La présente partie du cadre expose six principes concernant le droit et les personnes âgées. Ces principes établissent les objectifs que devraient viser les lois, les politiques et les pratiques. Ils ont pour but de contrer les stéréotypes courants et les préjugés négatifs au sujet des personnes âgées, de réaffirmer le statut de celles-ci en tant que membres à part entière de la société et titulaires de droits et de responsabilités, ainsi que d’inciter le gouvernement et d’autres intervenants à prendre des mesures concrètes pour assurer leur bien-être. Cette section présente également certains points à considérer pour l’application de ces principes.

Dans le but de contrer les stéréotypes et les préjugés négatifs sur les personnes âgées, de réaffirmer le statut de celles-ci en tant que membres à part entière de la société et titulaires de droits et de responsabilités, ainsi que d’inciter le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour assurer leur bien-être, ce cadre expose un ensemble de principes concernant le droit et les personnes âgées. 

Chacun de ces six principes converge vers le but ultime de promouvoir une égalité réelle pour les personnes âgées. Le concept d’égalité est au cœur de la Charte des droits et libertés et du Code des droits de la personne de l’Ontario. En effet, la Cour suprême a reconnu que les gouvernements peuvent avoir l’obligation absolue de promouvoir l’égalité des groupes défavorisés. L’observation de ces principes doit orienter le droit et les politiques de manière à favoriser l’égalité réelle, et l’interprétation de ces principes doit reposer sur le concept d’égalité réelle. L’égalité réelle ne se résume pas à la non-discrimination; elle englobe la dignité et la valorisation, la possibilité de participer et la nécessité de tenir compte des besoins et de concevoir la société, ses structures et son organisation d’une manière qui n’exclut pas les groupes marginalisés de la société dominante. 

Ces principes sont d’une importance égale et doivent être examinés les uns par rapport aux autres. Bien qu’il s’agisse de principes distincts, ils peuvent se renforcer ou entrer en conflit les uns avec les autres dans le cadre de situations concrètes, comme cela est expliqué à la section B.

 

A.  Les six principes

  1. Respect de la dignité et de la valeur : Ce principe reconnaît la valeur inhérente, égale et inaliénable de tous, y compris des personnes âgées. Tous les membres de la famille humaine sont des personnes complètes, uniques et irremplaçables, ayant la capacité de s’épanouir et de s’exprimer. Par conséquent, ce principe englobe le droit d’être estimé, respecté et apprécié; de faire reconnaître tant son apport que ses besoins; et d’être traité comme une personne à part entière. Cela comprend également le droit d’être traité en toute équité et sans discrimination.
  2. Promotion de l’indépendance et de l’autonomie : Ce principe reconnaît l’importance que revêt, pour les personnes âgées, la capacité de faire des choix et de s’occuper de soi-même dans la plus grande mesure possible. Il reconnaît également la nécessité des mesures visant à renforcer la capacité de faire des choix et de s’occuper de soi-même, y compris la prestation de mesures de soutien appropriées, pour permettre aux personnes âgées d’exercer leur capacité d’action. Compte tenu des attitudes paternalistes et des stéréotypes bien ancrés à l’endroit des personnes âgées, la présomption de capacité est essentielle à l’application de ce principe.
  3. Amélioration de la participation et de l’inclusion : Ce principe promeut la possibilité de participer activement et de s’intégrer à sa collectivité ainsi que de jouer un rôle important au sein de celle-ci. La participation est rendue possible grâce à la conception inclusive des lois, des programmes, des politiques et des services, ainsi qu’aux efforts visant à accroître la contribution des personnes âgées victimes d’une forme particulière de marginalisation. Le droit des personnes âgées d’être convenablement consultées sur les enjeux qui les concernent, que ce soit de façon individuelle ou collective, est un aspect important de ce principe.
  4. Reconnaissance de l’importance de la sécurité : Ce principe reconnaît l’importance de la sécurité physique, psychologique, financière et sociale, ce qui comprend le droit d’être protégé contre la violence ou l’exploitation et le droit au soutien de base en matière de services de santé, juridiques et sociaux afin de favoriser l’application et le maintien des principes que sont la dignité et le respect, l’indépendance et l’autonomie ainsi que la participation et l’inclusion.
     
  5. Reconnaissance de la diversité et de l’individualité : Ce principe reconnaît que les personnes âgées sont d’abord et avant tout des individus. Elles ne forment pas un groupe homogène, et leurs besoins et réalités peuvent varier en fonction d’un large éventail de facteurs. Les personnes âgées peuvent également faire l’objet d’une discrimination ou d’une exclusion fondée sur leur sexe, leur racialisation, leur statut d’Autochtone, d’immigrant ou de citoyen, leur orientation sexuelle, leurs croyances, leur emplacement géographique, leur lieu de résidence ou d’autres aspects de leur identité, et le droit doit tenir compte des effets de cette diversité.
  6. Appartenance à la collectivité dans son ensemble : Ce principe reconnaît que les personnes âgées font partie d’une collectivité plus vaste au sein de laquelle elles ont des droits et des obligations réciproques. Les membres des générations passées, présentes et futures sont liés les uns aux autres, et il incombe à tous de favoriser une collaboration et une compréhension mutuelles entre les générations et de s’efforcer de créer une société accueillante pour les personnes de tous âges.

Exemple : Principe de la participation

Conseils des résidents constitués aux termes de la Loi sur les foyers de soins de longue durée

La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée exige que chaque foyer de soins de longue durée dispose d’un conseil des résidents constitué des résidents de ce foyer, et qu’un adjoint soit nommé à ce conseil. Ces conseils jouent un rôle consultatif : ils sont habilités à informer les résidents sur les droits et les obligations que leur confère ou impose la loi, à tenter de régler les différends opposant le titulaire de permis du foyer et les résidents, à informer le titulaire de permis de tout sujet de préoccupation qu’a le conseil concernant l’exploitation du foyer, à faire des recommandations au titulaire de permis concernant les mesures à prendre pour améliorer les soins ou la qualité de vie au foyer et à faire part au gouvernement de tout sujet de préoccupation et de toute recommandation qui devrait être portés à son attention.

 

B.  Points à considérer pour l’application des principes

Application progressive : Bien entendu, même si l’on souhaite appliquer ces principes le plus intégralement possible, on peut parfois se heurter à certaines contraintes, comme des ressources limitées, des besoins conflictuels ou des priorités stratégiques. Dans ces circonstances, il convient d’adopter une démarche progressive qui consiste à appliquer au départ le plus d’éléments possibles des principes, puis à déterminer et à prévoir des mesures concrètes en vue de compléter l’application dans l’avenir.

Conception inclusive : Bien qu’il puisse, dans certains cas, se révéler nécessaire ou plus approprié d’élaborer des lois, des pratiques, des programmes ou des politiques destinés à répondre aux besoins des personnes âgées, dans la plupart des cas, une conception inclusive, qui consiste à tenir compte des aînés dans l’élaboration globale du droit peut s’avérer plus efficace. L’importance accordée à la dignité, à l’autonomie, à l’inclusion, à la sécurité et à la diversité lors de l’élaboration profitera aux jeunes et aux moins jeunes. Plusieurs, sinon la plupart des mesures nécessaires afin d’appliquer les principes et de rendre le droit plus juste, accessible et équitable pour les personnes âgées auront les mêmes effets pour tous. L’élaboration de lois, de politiques et de programmes qui tiennent compte des personnes âgées peut améliorer l’efficacité du droit dans son ensemble.

Protection, respect et mise en œuvre des droits : Dans le domaine du droit international en matière de droits de la personne, le cadre sur « la protection, le respect et la mise en œuvre des droits » sert à analyser et à favoriser l’exécution des obligations en matière de droits de la personne. Selon cette analyse, les États doivent aborder leurs obligations en matière de droits de la personne de trois façons : 

  1. L’obligation de respecter les droits – Les États parties doivent s’abstenir d’entraver la réalisation des droits. Par exemple, ils ne doivent pas refuser l’accès des personnes âgées à l’emploi ou à l’éducation en raison de leur âge.
  2. L’obligation de protéger les droits – Les États parties doivent empêcher la violation de ces droits par des tiers. Par exemple, ils doivent interdire aux employeurs privés d’exercer de la discrimination fondée sur l’âge envers les travailleurs âgés.
  3. L’obligation de mettre en œuvre les droits – Les États parties doivent prendre des mesures législatives, administratives, financières, judiciaires ou autres en vue d’assurer le plein exercice de ces droits. Par exemple, ils peuvent créer des programmes particuliers visant à aider les travailleurs âgés qui ont de la difficulté à se trouver un emploi après avoir été mis à pied. 

Cette approche peut s’avérer utile pour analyser et faciliter l’application des principes concernant le droit et les personnes âgées ou, en fait, tout autre groupe. Dans le cadre de l’application progressive des principes, le gouvernement peut d’abord prendre des mesures pour s’assurer qu’aucune loi n’interfère avec ceux-ci (respect). Puis, il peut adopter des lois visant à empêcher toute interférence avec les principes (protection). Finalement, il peut adopter des lois ayant pour but de promouvoir activement l’application des droits (mise en œuvre).

Résolution des conflits entre les principes : Dans certains domaines du droit ou secteurs de politique, des tensions peuvent se faire sentir entre deux principes ou plus. Par exemple, on pense souvent que l’autonomie des personnes âgées entre en contradiction avec la protection de leur sécurité; les lois sur la protection des adultes constituent un exemple de ce conflit. Pour évaluer les situations où des conflits semblent exister entre les principes, on peut adopter la démarche suivante :

  1. Évaluer le contexte : Examiner le contexte plus large dans lequel le conflit semble prendre naissance. Souvent, la difficulté ne découle pas d’un conflit de principes insoluble, mais plutôt d’un contexte plus vaste dans lequel les ressources limitées, les attitudes sociales ou les structures institutionnelles empêchent l’application simultanée des deux principes. On pourrait croire que la solution la plus simple consiste, par exemple, à accorder la priorité à l’autonomie des adultes plutôt qu’à leur sécurité, mais il est préférable de mettre au point des solutions qui permettront de favoriser l’application des deux principes.
     
  2. Analyser le conflit : Lorsqu’il existe un véritable conflit de principes, il convient d’examiner soigneusement la situation d’un point de vue global et nuancé. Quels sont les droits ou les enjeux en cause? Sur qui ce conflit pourrait-il avoir des répercussions? De quelle façon l’application d’un principe à un degré moindre pourrait-elle compromettre la réalisation des autres principes?
     
  3. Examiner l’incidence des autres principes sur le conflit : Lorsque deux principes semblent entrer en conflit, il importe de tenir compte de l’incidence que peuvent avoir les autres principes sur la dynamique et de la façon dont la résolution du conflit peut influer sur l’application des autres principes.
     
  4. Maximiser l’application des principes : Il faut se demander s’il est possible d’envisager des solutions permettant le respect des deux principes, au moins à un certain degré.
     
  5. Favoriser les solutions anti-âgistes : Il importe de garder à l’esprit que les principes visent à promouvoir une démarche anti-âgiste dans le domaine du droit et à lever les obstacles à l’égalité auxquels font face les personnes âgées. Quelles sont les solutions aux conflits de principes qui sont les plus susceptibles de contribuer à l’atteinte de cet objectif plus général?

 

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