Ce document a été conçu à titre d’accompagnement à l’appel de présentations de la Commission du droit de l’Ontario (CDO) pour son projet sur le droit et les personnes âgées. Il fournit des renseignements supplémentaires sur le projet et sur les principaux thèmes de recherche définis par la CDO.

Contexte

Au cours des dernières années, le vieillissement de la population canadienne, tout comme les progrès des organismes défendant les droits des aînés, a contribué à mettre graduellement à l’avant-plan les questions relatives aux personnes âgées. On s’est cependant généralement peu intéressé à leurs rapports avec la loi. Bien que l’Advocacy Centre for the Elderly et un certain nombre de praticiens du droit des aînés, mentionnés à titre d’exemples, ont fait œuvre de pionniers dans ce domaine, peu d’attention spécialisée a été accordée aux besoins juridiques des aînés. Peu d’études ont été effectuées au sujet des obstacles auxquels se butent les personnes âgées au Canada lorsqu’elles tentent d’accéder à la loi ou au système judiciaire, ni sur les meilleurs moyens de leur faciliter cet accès.

L’examen des rapports entre la loi et les personnes âgées s’est souvent restreint aux questions qui, à leur face même, touchent manifestement les aînés de façon disproportionnée, comme les successions, les soins de santé ou les enjeux liés à la fin de la vie. On s’est moins souvent penché sur les lois qui, tout en ayant un large champ d’application, peuvent toucher les aînés différemment, et qui pourraient être plus justes ou plus efficaces si on y tenait compte des questions relatives au vieillissement.

De la même façon, le droit des aînés est parfois traité comme une suite de questions disparates, et on considère que ce domaine du droit profiterait d’une approche plus holistique et plus structurée.

La Commission du droit de l’Ontario a entrepris un projet afin de concevoir un cadre juridique systématique s’appliquant aux aînés. Ce projet ne cible pas la réforme d’une problématique particulière au sujet des aînés, même si des questions précises seront étudiées à titre d’exemples. Il vise plutôt à instituer une approche cohérente dans ce domaine du droit, qui pourra servir de modèle ou fournir un ensemble de principes afin de préciser des propositions de réforme du droit relatif aux aînés et de faire en sorte que les nouvelles lois tiennent compte des besoins et des particularités de ce groupe.

Compte tenu de son ampleur, ce projet sera divisé en plusieurs phases et s’étalera sur plusieurs années. Comme le domaine à traiter est très large, et qu’il couvre une pléthore de sujets, d’approches et de thèmes potentiels, nous avons débuté par une étude préliminaire. L’objet de cette étude fut de préciser une méthode structurée et un cadre d’analyse pour le projet, et de préciser les enjeux importants et les sous-projets compris dans le projet principal.

En mai 2008, la CDO a lancé son étude préliminaire par un document de consultation en préparation du projet. Ce document était affiché sur le site internet de la CDO et remis à un large éventail d’universitaires, de chercheurs, de cliniques d’aide juridique, de membres de la communauté, d’organismes et d’agences gouvernementales. Le document de consultation fournissait un bref aperçu des thèmes et des questions relevés grâce à l’étude préliminaire et il invitait les personnes intéressées à réagir au sujet de l’étendue et de la structure du projet, y compris sur les enjeux importants et les principes clés. La CDO a reçu des mémoires de vingt-et-un organismes et en a rencontré six.

La CDO a préparé un rapport de consultation qui fait état des résultats de cette consultation et qui détermine les prochaines phases du projet, y compris les questions, les principes et les thèmes principaux à aborder et les priorités de recherche de la CDO. Le rapport de consultation sera bientôt rendu public.

La CDO entame maintenant la deuxième phase de ce projet, en fonction des résultats de son étude préliminaire, en lançant une invitation pour des propositions de recherche. La CDO désire financer des recherches pertinentes explorant les thèmes, les principes et les questions déterminés lors de la consultation et identifier les meilleures pratiques et les principes clés relatifs au droit s’appliquant aux aînés.

 

Les thèmes du projet

1. La conception d’une approche juridique antiâgisme


Comment l’âgisme joue-t-il en droit? À quoi ressemblerait une approche juridique « antiâgiste »?

Même si l’âgisme attire relativement peu l’attention du public, il a un impact important sur les vies des personnes âgées, à la fois à l’égard des attitudes négatives auxquelles elles peuvent devoir faire face sur une base individuelle, qu’en conséquence de l’influence que l’âgisme exerce sur les politiques, les programmes et les lois. Les lois, tout comme les politiques et les programmes gouvernementaux, peuvent être influencées par l’âgisme de façon subtile et peuvent refléter des attitudes, des postulats ou des stéréotypes non fondés au sujet des aînés. Qui plus est, une loi neutre peut être appliquée de façon « âgiste » ou paternaliste. Un aspect de l’âgisme est le défaut de tenir compte des personnes âgées et de reconnaître leurs capacités, leurs besoins, leurs contributions ou même leur existence. Les personnes âgées peuvent, d’une certaine manière, devenir « invisibles ».

Un certain nombre de principes ont été suggérés pour promouvoir une approche « antiâgiste » encadrée politiquement et juridiquement à l’échelle domestique ou internationale :

· L’indépendance (autonomie), ce qui comprend une présomption d’habileté et des mesures pour améliorer la capacité d’indépendance;

· La participation, ce qui comprend la reconnaissance de l’importance du concept d’inclusion et du droit d’être consulté;

· La sécurité, ce qui comprend le droit à la sécurité financière, physique et sociale, le droit de n’être ni maltraité ni exploité et le droit à des mesures de soutien de base en matière de santé, de droit et de services sociaux;

· La dignité, ce qui comprend le respect de la valeur fondamentale intrinsèque de chacun et le droit d’être traité avec égalité et sans discrimination;

· Le respect de la diversité, ce qui comprend les différences quant à l’âge, aux revenus, à l’éducation, à l’orientation sexuelle, au sexe, au lieu de résidence, à la situation de famille, à l’état matrimonial, au statut d’immigrant ou de citoyen, à la catégorisation raciale, à l’origine ethnique et aux handicaps mentaux, physiques, intellectuels ou sensoriels.

La CDO reconnaît que ces principes sont interdépendants et qu’il peut s’avérer nécessaire de les jauger les uns par rapport aux autres dans certains cas. Par exemple, la tension entre le principe de l’indépendance et celui de la sécurité est un thème récurrent du droit et des politiques relatifs aux aînés.

Ce thème soulève les questions suivantes :

  • Existe-t-il des postulats « âgistes », paternalistes ou stéréotypés qui sous-tendent la loi au sujet des personnes âgées?
  • La loi est-elle appliquée d’une façon « âgiste » ou paternaliste?
  • La loi tient-elle adéquatement compte des besoins et des particularités des personnes âgées ou les rend-elle plutôt invisibles?

Les personnes consultées ont fait état de leurs préoccupations quant à l’âgisme dans les domaines suivants du droit, leurs documents ayant relevé les sujets suivants ou d’autres sujets pertinents :

· Les réponses apportées à la maltraitance et à l’exploitation des aînés;

· Les cadres décisionnels (c.-à-d. en matière de capacité juridique, de tutelle et de délégation de pouvoir);

· La discrimination à l’emploi;

· Le logement adapté;

· Les pratiques financières abusives.

 

2. L’utilisation de l’âge comme critère juridique

Quand serait-il approprié et efficace d’utiliser l’âge à titre de critère juridique?

Un des critères fréquemment utilisés pour accéder à une grande variété de programmes, à la fois dans les secteurs public et privé, est l’âge, qui est souvent (mais pas toujours) celui de 65 ans. L’âge est aussi souvent utilisé pour restreindre l’accès à des programmes ou à des opportunités. Cela soulève une question fondamentale en droit des aînés :

  • Pourquoi les personnes âgées doivent-elles être traitées différemment des autres membres de la collectivité? Si les lois et les exigences universelles sont insuffisantes pour traiter de leur situation, pourquoi en est-il ainsi et dans quelles circonstances?
  • C’est-à-dire, dans quelles circonstances l’âge fait-il vraiment « une différence » et dans quelles circonstances devrait-il en être ainsi?

La CDO serait intéressée à des présentations examinant l’utilisation de critères spécifiques liés à l’âge, qu’ils soient ou non appropriés et efficaces, et aux alternatives à ces critères. Les politiques et les programmes suivants, qui sont fondés sur l’âge, ont fait l’objet de commentaires ou de préoccupations lors de la ronde de consultations préliminaires de la CDO (cela étant, les présentations sur d’autres critères fondés sur l’âge sont également acceptées) :

  1. L’accès aux programmes de soutien ou de remplacement du revenu comme l’aide sociale, les indemnités pour accidents de travail ou le régime de revenu annuel garanti de l’Ontario;
  2. Les exigences ou restrictions de conduite liées à l’âge;
  3. L’accès à des avantages liés à l’emploi comme les régimes de retraite, l’assurance ou les prestations de maladie.

 

3. L’âge et l’accès à la loi

Quels principes, mesures d’aide, systèmes ou approches faciliteraient le mieux l’accès à la loi pour les aînés?

Les aînés peuvent être aux prises avec de nombreux obstacles avant d’accéder à leurs droits découlant de la loi ou de les exercer, y compris au sens physique, financier ou attitudinal. Ces derniers, tout comme les personnes qui leur fournissent des services, peuvent ignorer leurs droits et leurs recours potentiels. Ces recours peuvent eux-mêmes s’avérer insuffisants pour remédier efficacement à la violation de ces droits. Les aînés qui vivent en milieu institutionnel peuvent aussi être aux prises avec des défis particuliers.

Des questions et des préoccupations peuvent être soulevées au sujet, non seulement de la façon dont les aînés ont accès au système judiciaire, mais aussi sur l’aménagement potentiel de ce système, d’une manière plus susceptible de donner un accès efficace aux aînés pour l’exercice de leurs droits. Certains ont proposé d’augmenter l’usage des mécanismes de droit administratif, de modes alternatifs de règlement de conflits, de mesures de conformité proactives (comme les vérifications) ou l’instauration de porte-parole spéciaux, comme des ombudsmans.

La CDO serait intéressée à des présentations qui exploreraient les questions suivantes :

  • Dans quelle mesure les aînés ont-ils présentement accès à la loi?
  • Parmi ces derniers, qui a accès à la loi et comment?
  • Quels obstacles empêchent les aînés d’avoir efficacement accès à la loi?
  • Existe-t-il des systèmes ou des programmes fonctionnels qui offrent aux aînés des méthodes efficaces pour accéder à la loi?

La CDO encourage les chercheurs à effectuer des recherches englobant divers paliers de compétence et à étudier les besoins et les expériences de différents groupes d’aînés.

 

4. Le vieillissement et les liens noués par les aînés


Comment la loi peut-elle reconnaître et soutenir de façon appropriée les liens interdépendants qui son essentiels au bien-être des aînés?

Tout comme leurs cadets, les aînés évoluent habituellement au sein d’un réseau de liens interdépendants. Comme pour nous tous, ces liens sont souvent complexes, parfois difficiles ou même abusifs, et ils se situent au centre de l’identité et du bien-être de la personne âgée. Dans certaines de ces relations, cette dernière agit d’abord comme fournisseur de soins, dans d’autres, plutôt comme soigné, et, bien souvent, à la fois comme soignant et soigné.

Des liens d’importance pour les aînés ne sont pas toujours reconnus ou soutenus par la loi ou les politiques. Cela dépend parfois de postulats âgistes – les relations où les aînés sont soignants plutôt que soignés, par exemple, sont souvent négligées. Cela est parfois une question d’hétérosexisme ou de postulat culturel, par exemple en ce qui a trait à la centralité de la famille nucléaire.

Plusieurs intervenants ont également soulevé le fait que la loi et les politiques soutiennent inadéquatement ceux qui s’occupent d’amis ou de membres de leur famille. Ce défaut de fournir un soutien approprié aux aidants naturels peut avoir un impact négatif chez les aînés agissant à la fois comme soignés et comme soignants, ainsi que sur la qualité de leurs liens.

Enfin, la loi peut s’avérer un outil très dangereux pour traiter d’une dynamique familiale complexe, et inadéquat pour traiter de lourds conflits familiaux. On a soulevé des préoccupations, par exemple, au sujet de l’efficacité de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui ou de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé pour résoudre ce type de situations de façon appropriée et efficace.

La CDO lance une invitation à présenter des documents qui analyseraient l’efficacité des lois actuelles à traiter les liens noués par les personnes âgées et qui étudieraient les principes ou les méthodes qui pourraient sous-tendre efficacement la reconnaissance et le soutien juridique de ces liens.

 

5. La vie en établissement

Comment un cadre structuré peut-il être efficacement appliqué en droit aux circonstances particulières de la vie en établissement des personnes âgées?

Même si seule une minorité d’aînés vit dans un cadre institutionnel, cet environnement soulève des questions particulières et complexes qui doivent être examinées consciencieusement lors de l’élaboration d’un cadre général. Comment peut-on faciliter l’autonomie et la participation à la collectivité dans de telles circonstances? Comment peut-on réconcilier les droits des résidents dans ce qui constitue, après tout, leur domicile, avec les droits des employés qui leur fournissent des soins? Comment peut-on concevoir des mécanismes efficaces pour faire valoir les droits des résidents lorsque ces derniers dépendent pour leurs soins des personnes ou des établissements mêmes qui pourraient avoir enfreint leurs droits?

Plusieurs préoccupations ont été soulevées au sujet de la loi ontarienne relative aux « maisons de retraite » et aux établissements de soins prolongés, y compris :

  • La fourniture de soutien et de garanties appropriés pour s’assurer que les aînés puissent vieillir au sein de la collectivité, plutôt qu’en établissement, y compris les mesures de soutien et les exigences en matière d’accessibilité;
  • L’absence de cadre réglementaire global pour le secteur ontarien des « maisons de retraite », qui se développe rapidement;
  • L’application inadéquate des mesures de protection et des garanties existantes dans ce domaine;
    Les politiques du premier lit disponible et les contrats d’admission;
  • La détention et l’usage de moyens de contention;
  • La vulnérabilité par rapport à la maltraitance et aux soins inadéquats;
  • L’absence de vie privée, la perte de dignité, d’autonomie ou du respect de ses relations.

La CDO lance une invitation à présenter des documents sur ces sujets ou sur d’autres sujets pertinents qui exploreraient comment les principes de l’indépendance, de la participation, de la sécurité, de la dignité et du respect de la diversité peuvent être efficacement favorisés dans de telles circonstances.