modalités de signature conjointe, par exemple pour les comptes bancaires. Par conséquent, selon la VLRC, même s’il faut parfois du temps pour que les tierces parties s’habituent aux modalités de prise de décisions conjointe, cela ne devrait pas [traduction] « entraîner de problèmes juridiques ou commerciaux importants[370] ». Certains ont une autre opinion de l’incidence de la prise de décisions conjointe sur les tierces parties. En Alberta, la prise de décisions conjointe ne s’applique pas à la gestion financière, étant donné que cela pourrait entraîner de la confusion et de l’incertitude[371]. Dans leur examen des autres possibilités de modalités de prise de décisions au Canada comme à l’étranger, Terry Carney et Fleur Beaupert indiquent ce qui suit :

[Traduction]
Ces options, qui évoquent les fines nuances du droit de propriété relativement à une tenance conjointe et à une tenance commune (selon que les copropriétaires acquièrent une « part » ou non), comptent parmi les plus problématiques en ce qui concerne la compréhension du public de leurs fonctions sociales et juridiques : elles risquent d’échouer au test de compréhension du « commerçant du coin ».[372]

La prise de décisions conjointe requiert une nomination externe et implique donc, en Saskatchewan, une procédure judiciaire. Selon la VLRC, il est déconseillé d’établir un codécideur au moyen d’une nomination personnelle pour deux raisons. La première est la reconnaissance de la capacité diminuée de l’adulte, ce qui remet en question son aptitude [traduction] « à faire de façon éclairée le choix d’établir une modalité de prise de décisions conjointe et de nommer une personne responsable[373] ». De plus, la VLRC a constaté que [traduction] « les nominations de prise de décisions conjointe ne constituent pas un mécanisme idéal de planification de l’avenir[374] ».

La prise de décisions conjointe tient compte du fait que la capacité d’un adulte peut varier au fil du temps, et vise à lui fournir de l’aide uniquement en ce qui concerne les besoins cernés au moment de la nomination. Lorsque le codécideur est nommé, l’adulte peut avoir de la difficulté à prendre des décisions seul, mais il doit être en mesure de les prendre s’il reçoit de l’aide. Le rôle de la cour, à titre d’arbitre externe, consiste à fournir une surveillance indépendante et un mécanisme d’examen continu. Si la capacité d’un adulte diminue davantage, il est possible de mettre fin à l’ordonnance de prise de décisions conjointe[375].

Dans le cadre d’une récente étude sur la réforme de la tutelle en Saskatchewan, le professeur Doug Surtees suppose que les préoccupations à propos de la planification future expliquent peut-être la faible utilisation des modalités de prise de décisions conjointe jusqu’à présent. Il a examiné presque toutes les demandes de nature judiciaire pendant une période de sept ans après l’entrée en vigueur de la loi sur la prise de décisions conjointe de la Saskatchewan. Il a découvert qu’un nombre impressionnant d’ordonnances accordent toujours une tutelle générale et que seules 30 des 446 ordonnances concernaient la prise de décisions conjointe. Les entrevues réalisées avec les avocats ayant participé à ces demandes révèlent que 52 % ont convenu que des pouvoirs dépassant ceux nécessaires à la date de la demande doivent être demandés lorsqu’il existe une [traduction] « probabilité raisonnable » qu’un adulte ait besoin d’aide supplémentaire à l’avenir, « puisque cela réduira le nombre de demandes subséquentes ultérieures[376] ». Trente-huit pour cent supplémentaires ont convenu que des pouvoirs supplémentaires doivent être demandés lorsqu’il existe une possibilité qu’ils soient nécessaires ultérieurement[377].

Il serait malheureux que les préoccupations quant au déclin éventuel des capacités de l’adulte aient nui à l’application de la prise de décisions conjointe. Cela irait à l’encontre du principe des mesures les moins restrictives possible, fondamental à la législation de la Saskatchewan[378], tout en mettant en évidence l’objectif du projet de la CDO sur le REEI. En effet, à l’instar de la prise de décisions assistée, la prise de décision conjointe est principalement destinée aux adultes qui sont en mesure de prendre des décisions lorsqu’ils reçoivent de l’aide, mais peut ne pas convenir à certains adultes dont la capacité varie ou ayant une maladie dégénérative. Le professeur Surtees propose une deuxième explication plausible à propos de la faible utilisation de la prise de décisions conjointe en Saskatchewan, affirmant que [traduction] « les ordonnances, bien qu’elles aient tendance à toujours accorder des tutelles générales, sont en fait les ordonnances qui sont requises[379] ».

Les nominations de prise de décisions conjointe de la Saskatchewan ont été intégrées aux options 5 et 6, dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités, qui résument respectivement les procédures judiciaires simplifiées et les audiences devant un tribunal administratif.

 

Procédures judiciaires simplifiées
Les exigences procédurales des nominations judiciaires sont liées à une augmentation de la complexité et des frais juridiques qui pourraient être prohibitifs pour les bénéficiaires d’un REEI cherchant à obtenir les services d’un représentant légal. En Ontario, la LPDNA permet le règlement sommaire des requêtes en tutelle. Celles-ci sont présentées en remettant les documents requis au tribunal afin qu’un juge rende une décision. Cela permet de contourner l’exigence de base, soit la participation à une audience, et peut réduire les frais découlant des services juridiques. Dans d’autres administrations, par exemple en Alberta et en Saskatchewan, des demandes administratives qui n’exigent pas une audience sont également disponibles pour les modalités de prise de décisions au nom d’autrui et conjointe, qui sont moins restrictives que la tutelle. Les demandes administratives pour la prise de décisions conjointe sont disponibles pour les soins personnels et les questions financières en Saskatchewan et uniquement pour les soins personnels en Alberta.

Il existe peu de données concernant le fonctionnement des règlements sommaires en Ontario. Il a été confirmé, lors des consultations préliminaires de la CDO, que les requêtes de règlement sommaire sont utilisées. Un avocat a affirmé à la CDO que, dans certains cas, les requêtes de règlement sommaire ont fonctionné rapidement et efficacement en tant que processus simplifié. Elles sont plus rentables étant donné qu’elles réduisent au minimum les possibilités de comparution en cour. Elles fonctionnent particulièrement bien au sein de la collectivité des personnes ayant une déficience développementale, lorsque la relation entre l’adulte et sa famille est « simple » et que la requête n’est pas contestée[380].

Cependant, les requêtes de règlement sommaire ne sont pas souvent utilisées. La CDO a appris que l’une des raisons expliquant cette faible utilisation des requêtes de règlement sommaire en Ontario est le fait que la nomination d’un tuteur sans audience a soulevé des préoccupations concernant l’application régulière de la loi[381]. La LPDNA comprend des mesures garantissant le droit d’un adulte à une application régulière de la loi. Elle exige, par exemple, que l’avis de requête et les documents connexes soient remis, entre autres, à l’adulte dit handicapé, à certains membres de sa famille et au tuteur et curateur public de l’Ontario[382]. Conformément à la LPDNA, au moins un évaluateur de la capacité doit fournir son opinion selon laquelle l’adulte est handicapé; ainsi, les mêmes mesures d’application régulière de la loi pour les évaluations de la capacité d’une nomination aux fins d’une tutelle légale s’appliquent aux évaluations pour des requêtes de règlement sommaire. L’une de ces mesures prévoit qu’un évaluateur de la capacité doit communiquer à l’adulte des renseignements à propos de l’objectif et de l’incidence de l’évaluation, et que l’adulte a le droit de refuser l’évaluation[383]. Malgré ces mesures, il semble que les requêtes de règlement sommaire donnent toujours l’impression qu’elles ne protègent pas adéquatement les droits d’un adulte à une application régulière de la loi. Selon le Barreau du Haut-Canada, [traduction] « il convient de remarquer que ce n’est pas l’ensemble des administrations et des membres du barreau qui acceptent que les questions de tutelle soient réglées de cette façon, affirmant que la gravité de ce redressement exige une audience[384] ».

Des préoccupations à propos de l’application régulière de la loi dans le contexte des procédures judiciaires simplifiées ont été constatées dans d’autres administrations. Par exemple, le professeur Surtees a informé la CDO que, en Saskatchewan, la majorité des ordonnances du tribunal sont faites par l’intermédiaire d’une demande, sans audience. Il est d’avis que, bien que cette procédure ait été conçue pour être accessible, elle ne protège pas systématiquement les droits d’un adulte. Il ajoute qu’il est difficile de se repérer dans cette procédure, que les adultes visés par une demande sont consultés peu fréquemment en ce qui concerne leurs souhaits et qu’ils peuvent ne pas très bien connaître le processus[385].

En Alberta, les demandes administratives pour la tutelle et la prise de décisions conjointe constituent un exemple de procédures judiciaires simplifiées avec une surveillance et un soutien accrus d’un organisme gouvernemental. Une trousse de demande a été mise à la disposition du public de cette province. Elle contient des formulaires conçus de manière à être conviviaux[386]. Les demandeurs transmettent les demandes administratives à des agents d’examen spécialisés de l’Office of the Public Guardian qui s’assurent qu’ils sont remplis, en plus d’accomplir d’autres tâches, notamment aviser les parties concernées de la présentation de la demande, rédiger l’ébauche d’un rapport et transmettre les documents au tribunal. Habituellement, ils rencontrent l’adulte visé par la demande pour lui demander ses souhaits. La CDO a appris que, en Alberta, les demandes administratives sont généralement considérées comme une réussite en ce qui concerne le nombre de personnes qui emploient cette procédure et la réduction de la nécessité de la participation d’un avocat[387].

Il a été déterminé que les coûts constituent un autre défaut des règlements sommaires en Ontario. Bien qu’elles puissent réduire les frais juridiques du fait qu’elles ne nécessitent pas une audience, les demandes de règlement sommaire peuvent varier entre 7 500 $ et 10 000 $ dans les centres urbains. Les documents des évaluateurs de la capacité représentent une importante partie de ces coûts, possiblement de 3 000 $ à 4 000 $[388]. En outre, si un juge n’est pas convaincu que la nomination proposée est appropriée d’après les renseignements fournis, il peut demander des renseignements supplémentaires ou ordonner la tenue d’une audience[389].

Si un autre processus d’établissement d’un représentant légal pour un bénéficiaire d’un REEI passait par une procédure judiciaire simplifiée, comme un règlement sommaire, il ne serait pas nécessaire de s’occuper de ces dépenses. Chaque bénéficiaire d’un REEI doit faire l’objet d’une évaluation afin de déterminer s’il est admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH). Tous les bénéficiaires doivent rencontrer un spécialiste qualifié de la santé qui effectue de telles évaluations avant de présenter une demande de REEI. La CDO a reçu des commentaires laissant entendre que ces spécialistes pourraient élaborer des moyens ingénieux et moins coûteux pour déterminer la capacité d’un adulte[390]. Avec un soutien et une orientation convenables, ils pourraient également contribuer à évaluer le besoin d’un adulte en matière de représentant légal, en plus de ou à la place de la détermination de sa capacité.

De plus, toute procédure judiciaire simplifiée possible pour les bénéficiaires d’un REEI en Ontario doit respecter le droit d’un adulte à une application régulière de la loi, qui doit donc être consulté au sujet de ses souhaits. La participation du personnel du gouvernement permettrait de mieux garantir ce droit et d’accroître le taux d’utilisation. Cela mobiliserait toutefois des ressources additionnelles auxquelles n’a peut-être pas accès le gouvernement de l’Ontario. Il pourrait être pertinent de vérifier si des organismes non gouvernementaux peuvent jouer un rôle afin de réduire la pression sur les ressources du gouvernement. Néanmoins, pour qu’une procédure judiciaire simplifiée se déroule sans heurts, le gouvernement de l’Ontario devrait assurer une orientation et un soutien logistique appropriés.

L’option d’une procédure judiciaire simplifiée est résumée à l’option 5, dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

Procédures d’un tribunal administratif

Il existe, dans plusieurs administrations, des tribunaux administratifs ayant le pouvoir de nommer un représentant légal pour un adulte dont la capacité est diminuée. La Queensland Law Reform Commission a expliqué, en parlant d’un tel tribunal dans son administration, qu’il devait fournir :

[Traduction]
[…] un moyen accessible, abordable et simple, mais suffisamment souple, de déterminer si une personne a la capacité de prendre des décisions, et de déterminer les problèmes relatifs à la nomination et aux pouvoirs des décideurs, lorsqu’il est nécessaire qu’une personne ait le pouvoir légal de prendre des décisions au nom de celle ayant une capacité diminuée à cet égard[391].

La Commission du consentement et de la capacité (CCC) est le tribunal administratif de l’Ontario possédant de l’expertise en matière de capacité et de prise de décisions. Au chapitre IV, nous nous sommes penchés sur le mandat de la CCC de créer et de modifier les modalités de prise de décisions sur les soins de santé au nom d’autrui, et d’y mettre fin, pour les adultes handicapés. Dans la mesure où ce chapitre examine les solutions de rechange au cadre actuel de l’Ontario, il est important de constater que les tribunaux administratifs d’autres administrations nomment également des substituts pour la prise de décisions en matière de gestion des biens[392]. Au Manitoba, le processus d’établissement d’un substitut pour la prise de décisions pour les personnes ayant une déficience développementale aux termes de la Loi sur les personnes vulnérables ayant une déficience mentale est un exemple remarquable de procédure administrative faisant intervenir un comité d’audience dans une autre province canadienne[393]. La VLRC a également recommandé que le Victorian Civil and Administrative Tribunal élargisse son mandat afin de s’occuper des nominations pour la prise de décisions assistée et conjointe en ce qui concerne les affaires financières[394].

Certains intervenants ont proposé à la CDO une option de réforme : l’élargissement du mandat de la CCC. Lorsqu’une nomination externe est souhaitable, la CCC pourrait être un arbitre impartial plus accessible que les tribunaux. Comme susmentionné, la CCC fait actuellement face à d’importantes contraintes liées aux ressources. Au cours de l’exercice financier 2012-2013, elle a reçu 6 000 demandes en plus de planifier plus de 3 100 audiences tout en respectant le délai légal prévu de sept jours après réception. L’effectif actuel ne peut s’occuper que de la charge de travail actuelle; si celle-ci augmentait considérablement, il devrait surmonter d’importantes difficultés. Selon ses rapports annuels, la CCC a un déficit annuel d’environ un million de dollars. Il faut prendre en considération les contraintes liées aux ressources de la CCC si l’on envisage d’élargir son mandat[395].

En plus des contraintes liées aux ressources, la CCC a signalé à la CDO qu’il serait difficile de concilier un processus de rechange visant à établir un représentant légal pour un bénéficiaire d’un REEI avec son mandat et ses opérations en cours. La CCC détermine, en fonction des renseignements fournis par des médecins praticiens qualifiés et des évaluateurs de la capacité, si un adulte est capable ou incapable d’un point de vue légal aux termes de la LPDNA et de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé (LCSS)[396]. L’application d’une norme différente en matière de capacité pour un domaine bien précis de la prise de décisions, comme le REEI, ne cadre pas dans le mandat actuel de la CCC. Une formation serait nécessaire et il faudrait peut-être même réorganiser l’effectif de la CCC afin de l’adapter en fonction du contexte du REEI, par exemple en engageant des experts financiers[397]. Toute modification des activités de la CCC doit être conforme à une directive de la province et requiert l’injection de ressources suffisantes. Étant donné qu’il existe des contraintes liées aux ressources à tous les niveaux en Ontario, il est impossible d’affirmer si cela est possible.

La possibilité d’élargir le mandat de la CCC est résumée à l’option 6, dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

13.  Est-ce qu’une modalité de prise de décisions conjointe serait suffisamment souple pour répondre aux besoins des bénéficiaires d’un REEI?

14.  Quelle serait l’incidence sur les tierces parties d’une modalité de prise de décisions conjointe dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI?

15.  Une procédure judiciaire simplifiée pourrait-elle être utilisée dans le but d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI à titre de « plan d’action de rechange » à la tutelle? Une modification à la LPDNA ou la promulgation d’une loi distincte serait-elle nécessaire pour élargir le mandat de la Cour supérieure de justice?

16.  Quelles mesures seraient nécessaires pour mettre en place une procédure judiciaire simplifiée juste, rentable, rapide et conviviale dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI?

17.  Les organismes communautaires peuvent-ils jouer un rôle afin de fournir un plus grand soutien lors des premières étapes d’une procédure judiciaire simplifiée dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI?

18.  Serait-il possible d’intégrer un processus dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI au mandat actuel de la Commission du consentement et de la capacité?

19.  Un processus de nomination externe dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI devrait-il être fondé sur une évaluation de la capacité ou sur le besoin d’aide d’un adulte pour la prise de décisions relatives au REEI?

 

4.     Le droit des fiducies

a. Introduction

Avant l’entrée en vigueur du REEI, la planification financière privée des personnes handicapées portait essentiellement sur le droit des fiducies[398]. Les fiducies sont régies par la common law ainsi que par des lois. Le REEI est lui-même une fiducie établie par la loi : la LIR prévoit que les fonds issus d’un REEI doivent être détenus en fiducie par un établissement financier agissant en qualité de fiduciaire[399]. Les fiducies constituent une méthode bien établie d’aider les personnes handicapées à gérer leurs actifs, comme leur assurance-vie, les héritages et les règlements pour blessure corporelle.

On a souvent comparé les avantages du REEI et les mécanismes de fiducie conventionnels, et les avocats peuvent conseiller à leurs clients, selon leurs moyens et leurs intérêts, d’établir à la fois un REEI et une fiducie[400]. Cependant, l’interaction entre les fonds issus d’un REEI et les fiducies n’a pas été examinée. Lors des consultations préliminaires de la CDO, plusieurs intervenants ont laissé entendre qu’une fiducie pouvait répondre adéquatement aux difficultés des bénéficiaires d’un REEI en permettant au fiduciaire d’agir en qualité de représentant légal.

Le droit des fiducies est très complexe, et l’on ne peut affirmer si un fiduciaire peut agir en qualité de représentant légal en ce qui concerne le REEI. Les fonds dans un REEI peuvent comprendre des cotisations mixtes de sources publiques et privées, et il n’est pas établi avec certitude qui serait légalement autorisé à créer une fiducie pour le bénéficiaire d’un REEI et à transférer les fonds au fiduciaire. Ainsi, la province devrait prendre un engagement ferme pour faire la lumière sur la création d’une fiducie, le pouvoir légal de transférer des fonds issus d’un REEI et l’interaction des fiduciaires avec les établissements financiers.

Cette section examine plusieurs types de fiducies disponibles au Canada et à l’étranger afin de déterminer si un mécanisme de fiducie pourrait être intégré au processus d’établissement d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI.

 

b. Établissement d’une fiducie pour les adultes ayant une capacité réduite

Les fiducies varient considérablement en fonction de leur type et de leurs conditions, qui sont propres à l’instrument juridique qui les a créées, et elles sont appelées notamment acte, convention ou déclaration. En outre, le droit des fiducies est en constante évolution[401]. Cette souplesse est considérée comme une caractéristique positive étant donné que les fiducies s’adaptent aux besoins sociaux; cependant, certaines personnes ont fait remarquer qu’il est donc difficile de les définir rigoureusement. Cela dit, les fiducies comprennent plusieurs caractéristiques essentielles. L’une d’elles est le rapport de confiance entre le fiduciaire et le bénéficiaire. Cela les distingue donc d’un simple contrat, et les tribunaux peuvent imposer une fiducie lorsqu’une relation le justifie, même en l’absence d’une convention expresse. Une autre caractéristique est le transfert des biens d’une personne aux fiduciaires qui l’administreront dans l’intérêt de celle-ci[402]. Eileen E. Gillese fournit une description utile de ces caractéristiques :

[Traduction]
Dans sa définition la plus simple, une fiducie est établie lorsqu’il y a une division entre la propriété légale et la propriété bénéficiaire de biens – c’est-à-dire qu’une personne détient les titres juridiques des biens et est tenu par la loi de gérer ceux-ci au bénéfice d’autrui[403].

Un fiduciaire détient les biens et prend des décisions les concernant dans l’intérêt du bénéficiaire[404]. Un substitut pour la prise de décisions aux termes de la LPDNA est également un fiduciaire qui doit gérer les biens d’un adulte dans l’intérêt de ce dernier[405]. Conformément aux lois sur la prise de décisions, une société de fiducie peut être nommée substitut pour la prise de décision ou représentant[406]. De plus, les fiducies établies par des particuliers sont utilisées régulièrement de façons [traduction] « novatrices et créatives » dans le but de « protéger les intérêts financiers d’un adulte incapable[407] ». D’après Harry Beatty, avocat spécialisé dans les fiducies et les successions :

[Traduction]
Lorsque la capacité d’un bénéficiaire à gérer son argent ou ses biens est considérablement limitée, une fiducie permet de s’assurer que la gestion sera effectuée de manière prudente.

Si l’incapacité est épisodique, par exemple dans le cas d’une personne atteinte de sclérose en plaques ou de trouble bipolaire […], la fiducie aidera la personne durant les périodes les plus difficiles de sa vie, alors qu’elle est temporairement incapable de s’occuper de ses questions financières ou qu’elle éprouve de grandes difficultés à le faire[408].

À l’instar d’une procuration, une fiducie peut servir de mécanisme de planification qu’un adulte capable établit en son nom en prévision d’une diminution de ses capacités[409]. Le seuil de capacité requis pour établir une fiducie s’apparente à celui d’une procuration en common law. Il est moins rigoureux que celui de la capacité d’accorder une procuration perpétuelle en Ontario, aux termes de la LPDNA. L’adulte doit seulement pouvoir [traduction] « comprendre dans une mesure considérable la nature et l’incidence de la transaction[410] ». Comme susmentionné, ce seuil peut être trop élevé pour certains adultes ayant une incapacité mentale, selon la portée des pouvoirs d’un représentant légal. Il est possible de faire les mêmes observations concernant la procuration spéciale limitée de la Saskatchewan et les conventions de représentation du Yukon en ce qui concerne les fiducies autodésignées, puisque leurs définitions de capacité sont semblables (voir les sections 2 et 3, ci-dessus).

Les fiducies autodésignées font partie de l’option 4, dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

c. Types de fiducies : Fiducies discrétionnaires et Henson, judiciaires et contrôlées par l’utilisateur

Une fiducie peut aussi être établie par une personne autre que le bénéficiaire ou par l’intermédiaire des tribunaux. Il existe de nombreux types de fiducies; le présent document de discussion ne peut pas les aborder tous. Trois types de fiducies couramment employés pour les personnes handicapées au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni sont examinés ci-dessous.

 

Fiducies discrétionnaires et Henson
Habituellement, les fiducies discrétionnaires sont créées par au moins un membre de la famille de la personne ayant une déficience physique ou mentale. Lorsqu’elles sont utilisées pour la planification des prestations d’invalidité, elles sont appelées « fiducies Henson[411] ». La détermination des bénéficiaires et l’autorisation des cotisations, des investissements et des retraits sont laissées à la discrétion des fiduciaires qui administrent une fiducie Henson. Cela signifie que le rôle des fiduciaires est quelque peu comparable à celui d’un titulaire de REEI. Il peut être stipulé dans les modalités de la fiducie que les paiements soient versés au nom ou dans l’intérêt du bénéficiaire. Ainsi, par l’intermédiaire d’un compte bancaire distinct, les fiduciaires peuvent verser au bénéficiaire des paiements suffisants pour qu’il ait le contrôle sur ses dépenses quotidiennes. Des paiements peuvent également être faits directement au nom du bénéficiaire à des particuliers ou à des organismes, comme un propriétaire, une société de service public ou un fournisseur de services aux personnes handicapées.

Les fiducies Henson ne sont pas considérées comme des biens aux termes du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Les paiements d’une fiducie Henson peuvent également constituer un revenu exempté aux termes du POSPH, selon les limites prescrites[412]. Le traitement des fiducies Henson conformément aux programmes provinciaux de soutien du revenu, comme le POSPH, peut être avantageux pour de nombreuses personnes handicapées qui dépendent du soutien du revenu du gouvernement. Toutefois, la nature absolue des pouvoirs discrétionnaires des fiduciaires ne correspond pas aux objectifs de politique du REEI, aux objectifs de la réforme ni aux principes du droit concernant les personnes handicapées, y compris la dignité, la participation et l’autonomie. Elle accroît également les risques d’exploitation financière.

Plusieurs commentateurs ont indiqué que les fiducies Henson sont particulièrement sujettes aux conflits d’intérêts parce que [traduction] « [s]i un fiduciaire est également un bénéficiaire résiduel, par exemple, il est relativement simple pour lui de préserver le fonds fiduciaire en refusant les demandes de dépenses discrétionnaires de la personne handicapée[413] ». Ces risques de détention des fonds sont atténués dans le cas du REEI, car celui-ci a été conçu intentionnellement afin que des montants préétablis soient versés régulièrement aux bénéficiaires après leur 60e anniversaire. Néanmoins, dans le cadre d’une modalité comme une fiducie Henson, les bénéficiaires d’un REEI disposent de peu de droits de recours pour contester la décision d’un représentant légal à propos de tout aspect de la gestion financière.

En plus des fiducies Henson, l’Ontario reconnaît les fiducies qui permettent au bénéficiaire de participer aux décisions concernant les fonds en fiducies. Il est également possible d’ajouter à l’acte de fiducie des conditions aux pouvoirs des fiduciaires, par exemple en ce qui concerne les investissements ou les dépenses. Le reste de la présente section porte sur ces types de fiducies.

 

Fiducies ordonnées par le tribunal
La Cour supérieure de justice a un pouvoir inhérent et légal sur les fiducies. Elle peut imposer une fiducie de common law dans le cadre de laquelle un rapport de confiance exige la reconnaissance d’une fiducie, même si les parties n’en ont pas expressément créé une. Son pouvoir sur ces fiducies soi-disant « constructoires » est essentiellement limité à un recours pour indemniser les personnes qui ont subi des pertes découlant d’une relation d’enrichissement injustifié[414]. La Cour a en outre la compétence de prendre une décision dans les questions concernant l’administration des fiducies qui est inhérente et découle de la Loi sur les fiduciaires et des Règles de procédure civile[415].Par exemple, elle peut nommer les fiduciaires, prévoir leur rémunération et présider à la comptabilité de l’administration de la fiducie[416].

Un juge peut créer une fiducie et ordonner que des biens y soient transférés à la suite d’une procédure judiciaire, dans le but de protéger les biens d’une partie ayant obtenu gain de cause. Par exemple, en Ontario, les tribunaux ont le pouvoir de s’occuper du versement d’aliments aux personnes à charge en ordonnant qu’ils soient détenus ou remis à un fiduciaire, conformément à la Loi portant réforme du droit des successions. Lorsque des biens sont détenus en fiducie en raison d’un testament, d’un règlement ou d’une autre disposition, la Loi sur la modification des fiducies permet également à la Cour supérieure de justice d’approuver un arrangement modifiant la fiducie ou étendant les pouvoirs des fiduciaires au nom d’une personne incapable de consentir à un arrangement[417]. Aux États-Unis, aux termes du United States Code, les tribunaux ont la compétence de créer des « fiducies de besoins spéciaux » pour une personne handicapée afin d’éviter que ses biens soient considérés comme un revenu ou des ressources aux fins de l’admissibilité à Medicaid. Les fonds peuvent créer un flux de revenu au bénéficiaire ou être versés à des tierces parties pour l’acquisition de biens ou de services[418].

Au Canada comme aux États-Unis, les mesures de protection standard pouvant être ajoutées à l’instrument de fiducie comprennent la nomination de plus d’un fiduciaire ou d’un protecteur de fiducie. Un protecteur de fiducie est une tierce partie qui a l’autorisation de surveiller de façon indépendante l’administration de la fiducie et la performance des fiduciaires. L’instrument de fiducie peut définir les pouvoirs d’un protecteur, qui s’apparentent à ceux d’un surveillant aux termes d’une convention de représentation de la Colombie-Britannique[419].

Si une fiducie ordonnée par la cour est une option de réforme souhaitable, les exigences procédurales du processus de demande doivent être justes et accessibles. La sous-section 3(b), ci-dessus, porte sur les nominations judiciaires et d’un tribunal administratif simplifiées; bon nombre des observations faites à ce sujet sont pertinentes pour la présente option.

L’établissement externe d’une fiducie sous la supervision des tribunaux fait partie de l’option 7 dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

Fiducies contrôlées par l’utilisateur
Les fiducies contrôlées par l’utilisateur constituent un exemple de fiducie utilisé régulièrement pour gérer les prestations gouvernementales. Au Royaume-Uni, l’English National Department of Health et les autorités gouvernementales locales recommandent que les bénéficiaires de paiements directs des services sociaux gouvernementaux qui sont incapables de gérer leurs finances obtiennent le soutien d’une fiducie contrôlée par l’utilisateur[420]. Depuis 1996, les personnes admissibles aux prestations sociales du gouvernement, y compris les adultes ayant une incapacité mentale et les personnes âgées, sont en mesure de recevoir des paiements directs pour les services, selon des budgets individualisés. Le cadre stratégique pour les paiements directs est à l’échelle nationale, mais les autorités locales les fournissent à leurs circonscriptions.

Peu après le début des paiements directs, des préoccupations voulant que certains groupes éprouvent de la difficulté à y accéder ont été soulevées. Les déclarations annuelles du Department of Health ont révélé une faible participation chez les personnes âgées, ainsi que chez les personnes ayant une incapacité développementale et psychosociale. D’après certaines recherches sur le sujet, la faible participation s’explique notamment par le fait que les bénéficiaires ont besoin d’aide pour gérer les paiements directs. On a fait la promotion des fiducies contrôlées par l’utilisateur, entre autres solutions, afin de régler ce problème[421]. Le National Health Service décrit ainsi les fiducies contrôlées par l’utilisateur : [traduction] « Un moyen pour les personnes qui n’ont pas la capacité ou les moyens de gérer les paiements directs qu’elles reçoivent afin d’obtenir le soutien de leurs proches[422]. »

Une fiducie contrôlée par l’utilisateur peut être établie par trois fiduciaires ou plus [traduction] « constitués de membres de la famille ou d’un réseau plus vaste, par exemple des amis ou des voisins, ou encore de personnes qui ont travaillé avec le bénéficiaire de paiements directs et le connaissent bien[423] ». Une fois que les instruments de fiducie sont exécutés, les fiduciaires doivent conclure un contrat avec le fournisseur de services gouvernementaux et ouvrir un nouveau compte bancaire dans lequel seront versés les paiements. Selon les conditions établies, une fiducie contrôlée par l’utilisateur peut servir à gérer le budget du bénéficiaire, à faire appel à des fournisseurs de services professionnels et à faire des achats[424].

Le bénéficiaire est le décideur responsable de la fiducie contrôlée par l’utilisateur. Les préférences exprimées par ce dernier doivent constituer le fondement des décisions des fiduciaires, malgré ses problèmes en matière de capacité[425]. Le Department of Health déclare que, [traduction] « puisque c’est [la personne] qui reçoit le soutien ou les services, il convient de la placer au cœur de toute réunion de planification et de toujours s’enquérir de ses souhaits[426] ». Plusieurs sources gouvernementales reconnaissent que le comportement et les communications d’un adulte sont des indicateurs amplement suffisants de ses choix et que les fiducies contrôlées par l’utilisateur conviennent donc aux personnes dont les capacités fluctuent. Le Kent County Council affirme ce qui suit :

[Traduction]
Une fiducie de vie autonome n’équivaut pas à une fiducie qui favorise la prise de décisions au nom d’autrui. Un particulier peut, grâce à une telle fiducie, mener une vie autonome, faire ses choix et garder le contrôle : il oriente les décisions concernant la fiducie et participe le plus possible au processus, p. ex. en participant aux réunions relatives à la fiducie.

Souvent, une fiducie est utilisée dans des situations où des personnes font des choix et indiquent leurs préférences grâce à leur langage corporel, leurs gestes, leur discours, leur comportement et leurs émotions. Il est aussi possible d’établir une fiducie pour une personne atteinte d’une déficience évolutive et qui pourrait être, un jour, moins apte à gérer son soutien sans fiducie, par exemple une personne atteinte de démence ou ayant des périodes prolongées de troubles mentaux[427].

Les fiducies contrôlées par l’utilisateur se distinguent notamment des autres fiducies privées par le degré de soutien mis à la disposition des fiduciaires par les organismes gouvernementaux locaux responsables de les approuver. Ainsi, ces fiducies s’apparentent aux modalités abordées ultérieurement dans la section sur les lois concernant le soutien du revenu et les avantages sociaux. En outre, cela pourrait réduire les dépenses normalement liées à l’établissement d’une fiducie privée en retenant les services d’un avocat. Comme nous le verrons ultérieurement dans cette section, la grande participation des organismes gouvernementaux requiert des ressources dont le gouvernement de l’Ontario ne dispose peut-être pas actuellement. Néanmoins, les fiducies contrôlées par l’utilisateur peuvent comprendre les mesures de protection qui font habituellement partie des documents de gouvernance de fiducies, comme la tenue de réunions régulières, l’établissement de rapports et la responsabilisation des cofiduciaires.

Il existe des données empiriques sur l’efficacité des fiducies contrôlées par l’utilisateur. D’aucuns ont formulé des commentaires positifs sur la façon dont elles ont augmenté l’utilisation des paiements directs au sein de la collectivité des personnes ayant des troubles d’apprentissage[428]. Une étude qui s’est penchée sur la mise en œuvre de stratégies visant à accroître l’utilisation des paiements directs au Royaume-Uni a souligné des défauts, y compris l’impression que la capacité des bénéficiaires à contribuer à la prise de décisions n’était pas toujours favorisée le plus possible[429]. Elle en faisait toutefois une évaluation globalement positive :

[Traduction]
On considère que [les fiducies contrôlées par l’utilisateur] présentent des avantages, dont le partage des responsabilités, la coordination du soutien envers une personne et l’attribution aux membres de la fiducie d’un rôle bien défini afin qu’ils prennent leurs responsabilités au sérieux. Le fait qu’elles permettent à une personne de faire des choix et de garder le contrôle, même si elle ne satisfait pas au critère selon lequel elle doit être apte et désireuse, constitue également l’un de leurs avantages.

Leurs mécanismes sont considérés comme très avantageux pour les utilisateurs étant donné que, dans bon nombre de cas, n’eût été ces fiducies, un paiement direct aurait été refusé[430].

L’approbation d’une fiducie sous la supervision d’un organisme gouvernemental fait partie de l’option 8 dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

20.  En Ontario, un fiduciaire pourrait-il agir à titre de représentant légal d’un bénéficiaire d’un REEI?

21.  Qui aurait l’autorisation légale de créer la fiducie dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI et de transférer les fonds issus du REEI au fiduciaire?

22.  Quelles mesures seraient requises pour mettre en œuvre un mécanisme de fiducie en tant qu’option de réforme en Ontario?

23.  Une fiducie autodésignée reposant sur le seuil de capacité de la common law serait-elle suffisamment souple pour répondre aux besoins des bénéficiaires d’un REEI?

24.  Une procédure judiciaire simplifiée de nomination d’un fiduciaire à titre de représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI pourrait-elle être intégrée à la compétence existante de la Cour supérieure de justice relativement aux fiducies?

25.  Un organisme du gouvernement de l’Ontario pourrait-il être responsable d’approuver un acte de fiducie dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI? Dans l’affirmative, quel organisme conviendrait-il?


5.     Lois concernant le soutien du revenu et les avantages sociaux

a. Introduction

Ce chapitre se penche sur les processus intégrés aux programmes de soutien du revenu et d’avantages sociaux dans le but de nommer un particulier afin qu’il gère les paiements d’un bénéficiaire dans le cadre d’une option moins restrictive qu’une tutelle. Le soutien du revenu et les avantages sociaux diffèrent d’une administration à l’autre. Le REEI est un instrument d’investissement unique en son genre. Les programmes gouvernementaux qui couvrent les frais de subsistance de base, comme le POSPH, et qui fournissent des fonds individualisés en fonction des besoins particuliers d’une personne, comme les fonds versés directement aux personnes ayant une déficience développementale aux termes de la Loi sur le ministère des Services sociaux et communautaires sont bien plus courants. Ces types de soutien du revenu et d’avantages sociaux font l’objet d’une discussion tout au long du présent document, particulièrement dans les chapitres II.A et IV.A, de même que dans la section 4 sur les fiducies contrôlées par l’utilisateur.

Un adulte peut éprouver de la difficulté à gérer les fonds issus des paiements directs provenant du soutien du revenu et des avantages sociaux. Un adulte peut proactivement demander de l’aide à son intervenant. L’intervenant de l’adulte ou une tierce partie, comme un parent ou le conjoint, peut aussi entamer le processus de nomination d’une personne chargée de gérer les paiements de l’adulte. Dans ce cas, le processus repose sur les règles du programme en question. Les programmes peuvent être nationaux, sous-nationaux ou propres à une clientèle cible en particulier. Le présent chapitre examine certains programmes canadiens ou étrangers, et fait référence aux quelques données empiriques disponibles pour les évaluer.

 

b. Programmes de soutien du revenu

Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées
On appelle souvent « fiduciaires du POSPH » les personnes qui aident environ 50 000 bénéficiaires du POSPH à gérer leurs paiements du soutien du revenu[431]. En vertu de la Loi de 1997 sur le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (LPOSPH), le directeur peut nommer une personne pour agir au nom du bénéficiaire si ce dernier n’a pas de tuteur aux biens ni de fiduciaire et que le directeur est convaincu que le bénéficiaire « n’utilise pas ou n’utilisera vraisemblablement pas le soutien du revenu qu’il reçoit à l’avantage [du bénéficiaire et de ses personnes à charge][432] ». Les rôles et les responsabilités d’un fiduciaire sont décrits dans le Règlement relatif au POSPH et aux Directives pour le soutien du revenu (ci-après, les directives)[433]. Ils fournissent de l’orientation sur certaines questions, notamment sur la façon dont le processus est enclenché, les facteurs à prendre en considération pour nommer une personne devant agir au nom du bénéficiaire et les mesures de reddition de comptes.

Les personnes nommées aux termes de la LPOSPH ne sont pas des fiduciaires officiels, comme ceux dont il est question dans la section 4, et leur pouvoir n’est pas reconnu par le REEI en ce qui concerne la prise de décisions ni par l’ARC aux fins d’impôt[434]. Le processus de nomination peut être amorcé à la demande du bénéficiaire, de ses personnes à charge ou d’un membre du personnel du POSPH. Toute personne peut fournir des renseignements à un membre du personnel du POSPH, qui déclenche la demande. Dans certains cas, un membre de la famille accompagnant un adulte dans le cadre du processus de demande est nommé d’entrée de jeu[435].

Le processus de nomination d’une personne devant agir au nom d’un bénéficiaire ne repose pas sur une évaluation de la capacité, mais plutôt sur l’évaluation objective informelle du besoin d’aide du bénéficiaire en ce qui a trait à la gestion de son soutien du revenu. Cette évaluation s’appuie sur une liste de facteurs à prendre en considération. Il s’agit notamment de déterminer si le bénéficiaire a demandé de l’aide, si une tierce partie de confiance a fourni des renseignements selon lesquels l’adulte a besoin d’aide, ou si l’adulte manque souvent d’argent pour se loger ou se nourrir. On insiste fortement sur le déploiement de tous les efforts possibles pour obtenir la coopération et le consentement de la personne avant de nommer un fiduciaire en vertu du POSPH[436].

Un examen du contexte législatif de la LPOSPH révèle qu’il était intentionnel que ce processus de nomination omette l’évaluation de la capacité de l’adulte. Alors que les commentaires du public sur le projet de loi pour l’adoption de la LPOSPH étaient acceptés, plusieurs organismes communautaires ont présenté des observations contre la proposition d’inclure une évaluation de la capacité. L’ancien directeur de la politique et de la recherche de l’ARCH Disability Law Centre a laissé entendre que [traduction] « cette disposition a peut-être été retirée parce que l’on a constaté que les représentants du POSPH ne devraient pas prendre une décision, de nature essentiellement juridique, sur la capacité d’une personne[437] ». D’un autre côté, pour qu’un fiduciaire soit nommé au nom d’un bénéficiaire adulte du programme Ontario au travail, il est possible de présenter les renseignements probants fournis par un médecin praticien afin de déterminer si le bénéficiaire a besoin d’aide pour gérer son soutien du revenu[438]. L’administrateur local du programme Ontario au travail doit tenir compte de l’évaluation du médecin praticien ainsi que d’autres facteurs avant de prendre une décision[439].

Le POSPH comporte plusieurs mesures de protection relativement à la nomination d’un fiduciaire, y compris l’obligation de faire rapport annuellement, des examens réguliers et le remplacement du fiduciaire. Le POSPH crée un modèle de rapport annuel afin d’améliorer l’établissement de rapports. Ces mesures de responsabilisation visent notamment à faciliter la détermination des besoins d’un bénéficiaire en matière de gestion de son revenu. Certains ont exprimé leurs préoccupations quant à la mauvaise gestion des fonds d’un bénéficiaire de la part de fiduciaires. Le POSPH vérifie ces allégations en effectuant l’examen de la nomination. Il peut ensuite révoquer et remplacer le fiduciaire[440]. Le POSPH a aussi la possibilité d’en informer le BTCP ou la police, s’il y a lieu. En outre, en cas de mauvaise gestion, il peut verser une indemnisation maximale équivalente à un mois de prestations lorsqu’il est convaincu que celle-ci est nécessaire pour que le bénéficiaire puisse répondre à ses besoins essentiels et se loger[441].

 

Le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse
Le Régime de pensions du Canada (RPC) est un régime contributif qui verse des pensions et des prestations à presque toutes les personnes qui ont travaillé au Canada[442]. Les bénéficiaires du RPC comprennent les personnes qui ne peuvent pas travailler en raison d’une invalidité[443]. De son côté, la Sécurité de la vieillesse fournit une pension gouvernementale qui dépend de critères fondés sur l’âge, la résidence et le revenu[444]. Dans ses consultations préliminaires, la CDO a appris que des fiduciaires ont été nommés pour gérer les fonds de nombreux bénéficiaires du RPC et de la SV[445]. Les procédures de nomination d’un fiduciaire dans le cadre du RPC ou de la SV sont comparables à celles du POSPH, tout comme le contexte de la nomination. Il existe cependant quelques exceptions importantes sur lesquelles nous nous pencherons dans la présente section.

Le RPC et la SV procèdent par étapes en ce qui concerne l’aide à la prise de décisions. Lorsqu’un adulte est capable, il peut consentir à nommer une personne pour communiquer en son nom avec Service Canada, qui peut ainsi divulguer et obtenir des renseignements personnels par l’intermédiaire de la personne autorisée. Celle-ci n’a toutefois pas le pouvoir de demander ou de gérer des prestations au nom de l’adulte[446]. Il s’agit de la première étape de l’aide à la prise de décisions, soit la moins intrusive. Elle s’apparente aux dispositions de prise de décisions assistée au Yukon et en Alberta, que nous avons déjà abordées. Le RPC fait également la distinction entre un fiduciaire qui peut présenter une demande de prestations au nom de l’adulte et un fiduciaire qui peut gérer les paiements de l’adulte[447]. Cela ressemble quelque peu à la distinction entre un titulaire de régime et un représentant qui aide le bénéficiaire d’un REEI à gérer les paiements issus de ce régime.

Pour nommer un fiduciaire, un adulte doit être « incapable de gérer ses propres affaires », et ce, « à cause d’une infirmité, maladie, aliénation mentale ou autre cause[448] ». Un médecin praticien autorisé doit confirmer l’incapacité de l’adulte dans un certificat d’incapacité, qui présente une liste de critères d’évaluation différents de ceux prévus par la LPDNA. Le praticien doit y indiquer si l’adulte :

  1. a une bonne connaissance générale de ce qui arrive à son argent ou à ses placements;
  2. a une connaissance adéquate des délais à respecter de manière à régler les comptes rapidement;
  3. a une mémoire suffisante pour se tenir au courant des décisions et des transactions financières;
  4. a la capacité de tenir ses comptes à jour;
  5. a une perte de jugement importante puisque ses facultés intellectuelles sont touchées[449].

Le RPC et la SV comportent des mesures de protection qui ne sont pas très différentes de celles du POSPH, comme tenir des comptes et préparer des rapports. De plus, un fiduciaire doit signer une entente avec Service Canada afin d’établir ses rôles et responsabilités. Il est ensuite inscrit dans une banque de données d’EDSC[450]. Si un citoyen a des préoccupations à propos d’une fraude, il doit en informer EDSC qui peut transmettre l’affaire à Intégrité des programmes aux fins d’enquête[451].

 

National Disability Insurance Scheme de l’Australie
Le régime national d’assurance-invalidité de l’Australie, le National Disability Insurance Scheme (NDIS), fournit de l’aide financière individualisée aux personnes handicapées après l’évaluation des besoins en matière de soutien et de services propres à chaque personne. Le financement individualisé se distingue des types de soutien du revenu et de prestations examinés précédemment, comme le POSPH, le RPC et la SV, qui fournissent essentiellement des montants forfaitaires[452]. Comme dans le cas du REEI, le financement individualisé comprend une étape de planification, durant laquelle le montant et le calendrier des paiements sont établis, ainsi qu’une étape de gestion, au cours de laquelle l’adulte reçoit des paiements directs[453].

La loi habilitant le NDIS a été adoptée après l’entrée en vigueur de la CDPH et a été visée par une consultation publique importante. Les principes globaux mis en place par la National Disability Insurance Scheme Act, 2013 se font l’écho [traduction] « des philosophies de la prise de décisions assistée, de la dignité de pouvoir choisir et de l’adoption de l’approche la moins restrictive[454] ». Ces principes sont évidents dans le processus de nomination d’une personne, le « représentant » devant fournir de l’aide à un bénéficiaire de prestations du NDIS[455]. Par exemple, les principes reconnaissent que [traduction] « les personnes handicapées doivent participer au processus de prise de décisions les concernant et, si possible, prendre elles-mêmes ces décisions[456] ».

À l’instar du RPC et de la SV, le NDIS procède par étapes en ce qui concerne l’aide à la prise de décisions et comprend des représentants chargés de la communication et de l’administration. Le rôle d’un représentant de communication se limite à l’échange de renseignements personnels. Le NDIS, comme le REEI, fait la distinction entre la planification et la gestion des fonds issus du régime, qui relève du représentant d’administration. Un adulte pourrait avoir un représentant d’administration accomplissant l’une ou l’autre de ces fonctions, ou les deux, ainsi que plus d’un représentant d’administration aux pouvoirs décisionnels distincts ou conjoints[457].

Aux termes du National Disability Insurance Scheme (Nominee) Rules, 2013 (règlement sur les représentants), un représentant d’administration peut être nommé à la demande de l’adulte ou à la suite d’une initiative du directeur général. Si un représentant est nommé sans que l’adulte en ait fait la demande, il convient de consulter ce dernier et de tenir compte de plusieurs facteurs, notamment [traduction] « la capacité du bénéficiaire de participer effectivement au NDIS sans qu’un représentant soit nommé » et « le principe selon lequel un représentant doit être nommé uniquement si nécessaire, en dernier recours, en respectant les mesures de protection appropriées »[458]. Une fois nommé, un représentant d’administration doit agir au nom de l’adulte [traduction] « uniquement si le représentant estime que le bénéficiaire n’est pas en mesure d’accomplir la tâche » et « en faisant de son mieux pour développer la capacité du bénéficiaire à prendre lui-même des décisions »[459].

Le NDIS est un régime très récent, et il existe donc peu de données probantes quant à son efficacité. Des commentaires positifs sur les nominations de représentants aux termes du régime de sécurité sociale australien, Centrelink, ont été formulés, notamment à propos du fait que [traduction] « les modalités concernant les représentants sont suffisamment souples pour permettre aux particuliers de décider qui peut agir à titre de “mandataire” en leur nom, en plus de servir de mécanisme utile dans le cas d’une personne dont la capacité est limitée, intermittente ou se dégrade[460] ». Cependant, des préoccupations quant à l’exploitation et à l’abus des pouvoirs d’un représentant ont aussi été exprimées. Centrelink a fait l’objet de critiques pour ne pas avoir mis en place des mesures de protection visant à déterminer la validité d’un candidat en tant que représentant et pour l’absence de surveillance systématique[461].

 

Representative Payment Program de la sécurité sociale des États-Unis
Aux États-Unis, la sécurité sociale verse des pensions et des prestations fixes, comme le RPC et la SV. Le processus de nomination du programme de représentants des prestataires (Representative Payee Program, ci-après le Programme) a beaucoup de points en commun avec ceux du RPC, de la SV et du POSPH, sur lesquels nous nous sommes penchés précédemment. Par conséquent, nous ne nous attarderons pas sur le Programme. Néanmoins, compte tenu du manque de commentaires sur les régimes canadiens, nous discuterons brièvement des données sur l’efficacité du Programme.

Il convient de constater que le contexte social et économique du programme américain n’est pas le même que celui du Canada. Aux États-Unis, 8,4 millions de bénéficiaires ont des représentants qui gèrent des prestations annuelles totalisant 72 milliards de dollars – et l’on s’attend à ce que ces chiffres augmentent au fur et à mesure que vieillit la population[462]. Au cours des trois dernières années, le financement du Programme a été inférieur de presque 1 milliard de dollars au montant réclamé[463]. D’après un rapport du Government Accountability Office des États-Unis, [traduction] « la SSA [Social Security Administration] a éprouvé de la difficulté à identifier, à sélectionner et à surveiller les représentants des prestataires » et « le Congrès, entre autres, a fait part de ses préoccupations selon lesquelles la SSA ne sera peut-être pas bien placée à l’avenir pour administrer le Representative Payee Program dans sa structure actuelle »[464]. La réforme du Programme est en cours depuis plus de dix ans, à une échelle rendant difficile toute comparaison avec les programmes canadiens.

Néanmoins, une recherche du contexte américain permet d’apprendre les leçons générales apprises. La documentation sur la nomination de représentants des prestataires pour les personnes ayant une incapacité psychosociale établit un lien entre le Programme et plusieurs résultats positifs. On considère que l’établissement de représentants des prestataires contribue à faire en sorte que les besoins essentiels des adultes sont satisfaits, à couvrir les factures de soins médicaux, à réduire la nécessité d’une hospitalisation, à réduire l’itinérance et à améliorer, d’une façon globale, la stabilité[465]. En ce qui concerne les difficultés, les prestataires et les adultes ont déterminé qu’il y avait un manque de connaissance et de soutien relativement à l’établissement de budgets et que les adultes avaient peu d’occasions de fournir des commentaires sur la gestion financière quotidienne, et d’y participer[466].

Le risque d’exploitation financière constitue la principale critique formulée contre le programme. D’importants efforts, dont la création d’un comité, le National Research Council Committee, et l’adoption de la Social Security Protection Act of 2004, ont été déployés dans le but de régler ces préoccupations[467]. Malgré cela, il demeure très difficile de détecter et de prévenir l’exploitation financière[468]. L’expérience américaine démontre que la mise en œuvre de mesures de protection au sein d’un programme géré intégralement par le gouvernement est exigeante sur le plan des ressources. Si les ressources sont insuffisantes, l’exploitation financière peut demeurer non détectée. Vous trouverez de plus amples renseignements obtenus grâce aux recherches menées aux États-Unis sur la question de l’exploitation financière, de même que des propositions de réforme, dans la section E.

Un processus de nomination externe administré par un organisme gouvernemental fait partie de l’option 9 dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

26.  Un organisme du gouvernement de l’Ontario pourrait-il administrer un processus de nomination dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI? Dans l’affirmative, quel organisme conviendrait-il?

27.  Comment un processus administré par un organisme gouvernemental dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI pourrait-il fonctionner? Pourrait-il s’appuyer sur les connaissances relatives aux programmes existants, comme la nomination de fiduciaires en vertu du POSPH?

28.  Un processus de nomination administré par le gouvernement dans le but précis d’établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI devrait-il être fondé sur une évaluation de la capacité ou sur le besoin d’aide d’un adulte pour la prise de décisions relatives au REEI?

 

6.     Résumé des options du choix des modalités

a. Introduction

La présente section décrit plusieurs options de réforme générales quant au choix de modalités visant à établir un représentant légal pour le REEI. Chacune de ces options est résumée en fonction de l’examen et de l’analyse ci-dessus et est présentée dans la figure 2, Options de réforme du choix des modalités.

Comme susmentionné, notre tâche ne consistait pas à sélectionner une modalité et non une autre, mais plutôt à comprendre la combinaison de leurs caractéristiques particulières, la mesure de leur efficacité et leur contribution, s’il y a lieu, au processus d’établissement d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI. La figure 2 présente des options qui correspondent aux modalités existantes que nous avons déjà abordées, avec quelques modifications. Les options comprennent nos constatations superficielles sur la façon dont un processus donné devrait être mis en place pour respecter les critères de référence pour la réforme cernés dans le chapitre I.C.

Ainsi, afin d’approuver un acte de fiducie rédigé au préalable avec l’appui d’un organisme gouvernemental ou communautaire, il serait possible d’employer un processus simplifié reposant sur nos connaissances des dispositions sommaires de la LPDNA. Le fiduciaire pourrait alors être autorisé à agir à titre de représentant légal pour le bénéficiaire d’un REEI (option 7). Autrement, une nomination personnelle pourrait être effectuée en conformité avec la définition de capacité en common law afin d’établir un représentant légal dans un processus doté de mesures de protection améliorées (option 1).

Il est aussi possible de revoir les options 1 à 9 afin d’y inclure des caractéristiques plus détaillées, que nous verrons dans les prochaines sections sur les derniers enjeux clés, comme des mesures de protection particulières contre l’exploitation financière. Dans le chapitre VI, Options de réforme, nous discutons de nouveau des options en tenant compte des quatre types de processus globaux de nomination, soit la nomination personnelle, les procédures judiciaires simplifiées, les audiences devant un tribunal administratif et des processus administrés par un organisme gouvernemental. Ce chapitre contient aussi des exemples et la figure 4, Options de réforme par type de processus de nomination, servant d’aide visuelle. Nous vous invitons à consulter le chapitre VI pour obtenir une description redéfinie et simplifiée des options de réforme.

Surtout, il faut se rappeler que les options proposées tout au long du présent document de discussion ne sont pas exhaustives : elles servent à susciter un débat public et à recueillir des commentaires que la CDO pourra ensuite intégrer dans les recommandations de son rapport final. De plus, comme ces options ont été conçues sur mesure en fonction du contexte précis du REEI et qu’elles reposent sur des critères de référence pour la réforme, elles ne doivent pas être interprétées de manière à écarter certaines options du projet plus général de la CDO, La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle.

 

b. Lois sur la prise de décisions (options 1, 2, 3, 5 et 6)

Les lois sur la prise de décisions aident les adultes [traduction] « qui ne sont pas capables de prendre d’importantes décisions les concernant ou qui éprouvent de la difficulté à le faire[469] ». La LPDNA régit l’établissement d’un substitut général pour la prise de décisions sur la gestion des biens, notamment au moyen de l’exécution de la procuration ou de la nomination d’un tuteur. Au cours des dernières années, les questions de capacité juridique, de tutelle et de prise de décisions ont fait l’objet d’une attention particulière. De nombreux projets terminés ou en cours se penchent sur l’évolution de ce domaine du droit, y compris les projets importants de réforme du droit dans des provinces canadiennes de même que dans des administrations étrangères. Le projet actuel de la CDO, La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, en est un exemple.

Plusieurs observations concernent les nombreuses options prévues par les lois sur la prise de décisions. L’acceptation d’un seuil de capacité moins élevé que celui prévu en Ontario aux termes de la LPDNA est l’un des buts de la réforme déterminés par les intervenants. Ces derniers ont signalé que certains adultes ayant une incapacité mentale et souhaitant avoir accès au REEI ne sont pas en mesure d’atteindre ce seuil. Les options de la figure 2 présentent plusieurs seuils de capacité moins rigoureux, y compris la norme de common law et les facteurs non cognitifs acceptés en Colombie-Britannique ainsi qu’à Terre-Neuve-et-Labrador. En outre, selon les pouvoirs accordés à un représentant légal et la complexité relative des transactions financières, ces seuils peuvent être effectivement plus ou moins rigoureux. Par exemple, bien que la CDO ait appris que certains bénéficiaires d’un REEI pourraient ne pas satisfaire à la norme de common law, la Saskatchewan a laissé entendre que les adultes ayant une incapacité mentale pourraient accorder une procuration spéciale limitée conférant à un procureur un pouvoir restreint.

L’acceptation d’un nouveau seuil de capacité pour établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI aurait sans doute une grande valeur normative. Pour ce projet, cependant, il s’agit aussi d’une question pratique : pour qu’une future recommandation puisse être mise en œuvre, elle doit tenir compte de l’expérience vécue des bénéficiaires d’un REEI. Comme susmentionné, il y a une grande diversité de personnes voulant participer au REEI, y compris des personnes ayant une incapacité développementale, psychosociale ou cognitive. Une incapacité peut se manifester soudainement ou graduellement; la capacité d’une personne peut être stable, varier ou se dégrader. À ce point du projet, il ne semble pas y avoir suffisamment de renseignements pour déterminer si un seuil de capacité en particulier serait suffisamment souple pour répondre aux besoins des bénéficiaires d’un REEI. Il n’y a pas non plus de renseignements démontrant quelles mesures de preuve seraient nécessaires pour réduire les risques d’exploitation financière. Par conséquent, s’il est établi durant la phase de consultation de la CDO qu’un nouveau seuil de capacité est une solution pertinente dans le cadre de ce projet, il faudra obtenir de plus amples renseignements pour comprendre où tracer la ligne conformément à des principes.

Un nouveau seuil de capacité aurait aussi des conséquences sur les adultes assujettis à d’autres lois sur la prise de décisions actuellement en vigueur en Ontario. Le deuxième critère de référence pour la réforme reconnaît que « le processus doit être propre aux REEI et limiter l’étendue de son incidence dans d’autres domaines de la prise de décisions » (voir le chapitre I.C.2). C’est un objectif louable pour les bénéficiaires d’un REEI qui n’ont pas besoin d’un représentant légal pour les aider dans d’autres secteurs de leur vie. Toutefois, un processus propre au REEI et ancré dans les lois sur la prise de décisions pourrait se traduire par une disparité en matière de droits à un processus de rechange par l’exclusion des adultes qui ne sont pas bénéficiaires d’un REEI. Une telle disparité serait particulièrement grave si les pouvoirs d’un représentant légal s’étendaient à la gestion des fonds issus d’un REEI, étant donné qu’ils constituent essentiellement un bien, semblable à un bien qui pourrait être géré au nom d’un adulte non bénéficiaire d’un REEI dans le cadre d’une tutelle.

Ces observations ne diminuent en rien l’appréciation de la capacité en tant que concept sociojuridique – concept qui a beaucoup évolué au cours des dernières années. Cependant, elles peuvent avoir une incidence sur la facilité avec laquelle les options de réforme peuvent être débattues, réglées et mises en œuvre pendant l’échéancier prioritaire du projet. La CDO souhaite recevoir des commentaires sur les conséquences de l’acceptation d’un nouveau seuil de capacité en tant qu’option de réforme.

En dehors des questions de capacité, l’examen de modalités de rechange dans les lois sur la prise de décisions démontre qu’il existe une gamme d’options au sein des administrations. À une extrémité de cette gamme, la nomination d’un représentant légal sert essentiellement à signaler aux tierces parties qu’elles peuvent divulguer des renseignements sur l’adulte sans risquer d’être tenues responsables aux termes des lois sur la protection des renseignements personnels et que les décisions de l’adulte peuvent être considérées comme exécutoires s’il reçoit de l’aide. Pour fournir de l’aide à l’adulte, le représentant légal peut notamment accéder à des renseignements confidentiels, le conseiller, transmettre ses souhaits et veiller à ce que les décisions de l’adulte soient mises en œuvre. Cependant, c’est toujours l’adulte qui conserve, en fin de compte, le pouvoir décisionnel. À l’autre extrémité de cette gamme, un adulte peut confier le pouvoir décisionnel à un représentant légal. Celui-ci a le devoir et les pouvoirs d’aider l’adulte et de prendre des décisions en son nom. Et entre ces deux extrémités, un adulte peut être en mesure de prendre des décisions s’il reçoit de l’aide, mais être tenu de partager le pouvoir légal avec un codécideur.

Les options 1 et 2 présentent deux processus de nomination personnelle permettant à un représentant légal d’aider un adulte et de prendre des décisions en son nom. L’option 1 permettrait à l’adulte de nommer un représentant légal conformément à un seuil de capacité cognitive moins rigoureux que celui existant en Ontario. Les procurations spéciales limitées de la Saskatchewan pour le REEI et les conventions de représentation du Yukon emploient un seuil de capacité comparable à celui de la norme pour une procuration en common law. La capacité d’exécution d’une procuration de gestion financière en common law exige normalement que le mandant soit capable de comprendre et d’interpréter l’information de base relative à l’objet des pouvoirs d’un procureur.

L’approche de la Saskatchewan restreint la portée des pouvoirs d’un procureur à ceux d’un titulaire de régime qui n’aurait pas le pouvoir de prendre des décisions concernant les retraits. Étant donné que les règles sur les retraits d’un REEI sont plus complexes que celles sur l’ouverture d’un REEI et la décision des modalités de base, comme les cotisations, cela permettrait effectivement d’abaisser le seuil de capacité. Un défaut important de la procuration spéciale limitée de la Saskatchewan est le fait qu’elle empêche les bénéficiaires d’un REEI de faire des retraits uniques, à moins qu’ils aient la capacité de le faire de façon indépendante. Par conséquent, elle n’est pas utile pour les adultes ayant une capacité réduite et se servant du REEI comme plan de secours tout au long de leur vie, plutôt que pour faire des épargnes à long terme. De plus, la CDO a appris que le fait de restreindre le pouvoir d’un titulaire de régime à demander des retraits uniques pourrait entrer en conflit avec les contraintes opérationnelles de certains établissements financiers et limiter le bénéficiaire d’un REEI dans son choix de fournisseur de services.

Lorsqu’un adulte a besoin d’aide à faire des retraits et à gérer des fonds qui ont été versés, la Saskatchewan laisse entendre qu’une tutelle complète serait préférable à des mesures de protection contre l’exploitation financière. D’un autre côté, les conventions de représentation du Yukon comprennent des mesures de protection veillant à ce que les adultes cherchent de l’aide supplémentaire lorsqu’ils ont besoin d’une plus grande assistance. Un adulte peut autoriser un représentant à prendre des décisions dans différents domaines de la gestion financière courante. Cependant, une convention de représentation a une durée limitée et prend fin lorsqu’un adulte n’a plus le niveau de capacité requis pour l’exécuter. L’option 1 vise l’adoption d’une combinaison des approches du Yukon et de la Saskatchewan.

L’option 2 est inspirée de la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique. Celle-ci adopte une approche non cognitive à la définition de la capacité qui met l’accent sur l’expression des souhaits et des préférences ainsi que sur l’existence d’une relation de confiance entre l’adulte et son représentant. Terre-Neuve-et-Labrador a adopté récemment une loi afin de permettre ce type de nomination précisément pour le REEI. Elle n’est cependant toujours pas en vigueur. Le risque accru d’exploitation financière découlant du critère plus libéral de capacité constitue la principale préoccupation formulée par les commentateurs à propos des conventions de représentation. Les risques d’exploitation financière peuvent être encore plus grands dans le cas du REEI étant donné qu’il s’agit d’un instrument financier complexe auquel sont liés d’importants montants. Comme nous l’avons mentionné dans l’option 2, l’adoption d’un tel processus de nomination nécessiterait la prise de mesures de protection améliorées.

Cette option est inspirée des modalités de prise de décisions assistée au Yukon et en Alberta. Les modalités de prise de décisions assistée sont proposées aux adultes qui peuvent prendre des décisions les concernant s’ils reçoivent de l’aide; un aidant ne peut pas prendre de décisions au nom de l’adulte. Par conséquent, la personne ayant le pouvoir décisionnel définitif demeure l’adulte dont la capacité est en question. Plusieurs administrations ont signalé que cette attribution du pouvoir risquait de créer de la confusion et de l’incertitude pour les tiers fournisseurs de services en ce qui concerne les transactions financières complexes. La CDO reconnaît que la capacité de prise de décisions d’un adulte peut être améliorée grâce à l’aide d’autrui. Si les dispositions de prise de décisions assistée étaient proposées pour le REEI en Ontario, l’aide d’un aidant devrait être suffisante pour permettre à l’adulte de conclure un contrat avec un établissement financier. Cela ne libérerait pas les établissements financiers du fardeau de déterminer si, dans un cas donné, un adulte a la capacité de conclure un contrat.

Bien que des préoccupations semblables surviennent dans le contexte des modalités de prise de décisions conjointe, la plus grande formalité du processus judiciaire de nomination et l’attribution des pouvoirs décisionnels conjoints pourraient contribuer à rassurer les tierces parties. Les établissements financiers utilisent depuis un certain temps des modalités de signature conjointe, par exemple pour les comptes bancaires. D’aucuns ont toutefois fait remarquer que les modalités de prise de décisions conjointe pourraient demeurer une source de confusion pour les tierces parties. En outre, à l’instar des modalités de prise de décisions assistée, la prise de décisions conjointe n’est pas un mécanisme idéal de planification de l’avenir. Elle vise à aider les adultes dont le besoin d’aide est cerné au moment de la nomination, et peut ne pas convenir aux adultes dont la capacité varie ou se dégrade. On considère que les options 5 à 9, des processus de nomination externe, comprennent la prise de décisions conjointe.

Les options 5 et 6 présentent des possibilités de nomination externe d’un représentant légal. Le cadre actuel de l’Ontario prévoit la nomination judiciaire d’un tuteur aux biens, notamment grâce à un règlement sommaire et à des audiences devant la CCC relativement aux différentes questions sur la capacité et la prise de décisions. Étant donné que l’Ontario ne dispose pas de ressources importantes à ajouter au système, les options 5 et 6 soulèvent la question à savoir s’il est possible d’adopter une solution novatrice : élargir le mandat des ressources existantes afin d’inclure un processus propre aux bénéficiaires d’un REEI.

L’option 5 propose une procédure judiciaire simplifiée fondée sur la reconnaissance d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI à titre de plan d’action de rechange à la tutelle. Pour que cette option soit rentable, il faudrait réduire les frais juridiques de toute procédure judiciaire simplifiée en Ontario. L’option 5 pourrait s’appuyer sur les règlements sommaires en vigueur en Ontario qui ont été utilisés efficacement pour réduire les frais juridiques, lorsqu’il n’y a aucun facteur de complication. En Alberta, un organisme gouvernemental fournit un plus grand soutien à la préparation des formules prescrites avant qu’elles soient présentées au tribunal afin qu’un juge les approuve. L’Ontario pourrait étudier le rôle que les organismes communautaires peuvent jouer afin de réduire au minimum la pression qu’aurait l’approche de l’Alberta sur les ressources du gouvernement. La Cour supérieure de justice aurait besoin de directives claires du gouvernement de l’Ontario si cette option était adoptée. Il pourrait aussi être nécessaire de modifier la LPDNA ou d’adopter un nouveau régime en vertu d’une loi distincte.

En tant que tribunal administratif, la CCC constitue une solution de rechange plus rapide et plus abordable que les tribunaux. L’option 6 propose l’élargissement du mandat de la CCC afin d’inclure la nomination d’un représentant légal pour le REEI. Toutefois, la CCC fait face à d’importantes contraintes liées aux ressources et toute modification de ses activités doit suivre une directive de la province et requiert l’injection de ressources suffisantes. Étant donné qu’il existe des contraintes liées aux ressources à tous les niveaux en Ontario, il est impossible d’affirmer si cela est possible.

La CDO a reçu des suggestions selon lesquelles les spécialistes qualifiés de la santé qui évaluent les bénéficiaires d’un REEI afin de déterminer leur admissibilité au CIPH pourraient élaborer des moyens ingénieux pour déterminer la capacité d’un adulte. Si le processus de nomination externe était une option de réforme souhaitable, avec un soutien et une orientation convenable, ces spécialistes pourraient également contribuer à évaluer le besoin d’un adulte en matière de représentant légal, en plus de ou à la place de la détermination de sa capacité.

 

c. Le droit des fiducies (options 4, 7 et 8)

Le droit des fiducies propose des instruments novateurs de planification financière qui sont utilisés en Ontario, ainsi qu’à l’étranger, lorsqu’un adulte a une capacité réduite. Plusieurs intervenants qui ont pris part aux consultations préliminaires de la CDO ont laissé entendre qu’un fiduciaire pourrait agir en qualité de représentant légal d’un bénéficiaire d’un REEI. La CDO convient que cela doit faire partie des options de réforme. Cependant, les fiducies sont un domaine très complexe du droit. Les fonds dans un REEI peuvent comprendre des cotisations mixtes de sources publiques et privées, et il n’est pas établi avec certitude qui serait légalement autorisé à créer une fiducie pour le bénéficiaire d’un REEI et à transférer les fonds au fiduciaire. Ainsi, il serait nécessaire de faire la lumière sur la création d’une fiducie, le pouvoir légal de transférer des fonds issus d’un REEI et l’interaction des fiduciaires avec les établissements financiers. De plus, la CDO estime que dans ces circonstances, pour respecter les critères de référence, un fiduciaire pourrait aussi être tenu de satisfaire aux critères minimaux en lien avec les enjeux clés du présent document de discussion, y compris les rôles et les responsabilités du fiduciaire et les mesures de protection contre l’exploitation.

Les options 4, 7 et 8 présentent des processus personnels et externes pour la création d’une fiducie. Le seuil de capacité pour exécuter une fiducie autodésignée correspond à la capacité de conclure un contrat en common law. Les observations sur les options 1 à 3, ci-dessus, s’appliquent donc. L’option 7 tirerait profit de la compétence existante des tribunaux sur les fiducies dans le cadre d’un processus simplifié semblable à l’option 5. Par exemple, une demande sommaire pourrait servir à approuver un acte de fiducie rédigé au préalable avec l’appui d’un organisme gouvernemental ou communautaire. L’option 8 est inspirée du processus d’établissement d’une fiducie contrôlée par l’utilisateur au Royaume-Uni. Celui-ci s’appuie sur des fonctionnaires qui aident les parties à parvenir à un arrangement convenable et prévu par la loi. Puisqu’il s’agirait d’un processus administré par le gouvernement, les mêmes qualifications mentionnées ci-dessous à propos de l’option 9 s’appliqueraient.

 

d. Lois concernant le soutien du revenu et les avantages sociaux (option 9)

L’option 9 correspond aux processus d’établissement d’un représentant légal qui font partie des programmes de soutien du revenu et d’avantages sociaux. Ces processus de nomination sont utilisés au Canada pour les prestations provinciales et fédérales, y compris celles du POSPH, du RPC et de la SV. Un adulte ou une autre personne pourrait entamer ce processus de nomination selon le besoin d’un représentant légal ou les preuves médicales démontrant qu’un adulte est incapable de prendre des décisions concernant le REEI. En Ontario, le savoir-faire du ministère des Services sociaux et communautaires porte sur l’administration des processus de nomination d’un fiduciaire pour un bénéficiaire du POSPH et du programme Ontario au travail seulement. À l’avenir, le Ministère financera également les accords de financement direct convenus entre Services de l’Ontario pour les personnes ayant une déficience intellectuelle et les personnes ayant une déficience développementale.

Le risque d’exploitation financière constitue la principale critique formulée contre le programme, comme pour d’autres modalités visant à établir un représentant légal. Même si les programmes existants comptent de solides dispositions d’établissement de rapport et de surveillance, il demeure très difficile de détecter et de prévenir l’exploitation financière. Cette difficulté est due au fait que le programme dépend entièrement de l’administration publique et est exigeant sur le plan des ressources, et que l’exploitation financière peut demeurer non détectée si les ressources sont insuffisantes. L’option 9 supposerait donc nécessairement l’attribution de financement additionnel à un organisme gouvernemental, ce qui pourrait ne pas être possible actuellement en Ontario.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

29.  Comment les options de réforme du choix des modalités satisferaient-elles aux critères de réforme du présent projet (voir le chapitre I.C.2, Critères de référence pour la réforme, qui commence à la page 5)?

30.  Convient-il de privilégier certaines options de réforme du choix des modalités en particulier? Si oui, pourquoi?

31.  Existe-t-il d’autres options de réforme du choix des modalités qui n’ont pas été mentionnées dans le présent document de discussion?

 

 

 

C.    Rôles et responsabilités de l’adulte, des représentants légaux et des tierces parties

1.     Introduction

Le REEI est une initiative hybride des secteurs public et privé qui exige la coopération de multiples intervenants, y compris les bénéficiaires d’un REEI, leurs représentants légaux, les établissements financiers et les gouvernements fédéraux et provinciaux. La présente section est consacrée aux rôles et aux responsabilités de ces différents acteurs, et plus particulièrement aux mesures visant à garantir la participation du bénéficiaire d’un REEI à la prise de décisions, la responsabilité des parties concernées et la question à savoir si la portée des pouvoirs d’un représentant légal devrait aller au-delà de celle du titulaire d’un régime.

 

2.     L’activité de prise de décisions

a. Introduction

L’inclusion des adultes dans les activités de prise de décisions les concernant peut avoir une incidence positive sur leur identité individuelle, leur dignité et leur qualité de vie. Un substitut pour la prise de décisions a le pouvoir légal de prendre des décisions au nom d’un adulte. L’Ontario a reconnu que la capacité concernait des décisions individuelles ponctuelles; en outre, la LPDNA exige que le substitut pour la prise de décisions nommé encourage l’adulte à participer de son mieux. Cependant, au cours des consultations préliminaires de la CDO, des organismes de défense des droits ont manifesté leur insatisfaction à l’égard de l’exigence actuelle de faire participer les adultes à la prise de décisions. D’aucuns affirment que le fait d’orienter la loi sur le besoin d’aide plutôt que sur l’incapacité maximiserait la capacité, en plus d’encourager la pleine citoyenneté des personnes ayant une déficience mentale[470]. Les lois d’autres administrations permettent de croire que cela serait possible grâce à des mesures comme la nécessité de consulter l’adulte pour s’assurer de ses souhaits et de ses préférences et l’obligation d’un représentant légal de respecter les directives de l’adulte à moins qu’elles soient déraisonnables.

Cette section se penche sur le rôle et les responsabilités d’un représentant légal qui fournit de l’aide à la prise de décisions à un bénéficiaire d’un REEI. Elle présente, à la suite d’un examen du cadre législatif actuel de l’Ontario aux termes de la LPDNA, les normes sur la participation des bénéficiaires d’un REEI aux activités de prise de décisions dans d’autres administrations.

 

b. Cadre actuel de l’Ontario aux termes de la LPDNA

La LPDNA prend en considération la capacité propre à une question et la capacité variable en limitant l’attribution de l’incapacité à certains domaines de la prise de décisions. Par exemple, un adulte peut donner des directives dans une procuration afin de limiter les pouvoirs d’un procureur à une certaine période ou question en particulier. Le Bureau du Tuteur et curateur public de l’Ontario (BTCP) et les tribunaux peuvent également imposer à un tuteur des conditions qu’ils jugent appropriées[471]. Cependant, dans une situation où le pouvoir d’un substitut pour la prise de décisions entre en vigueur, celui-ci peut prendre des décisions au nom de l’adulte et dispose du pouvoir légal de les rendre exécutoires. Par conséquent, les substituts pour la prise de décisions aux termes de la LPDNA peuvent être qualifiés de « mandataires[472] » ou de « remplaçants[473] ». Il incombe à un substitut pour la prise de décisions d’encourager l’adulte à participer, de consulter la famille et les amis de ce dernier et de gérer les finances de l’adulte d’une façon qui est compatible avec les décisions sur les soins personnels[474]. Ces tâches concordent avec la norme de jugement substitué, selon laquelle un substitut pour la prise de décisions doit agir en fonction des choix que l’adulte aurait pris lui-même[475]. Nous examinons de façon plus approfondie les modalités de la LPDNA établissant ces tâches ci-dessous.

La LPDNA décrit les rôles et les responsabilités des substituts pour la prise de décisions. Les tuteurs sont établis grâce à des nominations externes, y compris par l’intermédiaire de processus judiciaires, et doivent respecter un plan de gestion approuvé[476]. Les tuteurs et les procureurs sont également tenus de gérer les finances d’un adulte jugé incapable, en respectant l’ordre des dépenses qui sont réputées être dans l’intérêt de l’adulte[477]. Ils doivent tout d’abord couvrir les dépenses qui sont « raisonnablement nécessaires pour les aliments, l’éducation et les soins de l’incapable[478] ». Si les biens sont et demeurent suffisants à cette fin, il est possible de faire d’autres dépenses pour subvenir aux besoins des personnes à charge, satisfaire aux obligations légales et faire des dons ou des prêts. La LPDNA comporte des règles détaillées sur la façon dont ces dépenses doivent être autorisées[479].

Un substitut pour la prise de décisions d’un incapable est un fiduciaire « qui exerce ses pouvoirs et s’acquitte de ses obligations avec diligence, avec honnêteté et intégrité et de bonne foi, dans l’intérêt de l’incapable[480] ». Le bulletin d’information du BTCP sur les Pouvoirs et responsabilités liés à la tutelle aux biens explique que « [l]’objectif le plus important à poursuivre [à titre de substitut pour la prise de décisions] est de maximiser la qualité de vie de la personne incapable[481] ». Les substituts pour la prise de décisions doivent encourager l’adulte à participer de son mieux à la prise de décisions et favoriser les contacts réguliers entre l’adulte et les membres de la famille et les amis qui lui fournissent des soins. Ils doivent eux-mêmes consulter régulièrement les membres de la famille, les amis et les fournisseurs de soins de l’adulte[482]. Le fait de prendre des décisions avec l’adulte après avoir obtenu de l’information de ses proches permet au substitut pour la prise de décisions de faire des choix correspondant davantage aux souhaits de l’adulte.

Un aspect important des responsabilités d’un substitut pour la prise de décisions consiste à prendre en considération le confort et le bien-être de l’adulte et à gérer ses finances d’une façon qui est compatible avec les décisions sur les soins personnels[483]. Le choix de résidence de l’adulte, sa volonté d’acheter des vêtements ou des aliments ou même son désir de prendre des vacances sont des exemples de décisions sur les soins personnels. Le rôle d’un substitut pour la prise de décisions en ce qui a trait aux biens consiste à réaliser ces préférences personnelles en prenant les mesures pour que l’adulte les paie. Le bulletin d’information du BTCP décrit ainsi cette relation entre les soins personnels et la gestion financière :

Vous devez administrer les biens de manière à exécuter les décisions portant sur le soin à la personne incapable. Par exemple, si celle-ci veut vivre à un endroit donné et en a les moyens, votre devoir est de prendre les modalités nécessaires pour le paiement de ce choix de résidence. Si elle veut faire un voyage et en a les moyens, vous devez prendre les dispositions nécessaires pour le paiement de ce voyage. Il y a toutefois une exception à cette obligation. Vous pouvez prendre une décision financière l’emportant sur une décision touchant le soin à la personne seulement si le fait de faire autrement entraînait des conséquences négatives relativement aux biens lesquelles l’emportent sensiblement sur les avantages de la décision relatifs aux soins de la personne. Par exemple, la personne veut demeurer dans sa propre maison, mais cela nécessite des soins 24 heures par jour et elle n’a pas suffisamment d’argent pour payer ces soins sans vendre la maison et déménager dans une autre résidence. Dans ce cas, la nécessité de vendre la maison pour disposer de suffisamment d’argent pour payer le soin à la personne peut l’emporter nettement sur le désir de cette personne de demeurer dans sa maison[484].

Ces tâches doivent être accomplies conformément à la norme de prudence en faisant preuve du degré de prudence, de diligence et de compétence qu’exercerait une personne d’une prudence normale dans la direction de ses propres affaires ou, si le substitut à la prise de décisions reçoit une rémunération, une personne qui exerce la profession de gestionnaire des biens d’autrui[485].

 

c. Favoriser une participation et une inclusion véritables

Comme dans le projet sur le Cadre du droit touchant les personnes handicapées de la CDO, nous mentionnons dans les critères de référence du présent projet qu’un processus efficace visant à établir un représentant légal pour le REEI doit « favoriser une véritable participation au processus de prise de décisions ». Les critères de référence pour la réforme reconnaissent que l’étendue des aptitudes varie d’une personne à l’autre et que la capacité de prise de décisions est à la fois sociale et dynamique. Les adultes doivent être en mesure de faire des choix qui ont une incidence sur leur vie et de s’occuper d’eux-mêmes autant qu’ils le peuvent en bénéficiant des mesures de soutien adéquates requises. Les valeurs essentielles de dignité, d’autonomie et d’indépendance doivent être protégées, tout en reconnaissant que le soutien d’un représentant légal peut accroître la capacité d’un adulte. Par conséquent, un processus de rechange doit encourager les adultes à apporter leur contribution particulière et tenir compte du fait que la capacité est variable et qu’elle peut porter sur un domaine bien précis (voir le chapitre I.C.2, Critères de référence pour la réforme).

Les tâches des substituts pour la prise de décisions en Ontario démontrent une compréhension approfondie du fait que la capacité est sociale et dynamique et qu’un adulte peut contribuer activement au processus décisionnel[486]. Cependant, les substituts pour la prise de décisions disposent d’une compétence discrétionnaire étendue relativement à l’exécution de leurs fonctions. La LPDNA fournit peu de directives sur la façon dont les substituts doivent faire participer les adultes à la prise de décisions, notamment en ce qui concerne la mesure dans laquelle ils doivent les encourager à participer à la prise de décisions et la question à savoir si, et quand, il convient d’écouter les décisions de l’adulte.

Ce manque de clarté n’est pas exclusif à l’Ontario. Comme dans d’autres administrations, cela pourrait être un moyen de [traduction] « faire de la place pour rendre le processus décisionnel plus souple, plus créatif et moins formel, ce qui peut se traduire par des décisions très adaptées à la situation[487] ». Le manque de clarté peut aussi découler de l’idée selon laquelle les relations de confiance sont fiables. Il peut aussi être entraîné par une sincère difficulté à comprendre quels processus doivent être utilisés pour parvenir à une décision, surtout lorsqu’une dynamique familiale complexe est en jeu[488]. Néanmoins, certains commentateurs ont indiqué que les lois sur la prise de décisions doivent imposer des obligations détaillées en matière de consultation, expressément permettre aux adultes de prendre des décisions les concernant lorsqu’ils sont en mesure de le faire ou codifier l’obligation en common law de respecter les directives de l’adulte. Ces points sont brièvement abordés ci-dessous.

En common law, une procuration est un instrument qu’un mandant peut employer pour permettre à un mandataire d’agir en son nom. Les mandataires ont le devoir de suivre les directives du mandant[489]. Ainsi, en common law, les procurations prennent fin lorsqu’un adulte n’a plus la capacité de donner des directives au procureur, puisque la décision du mandataire est considérée comme celle du mandant[490]. Les lois sur les procurations perpétuelles ont été adoptées pour qu’une procuration puisse se prolonger même si un adulte est devenu incapable[491]. Même s’il existe en common law un devoir d’obéir entre l’adulte et son procureur, ce devoir doit être précisé par la loi dans le cas d’une tutelle ou d’une procuration perpétuelle.

La professeure Nina Kohn avance que [traduction] « le devoir d’obéir ne disparaît pas lorsque le mandant devient incapable, puisque le mandataire demeure lié par les principes de la relation entre le mandant et le mandataire[492] ». Mme Kohn reconnaît qu’il peut être impossible de suivre toutes les directives lorsque l’adulte a une capacité diminuée. Elle recommande cependant que le devoir d’obéir soit adapté afin de tenir compte des exigences en matière de communication, de consultation et de préavis liées aux [traduction] « opérations essentielles[493] ». Elle reconnaît également qu’il peut être trop pénible et irréaliste d’exiger une communication pour chaque opération régulière, et elle définit donc ainsi « opération essentielle » : [traduction] « une opération si importante qu’elle peut modifier de façon importante le style de vie du mandant[494] ». Elle propose que les décisions constituant une opération essentielle doivent être établies par la loi ainsi que dans tous les documents de nomination afin de favoriser [traduction] « la transparence et la clarté[495] ».

Certains proposent une modification plus radicale de la représentation légale en mettant l’accent sur le soutien et la défense plutôt que sur la prise de décisions au nom d’autrui. Ann Soden, directrice du Centre du droit et du vieillissement, indique que lorsqu’un adulte est en mesure d’effectuer certaines tâches de façon autonome, il devrait être autorisé à le faire, nonobstant la nomination d’un substitut pour la prise de décisions : [traduction] « Dans la mesure où une personne conserve une partie de sa capacité, cette capacité à prendre des décisions, et non seulement à exprimer des souhaits, doit être reconnue et affirmée[496]. » Mme Soden affirme que, si une personne n’est pas en mesure de prendre une décision ou de la communiquer, le rôle du représentant légal consiste alors à exécuter les souhaits qu’elle a exprimés antérieurement ou à respecter ses valeurs personnelles. Pour Mme Soden, cela signifie que [traduction] « même si la personne représentée ne peut pas prendre ou communiquer une décision, celle-ci demeure la sienne sur le plan conceptuel[497] ». Enfin, lorsque les souhaits et les valeurs d’un adulte sont inconnus, les décisions peuvent être prises en fonction de son intérêt supérieur[498], c’est-à-dire qu’il s’agit de se demander ce que ferait une personne raisonnable à la place de l’adulte[499]. La proposition de Mme Soden définit les tâches des substituts pour la prise de décisions aux termes de la LPDNA. Tandis qu’un substitut pour la prise de décisions aux biens doit, aux termes de la LPDNA, encourager l’adulte à participer au processus décisionnel, Mme Soden propose une approche détaillée à étapes qui commence par l’adulte prenant des décisions le concernant dans la mesure de ses capacités et se termine par l’application de la norme de l’intérêt supérieur.

Les tâches d’un substitut pour la prise de décisions à l’égard des soins personnels aux termes de la LPDNA et de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé s’apparentent à la proposition d’Ann Soden. Les lois ontariennes sur les soins personnels et les soins de santé établissent la hiérarchie des activités que doivent effectuer les substituts à la prise de décisions avant de prendre une décision, à commencer par la détermination des souhaits et des directives que l’adulte a exprimés avant la déclaration d’incapacité[500]. D’après M. Bach et Mme Kerzner, ces éléments du cadre ontarien et de la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique fournissent un bon point de départ pour les tâches que devrait effectuer, à leur avis, un aidant[501]. Contrairement à ces dispositions des lois ontariennes sur les soins personnels et les soins de santé, la Representation Agreement Act élargit le devoir de respecter les souhaits d’un adulte à ses circonstances actuelles, étant donné qu’un adulte qui conclut une convention de représentation en Colombie-Britannique conserve sa capacité légale. Voici ce que dit cette loi :

[Traduction]
Lorsqu’il aide l’adulte à prendre des décisions ou qu’il prend une décision en son nom, le représentant doit :

(a)    consulter, dans une mesure raisonnable, l’adulte afin de déterminer ses souhaits actuels;

(b)    respecter ces souhaits s’il est raisonnable de le faire[502].

De même, la Loi sur la prise de décisions, le soutien et la protection des adultes du Yukon encadre les tâches d’un représentant[503]. Chacun de ces cadres légaux dresse également la liste des facteurs dont les représentants légaux doivent tenir compte afin de prendre des décisions lorsqu’il est impossible de vérifier les souhaits ou les instructions de l’adulte[504].

M. Bach et Mme Kerzner adaptent les exigences prévues par les lois dans ces administrations en omettant la nécessité du représentant de se conformer uniquement aux souhaits raisonnables de l’adulte. Ils affirment qu’un aidant doit toujours [traduction] « être guidé par les souhaits et les directives de la personne en question[505] ». La proposition de M. Bach et de Mme Kerzner s’apparente aux dispositions de prise de décisions assistée au Yukon et en Alberta étant donné que c’est l’adulte qui conserve, en fin de compte, le pouvoir décisionnel[506]. La prise de décisions conjointe en Alberta et en Saskatchewan se distingue des dispositions de prise de décisions assistée puisque le codécideur partage avec l’adulte le pouvoir de prendre des décisions. Cependant, le pouvoir d’un codécideur peut consister seulement à conseiller l’adulte et à mettre en œuvre les décisions, car il doit acquiescer une décision si une personne raisonnable l’aurait prise et qu’il est peu probable qu’elle entraîne des préjudices[507].

Il existe des dispositions semblables dans des administrations à l’extérieur du Canada. Ainsi, en Australie, le National Disability Insurance Scheme, abordé au chapitre V.B.5, permet au représentant nommé de gérer les paiements directs d’un adulte [traduction] « afin d’agir au nom du participant, mais seulement si le représentant estime que ce dernier n’est pas en mesure de le faire[508] ». En outre, il incombe au représentant de s’assurer des souhaits de l’adulte et [traduction] « d’agir d’une façon qui favorise le bien-être personnel et social du participant[509] ». En Angleterre, la Mental Capacity Act 2005 prévoit [traduction] « qu’une personne ne doit pas être considérée comme incapable de prendre une décision, à moins que toutes les mesures réalisables pour l’aider à cet égard aient été prises en vain[510] ». De surcroît, dans son rapport Adult Social Care, la Law Commission of England a déclaré ce qui suit :

[Traduction]
La nécessité de respecter les points de vue, les souhaits et les sentiments de la personne est un principe plus général qui s’applique aux personnes incapables. Même si la personne est incapable, il convient de prendre en considération ses points de vue, ses souhaits et ses sentiments, peu importe si elle les exprime actuellement ou l’a fait antérieurement, et de les respecter, à condition que ce soit pratique et approprié. Les décideurs pourraient ainsi s’occuper de préoccupations plus vastes, comme la protection et les problèmes de ressources[511].

Il existe peu de données probantes sur l’incidence de ces autres façons d’encadrer les tâches d’un représentant légal sur le bien-être réel de l’adulte. Plusieurs études ont été lancées afin d’évaluer différents modèles. Toutefois, les critères d’analyse employés ne sont pas uniformes; il est donc ardu de tirer des conclusions sur l’avantage comparatif[512]. Dans une étude menée en 2013 qui examine de façon approfondie les recherches disponibles sur la mise en œuvre de modalités de rechange au Canada et à l’étranger, y compris la plus grande partie de ce qui est susmentionné, Nina Kohn et collaborateurs ont fait la constatation suivante :

[Traduction]
Bien que la prise de décisions assistée constitue une solution de rechange intéressante à la tutelle et que les décideurs américains devraient donc sérieusement envisager de l’incorporer dans les politiques publiques, les données probantes actuelles ne sont pas suffisantes pour déterminer dans quelle mesure (ni dans quelles conditions) elle peut régler les problèmes liés aux processus de prise de décisions au nom d’autrui. Plus particulièrement, nous constatons que, même si elle est utilisée depuis des années, il n’existe presque aucune donnée sur la façon dont les décisions sont effectivement prises dans le cadre d’une relation de prise de décisions assistée, sur l’incidence de cette dernière sur les personnes ayant besoin d’aide pour la prise de décisions, ou sur la qualité des décisions qui en découlent. En l’absence de plus amples renseignements, il est impossible de savoir si la prise de décisions assistée habilite réellement les personnes ayant une déficience cognitive ou intellectuelle[513].

La CDO estime que, en raison des renseignements limités concernant ces modalités de rechange, il lui est impossible de déterminer avec certitude si elles constitueraient une amélioration par rapport aux normes actuelles en Ontario. Cela est d’autant plus vrai que la LPDNA contient déjà une modalité sur la nécessité de faire participer les adultes au processus décisionnel, de consulter la famille et les amis et d’exécuter les décisions portant sur les soins personnels. Le BTCP explique dans son bulletin d’information que ces tâches comprennent la prise de mesures pour payer les choix formulés par l’adulte quant à son style de vie, comme son lieu de résidence ou ses vacances, avec très peu d’exceptions. Dans le cadre de son projet, La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, la CDO a commandé un rapport de recherche évaluant la mise en œuvre de modalités de rechange au Canada[514].


QUESTIONS DE DISCUSSION

32.  Comment est-il possible de s’assurer qu’un bénéficiaire d’un REEI participe véritablement aux activités de prise de décisions à la suite de la nomination d’un représentant légal?

33.  Un bénéficiaire d’un REEI ayant un représentant légal devrait-il avoir le droit de prendre des décisions le concernant, si possible?

34.  Dans quelle mesure un représentant légal doit-il être tenu de consulter le bénéficiaire d’un REEI afin de déterminer ses souhaits et d’obéir à ses directives?

 

 

3.     Responsabilité et tierces parties qui comptent sur les décisions

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, la prise de décisions est un processus social qui doit favoriser le plus possible l’apport de l’adulte. Le représentant légal doit communiquer avec différentes personnes afin de cerner les préférences de l’adulte de manière à ce que ce dernier puisse véritablement participer à l’activité de prise de décisions. Il faudra peut-être également encourager l’adulte à prendre des décisions le concernant et à y donner suite. Le fait que de multiples personnes participent au processus décisionnel risque toutefois de créer de la confusion auprès des tierces parties, qui doivent être en mesure d’établir facilement l’identité des personnes autorisées à conclure des opérations ayant force obligatoire. Elles doivent être assurées qu’elles peuvent raisonnablement s’attendre à ce que les modalités de prise de décisions soient juridiquement valables. De plus, les représentants légaux doivent être protégés contre la responsabilité en cas de perte ou de litige lorsqu’ils répondent à une norme convenue en matière de soins.

Le rapport McClean se penche sur le cadre juridique des conventions de représentation et des procurations en Colombie-Britannique et explique ainsi la protection des représentants légaux et des tierces parties :

[Traduction]
L’on s’attend, bien entendu, à ce que les procureurs s’acquittent de leurs obligations, et les tierces parties avec lesquelles ils font affaire ne devraient pas, d’une façon générale, pouvoir compter sur des actions qui échappent à la compétence des mandataires. Néanmoins, aucun des groupes ne devrait injustement assumer une responsabilité. Cela, en soi, n’est pas souhaitable, en plus de risquer d’être au détriment des mandants. En effet, les personnes craignant d’être traitées injustement peuvent hésiter à agir en tant que procureur et les tierces parties peuvent être réticentes à interagir avec les procureurs ou être portées à prendre des précautions qui rendent les transactions chères et chronophages[515].

L’exonération expresse de la responsabilité des représentants légaux agissant en conformité avec une norme en matière de soins est courante dans les lois sur la prise de décisions et les fiducies[516]. Ainsi, la LPDNA prévoit que les substituts à la prise de décisions agissant au nom d’adultes déclarés incapables sont responsables des dommages résultant d’un manquement à leurs obligations, mais ils peuvent être dégagés de l’ensemble ou d’une partie de leur responsabilité s’ils ont agi « de façon honnête, raisonnable et diligente[517] ». La CDO estime que des mesures de protection semblables doivent être intégrées aux modalités de rechange pour le REEI.

Au cours de ses consultations préliminaires, la CDO a appris que les établissements financiers qui émettent le REEI souhaitent obtenir une certitude, une irrévocabilité et la protection contre toute responsabilité. Ils veulent plus précisément pouvoir raisonnablement compter sur un nouveau processus d’établissement de représentant légal pour les bénéficiaires qui leur permettrait de conclure des opérations relatives au REEI qui sont juridiquement valables. Pour ce faire, il serait possible d’établir un point précis dans la loi quant au pouvoir clair de conclure des opérations. On pourrait aussi dégager explicitement les tierces parties qui suivent des directives conformes à une modalité de prise de décisions.

Dans ce document de discussion, nous avons présenté une gamme de modalités de rechange existantes qui soulignent qui, en fin de compte, possède le pouvoir décisionnel. Aux termes des ententes de prise de décisions assistée, les lois du Yukon et de l’Alberta précisent qu’un représentant légal n’a pas l’autorisation de prendre des décisions au nom d’un adulte; ce dernier demeure la personne avec qui les tierces parties doivent conclure l’entente[518]. En ce qui concerne la prise de décisions conjointe, le représentant légal et l’adulte doivent signer conjointement le contrat. Un contrat signé seulement par l’une ou l’autre de ces personnes peut être résiliable[519]. Ces modalités ont été considérées comme des sources potentielles de confusion et d’incertitude pour les tierces parties, puisque l’adulte dont la capacité est en question conserve toujours, dans une certaine mesure, le pouvoir légal de prendre des décisions. Elles ne s’appliquent qu’aux adultes qui sont en mesure de prendre des décisions lorsqu’ils reçoivent de l’aide et leur application a, en règle générale, été limitée aux situations ne comportant pas de transactions financières complexes (voir le chapitre V.B, Choix des modalités visant à établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI).

Les conventions de représentation, les fiducies et les ententes relatives à la sécurité du revenu et les avantages sociaux permettent à un représentant légal de prendre des décisions au nom de l’adulte. Cependant, certaines de ces ententes ne nécessitent pas qu’un adulte soit déclaré incapable, et il peut parfois être difficile de déterminer si l’adulte peut continuer à prendre et à exécuter des décisions de façon indépendante. Par exemple, en Colombie-Britannique, où un représentant a le pouvoir [traduction] « d’aider l’adulte à prendre des décisions ou de prendre des décisions en son nom », le Tuteur et curateur public signale que l’adulte « peut continuer à prendre des décisions jusqu’à ce qu’il soit incapable de le faire[520] ». Cela signifie qu’un adulte peut continuer de donner des directives à un établissement financier, ce qui ne libérerait pas celui-ci du fardeau d’évaluer la capacité de l’adulte aux termes de la common law afin de se protéger contre les contrats résiliables.

Les tierces parties, afin d’avoir une certitude sur le plan commercial, doivent n’avoir aucun doute quant à l’identité des personnes ayant le pouvoir légal de prendre des mesures à propos des biens d’un adulte. On peut soutenir que la communication d’une décision par un représentant légal ne diminuerait pas de façon considérable la véritable participation de l’adulte à la prise de décisions : le représentant légal pourrait entreprendre des consultations avec la famille et les amis de l’adulte, voire suivre les directives de ce dernier, et demeurer responsable de mettre en œuvre la décision. En plus des modalités de rechange abordées ci-dessus en ce qui concerne la prise de décisions, la CDO estime que l’une des options de réforme à envisager consisterait à faire du représentant légal la seule personne autorisée à conclure des opérations avec les tierces parties.

Il serait aussi possible d’inclure dans un processus de rechange du REEI une mention explicite à une exonération de responsabilité pour les tierces parties qui comptent raisonnablement sur les décisions d’un représentant légal. Nombreuses sont les lois sur la prise de décisions qui protègent les tierces parties ignorant qu’un instrument nommant un représentant légal est inactif ou expiré[521]. Ainsi, en vertu de la LPDNA, lorsqu’il est mis fin à une procuration ou que celle-ci devient invalide, tout exercice subséquent du pouvoir de la part du procureur qui conclut une opération avec une tierce partie est considéré comme valide si le procureur a agi de bonne foi et ignorait que la procuration n’était plus valide[522]. En outre, la Loi de 2002 sur les procurations de la Saskatchewan prévoit que les tierces parties ne sont pas tenues de vérifier si la procuration est inactive ou expirée[523]. Des dispositions semblables pourraient servir à assurer aux tierces parties qu’elles ne seront pas tenues responsables parce qu’elles ont accepté les directives d’un représentant légal à propos d’un REEI.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

35. Comment les représentants légaux des bénéficiaires d’un REEI peuvent-ils être protégés contre la responsabilité lorsqu’ils respectent la norme de diligence prévue?

36. Quelles mesures pourraient fournir aux tierces parties la certitude qu’elles peuvent raisonnablement compter sur le fait qu’une modalité de prise de décisions pour les bénéficiaires est légalement valable?

37.  Est-ce que le fait de confier au représentant légal l’entière responsabilité de conclure des opérations relatives au REEI permettrait aux tierces parties d’obtenir une certitude, une irrévocabilité et une protection contre toute responsabilité?

 


4.     Portée des pouvoirs d’un représentant légal

a. Introduction

Dans le cadre de ce projet, un processus établissant qu’un représentant doit « répondre aux besoins individuels en matière de prise de décisions à propos du REEI » constitue l’un des critères de référence pour la réforme. La prise de décisions sur le REEI comprend plusieurs périodes critiques. La première est simplement le moment de l’ouverture du REEI. À partir de ce moment, des décisions doivent être prises sur les modalités du REEI tout au long de son cycle de vie, y compris l’autorisation des cotisations, la présentation de demandes de subventions et de contributions, l’investissement des épargnes et la détermination du moment où un bénéficiaire peut recevoir des PAI uniques, s’il y a lieu, avant le début des PVI obligatoires. Selon les modalités du régime d’un établissement financier, un titulaire du régime peut avoir le pouvoir de prendre toutes ces décisions. Il n’a toutefois pas le pouvoir d’aider un bénéficiaire à gérer les fonds du PAI ou du PVI issus du régime. Lorsqu’un bénéficiaire peut avoir besoin d’aide, il s’agit d’une autre période critique de la prise de décisions pour le REEI. L’un des principaux enjeux du projet de la CDO consiste à examiner la question à savoir si la portée des pouvoirs du représentant légal doit se limiter au statut de titulaire du régime en partie ou à part entière, ou si elle doit aller au-delà de ce statut de manière à intégrer également la gestion des paiements du REEI versés au bénéficiaire (consulter le chapitre II.C.1, Difficultés pour les bénéficiaires et leurs familles).


b. La Loi de l’impôt sur le revenu

D’après la Loi de l’impôt sur le revenu, un REEI « doit être administré exclusivement au profit de son bénéficiaire » et les paiements ne doivent pas faire l’objet d’une renonciation ou d’une cession[524]. Elle ne prévoit pas, cependant, la façon dont les fonds issus d’un REEI peuvent être utilisés après qu’ils ont été versés au bénéficiaire. Cela correspond aux objectifs stratégiques sous-jacents au REEI, qui comprennent l’amélioration de l’autonomie de l’adulte et l’égalité des citoyens en tant que consommateurs de produits du secteur privé. Néanmoins, les établissements ou les personnes ayant l’autorisation légale de le faire, comme les procureurs et les tuteurs, peuvent recevoir et gérer les fonds au nom d’un bénéficiaire, à moins que les lois provinciales l’interdisent expressément[525]. Par conséquent, un processus d’établissement d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI en Ontario permettant au représentant légal de recevoir et de gérer les fonds n’entrerait pas en conflit avec la façon dont le REEI est actuellement administré.

 

c. Conséquences de l’élargissement de la portée des pouvoirs d’un représentant légal

La structure du REEI est complexe et la prise de décisions relatives à ce régime, exigeante. Les participants aux consultations préliminaires de la CDO ont signalé que bon nombre des adultes touchés n’avaient jamais eu à conclure un accord officiel pour les aider dans la prise de décisions avant de tenter d’accéder à un REEI. Des outils financiers traditionnels de gestion des dépenses quotidiennes, comme le paiement automatique des factures, sont à la disposition de l’ensemble du public. De plus, ils servent de source informelle de soutien aux personnes âgées et aux personnes handicapées[526]. Certains adultes peuvent avoir un compte bancaire et gérer de façon autonome les fonds pour s’occuper de leurs dépenses quotidiennes ou bien recevoir de l’aide des membres de leur famille, de leurs amis et des réseaux communautaires. Par conséquent, certains adultes peuvent avoir besoin d’aide pour sélectionner un fonds commun de placement pour le REEI, mais pas nécessairement pour acheter de la nourriture ou des accessoires fonctionnels, ou bien pour payer le loyer. La prise de décisions concernant le REEI est fondamentalement différente de la gestion financière quotidienne.

La CDO estime que les adultes ayant une incapacité mentale ont le droit de s’appuyer sur des conseils professionnels, des services bancaires en ligne et d’autres formes de soutien informel pour accroître leur capacité de gestion financière sur un pied d’égalité avec les autres personnes. Lorsque le soutien informel ne permet pas de répondre aux besoins d’un adulte, il peut y avoir de graves conséquences. La CDO a appris que certains bénéficiaires peuvent éprouver de la difficulté à gérer les fonds issus d’un REEI.

Comme dans le cas de l’ouverture d’un REEI et de l’établissement des modalités du régime, la gestion des fonds issus d’un REEI exige qu’un bénéficiaire effectue des opérations avec des établissements financiers. Ces derniers ont indiqué à la CDO que, lorsqu’ils ont des raisons de croire qu’un adulte n’a pas la capacité d’émettre un reçu et une décharge valides concernant les fonds, ils cherchent à obtenir un reçu et une décharge auprès du représentant légal autorisé. Par conséquent, ils souhaitent que la portée des pouvoirs des représentants légaux permette à ceux-ci de recevoir les fonds au nom du bénéficiaire et d’émettre une décharge ayant force obligatoire. De cette façon, les établissements financiers seraient en mesure de s’acquitter de leur responsabilité légale de veiller à la conformité aux conditions du régime en vertu de la LIR[527].

En outre, certains défenseurs de l’intérêt communautaire ont affirmé que la portée des pouvoirs du représentant légal devrait traiter de façon détaillée les besoins du bénéficiaire d’un REEI, y compris en matière de gestion financière générale. Si un bénéficiaire a besoin de soutien officiel supplémentaire et que la portée des pouvoirs d’un représentant légal se limite au statut de titulaire du régime en partie ou à part entière, un tuteur doit lui être attribué aux termes de la LPDNA. Il peut s’agir du titulaire du régime, d’un autre particulier ou d’un organisme, mais il doit avoir été nommé grâce à un processus différent, soit celui que les bénéficiaires d’un REEI ont refusé de suivre jusqu’à présent. Le doublement des processus irait à l’encontre des critères de référence pour la réforme selon lesquels le processus doit être réalisable sur le plan administratif et facile à utiliser. Cela pourrait aussi faire en sorte que le processus ne soit pas rentable ou ne réponde pas aux préoccupations soulevées par les intervenants en ce qui concerne la réduction de l’incidence de la prise de décisions au nom d’autrui sur le bien-être d’un adulte. De surcroît, si aucun tuteur n’est nommé, l’absence d’une modalité officielle de prise de décisions peut rendre l’adulte plus vulnérable à l’exploitation financière.

Cependant, les modalités officielles constituent des outils efficaces pouvant aussi créer de nouveaux risques d’exploitation ou d’abus des pouvoirs d’un représentant légal. Le ministère de la Justice et du Procureur général de la Saskatchewan a proposé que la procuration spéciale limitée soit propre au REEI, ce qui limiterait la portée des pouvoirs du procureur à celle d’un titulaire restreint qui n’aurait donc pas l’autorité de décider le montant et le calendrier du paiement unique d’aide à l’invalidité. Il a indiqué que les pouvoirs élargis doivent être assortis de mesures de protection liées à une tutelle complète disponibles dans cette province[528]. Comme susmentionné, la CDO a appris que le fait de restreindre le pouvoir d’un titulaire de régime à demander des retraits uniques pourrait entrer en conflit avec les contraintes opérationnelles de certains établissements financiers et ne pas être réalisable. Néanmoins, la CDO partage les préoccupations du ministère de la Justice et du Procureur général de la Saskatchewan en ce qui a trait aux mesures de protection solides.

Lors des discussions préliminaires de la CDO, les intervenants ont reconnu que l’élargissement de la portée des pouvoirs des représentants légaux nécessiterait des mesures de protection additionnelle contre l’exploitation financière. À Terre-Neuve-et-Labrador, où il est possible d’accorder les pouvoirs de gestion des paiements issus d’un REEI aux personnes désignées, celles-ci sont tenues d’exercer leurs fonctions conformément aux investissements et aux dépenses établis. De plus, elles doivent présenter un rapport annuel au curateur public [traduction] « résumant l’ensemble des paiements issus du REEI et l’application des fonds en découlant[529] ». Dans le National Disability Insurance Scheme de l’Australie, comme dans le cas du REEI, on fait la distinction entre un représentant qui aide un adulte dans sa planification et un représentant qui gère les paiements du financement individualisé. Lorsqu’un représentant est nommé pour gérer les fonds du régime d’un adulte pour le soutien, il est possible de mettre en place des mesures de protection, par exemple en établissant une période pour l’examen du régime, en communiquant régulièrement avec les fonctionnaires et en finançant la formation sur l’établissement d’un budget dans le but de renforcer les compétences de l’adulte[530].

Comme nous l’avons déjà mentionné, il n’y a pas suffisamment de données probantes sur l’efficacité des approches adoptées par ces administrations, car elles ne sont pas encore entrées en vigueur (voir les sections B.2 et B.5, ci-dessus). Elles soulignent toutefois l’importance de faire correspondre les mesures de protection aux risques d’exploitation et d’abus des pouvoirs d’un représentant légal. Elles démontrent aussi que les stratégies d’atténuation imposent nécessairement aux tierces parties, publiques ou privées, le fardeau d’en superviser la mise en œuvre. Les mesures de protection contre l’exploitation et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal sont étudiées dans la section E, ci-dessous.

Lors de l’examen de la portée d’un représentant légal, il faut également prendre en considération toute incidence potentielle sur l’autodétermination d’un adulte. Certains intervenants ont indiqué à la CDO que le fait d’accorder à un représentant légal des pouvoirs supérieurs à ceux d’un titulaire de régime empiéterait indûment sur l’autonomie du bénéficiaire. Ils ont précisé que les bénéficiaires d’un REEI ne doivent pas être traités différemment des bénéficiaires d’autres régimes enregistrés subventionnés pouvant être établis par une autre personne autorisée, comme le REEE[531]. Comme il en a été fait mention précédemment, des organismes de défense des droits ont aussi manifesté leur insatisfaction à l’égard de l’exigence actuelle de faire participer les adultes à la prise de décisions. Étant donné que la nature de l’utilisation des fonds issus d’un REEI est beaucoup plus personnelle que celle du choix d’investissements, les fonctions d’un représentant légal ayant des pouvoirs élargis quant à la participation véritable de l’adulte à la prise de décisions seraient beaucoup plus exigeantes que celles d’un titulaire de régime.

La fragmentation est la dernière préoccupation exprimée par les intervenants durant les consultations préliminaires menées par la CDO. En Ontario, la LPDNA et la Loi de 1997 sur le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, entre autres, prévoient plusieurs moyens d’autoriser une personne à aider un adulte dans la prise de décisions financières. Un nouveau processus créé pour le REEI s’ajouterait à ceux-ci. Un bénéficiaire du POSPH pourrait avoir accès à la fois à un fiduciaire pour ses prestations et à un représentant pour le REEI. Les Ontariens ayant une incapacité mentale devraient alors se frayer eux-mêmes un chemin à travers une multitude de règlements qui peuvent sembler très différents dans chaque cas.

Il convient d’éviter la fragmentation lorsqu’elle entraîne des conflits ou des répercussions négatives ou qu’elle nuit à l’efficacité. Toutefois, la fragmentation n’est pas, en soi, problématique. Les engagements de l’Ontario envers les adultes ayant une incapacité mentale sont divisés entre plusieurs sources de soutien, y compris le POSPH, la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) et le financement individualisé aux termes de la Loi de 2008 sur les services et soutiens favorisant l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle (LSSISPDI). De nombreux programmes comprennent des réponses adaptées aux enjeux de la capacité de prise de décisions dans le but de s’assurer que la tutelle sert uniquement de dernier recours. La mise en place d’un processus d’établissement d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI entraîne inévitablement une plus grande fragmentation, même lorsque la portée des pouvoirs du représentant est limitée au statut de titulaire du régime. La CDO aimerait recevoir des commentaires sur la mesure dans laquelle la portée des pouvoirs d’un représentant légal pourrait entraîner de la confusion ou des conflits ou nuire à l’efficacité, puisqu’il s’agit d’une importante considération.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

38.  La portée des pouvoirs d’un représentant légal doit-elle être limitée au statut de titulaire du régime en partie ou à part entière, ou bien doit-elle être élargie afin de comprendre l’aide aux bénéficiaires pour la gestion des paiements issus d’un REEI?

39.  Quelles sont les conséquences de l’élargissement de la portée des pouvoirs d’un représentant légal au-delà de celle d’un titulaire de régime?

40.  La portée des pouvoirs d’un représentant légal peut-elle avoir une incidence sur la mise en œuvre en temps opportun de réformes en Ontario?

 


5.     Résumé des options quant aux rôles et aux responsabilités du bénéficiaire du REEI, des représentants légaux et des tierces parties

a. Introduction

Cette section présente plusieurs options de réforme générales en ce qui a trait aux rôles et aux responsabilités des bénéficiaires d’un REEI, de leurs représentants légaux et des tierces parties. Afin que la nomination d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI ait lieu sans heurts, ces parties doivent coopérer. Leurs fonctions, pouvoirs et responsabilités doivent tenir compte des préoccupations légitimes et être clairs pour que le processus de rechange soit réalisable.

 

b. L’activité de prise de décisions

En Ontario, un substitut à la prise de décisions aux biens doit encourager l’adulte à participer de son mieux à la prise de décisions, consulter les fournisseurs de soins ainsi que les membres de la famille et les amis de l’adulte, et exécuter les décisions portant sur les soins personnels, entres autres. Cependant, les substituts pour la prise de décisions disposent d’une compétence discrétionnaire étendue relativement à l’exécution de leurs fonctions. Le BTCP a publié un bulletin d’information présentant des directives à cet égard. Néanmoins, il existe peu de renseignements sur la façon de faire participer un adulte à la prise de décisions dans le cadre d’opérations quotidiennes, notamment sur les situations où il convient de le consulter et de faire ce qu’il demande.

Ce manque de clarté pourrait favoriser la souplesse et la créativité, étant donné que les décisions sont très liées au contexte. Malgré cela, durant les consultations préliminaires de la CDO, des organismes de défense des droits ont exprimé leur insatisfaction envers l’exigence actuelle de faire participer les adultes à la prise de décisions. En effet, à l’instar d’autres commentateurs, ils ont suggéré que les lois sur la prise de décisions intègrent différentes obligations afin de rendre la participation et l’inclusion de l’adulte plus importante. Plus précisément, ils proposent une modification du rôle de représentant légal en mettant l’accent sur le soutien et la défense plutôt que sur la prise de décisions au nom d’autrui.

En Ontario, les substituts à la prise de décisions pour les adultes déclarés incapables dans les secteurs des soins personnels et des soins de santé doivent tenir compte d’une série de facteurs lors de la prise de décisions, à commencer par les souhaits ou les instructions exprimés par l’adulte lorsqu’il en avait la capacité. Dans certaines administrations, des lignes directrices détaillées prévoient que les représentants légaux doivent consulter l’adulte et respecter ses directives s’il est raisonnable de le faire. Lorsqu’il est impossible de confirmer les souhaits de l’adulte, le représentant légal est tenu de prendre d’autres facteurs en considération, notamment les souhaits exprimés antérieurement par l’adulte. Ce n’est qu’en dernier recours qu’un représentant légal peut prendre des décisions en fonction de l’intérêt supérieur de l’adulte, c’est-à-dire qu’il doit se demander ce que ferait une personne raisonnable à la place de ce dernier. Dans d’autres administrations, il est interdit aux représentants légaux d’agir au nom d’un adulte à moins qu’ils considèrent que celui-ci est incapable. Cependant, il existe peu de données probantes sur l’incidence de ces autres façons d’encadrer les tâches d’un représentant légal sur le bien-être réel de l’adulte. En outre, il n’est pas clair que ces façons amélioreraient les normes existantes en Ontario.

La CDO estime que les tâches actuelles prévues en Ontario par la LPDNA et les modalités des autres administrations précisant qu’un représentant légal doit confirmer et respecter les souhaits d’un adulte doivent être considérées dans les options de réforme.

 

c. Responsabilité et tierces parties qui comptent sur les décisions

Le fait que plusieurs personnes participent à la prise de décisions, comme un bénéficiaire d’un REEI, un représentant légal, des amis et des membres de la famille, risque d’induire en erreur les tierces parties, qui doivent être en mesure d’identifier aisément qui est autorisé à conclure des opérations ayant force obligatoire. Elles doivent être assurées qu’elles peuvent s’attendre à ce que les modalités de prise de décisions soient juridiquement valables. De plus, les représentants légaux doivent être protégés contre la responsabilité liée aux opérations contestées lorsqu’ils répondent à une norme convenue en matière de soins.

En ce qui concerne la responsabilité potentielle des représentants légaux, la CDO est d’avis que les options de réforme doivent comprendre des mesures de protection semblables à celles prévues par la LPDNA, qui dégagent les substituts pour la prise de décisions pour les adultes déclarés incapables de toute responsabilité lorsqu’ils ont agi de façon honnête, raisonnable et diligente. Les questions de responsabilité des tierces parties sont plus complexes. Les options de réforme peuvent inclure une exonération explicite de responsabilité pour les tierces parties qui suivent les directives conformément à une modalité de prise de décisions pour les bénéficiaires d’un REEI. Elles pourraient aussi établir un point précis dans la loi quant au pouvoir clair de conclure des opérations.

 

d. Portée des pouvoirs d’un représentant légal

La portée des pouvoirs d’un représentant légal peut être limitée au statut de titulaire du régime en partie ou à part entière ou être élargie afin de comprendre l’aide aux adultes pour la gestion des paiements issus d’un REEI. Certains bénéficiaires d’un REEI peuvent avoir besoin d’aide pour la prise de décisions concernant leur régime, notamment l’autorisation des cotisations ou des investissements, tout en étant capables de gérer leurs dépenses quotidiennes sans modalité officielle de prise de décisions. D’autres peuvent avoir besoin de plus d’aide en matière de gestion financière générale des paiements issus du REEI.

Les conséquences de l’élargissement de la portée des pouvoirs d’un représentant légal comprennent l’incidence potentielle sur l’autodétermination de l’adulte et la fragmentation dans le cadre législatif. La principale préoccupation est le fait que cela créerait de nouvelles possibilités d’exploitation financière nécessitant des mesures de protection additionnelles afin de garantir le droit d’un bénéficiaire d’un REEI à la sécurité. Ces mesures imposeraient nécessairement aux tierces parties, publiques ou privées, le fardeau d’en superviser la mise en œuvre. D’un autre côté, les adultes ayant besoin d’une aide officielle en matière de gestion financière générale et qui ne sont pas en mesure d’y accéder risquent d’être plus vulnérables aux risques d’exploitation financière.

La CDO estime qu’un processus visant précisément à établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI doit être suffisamment souple pour répondre, autant que possible, aux besoins de chaque bénéficiaire. Nous aimerions obtenir les commentaires de bénéficiaires d’un REEI et d’autres parties intéressées sur les conséquences de l’élargissement ou de la restriction de la portée des pouvoirs des représentants légaux par rapport à celui des titulaires de régime.

 

D.   Admissibilité et disponibilité des représentants légaux

1.     Introduction

Un représentant légal doit être admissible, disponible et disposé à remplir les fonctions qui lui sont confiées. Cette section examine brièvement les critères d’admissibilité pour les organismes publics, privés et professionnels pouvant agir à titre de représentants légaux. Elle se penche tout d’abord sur les critères d’admissibilité pour devenir substitut à la prise de décisions aux termes de la LIR et de la LPDNA, puis sur les difficultés que cela pourrait représenter pour les adultes ayant une incapacité mentale et souhaitant accéder au REEI. Elle aborde ensuite la question visant à déterminer s’il serait possible d’améliorer la disponibilité des représentants légaux en rendant admissibles les organismes communautaires.

Les questions d’admissibilité qui chevauchent d’autres enjeux clés sont abordées dans les sections pertinentes, comme les mesures de protection contre l’exploitation (section E).


2.     L’absence de substituts admissibles pour la prise de décisions

Les modifications temporaires du gouvernement fédéral à la LIR permettent à un « membre de la famille admissible » de devenir un titulaire du régime lorsqu’un établissement financier doute de la capacité d’un bénéficiaire à conclure un contrat. Seules certaines personnes, soit les parents, l’époux ou le conjoint de fait du bénéficiaire, sont des membres de la famille admissibles[532].

En vertu de la LPDNA, un plus large éventail de personnes ou d’organismes publics ou privés peut être un tuteur ou un procureur aux biens. Les critères d’admissibilité concernant les substituts pour la prise de décisions varient selon le processus de nomination de la LPDNA. Un adulte peut nommer n’importe qui procureur en vertu d’une procuration. Cependant, les juges et le BTCP peuvent nommer substituts certaines catégories de personnes seulement[533]. Les critères d’admissibilité pour devenir un substitut pour la prise de décisions aux termes de la LPDNA ont déjà fait l’objet d’une discussion au chapitre III.B, Gestion des biens en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, de même qu’ultérieurement, dans la section E sur les mesures de protection contre l’exploitation. Tous les processus de nomination exigent que le substitut soit une personne. La LPDNA n’exige pas que le substitut soit une personne physique, mais il est généralement admis que ce doit être le cas, sauf si le substitut est le BTCP ou une société de fiducie[534].

Les restrictions de la LPDNA sur l’admissibilité des substituts pour la prise de décisions correspondent à la volonté de réaliser le plus possible les souhaits de l’adulte et d’établir des relations de confiance. Le rapport Fram insiste fortement sur l’importance de nommer des substituts qui entretiennent une étroite relation continue avec l’adulte, de manière à garantir que le processus décisionnel concorde aux points de vue et au style de vie de ce dernier. Il explique que [traduction] « ce contact personnel dans une relation d’affection et de confiance mutuelle favorise une prise de décisions au nom d’autrui “authentique”[535] ». Ce rapport conçoit que, en plus des parents et des époux, les amis [traduction] « qui vivent avec la personne incapable ou à proximité et qui ont une étroite relation avec celle-ci sont souvent ceux qui la connaissent le mieux » et peuvent être des substituts convenables; ainsi, leur inclusion serait « importante et nécessaire »[536]. En vertu de la LPDNA, un ami peut être nommé au titre d’une procuration ou par l’intermédiaire des tribunaux, mais pas dans le cadre du processus de tutelle légale[537].

Le rôle des familles et des amis à l’appui des bénéficiaires d’un REEI a été, et demeure essentiel. Le REEI a été mis en place après des années d’activités de défense des droits dirigées par les familles de personnes handicapées et des organismes associés. Le régime a été principalement considéré comme un « bas de laine » à l’intention des enfants ayant une déficience développementale et qui auraient besoin de sécurité financière lorsqu’ils seraient plus vieux. De façon plus générale, les personnes handicapées dépendent souvent beaucoup des contributions des membres de leur famille. Ceux-ci s’entraident régulièrement à prendre des décisions, [traduction] « même lorsqu’ils n’ont pas été nommés substituts pour la prise de décisions[538] ». Ils agissent en tant qu’aidants informels et sont souvent reconnus par les politiques et les pratiques des fournisseurs de services gouvernementaux en raison de leur rôle en matière de prise de décisions relationnelle[539].

Le REEI est cependant à la disposition de toute une gamme de personnes ayant une déficience mentale; certaines d’entre elles peuvent être isolées sur le plan social et dépendre d’un réseau de fournisseurs de services communautaires. Au cours des consultations préliminaires menées par la CDO, les organismes de défense des droits et les avocats spécialisés dans les fiducies et les successions, entre autres, ont indiqué que les restrictions d’admissibilité de la LPDNA constituaient un obstacle important à l’accès au REEI[540]. Ils ont également mentionné que les personnes âgées, les immigrants et les personnes ayant une déficience psychosociale avaient un accès disproportionnellement plus restreint à des membres de leur famille proche ou à des amis et pourraient avoir besoin d’un plus large éventail de représentants légaux.

En outre, la CDO a appris que le soutien familial disponible n’est peut-être pas durable. En effet, lorsque les bénéficiaires d’un REEI vieillissent et commencent à toucher leurs paiements obligatoires payables à vie, leurs amis et les membres de leur famille auront vieilli eux aussi. Même si l’âge n’est pas l’unique facteur entraînant une capacité diminuée, le nombre de cas d’Alzheimer et de démence augmente avec l’âge[541]. Les parents d’un bénéficiaire d’un REEI peuvent éprouver des difficultés à prendre des décisions en leur propre nom ou même décéder avant que tous les paiements d’un REEI aient été versés au bénéficiaire. Après tout, le REEI devait servir à fournir du soutien financier en l’absence de soutien familial.

Le BTCP est un filet de sécurité qui peut fournir du soutien aux adultes déclarés incapables et qui ne sont pas en mesure de trouver un ami ou un membre de leur famille admissible et disposé à leur fournir du soutien[542]. En Ontario, une procuration perpétuelle peut même nommer procureur le Tuteur et curateur public, avec consentement[543]. Le mandat du BTCP se limite toutefois à fournir de l’aide aux adultes déclarés incapables et pour qui le BTCP a été nommé. C’est pourquoi le BTCP peut refuser des adultes capables, mais vulnérables ou capables de donner une procuration, mais qui n’ont personne en qui ils ont confiance pour jour le rôle de procureur[544]. Le BTCP est financé dans le but qu’il remplisse son mandat et le manque de ressource est important dans la situation économique actuelle, comme pour l’ensemble des organismes gouvernementaux. De plus, il se peut que les adultes ne veuillent pas que le BTCP gère leurs affaires financières privées et quotidiennes et que certains préfèrent donc ne pas ouvrir de REEI. Les personnes interrogées durant les consultations préliminaires de la CDO ont mentionné que les personnes isolées sur le plan social ne doivent pas être davantage marginalisées en raison de l’indisponibilité de représentants légaux alors qu’elles ne souhaitent pas ou ne peuvent pas compter sur le BTCP et qu’elles n’ont personne de confiance.

 

3.     Les réseaux communautaires ont-ils un rôle à jouer?

On a insisté auprès de la CDO pour qu’elle détermine si les critères d’admissibilité des représentants légaux peuvent être élargis afin d’inclure les organismes, notamment les organismes communautaires, lorsqu’un adulte ne souhaite pas s’appuyer sur le BTCP, mais qu’il n’a pas de personne de confiance. Même si seules des personnes physiques peuvent jouer le rôle de substitut aux termes de la LPDNA, il arrive régulièrement dans d’autres administrations et secteurs que des organismes soient nommés afin de contribuer à la gestion des finances d’un adulte.

Des organismes, y compris les organismes communautaires et religieux et les foyers de soins de longue durée, sont souvent nommés fiduciaires dans le cadre du POSPH, du RPC et de la SV[545]. En Saskatchewan, des organismes non gouvernementaux, comme Saskatchewan Association for Community Living, ont parfois été nommés substituts ou codécideurs en conformité avec la Guardianship and Co-Decision-Making Act[546]. Habituellement, les programmes de financement individualisé, comme CLBC, autorisent aussi des organismes à aider les adultes à gérer les paiements directs[547]. Les paiements directs pour les services et le soutien peuvent faire intervenir d’importantes sommes et placer l’adulte dans la position d’employeur par rapport à ses fournisseurs de services. Ceux-ci doivent se conformer aux obligations légales en matière d’emploi. Étant donné que cela peut se révéler très cher, CLBC privilégie de plus en plus la possibilité de soutien fourni par un organisme[548]. Dans le cadre du Representative Payee Program des États-Unis, les organismes représentent environ 38 500 représentants des prestataires, dont certains sont rémunérés pour leurs services, et comprennent des organismes gouvernementaux et sans but lucratif[549]. On s’attend à ce que ce programme, en raison de la hausse prévue du nombre de personnes âgées, éprouve de la difficulté à trouver de nouveaux représentants, et le Government Accountability Office des États-Unis a proposé au Congrès qu’un plus vaste éventail d’organismes soit autorisé[550].

La nomination d’un organisme au titre de représentant légal est cependant plus complexe que dans le cas d’une personne. Il se peut que les organismes fournissent de l’aide à plus d’un adulte à la fois et soient motivés par l’appât du gain, ce qui pourrait dégrader la qualité du soutien fourni. Ainsi, lorsqu’un organisme à but lucratif est rémunéré pour son rôle de représentant légal auprès de plusieurs adultes, il risque de prioriser les profits à la place de la prestation de services de qualité. Les politiques des secteurs du soutien au revenu et des avantages sociaux, au sein desquels les nominations d’organismes sont les plus courantes, sont souvent assorties de règles détaillées sur l’admissibilité des organismes ainsi que d’exigences élevées en matière de responsabilité. Par exemple, conformément aux Directives du POSPH, un organisme qui reçoit une rémunération en raison de son rôle de fiduciaire « ne sera pas dans une situation de conflit d’intérêts en étant nommé fiduciaire », « doit tenir des dossiers séparés pour chaque bénéficiaire du POSPH » et « doit passer avec le bureau régional du MSSC un contrat indiquant qu’il accepte de remplir ces responsabilités particulières » [551]. Tout comme le POSPH, Community Living British Columbia et Services de l’Ontario pour les personnes ayant une déficience intellectuelle doivent respecter des normes d’assurance de la qualité et d’établissement de rapports[552].

De plus, le roulement du personnel signifie que les organismes ne peuvent pas garantir qu’un employé en particulier sera toujours présent et que l’adulte n’aura donc pas nécessairement un visage familier au cours des nombreuses années du processus décisionnel du REEI. Pour des raisons pratiques, compte tenu du roulement, les organismes doivent mettre en place des politiques sur la délégation du pouvoir de signer aux membres du personnel qui interagissent avec les établissements financiers, y compris des procédures pour les informer lorsque ce pouvoir est confié à un autre employé[553]. Comme pour tout représentant légal agissant au nom d’un bénéficiaire d’un REEI, les tierces parties doivent pouvoir compter sur le pouvoir légal d’un organisme et de ses représentants.

En outre, si l’élargissement des critères d’admissibilité au rôle de représentant légal constituait une option de réforme valable, il faudrait étudier attentivement les organismes qui seraient autorisés à jouer ce rôle. Des conflits d’intérêts se traduisant par des situations d’exploitation financière ont été cernés dans le cadre du Representative Payee Program des États-Unis, lorsque des organismes étaient aussi des employeurs ou des exploitants de foyers de groupe ou de soins, y compris des représentants des prestataires fournissant de la nourriture, un logement et des services tout en gérant les prestations de l’adulte[554]. Lorsque les intérêts d’un organisme risquent d’entrer en conflit avec ceux d’un bénéficiaire d’un REEI, il convient d’interdire à cet organisme d’agir en qualité de représentant légal. Pour ce faire, il serait possible d’effectuer une vérification au cas par cas ou d’approuver ou d’exclure certains types d’organismes en fonction de leur mandat ou de leur relation avec les bénéficiaires d’un REEI[555]. Les conflits d’intérêts concernent tout autant la nomination de personnes; ils sont examinés de manière plus générale dans la section E, ci-dessous.

Dans un premier temps, il serait possible d’envisager de rendre admissibles les collaborations avec des professionnels subventionnés qui sont autorisés à fournir des services aux termes de lois comme la LSSISPDI, ainsi que les organismes à but non lucratif qui offrent des services aux collectivités auxquelles peuvent appartenir de nombreux bénéficiaires d’un REEI. Les renseignements obtenus dans les présentations soumises au gouvernement fédéral durant l’examen du REEI et lors des consultations préliminaires menées par la CDO démontrent que certains organismes à but non lucratif seraient disposés à agir[556]. Les fournisseurs de services financés par le gouvernement ont déjà joué le rôle de fiduciaire pour le soutien au revenu. Les intervenants du Programme de protection des adultes (PPA) de l’Ontario en constituent un exemple. Ils aident les adultes ayant une déficience développementale vivant dans la collectivité à renforcer leurs compétences de gestion des tâches quotidiennes, notamment en ce qui concerne les finances de tous les jours. Les intervenants en protection des adultes peuvent être nommés fiduciaires pour la réception des prestations du POSPH. Il s’agit cependant d’une mesure temporaire en attendant que d’autres solutions soient mises en œuvre[557].

 

4.     Résumé des options sur l’admissibilité et la disponibilité des représentants légaux

La présente section se penche sur l’élargissement de l’admissibilité de manière à ce que les organismes puissent agir à titre de représentants légaux qualifiés pour les bénéficiaires d’un REEI. Le REEI est à la disposition de tout un éventail de personnes ayant une déficience mentale. Certains bénéficiaires sont isolés sur le plan social et n’ont pas accès à une personne de confiance sur qui ils peuvent compter pour obtenir du soutien. Actuellement, la LPDNA ne permet pas aux organismes d’agir en tant que substituts pour la prise de décisions, sauf s’il s’agit du BTCP ou d’une société de fiducie. Dans d’autres administrations et secteurs, il arrive régulièrement que des organismes sont nommés pour aider un adulte à gérer ses affaires financières.

La nomination d’organismes accroît la complexité du processus d’établissement d’un représentant légal. Les processus existants comprennent souvent des règles détaillées sur l’admissibilité des organismes ainsi que des exigences élevées en matière de responsabilité. De plus, le roulement du personnel signifie que les organismes ne peuvent pas garantir qu’un même employé en particulier sera toujours présent pour fournir du soutien à l’adulte au cours des années du processus décisionnel du REEI. Il faudrait sélectionner avec attention les types d’organismes qui seraient autorisés à agir en qualité de représentant légal. La recherche préliminaire effectuée par la CDO confirme que les organismes à but non lucratif seraient probablement prêts à assumer ces responsabilités.

La CDO estime qu’il convient d’envisager l’élargissement de l’admissibilité afin d’inclure les organismes qualifiés en tant qu’option de réforme.

 

QUESTION DE DISCUSSION

41.  L’admissibilité au rôle de représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI doit-elle être élargie afin d’inclure les organismes? Dans l’affirmative, quels types d’organismes seraient-ils convenables?

 

 

E.     Protection contre l’exploitation et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal

1.     Introduction

Le fait d’autoriser une personne à aider un bénéficiaire à prendre des décisions ou à le faire à sa place entraîne un risque d’exploitation parce que [traduction] « la confiance et le pouvoir ont toujours pour conséquence le risque d’exploitation[558] ». Un large éventail d’activités constituent de l’exploitation financière : la retenue de fonds, l’encaissement d’investissements sans consentement, le fait d’exercer des pressions sur l’adulte pour qu’il fasse des dépenses[559] et, d’une façon générale, la prise de décisions qui ont des conséquences négatives pour la personne qui reçoit des paiements issus d’un REEI. D’après le Canadian Centre for Elder Law, [traduction] « l’un des défis que doit surmonter le secteur financier est le fait que bon nombre des outils utilisés légitimement pour la planification financière et personnelle, la gestion financière et les opérations financières sont exactement les mêmes que ceux qui sont employés pour exploiter les personnes âgées sur le plan financier[560] ». Afin de défendre le droit des bénéficiaires d’un REEI à la sécurité, toute option de réforme envisagée par le projet de la CDO doit en tenir compte.

Les définitions d’exploitation financière varient considérablement. L’une des définitions en langage simple de l’exploitation financière des personnes âgées est le fait qu’elle survient [traduction] « lorsque quelqu’un trompe, menace ou convainc une personne âgée afin de la dépouiller de son argent, de ses biens ou de ses possessions[561] ». La Victorian Law Reform Commission fournit une définition plus nuancée. Elle décrit ce qui constitue, à son avis, un comportement interdit envers une personne ayant une capacité diminuée en matière d’exploitation, de négligence et d’abus. L’exploitation financière peut signifier [traduction] « prendre l’argent d’autrui sans en avoir obtenu un consentement valable[562] ». La négligence peut être le fait de [traduction] « ne pas s’occuper adéquatement des finances ou des biens de la personne[563] ». Enfin, l’abus peut inclure [traduction] « l’utilisation des finances d’autrui principalement pour son propre bénéfice[564] ». Aux fins du présent document de discussion, la CDO admet la définition d’exploitation, de négligence et d’abus de la VLRC, des notions englobées par le terme « exploitation financière ».

L’exploitation financière peut comprendre une subtile dynamique, en particulier s’il existe une relation de dépendance entre l’adulte et des membres de sa famille ou des amis en qui il a confiance. Par exemple, elle peut avoir lieu [traduction] « lorsqu’une personne âgée appuie financièrement des membres de sa famille ou qu’elle leur permet de vivre sous son toit et que cette dynamique lui cause du tort ou qu’elle a subi des pressions[565] ». L’exploitation financière [traduction] « survient souvent concurremment avec d’autres types d’exploitation »; il est impossible de les distinguer totalement d’autres comportements, comme la maltraitance physique, psychologique et sexuelle[566]. Toute option de réforme de ce projet doit être formulée en tenant compte du fait que l’exploitation [traduction] « n’est pas un phénomène unique qu’il est possible de comprendre au moyen d’une seule théorie unifiée. En réalité, différents types d’exploitation témoignent de différents types de problèmes touchés par diverses dynamiques sociales essentielles pour comprendre les réponses efficaces[567] ».

Dans le présent document de discussion, la CDO a utilisé une terminologie faisant la distinction entre « exploitation financière » et « abus des pouvoirs d’un représentant légal ». Bien que l’exploitation financière peut comprendre les définitions susmentionnées, l’abus de pouvoir peut avoir lieu lorsqu’une personne a de bonnes intentions, mais comprend ou applique mal ses rôles et responsabilités. Par exemple, un représentant légal pourrait omettre de consulter un adulte comme il se doit, utiliser par erreur ses pouvoirs d’une façon qui ne lui est pas permise ou négliger certains facteurs importants avant de prendre une décision. La CDO a appris, dans ses consultations préliminaires, que ce type d’abus est bien réel et peut avoir des résultats néfastes. Les mécanismes qui servent à régler les problèmes qui en découlent peuvent être très différents de ceux visant à régler l’exploitation financière. Toutefois, bon nombre des mesures de protection abordées dans le présent document peuvent être utiles dans les deux cas.

Il existe peu de documents sur la fréquence des cas d’exploitation financière au Canada. Dans une étude menée en 2011 par l’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSPA) auprès de 267 personnes âgées vivant dans la collectivité dans tout le Canada, 9,7 % des répondants ont indiqué avoir été victimes d’exploitation financière. Parmi les personnes qui ont été exploitées financièrement au cours des 12 mois précédents, 7,7 % ont révélé que l’exploitation financière avait lieu tous les jours ou presque tous les jours, tandis que 34,6 % en avaient été victimes à de nombreuses reprises. Pour 16,1 % d’entre-elles, la personne responsable d’au moins un des cas d’exploitation financière dont elles ont été victimes vivait avec elles. Bien que les questions de l’INSPA mettaient l’accent sur les 12 derniers mois, les répondants ont expliqué qu’ils avaient été exploités financièrement durant toute leur vie[568]. Lorsqu’un adulte a une capacité diminuée, il y a un plus grand risque d’exploitation financière étant donné qu’il ne peut pas superviser efficacement un représentant légal[569] ou un aidant informel. Il a été établi que la déficience cognitive est un indice particulièrement fiable pour prédire l’exploitation des personnes âgées[570], et il est bien connu que des tuteurs et des procureurs sont responsables d’abus et d’autres formes de mauvaise gestion des finances des personnes ayant une capacité diminuée[571].

La présente section examine les mesures de protection potentielles contre l’exploitation financière et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal. Dans un premier temps, elle expose les secteurs des opérations relatives au REEI qui sont vulnérables à l’exploitation. Puis, dans un deuxième temps, elle se penche sur l’engagement actuel de l’Ontario à garantir la sécurité des adultes ayant une déficience mentale. Enfin, elle se termine par un bref examen des mesures de protection additionnelles utilisées dans l’ensemble des administrations aux fins de prévention, de surveillance, de détection et d’intervention.


2.     Secteurs vulnérables des opérations relatives au REEI

Le REEI peut représenter des montants considérables. Avant les revenus d’investissement, les contributions privées à un REEI peuvent atteindre 200 000 $ et les subventions et les obligations du gouvernement fédéral 70 000 $ et 20 000 $ par bénéficiaire, respectivement, selon d’autres facteurs comme le revenu et les cotisations. Un REEI doit être administré exclusivement au profit de son bénéficiaire[572]. Le REEI a été conçu en fonction des risques d’exploitation financière et d’abus de pouvoir et comprend donc des mesures de protection. Les paiements issus d’un REEI sont obligatoires après 60 ans. Le groupe d’experts du ministre des Finances a recommandé que les PVI commencent à un certain moment en raison de la « préoccupation légitime à savoir qu’il n’y ait pas utilisation abusive de l’avantage du report de l’impôt si l’on accorde le transfert entre générations de revenu à impôt différé[573] ». Cela pourrait se produire si le titulaire du régime limitait les paiements ou si le bénéficiaire y renonçait, de sorte qu’une autre personne recevrait un remboursement des cotisations à la mort du bénéficiaire[574]. Au moment du décès d’un bénéficiaire d’un REEI, l’ensemble des subventions et des obligations du gouvernement doit être remboursé et tous les fonds restants doivent être versés conformément aux directives du testament du bénéficiaire ou aux règles de succession[575].

En outre, les PVI sont calculés au moyen d’une formule précise qui vise à répartir en parts égales les fonds du bénéficiaire au cours du reste de sa vie[576]. Lorsqu’il a fait cette recommandation, le groupe d’experts a explicitement pris en considération « le fait de permettre au bénéficiaire ou au tuteur d’avoir un accès illimité au régime d’épargne-invalidité pourrait entraîner l’épuisement du régime longtemps avant que les besoins à vie du bénéficiaire aient été satisfaits[577] ». D’autres mesures de protection comprennent l’interdiction de rendre les cotisations privées une fois qu’elles ont été déposées dans un REEI et l’exigence d’informer le bénéficiaire lorsqu’un membre de la famille qualifié est nommé titulaire du plan[578].

De plus, le REEI contient des mesures de protection pour garantir qu’un régime est en conformité avec la LIR. Les établissements financiers doivent informer EDSC et l’ARC s’ils constatent qu’un REEI est non conforme ou risque de le devenir[579]. Un REEI n’est pas conforme aux conditions s’il n’est pas « administré exclusivement au profit de son bénéficiaire » ou s’il n’est pas administré conformément à ses modalités[580]. L’une de celles-ci est le fait que les PAI doivent être versés au bénéficiaire[581]. Comme susmentionné, à moins que le bénéficiaire ou une personne légalement autorisée à agir en son nom émette un reçu et une décharge valides concernant le paiement, l’émetteur de REEI ne peut pas être certain qu’il a respecté le régime et la LIR. Un REEI ne serait pas conforme si un titulaire de régime autre que le bénéficiaire n’est pas un responsable aux termes de la LIR[582]. En cas de conflit au sujet de l’admissibilité d’un titulaire de régime, ce dernier doit faire de son mieux pour éviter toute baisse de la juste valeur marchande du REEI jusqu’à ce que le conflit soit réglé[583]. La Division de l’observation de la Direction des régimes enregistrés de l’ARC effectue des vérifications au hasard et des suivis auprès des établissements financiers afin de régler toute divergence constatée ou signalée. Toutefois, elle ne dispose pas des ressources requises pour surveiller toutes les opérations relatives à un REEI, et une telle surveillance ne fait pas partie de son mandat[584].

Les secteurs les plus vulnérables des opérations relatives au REEI sont les demandes de PAI unique présentées par un titulaire de régime et la gestion de fonds issus au bénéficiaire d’un REEI. Comme nous l’avons déjà mentionné, le retrait de fonds d’un REEI avant le début des paiements obligatoires à vie est assorti de pénalités pouvant considérablement réduire les subventions et obligations du gouvernement dans ce régime. De surcroît, si la portée des pouvoirs d’un représentant légal était élargie afin d’inclure l’aide à la gestion des paiements d’un bénéficiaire d’un REEI, les risques d’exploitation financière seraient importants. Si, au contraire, la portée des pouvoirs d’un représentant légal n’était pas ainsi élargie, l’absence d’une modalité officielle fournissant de l’aide en matière de gestion financière générale aux adultes ayant une capacité diminuée pourrait avoir une incidence sur leur vulnérabilité. Il convient de garder à l’esprit que ces secteurs très vulnérables, soit la demande de PAI et la gestion de paiements, constituent l’objet de la discussion ci-dessous au sujet des mesures de protection contre l’exploitation.

 

3.     Cadre actuel de l’Ontario pour garantir la sécurité des adultes ayant une déficience mentale

a. Introduction

Il existe plusieurs politiques et lois fédérales ou provinciales susceptibles de protéger les intérêts des bénéficiaires d’un REEI en Ontario. La présente section décrit brièvement les cadres stratégiques et législatifs plus généraux du Code criminel et des lois sur la protection des renseignements personnels, entre autres, avant d’examiner de façon approfondie les mesures de protection actuelles de la LPDNA.

 

b. Cadres stratégiques et législatifs plus généraux

Le Code criminel
Conformément au Code criminel[585], l’exploitation financière est une infraction. Les dispositions pertinentes incluent celles concernant le vol par une personne détenant une procuration, la distraction de fonds détenus en vertu d’instructions, l’abus de confiance criminel, l’extorsion et la fraude[586]. Les dispositions du Code criminel en matière de détermination de la peine prévoient que des éléments de preuve établissant que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que l’âge ou le handicap ou que l’infraction constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d’autorité à son égard établissent des circonstances aggravantes[587].

Cependant, de nombreux commentateurs ont indiqué que le système de justice pénale ne fournit pas de solution globale aux questions d’exploitation[588]. Les victimes d’exploitation peuvent être réticentes à signaler une infraction, en particulier si le contrevenant est un membre de la famille qui pourrait être exposé à des sanctions pénales. Les retards dans l’administration de la justice peuvent faire en sorte que les victimes n’obtiendront aucun résultat en temps utile[589]. Les personnes handicapées doivent aussi surmonter des obstacles à l’accès à la justice pénale, malgré plusieurs initiatives visant à améliorer cet accès, notamment les organismes de services aux victimes[590]. Bien que le Code criminel puisse avoir un effet dissuasif, bon nombre de tentatives de contrer l’exploitation financière mettent l’accent sur les freins et contrepoids dans le but de prévenir et de détecter l’exploitation.

 

La Stratégie ontarienne de prévention des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées
Le Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l’Ontario a élaboré la Stratégie ontarienne de prévention des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées. Celle-ci a été mise en œuvre en collaboration avec le Secrétariat ontarien des services aux victimes, le ministère du Procureur général de l’Ontario et le Réseau ontarien pour la prévention des mauvais traitements envers les personnes âgées. Il s’agit d’un programme global non législatif qui met l’accent sur la coordination des services communautaires, la formation du personnel de première ligne et la sensibilisation du public. La stratégie comprend notamment une ligne sans frais d’aide aux victimes disponible dans toute la province et un réseau de conseillers régionaux dans le domaine des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées, qui fournit des ressources aux fournisseurs de services au sein de la collectivité et du système de justice ainsi qu’aux réseaux locaux qui se consacrent à la prévention de l’exploitation des personnes âgées[591].


Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée
Nombreuses sont les personnes âgées ayant une déficience qui vivent dans des foyers de soins de longue durée. La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée comprend d’importantes mesures de protection pour détecter les situations d’exploitation financière et pour intervenir. Les foyers de soins de longue durée doivent adopter, entre autres mesures, une politique de tolérance zéro et en assurer le respect au moyen d’un programme de prévention de l’exploitation et de la négligence, ainsi que des procédures d’enquête et d’intervention de tout cas allégué, présumé ou observé d’exploitation. Ils doivent aussi imposer des conséquences pour ceux qui exploitent ou négligent les résidents. Toute personne qui a des motifs raisonnables de croire qu’un résident subit des préjudices à cause d’un traitement abusif ou inapproprié ou d’incompétence, ou qu’il existe un tel risque, est tenue de le signaler. Ce signalement obligatoire comprend aussi l’utilisation malveillante ou la distraction des fonds d’un résident. La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée contient des dispositions pour les inspections découlant d’un tel rapport, de même que des mesures de protection pour les dénonciateurs[592].

 

Lois sur la protection des renseignements personnels
En Ontario, la collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels sont régies par des lois fédérales, provinciales et municipales. Il peut être difficile de déterminer quelle loi s’applique; cela dépend de facteurs, dont la nature de l’information et les types d’organismes concernés[593]. En Ontario, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)[594] s’applique aux banques. Les établissements financiers de ressort provincial comprennent les caisses populaires. Celles-ci sont régies par la Loi de 1994 sur les caisses populaires et les credit unions (LCPCU)[595].

En règle générale, une personne doit donner son consentement pour que des renseignements personnels en possession d’une autre personne soient divulgués par cette dernière. Il existe toutefois des exceptions lorsqu’un représentant du secteur financier soupçonne qu’il y a de l’exploitation financière[596]. La LPRPDE autorise la communication de renseignements « à un organisme d’enquête, une institution gouvernementale ou une subdivision d’une telle institution » lorsque « l’organisation, selon le cas, a des motifs raisonnables de croire que le renseignement est afférent à la violation d’un accord ou à une contravention au droit fédéral, provincial ou étranger qui a été commise ou est en train ou sur le point de l’être[597] ». Cette terminologie [traduction] « correspond aux situations où un crime a été commis ou est sur le point de l’être, mais pas à celles où un organisme estime qu’un crime risque d’être commis, et cet alinéa ne fait aucune mention de la notion de risque.[598] »

La LPRPDE peut rendre possible la communication de renseignements lorsqu’« elle est exigée par la loi » ou qu’une personne en a besoin « en raison d’une situation d’urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de toute personne[599] ». La LCPCU comprend également une exception à la confidentialité qui permet la communication de renseignements à une personne qui, conformément à la loi, a droit à ces renseignements[600]. Comme mentionné ultérieurement dans la présente section, la LPDNA permet expressément au BTCP d’accéder aux dossiers sous la garde ou le contrôle de tout un éventail de personnes et d’organismes, y compris d’une banque, d’une caisse populaire ou d’un autre établissement financier, lorsqu’il fait enquête sur toute allégation selon laquelle une personne est incapable de gérer ses biens et selon laquelle il en découle ou il risque d’en découler des conséquences préjudiciables graves[601].

 

Pratiques du secteur financier
Avec une certaine régularité, les établissements financiers sont confrontés à des problèmes d’exploitation financière et d’abus des pouvoirs d’un représentant légal. Certaines banques ont élaboré des programmes internes de formation pour aider le personnel à détecter les situations d’exploitation et à intervenir. Par exemple, la Banque Royale du Canada a mis au point des documents de formation pour détecter l’utilisation inappropriée d’une procuration. Ils montrent au personnel les mesures qu’il peut prendre, comme bloquer des opérations, annuler des cartes de crédit et, en dernier recours, informer la police, le BTCP ou d’autres tierces parties[602].

Les plaintes formulées auprès des établissements financiers relativement aux opérations avec des représentants légaux peuvent être réglées à l’interne ou soumises à des organismes externes, par exemple l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI). L’OSBI reçoit souvent des plaintes concernant l’exploitation financière. Certaines affaires comprennent des situations où un adulte a de multiples procurations ou un membre de la famille détourne des fonds au moyen de soutien informel, par exemple en cosignant une hypothèque ou un emprunt[603]. Cependant, l’OSBI joue seulement le rôle d’arbitre dans des conflits entre des établissements financiers et des clients. Les conflits entre un bénéficiaire d’un REEI et son représentant légal alors qu’il n’y a pas eu violation des procédures d’un établissement financier ou des normes de l’industrie ne sont pas visés[604].

 

c. Cadre actuel de l’Ontario aux termes de la LPDNA

Formalités du processus de nomination
La LPDNA comporte de solides mesures de protection contre l’exploitation financière aux étapes de la prévention, de la surveillance, de la détection et de l’intervention. Les formalités du processus de nomination d’un procureur ou d’un tuteur aux biens comprennent plusieurs mesures de prévention. Dans le cas de nominations externes, les tribunaux et le BTCP jouent un rôle important de surveillance en faisant le tri des nominations et en les approuvant. Afin de déterminer la pertinence du tuteur proposé, les tribunaux et le BTCP doivent approuver son plan de gestion des finances de l’adulte et tenir compte de sa familiarité avec l’adulte ainsi que les souhaits de ce dernier[605]. Ils peuvent imposer au tuteur les conditions qu’ils jugent pertinentes, y compris le dépôt d’un cautionnement[606].

Une procuration est une nomination personnelle exécutée à titre privé. En l’absence de la surveillance du BTCP ou des tribunaux, la LPDNA exige d’autres formalités pour l’établissement d’une procuration. Le seuil de capacité pour accorder une procuration perpétuelle aux biens est, en soi, une mesure de protection contre l’exploitation financière, car il est plus rigoureux en Ontario que dans certaines autres provinces. De plus, une procuration doit être exécutée en présence de deux témoins, qui doivent tous deux la signer. La LPDNA interdit à certaines personnes d’agir à titre de témoins, y compris les personnes mineures ainsi que l’enfant, le conjoint ou le partenaire de l’adulte ou du procureur[607]. Un adulte peut préciser des conditions et des restrictions dans la procuration, par exemple indiquer qu’elle entre en vigueur à la suite d’un incident en particulier[608].

Un adulte peut nommer n’importe qui procureur en vertu d’une procuration. Au contraire, les juges et le BTCP doivent respecter certaines restrictions pour la nomination d’un tuteur aux biens. Un juge ne peut pas nommer une personne susceptible d’avoir un conflit d’intérêts pour la gestion des biens de l’adulte du fait qu’elle « fournit des soins de santé, des services sociaux, des services en établissement, des services de formation ou des services de soutien à un incapable contre rémunération », à moins que cette personne soit, entre autres, le conjoint, le partenaire ou le parent de l’adulte[609]. Le BTCP peut nommer le conjoint, le partenaire ou un parent de l’adulte, en vertu d’une procuration limitée, ou une société de fiducie si l’adulte a un conjoint ou un partenaire qui y consent[610].

Un tribunal, le BTCP ou l’adulte lui-même peut nommer un ou plusieurs substituts pour la prise de décisions[611]. Lorsque plusieurs personnes sont nommées, elles peuvent prendre des décisions conjointement; il est également possible de séparer leurs responsabilités. D’après la Trousse de procurations du BTCP, le fait d’accorder aux procureurs la possibilité de prendre des décisions séparément prévient les interruptions que pourrait entraîner une absence temporaire due, par exemple, à une maladie, à des vacances ou à un autre empêchement[612]. Il est également possible de nommer un procureur suppléant afin d’éviter qu’un adulte n’ait « personne le moment venu pour gérer [ses] affaires financières[613] ». Le fait de nommer plus d’un procureur permet d’éviter que la procuration prenne fin automatiquement lorsque le procureur ne peut plus remplir ses fonctions, puisque cela permet au suppléant de continuer à agir[614].

 

Rôles et responsabilités des substituts pour la prise de décisions
Lorsqu’un substitut pour la prise de décisions est nommé pour un adulte déclaré incapable, il doit remplir les fonctions établies dans la LPDNA qui ont fait l’objet d’une discussion à la section C, et se conformer aux conditions énoncées. Les fonctions comprennent différentes activités à mener dans le cadre du processus décisionnel, par exemple favoriser la participation de l’adulte et faire les dépenses autorisées. Si les substituts pour la prise de décisions ne remplissent pas ces fonctions, ils peuvent être tenus responsables des dommages, à moins que le tribunal soit convaincu qu’ils ont agi de façon honnête, raisonnable et diligente et décide de les dégager, en tout ou partie, de cette responsabilité[615].

Le BTCP a publié plusieurs bulletins d’information à propos des tâches et des pouvoirs des substituts pour la prise de décisions. Ils sont accessibles au public à partir du site Web du ministère du Procureur général[616]. En outre, le BTCP et les tribunaux fournissent constamment du soutien aux substituts pour la prise de décision à la recherche de renseignements sur la réalisation de leur rôle. Un substitut pour la prise de décisions, une personne à charge, le BTCP ou toute autre personne avec l’autorisation peut présenter une demande au tribunal pour des directives sur toute question en lien avec une modalité de prise de décisions[617]. Le BTCP a également le pouvoir d’agir en qualité de médiateur en cas de conflit entre les substituts pour la prise de décisions relativement à l’exercice de leurs fonctions[618].


Responsabilité, détection et intervention
Les substituts pour la prise de décisions doivent conserver des comptes à propos de toutes les opérations concernant les biens de l’adulte, conformément aux exigences détaillées dans le Règlement sur les Comptes et dossiers des procureurs et des tuteurs[619]. Il est possible de demander aux tribunaux la reddition des comptes du substitut pour la prise de décisions afin que les personnes préoccupées par l’administration des biens de l’adulte puissent les faire examiner par un arbitre externe[620]. Un adulte et un substitut pour la prise de décisions ont le droit de présenter une telle demande, de même que les substituts pour la prise de décisions à l’égard des soins personnels, une personne à charge de l’adulte, le BTCP, l’avocat des enfants, un créancier autorisé ou toute autre personne recevant l’autorisation du tribunal[621].

Le tribunal a pour fonctions générales de protéger les biens d’un adulte lors de la reddition des comptes et peut notamment suspendre les pouvoirs d’un substitut pour la prise de décisions, nommer le BTCP ou une autre personne en attendant le règlement de la demande et ordonner que la procuration prenne fin[622]. Un tribunal peut aussi employer une gamme d’autres moyens pour mettre fin à une ordonnance nommant un substitut, y mettre fin ou la modifier[623]. Par exemple, un adulte assujetti à une nomination légale peut demander au tribunal d’y mettre fin[624].

Le BTCP est tenu de faire enquête sur toute allégation formulée selon laquelle un adulte est incapable de gérer ses biens et selon laquelle il en découle ou il risque d’en découler des conséquences préjudiciables graves[625]. De telles allégations peuvent être faites par un particulier, un employé de banque, un organisme gouvernemental, ou toute autre personne ou organisation. Les « conséquences préjudiciables graves » comprennent « la perte d’une partie importante des biens d’une personne ou le défaut, pour une personne, de se procurer les objets de première nécessité ou d’en procurer aux personnes à sa charge[626] ». Si les résultats de l’enquête démontrent qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un adulte est incapable et qu’il est nécessaire de nommer un tuteur aux biens temporaires pour prévenir des conséquences préjudiciables graves, le BTCP doit présenter au tribunal une demande pour être nommé tuteur temporaire. Le tribunal peut suspendre les pouvoirs d’un procureur visé par une procuration perpétuelle durant la tutelle temporaire[627]. La LPDNA accorde au BTCP des pouvoirs discrétionnaires importants lui permettant de prendre des mesures pour mener son enquête. Au cours de l’enquête, le BTCP a le droit d’accéder à tout dossier concernant l’adulte et qui se trouve sous la garde ou le contrôle d’un éventail de particuliers ou d’organismes, y compris des banques, des caisses populaires ou d’autres établissements financiers[628].

Le BTCP tient à jour un registre de tous les tuteurs légaux et nommés par le tribunal. Les renseignements à consigner pour chaque tuteur comprennent les coordonnées de l’adulte et du tuteur, les restrictions aux pouvoirs de ce dernier et la date d’entrée en vigueur, de modification ou de fin de la tutelle[629]. Le BTCP ne dispose d’aucun registre concernant les autres types de représentants légaux pour la gestion financière, y compris les procurations et les nominations de fiduciaire établies dans les secteurs du soutien du revenu et des avantages sociaux.


4.     Possibilités de mesures de protection additionnelles pour les bénéficiaires d’un REEI

a. Introduction

Les mesures de protection actuelles de l’Ontario visant à prévenir l’exploitation financière et l’abus de pouvoir de la part des représentants légaux sont relativement exhaustives comparativement à celles des autres administrations du Canada. Néanmoins, dans le cadre du projet plus général de la CDO, La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, de nombreux intervenants ont indiqué qu’ils étaient préoccupés par le fait que les mécanismes existants ne protègent pas suffisamment les adultes vulnérables. En particulier, la CDO a appris que l’idée selon laquelle le cadre actuel n’avait pas été mis en œuvre adéquatement est largement répandue. Par exemple, les mécanismes judiciaires de supervision de la réalisation des fonctions de représentant légal, y compris la demande de directives ou la reddition de comptes, peuvent coûter trop cher pour les particuliers. De surcroît, la CDO a appris pendant le projet qu’il peut y avoir des limites aux services de médiation du BTCP, qui sont parfois limités par les ressources et ne peuvent régler de conflits sauf si les substituts à la prise de décisions conviennent de le faire volontairement. Le BTCP, en tant que tuteur de dernier recours, ne peut pas agir à titre de médiateur s’il existe une possibilité qu’il soit appelé à agir au nom de l’adulte au cœur du conflit[630].

Cependant, la CDO n’a pas encore pu profiter de recherches et de consultations approfondies à cet égard, ce qui lui permettrait d’évaluer l’efficacité globale du cadre actuel de l’Ontario. Pour son projet plus général, la CDO a commandé un document de recherche afin d’analyser les mécanismes de surveillance et de responsabilité relativement à la prise de décisions au nom d’autrui[631]. Dans le cadre de ce projet, nous examinerons les dispositions pertinentes de la LPDNA ainsi que leur mise en œuvre, mais nous ne pouvons pas le faire ici. Nous n’examinerons pas non plus les propositions de réforme présentées à l’Assemblée législative de l’Ontario dans le présent document de discussion[632].

Certaines des dispositions existantes de la LPDNA, comme les pouvoirs d’enquête du BTCP, protègent les personnes du public d’une façon générale. Le BTCP est tenu de faire enquête sur toute allégation selon laquelle un adulte est incapable de gérer ses biens et selon laquelle il en découle ou il risque d’en découler des conséquences préjudiciables graves. D’autres mesures de protection de la LPDNA pourraient être intégrées à un processus de rechange de nomination d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI grâce à un renvoi direct à la LPDNA ou en les adaptant. Cela dépend de la façon dont le processus de rechange est établi et mis en œuvre. Notre examen des mesures de protection possibles dans la présente section ne concerne que les mesures additionnelles pouvant compléter le cadre existant de l’Ontario.

En ce qui concerne les mesures de protection additionnelles présentées ci-dessous, seules celles qui respectent les critères de réforme dans le contexte particulier du REEI sont abordées, à l’exclusion des options qui ne seraient pas rentables ou difficiles à utiliser. Ces mesures sont orientées par l’objectif stratégique de base selon lequel [traduction] « une mesure de protection ne doit être adoptée que si l’on estime qu’il existe une justification évidente, qu’elle atteindra probablement son objectif et qu’elle n’aura aucun effet secondaire inacceptable[633] ».

Les possibles mesures de protection additionnelles pour les bénéficiaires d’un REEI sont classées en fonction des formalités du processus de nomination; des rôles et des responsabilités des représentants légaux; et de la responsabilité, de la détection et de l’intervention. Ces catégories se chevauchent quelque peu, et chacune doit être examinée en tenant compte des autres. Par exemple, une exigence selon laquelle les représentants légaux doivent signer la nomination qu’ils acceptent à laquelle sont joints des renseignements sur leurs tâches, une formalité, peut accroître la conformité. En effet, une meilleure compréhension des lois peut réduire les situations d’abus involontaire de la nomination.

Il importe de trouver le juste équilibre entre les différentes catégories de mesures de protection. Un certain degré de formalité du processus de nomination est nécessaire, par exemple la vérification par les témoins, les tribunaux, le BTCP ou d’autres organismes gouvernementaux. Les formalités du processus de nomination servent à garantir que la nomination n’est pas frauduleuse et n’a pas subi une influence indue, à confirmer les souhaits de l’adulte et à obtenir des renseignements sur les conséquences de la nomination pour l’adulte, son représentant légal et les autres parties intéressées[634]. Cependant, les formalités peuvent être coûteuses et encombrantes et ne tiennent pas toujours compte des risques d’abus d’une nomination après son entrée en vigueur, par exemple lorsqu’une personne fait le choix délibéré de détourner des fonds. Comme il est expliqué dans le rapport McClean, [traduction] « si des mesures de protection sont nécessaires pour prévenir ce type d’abus de pouvoir, il convient de mettre en place des mécanismes de surveillance du mandataire[635] ». La CDO met l’accent sur des mesures équilibrées permettant de protéger constamment l’adulte pendant et après le processus de nomination, des mesures préventives et contrepoids à l’intervention, s’il y a lieu.

 

b. Possibilités de mesures de protection additionnelles pour les bénéficiaires d’un REEI

Formalités du processus de nomination

Prestation de renseignements obligatoires : Les renseignements sur les tutelles et les procurations sont plutôt accessibles aux personnes qui les cherchent. Le ministère du Procureur général et le BTCP constituent une importante source de renseignements pour les personnes du public. De plus, ces organismes s’occupent de renseigner le public sur ces questions, notamment par l’intermédiaire de l’Advocacy Centre for the Elderly et du Réseau ontarien pour la prévention des mauvais traitements envers les personnes âgées. Cependant, il n’est pas obligatoire de fournir des renseignements sur les modalités de prise de décisions au nom d’autrui et toutes les personnes concernées par une nomination peuvent ne pas les consulter dans une même mesure.

Les formulaires et les renseignements obligatoires peuvent fournir des renseignements juridiques minimaux au public. En Ontario, il n’y a aucun formulaire de procuration prescrit. Le BTCP a publié, à l’instar d’autres organismes et établissements financiers, une trousse de procurations qui peut servir de modèle pour les adultes[636]. Ces trousses contiennent des renseignements différents; on a critiqué certaines d’entre elles parce qu’elles représentaient la loi de façon inexacte. Dans le cas de nominations externes, il existe des formulaires standard qui doivent être utilisés au tribunal ainsi que pour présenter une demande de remplacement du BTCP en qualité de tuteur légal[637]. Toutefois, ces formulaires sont pauvres en renseignements sur les exigences, les conséquences et les risques liés à une nomination.

Certaines administrations disposent de formulaires obligatoires qui fournissent des explications à consulter pour que la nomination soit valide. Ainsi, dans les Territoires du Nord-Ouest, un formulaire standard de procuration fournit des directives qu’il faut lire avant de signer le document[638]. Il est aussi possible d’inclure des formulaires dans une trousse contenant des renseignements plus détaillés[639]. Il s’agit de l’approche adoptée pour la Trousse de procurations publiée par le ministère du Procureur général de l’Ontario, bien que cette trousse soit facultative. Le fait que les renseignements obligatoires peuvent ne pas convenir à toutes les situations constitue la principale préoccupation à cet égard. Plus précisément, les formulaires peuvent réduire la flexibilité requise pour imposer des conditions à une nomination[640]. Dans le cas d’un REEI, cela serait particulièrement évident si la portée des pouvoirs d’un représentant légal était élargie au-delà de celle d’un titulaire de régime, puisque tout formulaire devrait alors être adapté en fonction du large éventail de décisions susceptibles d’être prises.

Accusé de réception et acceptation du représentant légal : Dans les processus de nomination judiciaire et légale ontariens, les tuteurs proposés font effectivement l’objet d’une vérification par de tierces parties, entre autres grâce à la soumission d’un plan de gestion des finances de l’adulte. Cependant, un procureur n’a pas à être informé de sa nomination ni à y consentir pour que la procuration soit valable. Quelques provinces et territoires, comme le Yukon et la Colombie-Britannique, exigent qu’un procureur signe un accusé de réception pour signifier qu’il accepte la nomination[641]. D’autres provinces ajoutent à leurs formulaires de procuration standard non obligatoires une section que doivent signer les procureurs[642]. L’exigence selon laquelle un représentant légal pour le REEI doit signer un accusé de réception de sa nomination, qu’elle soit personnelle ou externe, pourrait constituer un moyen de lui transmettre des renseignements obligatoires à propos de son rôle et de ses responsabilités, plus précisément en ce qui concerne son pouvoir de prendre des mesures, son devoir de faire participer l’adulte à la prise de décisions et la norme en matière de soins.

 

Rôles et responsabilités des représentants légaux
Prohibition des opérations conflictuelles : La LPDNA prévoit un ensemble d’obligations positives quant à la façon dont les tuteurs doivent gérer les biens de l’adulte, y compris un ordre des dépenses et des directives sur le traitement des dons ou des prêts. Elles s’appliquent aussi aux procureurs visés par une procuration perpétuelle si le mandant est « incapable de gérer ses biens ou si le procureur a des motifs raisonnables de croire que le mandant est incapable de gérer ses biens[643] ». Dans certaines administrations, il y a des limites bien précises quant aux opérations susceptibles de donner lieu à un conflit d’intérêts. Par exemple, dans l’État du Queensland en Australie, les procureurs prenant des mesures financières sont tenus d’éviter les opérations conflictuelles, sauf s’ils ont obtenu une autorisation préalable à cet effet[644]. Il est possible d’interdire de telles opérations en incluant une disposition selon laquelle un représentant légal ne peut pas personnellement tirer profit des fonds d’un bénéficiaire d’un REEI. Autrement, les opérations conflictuelles pourraient être ajoutées à la liste des dépenses interdites.

Il peut être difficile de définir les opérations conflictuelles, étant donné qu’un représentant légal peut inévitablement et indirectement en tirer un certain profit en maintenant le niveau de vie de l’adulte[645]. Ainsi, dans des situations de cohabitation entre l’adulte et son conjoint ou son enfant, les fonds de l’adulte peuvent être utilisés à payer le loyer, la nourriture ou d’autres dépenses ménagères. Peu importe les ambiguïtés potentielles, les opérations ayant des intérêts communs ne doivent pas être autorisées lorsque les conséquences pour le bénéficiaire peuvent être négatives. La Queensland Law Reform Commission et la VLRC ont recommandé l’adoption de mesures pour reconnaître les opérations conflictuelles[646]. En Ontario, il n’est pas clair que des dispositions concernant des types particuliers d’opérations amélioreraient considérablement les mesures déjà en vigueur.

Limites sur les retraits et les dépenses : Des limites sur les fonds dépensés en une seule opération ou pendant une certaine période ont été instaurées dans le processus de nomination d’un représentant légal de certaines administrations. CLBC en fournit un exemple. L’organisme permet à des « mandataires » informels de gérer des paiements directs au nom d’une personne qui reçoit du financement individualisé dans le cadre d’une modalité comparable aux nominations de fiduciaires du POSPH. Cependant, lorsque son financement dépasse 6 000 $ sur une période de 12 mois, le bénéficiaire doit obtenir de l’aide officielle dans le cadre d’une convention de représentation[647]. De plus, la professeure Nina Kohn a proposé qu’il soit obligatoire d’informer un adulte lorsqu’un représentant légal effectue une « opération essentielle » susceptible d’avoir une forte incidence sur le style de vie de l’adulte[648]. Le fait d’exiger un avis préalable pour des services habituels, par exemple le paiement de factures, peut se révéler trop encombrant pour le représentant légal et n’avoir en fin de compte que peu d’avantages pour l’adulte. Néanmoins, [traduction] « dans certaines situations, le fait d’informer le mandant d’une opération après coup peut être inutile pour protéger ses intérêts; par conséquent, il faudrait normalement que le mandataire le consulte avant de prendre des mesures[649] ».

Dans le cas d’un REEI, les dépenses liées à l’incapacité peuvent être assez élevées; il peut donc ne pas être pertinent d’établir une limite absolue sur le montant des retraits ou des dépenses. Cependant, les mesures de protection peuvent exiger que l’adulte soit consulté ou que l’on obtienne l’approbation préalable d’une tierce partie lorsque les retraits ou les dépenses dépassent un certain seuil ou ont une profonde incidence sur les intérêts du bénéficiaire. Par exemple, un titulaire d’un régime peut être tenu d’informer l’adulte ou une tierce partie avant de demander un PAI unique, car chaque PAI constitue une opération exceptionnelle.


Responsabilité, détection et intervention
Surveillants privés : Quelques administrations ont adopté ou recommandé des mesures visant à améliorer la surveillance publique au moyen de surveillants privés ou de l’obligation de rendre des comptes à certaines personnes en particulier, comme des membres de la famille. À la suite de recommandations formulées par la Manitoba Law Reform Commission, le Manitoba a adopté des dispositions obligeant les procureurs à rendre des comptes à la demande de toute personne nommée dans la procuration ou du plus proche parent. La Saskatchewan, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont tous des dispositions semblables[650]. Il est recommandé dans le document de l’Alberta Law Reform Institute intitulé Enduring Powers of Attorney: Safeguards Against Abuse que des mesures semblables soient adoptées afin de permettre une supervision constante sans qu’il soit nécessaire de présenter aux tribunaux une demande de reddition de comptes officielle[651]. D’un autre côté, des avis obligatoires à certaines personnes comme des membres de la famille ou un conjoint peuvent soulever des préoccupations quant au droit de l’adulte à la confidentialité de ses renseignements[652].

En Colombie-Britannique, il existe un système exhaustif de surveillance privée pour les conventions de représentation. L’exigence de nommer un surveillant a été abordée au chapitre V.B, dans lequel nous avons indiqué que les surveillants ont été utilisés très souvent, même lorsqu’il n’y a aucune exigence à cet effet. Leurs tâches et leurs pouvoirs sont très vastes. Ils doivent faire des efforts raisonnables pour s’assurer que le représentant a agi de bonne foi et en conformité avec la convention de représentation. Le surveillant peut demander à un représentant de rendre des comptes et indique s’il estime qu’il agit de façon irresponsable. Si, après l’examen des dossiers, le surveillant estime que le représentant ne s’acquitte pas de ses fonctions, il doit en informer le tuteur et curateur public de la Colombie-Britannique[653]. Dans ses consultations préliminaires, la CDO a appris que les surveillants représentaient aussi une source de soutien continu en matière de défense des droits pour les adultes lors de la médiation de litiges. Ensemble, l’adulte, le représentant et le surveillant travaillent en équipe d’une manière qui permet à l’adulte de participer véritablement à la prise de décisions[654]. La Queensland Law Reform Commission a déclaré que, à son avis, il est préférable d’avoir recours à des surveillants privés plutôt que de faire examiner les comptes par un tuteur public ou un tribunal ou d’employer un système de vérifications aléatoires[655].

Pour les motifs mentionnés dans la section V.C, Admissibilité et disponibilité des représentants légaux, la CDO cherche aussi à déterminer s’il serait possible de confier à des organismes le rôle de surveillant lorsqu’un adulte n’a personne de confiance.

Signalement obligatoire : En Ontario, les tuteurs et les procureurs sont tenus de garder des dossiers détaillés. Cependant, ils n’ont pas à communiquer ces dossiers aux fins de reddition de comptes, sauf lorsqu’on leur demande de le faire. Dans les secteurs du soutien du revenu et des avantages sociaux, les fiduciaires au Canada et les représentants des prestataires aux États-Unis doivent faire annuellement ou semestriellement rapport à un organisme gouvernemental[656]. La loi de Terre-Neuve-et-Labrador quant à la nomination d’une personne désignée pour les bénéficiaires d’un REEI comprend l’obligation de faire des signalements au tuteur et curateur public[657]. La CDO estime que si les surveillants privés constituent une option souhaitable pour la réforme, comme susmentionné directement ci-dessus, on peut envisager que l’examen des signalements obligatoires serait l’une de leurs tâches.

L’expérience relative aux représentants des prestataires aux États-Unis démontre que lorsqu’un organisme gouvernemental est chargé d’examiner les comptes, il doit disposer des ressources suffisantes. Les représentants des prestataires pour les fonds de la sécurité sociale doivent maintenir et soumettre au moins une fois par année des registres détaillés des fonds reçus et des achats effectués. La SSA a mis au point des procédures informatiques pour l’examen des signalements, en plus d’effectuer des vérifications ciblées grâce à des visites périodiques sur place[658]. Malgré cela, il demeure difficile de détecter l’exploitation financière :

[Traduction]
L’obtention et l’examen de ces signalements et le suivi des signalements en retard sont très chronophages pour le personnel […] Le personnel déploie des efforts considérables pour obtenir des comptes, ce qui exige à l’occasion plusieurs envois postaux, appels téléphoniques et rencontres en personne et peut parfois prendre des mois[659].

De plus, les cas d’exploitation financière ou d’abus de pouvoir peuvent être difficiles à cerner dans les rapports financiers. Tant que le montant total des dépenses et des épargnes est égal à au moins 90 % du montant reçu, la SSA approuve les rapports soumis par les représentants des prestataires. Le Social Security Advisory Board a constaté que [traduction] « l’envoi, la collecte et l’examen de ces renseignements représentent des dépenses importantes qui ne sont pas très utiles pour détecter l’abus de pouvoir[660] ». Reid Weisbord a recommandé que le Congrès crée un programme de signalement privé [traduction] « permettant aux parents ou amis préoccupés qui se portent volontaires pour agir à titre de gardiens privés sans toutefois assumer le fardeau et les responsabilités liés à une nomination de représentant d’un prestataire[661] ». L’Accountability Office des États-Unis a recommandé en outre que des organismes externes se portent volontaires pour contribuer à la surveillance[662].

La Manitoba Law Reform Commission a indiqué que, dans cette province, le curateur public n’est le destinataire des comptes qu’en dernier recours, en l’absence d’un destinataire privé nommé. Puisque les coûts liés à l’examen des comptes peuvent être énormes pour le curateur public, la Manitoba Law Reform Commission a indiqué ce qui suit : [traduction] « Nous estimons qu’il serait inapproprié et, possiblement, irresponsable de notre part de formuler une telle recommandation[663] ».

Examen périodique ou expiration : Aux termes de la LPDNA, un tribunal ou le BTCP peut imposer des conditions sur une modalité de tutelle[664]. Par exemple, la tutelle pourrait faire l’objet d’un examen après une certaine période. Au Yukon, les conventions de représentation expirent, selon ce qui survient en premier, après trois ans ou lorsque la capacité de l’adulte diminue, afin de le protéger contre l’exploitation. Dans ses consultations préliminaires, la CDO a appris que ces dispositions pourraient être limitées quant à leur application au REEI[665]. Ce régime est un instrument pour des épargnes à long terme qui signifie qu’un représentant légal sera responsable de la prise de décisions pendant de nombreuses années. Même si la portée de son autorité est limitée à celle d’un titulaire de régime, le représentant légal devra peut-être approuver des PAI uniques et surveiller les investissements tout au long de la durée de vie du REEI. Si, en vertu d’un processus, un représentant légal pour le bénéficiaire d’un REEI est établi pendant quelques années seulement, l’adulte devra conclure une nouvelle convention à intervalles réguliers ou demander une nomination externe en cas de diminution de ses capacités. En outre, les conventions de représentation au Yukon ne sont pas destinées « aux adultes souffrant d’une maladie dégénérative telle que la maladie d’Alzheimer » ou pour ceux dont la capacité de prendre des décisions varie[666]. Néanmoins, l’exemple du Yukon soulève la question à savoir si un examen périodique obligatoire de la nomination d’un représentant légal serait un moyen efficace d’aller au-delà de la vérification des documents financiers et de s’assurer que la modalité est avantageuse pour le bénéficiaire.

 

5.     Résumé des options de réforme pour la protection contre l’exploitation financière et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal

Cette section présente les options de réforme pour protéger les bénéficiaires d’un REEI contre l’exploitation financière et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal. Le REEI intègre des mesures de protection contre l’exploitation, mais les secteurs les plus vulnérables du REEI sont les demandes de PAI unique présentées par un titulaire de régime et la gestion de fonds issus au bénéficiaire d’un REEI.

Les mesures de protection de l’Ontario visant à prévenir l’exploitation financière et l’abus de pouvoir de la part des représentants légaux sont relativement exhaustives comparativement à celles des autres administrations du Canada. Les cadres stratégiques et législatifs plus généraux comprennent le Code criminel, la Stratégie ontarienne de prévention des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées, les lois sur la protection des renseignements personnels et des pratiques informelles du secteur financier, comme l’arbitrage en cas de litige par l’intermédiaire de l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement. La LPDNA comprend de solides formalités dans le processus de nomination, fournit du soutien aux substituts pour la prise de décisions afin qu’ils s’acquittent de leurs fonctions et permet aux parties intéressées de tenir responsables les substituts grâce à l’Unité des enquêtes du BTCP et aux interventions des tribunaux. Les mesures de protection actuelles prévues par la LPDNA sont répertoriées dans la colonne gauche de la figure 3, ci-dessous.

La CDO n’a pas encore pu profiter de recherches et de consultations approfondies aux fins du présent document de discussion, ce qui lui permettrait d’évaluer l’efficacité globale du cadre actuel de l’Ontario. Le projet plus général de la CDO, La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, se penchera sur les dispositions pertinentes de la LPDNA ainsi que sur leur mise en œuvre. Bon nombre des mesures de protection existantes en Ontario pourraient être intégrées dans une modalité de rechange visant à établir un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI. Dans le cadre de son projet plus général, la CDO a appris, durant les consultations préliminaires, que l’idée selon laquelle le cadre actuel n’avait pas été mis en œuvre adéquatement est largement répandue. Étant donné que le REEI représente des montants considérables, il convient de mettre en place des mesures supplémentaires de protection des bénéficiaires. Des mesures de protection additionnelles sont répertoriées dans la colonne droite de la figure 3 ci-dessous.

À l’étape où une nomination est officialisée grâce à un processus de nomination personnelle ou externe, les mesures de protection additionnelles peuvent inclure la prestation de renseignements obligatoires et l’exigence selon laquelle un représentant légal doit accuser réception de ses fonctions et les accepter. Ces deux mesures de protection peuvent constituer un moyen de transmettre des renseignements juridiques publics et obligatoires aux bénéficiaires et aux représentants légaux à propos de leurs rôles et responsabilités, y compris la portée du pouvoir d’agir, l’obligation de faire participer l’adulte à la prise de décisions et la norme en matière de soins. Les formalités du processus de nomination peuvent être incluses dans un formulaire obligatoire ou dans un livret que doivent consulter toutes les personnes concernées par la nomination.

La LPDNA prévoit un ensemble d’obligations positives quant à la façon dont les tuteurs et les procureurs doivent gérer les biens de l’adulte, y compris un ordre des dépenses. La CDO a proposé dans le présent document que des restrictions soient imposées sur les opérations pouvant donner lieu à un conflit d’intérêts. En outre, il pourrait être nécessaire de consulter l’adulte ou une tierce partie sur les limites de dépense des fonds lors d’une seule opération ou pendant une période donnée. Par exemple, un titulaire de régime peut être tenu d’aviser un surveillant avant de demander un PAI unique, de fermer un REEI ou de modifier les investissements relatifs au régime.

Quelques administrations ont adopté ou recommandé des mesures visant à améliorer la surveillance publique au moyen de surveillants privés ou de l’obligation de rendre des comptes à certaines personnes en particulier, comme des membres de la famille. D’un autre côté, des avis obligatoires peuvent soulever des préoccupations quant au droit de l’adulte à la confidentialité de ses renseignements. Il est possible de répondre à ces préoccupations en donnant l’occasion à un bénéficiaire de nommer les personnes qui recevront ces avis ou en nommant un surveillant privé. En Colombie-Britannique, les tâches et les pouvoirs des surveillants sont vastes afin qu’ils puissent surveiller le représentant, agir à titre de médiateur et défendre les intérêts d’un adulte.

En outre, les surveillants peuvent être les destinataires du signalement obligatoire. Le signalement obligatoire rend, de façon continue, le représentant légal responsable envers une partie externe, en plus de fournir un moyen de détecter la mauvaise gestion financière. En Ontario, les tuteurs et les procureurs sont tenus de garder des dossiers détaillés. Cependant, ils n’ont pas à communiquer ces dossiers, à moins que le BTCP ou un tribunal ne l’exige. Le signalement obligatoire est une pratique plutôt courante dans les secteurs du soutien du revenu et des avantages sociaux et qui, si l’on en croit l’expérience acquise aux États-Unis, requiert d’importantes ressources. L’utilisation des ressources publiques pourrait être réduite au minimum si la responsabilité d’examiner les signalements obligatoires était confiée à un surveillant privé.

Le présent document de discussion se penche sur une dernière mesure de protection contre l’exploitation financière et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal : l’examen périodique ou l’expiration d’une modalité de prise de décisions. Aux termes de la LPDNA, un tribunal ou le BTCP peut exiger qu’une modalité de tutelle soit examinée après une période donnée. Dans d’autres administrations, par exemple au Yukon, les modalités de rechange prennent automatiquement fin après un certain nombre d’années ou lorsque la capacité de l’adulte diminue. Bien que l’expiration automatique d’une modalité relative au REEI pourrait être problématique du fait qu’un adulte peut avoir besoin d’aide pour toute la durée du régime, l’exemple du Yukon soulève la question à savoir si l’examen périodique obligatoire de la nomination garantit que le régime est avantageux pour le bénéficiaire.

 

QUESTIONS DE DISCUSSION

42.  Des mesures de protection supplémentaires s’ajoutant au cadre actuel de l’Ontario aux termes de la LPDNA sont-elles nécessaires dans le cadre d’un REEI?

43.  Quelles mesures additionnelles doivent être mises en œuvre pour protéger les bénéficiaires d’un REEI contre l’exploitation financière et l’abus des pouvoirs d’un représentant légal?

 

 

 

 

 

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