A.              Le projet de la CDO sur le droit touchant les personnes handicapées

Le présent document représente le rapport final découlant du projet de la Commission du droit de l’Ontario (CDO) sur le droit et les personnes handicapées et conclut ce projet pluriannuel à plusieurs étapes[1]. 

L’expérience du handicap a une profonde incidence sur la vie des Ontariens. Selon un sondage de 2006 de Statistique Canada, plus de 15 % des Ontariens affirment vivre avec une limitation d’activité, et le taux d’incapacité continue d’augmenter[2]. Cela signifie que presque tous les Ontariens seront personnellement touchés par l’incapacité à un moment de leur vie, soit parce qu’ils sont eux-mêmes handicapés ou le deviendront, soit en raison du handicap d’un de leurs proches. Cette réalité modifie profondément les rapports des individus avec le droit, une question que les législateurs et les décideurs ont tenté de régler avec toujours plus d’ardeur au cours des quarante dernières années. D’importants progrès ont été réalisés étant donné que les lois et les politiques tiennent compte de plus en plus souvent des besoins, des circonstances et des aspirations des personnes handicapées. Il reste toutefois bien du chemin à parcourir. Il peut être difficile d’accéder à la multitude de lois qui touchent les personnes handicapées et visent à réparer les préjudices à leur endroit, ainsi que de les appliquer; il est donc possible qu’elles n’aient pas les effets attendus. Le nombre de personnes handicapées à faible revenu ou confrontées à des obstacles au chapitre de l’éducation, de l’emploi, du logement et de la sécurité personnelle demeure disproportionné. Pour bon nombre d’entre elles, tous ces obstacles entraînent une marginalisation sociale et économique.

Ce projet vise à contribuer au développement et à l’évolution continus du droit touchant les personnes handicapées. Il s’inspire en partie d’une proposition de l’ancien directeur général de l’ARCH Disability Law Centre selon laquelle la CDO doit aborder les questions concernant les personnes ayant des déficiences intellectuelles ou des problèmes de santé mentale, plus particulièrement en ce qui concerne l’autonomie personnelle, la prise de décision assistée ainsi que la dignité et la citoyenneté dans son propre foyer. En outre, la CDO a reçu des propositions relativement aux autres domaines du droit touchant les personnes handicapées. Après avoir étudié ces propositions et tenu compte de l’échelle plus vaste entourant le droit et l’expérience du handicap, vers la fin de 2007, le Conseil des gouverneurs de la CDO a approuvé un projet visant à mettre au point un cadre cohérent et global pour le droit touchant les personnes handicapées. 

Même si, au cours des dernières années, de nombreuses initiatives législatives louables concernant les personnes handicapées ont été mises en place, certains avaient l’impression que le droit dans ce domaine était complexe, contradictoire et fragmenté et n’atteignait pas nécessairement les objectifs établis. Étant donné que les lois ont tendance à être élaborées afin de répondre à un besoin immédiat ou particulier, il se peut que l’incidence d’une loi en particulier sur d’autres lois et politiques, de même que ses corrélations avec celles-ci, n’aient pas été évaluées au regard de normes claires. Ainsi, il n’était pas prévu que le projet porte essentiellement sur la réforme d’une question précise. Son objectif consistait plutôt à élaborer un cadre d’analyse fondé sur des principes et pouvant servir d’outil pour orienter les nouvelles initiatives, législatives ou autres, ayant une incidence sur les personnes handicapées ou pour changer les lois et les politiques actuelles.

Le présent projet établit un ensemble de principes pour le droit touchant les personnes handicapées, définit un cadre d’évaluation applicable aux lois reposant sur ces principes et applique ce cadre au régime législatif régissant les soins auxiliaires pour les personnes handicapées. 

Les travaux relatifs au projet ont commencé au début de 2009. Le projet à plusieurs étapes comprenait la distribution de deux documents de consultation et d’un rapport préliminaire, une consultation publique en quatre phases et le financement de six rapports de recherche externes, en plus d’une recherche interne considérable portant notamment sur plusieurs moments de transition de la vie des personnes handicapées.

Le cadre issu de ce projet sera utile pour les responsables de l’élaboration des lois et des politiques, comme les législateurs, les décideurs et les intervenants du secteur privé chargés d’établir les politiques et les programmes touchant les personnes handicapées; pour les responsables de l’interprétation des lois, comme les cours et les tribunaux; et pour les personnes qui cernent les besoins et qui défendent les réformes. 

Comme nous le verrons en détail dans le prochain chapitre, le présent projet est étroitement lié à un projet semblable de la CDO sur le droit touchant les personnes âgées, dont le rapport final a été publié en juillet 2012[3]. Il existe une relation négligée entre le vieillissement, la déficience et l’incapacité, de sorte que les projets se sont considérablement recoupés. De plus, compte tenu des similarités entre ces projets, ils se sont enrichis et appuyés l’un l’autre à de nombreuses reprises. Par conséquent, bien qu’ils se distinguent sur plusieurs points, ces deux projets ont été menés de front et se sont éclairés mutuellement.

 

B.              Objectif principal du projet : Promotion d’une égalité réelle pour les personnes handicapées par les lois

Bien que les expériences des personnes handicapées varient considérablement, la marginalisation et la discrimination fondées sur l’incapacité sont monnaie courante. Les attitudes négatives et les stéréotypes, en plus de la tendance à ignorer l’existence même des personnes handicapées, créent des obstacles pour ces dernières dans une grande variété de milieux. Ces attitudes peuvent se manifester sur le plan individuel. En particulier, elles peuvent avoir une importante incidence sur les structures, les systèmes et les institutions, y compris les lois et les institutions juridiques. On emploie parfois le terme « capacitisme » pour désigner ces attitudes et stéréotypes.

Au cours des dernières dizaines d’années, on a fait des efforts considérables afin de cerner, de comprendre et de résoudre le capacitisme et ses effets sur les possibilités et les expériences des personnes handicapées dans le but que ces dernières aient un statut plus juste et égal à tous les niveaux de la société. 

Cet objectif visant à conférer aux personnes handicapées une égalité réelle a été formulé dans de nombreux documents juridiques et stratégiques importants, y compris la Convention relative aux droits des personnes handicapées (la Convention ou CDPH) des Nations Unies[4], la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)[5], le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code)[6] et À l’unisson.[7]

Pour que les personnes handicapées puissent jouir d’une égalité réelle, tous les secteurs de la société doivent faire des efforts et une approche à volets multiples doit être adoptée. La CDO estime néanmoins que ce cadre d’évaluation pour les lois, les politiques et les pratiques, fondé sur la valeur primordiale de l’égalité réelle, contribue considérablement à sa réalisation dans le développement du droit et est conforme au mandat de la CDO, soit d’accroître la pertinence, l’efficacité et l’accessibilité du droit. Par conséquent, les facteurs relatifs au capacitisme et à l’égalité réelle sont au cœur de l’élaboration, par la CDO, d’un cadre du droit touchant les personnes handicapées et du présent rapport final.

 

C.              Élaboration du projet : Le processus

1.               Cerner et préparer le projet

Le présent projet, par sa nature même, a une portée très large. Compte tenu du vaste éventail de lois et de politiques touchant les personnes handicapées dans des domaines très variés comme le système de justice, l’emploi, le soutien du revenu, le transport, le milieu bâti, le droit en matière de santé, les mesures de soutien aux soins, l’éducation et la santé mentale, il a été ardu de déterminer le cadre juridique actuel pour les personnes handicapées, les principes et les présupposés sous-jacents et la façon dont il a été concrétisé, sans parler de l’élaboration d’une base fondée sur des principes permettant de développer ou de modifier ce domaine du droit. 

Ainsi, la CDO a entamé ce projet avec une consultation préliminaire en deux parties. Celle-ci avait pour objectif de contribuer à la définition de la portée du projet, de déterminer les approches fondamentales par rapport aux questions soulevées et de déterminer les principes préliminaires ou directeurs.

La CDO a effectué une série d’entrevues individuelles avec les intervenants clés des organismes, notamment les organismes communautaires et de défense des droits, des professionnels du droit, des spécialistes et des universitaires. En même temps, la CDO a développé un document de consultation préliminaire pour diffusion publique[8].Ce document expose certaines des principales approches conceptuelles à l’égard de l’incapacité et décrit la façon dont elles ont évolué avec le temps. Il se penche sur les définitions et les approches relatives à l’incapacité dans les documents internationaux clés, les cadres stratégiques canadiens clés et les études démographiques. En outre, il présente un aperçu de la législation ontarienne sur l’incapacité et les types d’approches employées à cet égard dans les lois et les règlements. Enfin, il soulève des questions à propos de l’adoption d’approches relativement au droit et à l’incapacité.

Au début de 2010, la CDO a formé un groupe consultatif de projet spécial constitué de représentants du gouvernement, d’avocats, d’universitaires et de différents organismes communautaires et de défense des droits. Ce groupe avait pour but de conseiller la CDO sur les consultations publiques et sur la substance du projet. Il s’est réuni régulièrement du début de 2010 jusqu’à la fin du projet, vers le milieu de 2012. Il a fourni à la CDO des conseils et du soutien en ce qui concerne les consultations, des commentaires sur la structure et la forme du cadre ainsi qu’une expertise considérable pour la préparation du document de consultation, du rapport préliminaire et du rapport final. La CDO est reconnaissante envers le groupe consultatif de projet pour son travail, sans lequel ce projet n’aurait pas pu être mené à bien.

2.               Le processus de recherche

Étant donné l’envergure du présent projet, la recherche nécessaire était considérable. La plus grande partie de la recherche fondamentale a été menée à l’interne par des membres du personnel de la CDO, des étudiants chercheurs et des étudiants bénévoles. En outre, trois importantes initiatives de recherche ont été lancées dans le cadre du projet.

Chercheuse invitée de l’Osgoode Hall Law School : La professeure Roxanne Mykitiuk de l’Osgoode Hall Law School, une experte du droit des personnes handicapées, a agi à titre de chercheuse invitée à l’hiver 2009. Sa recherche mettait l’accent sur la détermination, l’analyse et la compréhension des sources des principes du droit touchant les personnes handicapées. Elle a notamment examiné la jurisprudence pertinente, des documents internationaux de même que des sources universitaires. Ses travaux ont eu une grande incidence sur le projet et ont jeté les bases pour la détermination des principes. Une fois son rôle de chercheuse invitée terminé, elle a continué à contribuer au projet en tant que conseillère spéciale. Elle a fait généreusement don de son temps et de son expertise en participant à la sélection des rapports de recherche commandés, à la préparation des consultations dans la collectivité ainsi qu’à l’examen du document de consultation et du cadre de la CDO. 

Rapports de recherche commandés : La CDO s’est appuyée sur la recherche et les consultations préliminaires et a cerné certains principes et approches de base en vue de l’élaboration du Cadre du droit touchant les personnes handicapées. Au début de 2010, elle a diffusé une demande de propositions de recherche visant à obtenir les points de vue d’experts sur la signification d’un tel cadre et sur l’application de principes à celui-ci, de même qu’à lancer le débat critique à propos de la réforme du droit et à favoriser la recherche universitaire sur le droit touchant les personnes handicapées. La CDO a financé deux types de documents. En premier lieu, les recherches portant sur des études de cas abordaient une question essentielle à propos du droit touchant les personnes handicapées en étudiant la façon dont les principes préliminaires peuvent être appliqués dans le contexte des questions propres à ce domaine du droit. En deuxième lieu, les recherches portant sur la mise en application mettaient l’accent sur les difficultés pratiques de la mise en œuvre de politiques, de lois et de programmes qui respectent les principes tout en étant efficaces. À la suite de cette demande de propositions de recherche, six rapports de recherche ont été produits. La liste de ces rapports se trouve à l’annexe A du présent rapport final[9]. Les rapports de recherche commandés ont contribué à l’analyse tout au long du rapport final et ont, dans certains cas, servi de fondement pour les exemples étendus présentés dans le cadre. 

Recherche sur les moments de transition : Un cadre pour le droit touchant les personnes handicapées doit reposer sur la compréhension des tendances et des questions dans ce domaine du droit, ce qui peut être difficile en raison de sa portée et de sa complexité. Il existe un grand nombre de lois et de politiques fédérales, provinciales et municipales qui visent les personnes handicapées en particulier. En outre, par définition, toutes les lois d’application générale touchent les personnes handicapées parfois de manière différente ou disproportionnée comparativement aux personnes qui ne sont pas atteintes d’une incapacité. Enfin, la formulation des lois peut se distinguer de la façon dont elles sont appliquées, et les lois peuvent toucher divers groupes de personnes handicapées de différentes façons.

Les consultations dans la collectivité menées par la CDO en 2010 de même que certains intervenants institutionnels clés ont déterminé que les moments de transition constituaient l’une des questions clés définissant le rapport entre les personnes handicapées et le droit. En règle générale, les personnes handicapées souhaitent mener une vie semblable à celle des personnes n’ayant pas déclaré qu’elles avaient un handicap. Cependant, elles font souvent face à des obstacles alors que la vie suit son cours habituel : lorsqu’elles passent des études au monde du travail, qu’elles quittent le foyer familial, qu’elles cherchent un partenaire de vie ou qu’elles veulent fonder une famille. Or, certains de ces obstacles sont de nature juridique. 

Les personnes handicapées peuvent également se heurter à des difficultés à d’autres moments de transition – par exemple, lorsqu’elles passent d’un système à l’autre. Leur vie est lourdement réglementée par des systèmes complexes de lois et de politiques gouvernementales interreliées. Toutefois, les lois et les programmes sont rarement coordonnés. Les transitions de l’aide sociale à l’emploi ainsi que du système de justice pénale au système de santé mentale sont souvent citées en exemple. Il se peut que le droit ne traite pas la personne handicapée comme une personne à part entière. Ainsi, dans certains cas, des programmes conçus pour les aider peuvent en réalité se mettre mutuellement des bâtons dans les roues.

Il existe un troisième type de moment de transition : lorsqu’une personne acquiert le statut de personne handicapée ou est atteinte par une incapacité, ou au contraire, lorsqu’elle cesse d’avoir le statut de personne handicapée. En effet, certaines incapacités sont épisodiques, comme les déficiences mentales, tandis que d’autres sont temporaires ou surviennent à un âge plus avancé. Des personnes dans une telle situation peuvent éprouver des difficultés à intégrer des systèmes conçus pour aider les personnes handicapées, mais qui reposent sur un modèle d’incapacité permanente, ou à en sortir.

L’étude des moments de transition a permis à la CDO de comprendre le fonctionnement de la loi du point de vue des personnes handicapées et d’adopter une approche globale. Elle a représenté en outre l’occasion de constituer un échantillonnage représentatif des nombreuses questions de droit qui façonnent la vie des personnes handicapées et, par conséquent, de définir les thèmes plus larges pouvant servir de base générale pour le projet. 

La CDO a donc examiné plusieurs moments de transition correspondant à tout un éventail de questions de droit, de types de lois, de types de transition, de secteurs sociaux et d’étapes de la vie des personnes handicapées. Cette recherche constitue le fondement de la plupart des études de cas présentées tout au long du présent rapport final.

3.               Les expériences et les consultations publiques de la CDO

Les consultations publiques sont essentielles au processus de la réforme législative. En plus de constituer d’importantes sources d’informations qui n’auraient autrement pas été disponibles, les consultations publiques mettent en avant les valeurs de la CDO : transparence, responsabilité, ouverture d’esprit, diversité, intégration et collaboration.

Objet des consultations publiques : L’un des principaux thèmes qui a émergé dès le départ a été l’écart entre la visée et la mise en œuvre du droit, puisque les lois conçues pour aider les personnes handicapées n’y parviennent pas ou ont des conséquences négatives imprévues. Il était évident que pour comprendre comment le droit façonne la vie des personnes handicapées et pourrait être mieux conçu ou mis en œuvre, il est essentiel de posséder une connaissance approfondie des lois telles qu’elles sont conçues et de la façon dont elles sont comprises et vécues par ces personnes. Les consultations publiques ont donc constitué un important mécanisme, non seulement pour garantir que les principes et le cadre correspondaient aux valeurs et aux aspirations des personnes handicapées, mais aussi pour comprendre le fonctionnement de ce domaine du droit dans les faits. Ainsi, elles étaient au cœur du programme de recherche de la CDO.

C’est grâce aux consultations publiques que les personnes handicapées et les organismes qui les représentent, les servent ou les défendent ont communiqué à la CDO de nombreux renseignements sur leur vie et leurs expériences du droit, leurs frustrations et leurs espoirs de même que des recommandations en vue d’un véritable changement. Le personnel de la CDO a été profondément touché par les histoires d’épreuves et de résilience racontées par les personnes handicapées. Les résultats ont façonné toutes les facettes du projet. Les fournisseurs de services et les représentants du gouvernement nous ont aidés à comprendre ce vaste et complexe enchevêtrement de lois, de programmes et de politiques touchant les personnes handicapées, de même que les difficultés liées à la prestation de services efficaces et constructifs à celles-ci, particulièrement dans le contexte économique actuel.

Les principes concernant le droit touchant les personnes handicapées et le processus de consultations publiques : Il était essentiel, dans la mesure du possible, que le projet de la CDO soit conforme aux principes établis concernant le droit touchant les personnes handicapées. Cela signifie notamment que, lors de l’élaboration du cadre, le processus devait : 

  • tenir compte de l’importance du point de vue et des expériences des personnes handicapées;
  • comprendre et intégrer la notion de diversité au sein des personnes handicapées;
  • veiller à ce que les personnes handicapées jouent un rôle important dans le processus et qu’elles puissent se faire entendre;
  • être inclusif et répondre aux besoins des personnes handicapées en matière d’accessibilité;
  • assurer la sécurité et la confidentialité des participants;
  • reconnaître que les personnes handicapées sont des membres de la société élargie.

Ces principes ont façonné le rôle des consultations dans le cadre du projet et la façon dont elles ont été menées. 

Phases de la consultation publique : Comme on l’a mentionné précédemment, la CDO a mené au début de 2009 des consultations préliminaires en vue de la préparation du projet. De nouvelles consultations, beaucoup plus poussées, ont eu lieu au printemps et à l’été 2010. La CDO a alors mené des consultations publiques dans tout l’Ontario auprès de personnes handicapées et d’organismes qui les représentent, servent leurs intérêts ou les défendent. Elle a formé 17 groupes de discussion à cinq endroits en Ontario, notamment avec des Ontariens sourds, des Autochtones et des Ontariens racialisés et handicapés et des personnes atteintes d’une déficience mentale. Elle a aussi obtenu les réponses aux questionnaires envoyés aux personnes handicapées en plus de réaliser plusieurs entrevues individuelles.

Afin de mettre en place bon nombre des groupes de discussion, la CDO a établi un partenariat avec plusieurs organismes, notamment avec notre partenaire Ethno-Racial People with Disabilities Coalition Ontario (ERDCO), qui a fourni un co-animateur pour la séance avec des personnes racialisées et handicapées de Toronto. De même, la Société canadienne de l’ouïe a trouvé des participants pour les deux séances avec des personnes qui se reconnaissent comme culturellement sourdes, sourdes, devenues sourdes ou malentendantes. De plus, le Thunder Bay Indian Friendship Centre et le N’Amerind Friendship Centre de London ont trouvé des participants et fourni du soutien visant à permettre à la CDO de communiquer avec des Aînés autochtones pour ces deux groupes de discussion spécialisés. Sans le soutien de ces organismes et des autres partenaires communautaires, la CDO n’aurait pas été en mesure d’établir aussi efficacement le contact avec les personnes handicapées ni de prévoir des milieux appropriés et confortables pour les discussions. 

La CDO visait à rendre les consultations le plus accessibles possible. Elle a donc veillé à ce qu’elles aient lieu dans des endroits accessibles et à ce que les préposés aux services de soutien et les services d’interprétation en langage gestuel et de sous-titrage en temps réel soient disponibles. Les communications étaient proposées en formats accessibles, notamment en braille et en gros caractères. De plus, la CDO a versé des honoraires aux participants et a remboursé leurs dépenses. Quelques-uns des groupes de discussion étaient spécialisés, de manière à créer une atmosphère plus agréable, accessible ou culturellement appropriée où les participants pouvaient partager leurs pensées et leurs expériences. 

Bien que les consultations de 2010 aient été, dans l’ensemble, une réussite, et que les participants aient fourni des commentaires positifs, il demeurait néanmoins certaines limites. Étant donné la grande diversité de la collectivité des personnes handicapées de l’Ontario, il a été impossible d’obtenir tous les points de vue lors des consultations, notamment parce que nous n’avons pu rencontrer des personnes handicapées provenant de groupes d’identité ou d’endroits particuliers. Par exemple, malgré tous ses efforts, la CDO n’est pas parvenue à organiser un groupe de discussion concernant les francophones handicapés. Certaines limites découlaient du délai limité pour les consultations, résultat des contraintes temporelles du projet.

En outre, l’approche adoptée – celle d’un groupe de discussion – pour presque toutes les consultations a fait en sorte que la CDO a entendu l’avis d’un nombre disproportionné de personnes entièrement disposées à défendre leur cause et se sentant à l’aise de discuter en groupe. Cela signifie également que certaines questions n’ont pas été abordées de façon approfondie. Par exemple, c’est essentiellement au cours des entrevues individuelles que les préoccupations à propos de la stigmatisation et des attitudes négatives à l’endroit de parents handicapés ont été soulevées, et le sujet de la sexualité et des personnes handicapées n’a jamais été abordé par les groupes de discussion. 

La CDO a préparé un document de consultation, publié vers la fin de l’été 2011, d’après les résultats des consultations dans la collectivité menées en 2010, les rapports de recherche commandés et la recherche interne de la CDO[10]. Ce document avait pour objet de résumer les résultats des recherches et des consultations effectuées jusqu’alors et de cerner les questions clés auxquelles il faut répondre afin d’élaborer le cadre proposé.

Une fois la recherche sur les moments de transition et les consultations de l’automne 2011 terminées, la CDO a élaboré un cadre provisoire. En raison de la portée et du nombre des phases de consultation précédentes, cette phase a été relativement courte et reposait en grande partie sur des observations écrites et sur des entrevues individuelles. Le cadre provisoire a été revu et le présent rapport final publié en fonction des commentaires obtenus au cours de ces dernières consultations.

 

D.             Le projet jumeau : Le droit touchant les personnes âgées

1.               Projet sur le droit et les personnes âgées

Parmi les autres principaux projets initiaux de la CDO approuvés par le Conseil des gouverneurs, citons un projet sur le droit et les personnes âgées. L’objectif de ce projet consistait à mettre au point un cadre cohérent lié au droit et aux personnes âgées en énonçant un ensemble de principes et de considérations reposant sur les expériences concrètes des personnes âgées, et pouvant servir de fondement à l’élaboration d’un cadre d’analyse cohérent de ce domaine du droit, qui est à la fois vaste et important.

La similarité des objectifs des projets sur le droit et les personnes âgées et sur le droit et les personnes handicapées a fait en sorte que ces deux projets ont été considérés comme des « projets jumeaux ». Ils ont donc été attribués au même chef de projet, de sorte qu’il soit possible d’assurer la cohérence sur le plan de la démarche à adopter, de tirer les conclusions d’un projet et de les appliquer à son « jumeau », et de prendre en considération de façon appropriée les questions se chevauchant. 

Les travaux préliminaires du projet sur le droit et les personnes âgées se sont mis en branle au début du printemps 2008, à savoir plusieurs mois avant le début des travaux du projet sur le droit et les personnes handicapées. Les deux projets se sont déroulés parallèlement et ont pris fin à quelques mois d’intervalle. Par conséquent, ils ont pu s’appuyer l’un sur l’autre. Par exemple, compte tenu des chevauchements entre les deux projets, souvent, la recherche était pertinente dans les deux cas. Les lois concernant la capacité et la tutelle, qui revêtent une importance considérable aussi bien pour les personnes âgées que les personnes handicapées, ont fait l’objet d’un rapport de recherche commandé pour les deux projets[11]. La recherche de la CDO sur les moments de transition des personnes handicapées portait entre autres sur la transition des personnes âgées autochtones dans un foyer de soins de longue durée, ce qui a servi aux deux projets. De même, plusieurs documents présentés à la Conférence canadienne de 2010 sur le droit des aînés, dont la CDO était l’un des hôtes conjoints, avaient un lien direct avec le projet sur le droit touchant les personnes handicapées[12].

2.               Le croisement entre l’incapacité, la déficience et le vieillissement

Il existe une relation négligée entre l’incapacité, la déficience et le vieillissement. Souvent, on associe le vieillissement avec la déficience et l’incapacité, mais la relation entre ces éléments n’est pas si simple. 

Même s’il est vrai que la fréquence de certains types de déficiences, de problèmes de santé et de limitations d’activité augmente avec l’âge, il est important de ne pas en exagérer la portée. La plupart des gens seront en santé pendant la majeure partie de leur vie, sans connaître de limitations d’activité importantes. En 2003, près de 40 % des personnes âgées de 65 ans et plus se considéraient en bonne ou en excellente santé[13]. En outre, il peut arriver que les personnes âgées soient aux prises non pas avec une incapacité, mais plutôt avec la perception qu’elles deviendront sûrement handicapées, et, par le fait même, un fardeau, ou qu’elles auront besoin d’un logement ou de soins coûteux ou onéreux sur le plan administratif. 

Il importe de reconnaître les deux façons dont l’âge et l’incapacité peuvent se croiser. Certaines personnes naissent avec une incapacité ou la développent à l’âge adulte et vieillissent avec elle. D’autres ne sont atteintes d’aucune incapacité pendant leur enfance, leur jeunesse et une grande partie de leur vie d’adulte, et en développent une uniquement lorsqu’elles atteignent le troisième âge. Les membres de ces deux groupes connaissent le plus souvent des expériences profondément différentes. Par conséquent, ils vivent différemment avec leurs déficiences. Une personne sourde de naissance qui s’intègre à la communauté culturelle des sourds verra ses expériences en matière de vie sociale, d’éducation et d’emploi considérablement modelées par cette déficience. Une personne ayant une capacité auditive normale à la naissance et qui développe une perte auditive à la vieillesse peut avoir le même degré de perte auditive qu’une personne sourde depuis la naissance, mais aura vécu des expériences différentes qui ont eu une incidence sur ses réseaux sociaux, sur sa conception de soi et, dans bien des cas, sur son accès à l’éducation et à l’emploi. Ces deux personnes atteintes de déficiences similaires nécessiteront, à la vieillesse, des services et des mesures de soutien différents et auront des points de vue différents sur leur relation à la société dominante. Les différences entre ces personnes sont mises en évidence par la terminologie utilisée pour les identifier, à savoir la personne sourde, devenue sourde ou malentendante. 

Il existe certaines similitudes entre la situation des personnes âgées et celle des personnes handicapées au sein de la société, en particulier parce que ces deux groupes sont largement exclus du marché du travail, ce qui entraîne leur dépendance structurelle et fait en sorte qu’ils ne sont pas considérés comme des « adultes »[14]. Comme ils sont associés à un corps déficient et à l’incapacité, ils suscitent tous deux la peur de la vulnérabilité et de la mort, et sont donc victimes d’isolement social. Les personnes handicapées et les personnes âgées connaissent fréquemment la ségrégation sociale et géographique, car elles habitent des établissements résidentiels spécialisés, une expérience considérée par certains comme une forme de « mort sociale[15] ». 

Cela étant dit, il existe des différences notables entre la perception des personnes plus jeunes atteintes d’une incapacité et celle des personnes qui développent une incapacité pendant la vieillesse. Alors que l’on considère généralement comme anormales les déficiences congénitales ou acquises pendant la jeunesse, les déficiences et les limitations d’activités qui se développent pendant la vieillesse sont souvent perçues comme « normales », et même comme une caractéristique inhérente à ce stade de la vie. Par conséquent, les personnes âgées atteintes de déficiences sont plus rarement perçues comme des personnes « handicapées » que les personnes plus jeunes ayant des déficiences similaires. Le développement d’une déficience et le retrait du marché du travail sont probablement les plus importants indicateurs sociaux de la transition vers le « troisième âge ». Le développement d’une déficience pourrait donc avoir des effets différents sur l’identité lorsqu’elle se développe à la vieillesse plutôt que lorsqu’elle se développe plus tôt dans la vie[16].

Au cours des dernières décennies, d’importants progrès ont été réalisés par les mouvements de défense des droits des personnes handicapées et des personnes âgées. Il est intéressant de noter, toutefois, que les personnes âgées sont sous-représentées au sein du premier mouvement, surtout si on tient compte de l’incidence élevée des incapacités parmi celles-ci et des conséquences de ces incapacités, et du fait que les personnes âgées atteintes d’une incapacité sont aussi marginalisées par les nouvelles façons de concevoir la vieillesse. C’est d’ailleurs ce que souligne Mark Priestley :

[Traduction]
Dans un certain sens, la stratégie politique du mouvement [de défense des droits des personnes handicapées] a cherché à éloigner les débats sur les incapacités des associations négatives avec la vieillesse et la dépendance en accordant plus d’importance aux valeurs et aux enjeux des adultes. De façon similaire, les mouvements de défense des droits des personnes âgées et du troisième âge ont mis l’accent sur le « vieillissement actif » afin de séparer leurs revendications de l’image négative associée à l’incapacité et à la dépendance.

Ainsi, tant le mouvement de défense des droits des personnes âgées que celui des personnes handicapées ont comme stratégie de revendiquer la reconnaissance du statut d’adulte et de citoyen en dissociant leurs combats des associations négatives avec l’autre mouvement. Il est fort probable que ces revendications parallèles profitent aux personnes qui se situent en marge de l’inclusion (c.-à-d., les personnes handicapées plus jeunes et les personnes dans la cinquantaine et la soixantaine) en leur permettant de se libérer de l’image de fragilité, de dépendance et de fardeau trop souvent associée aux personnes d’un âge très avancé atteintes de déficiences sévères[17].

Ces stratégies, néanmoins, risquent d’accroître la marginalisation d’un groupe très défavorisé : les personnes d’un âge très avancé atteintes de déficiences sévères. 

Cette relation entre le vieillissement, la déficience et l’incapacité a eu plusieurs répercussions sur l’élaboration des deux projets de la CDO. 

Il existe des liens parallèles notables entre les expériences des personnes âgées au chapitre du droit et celles des personnes handicapées (on les considère comme des groupes distincts). Les deux groupes se caractérisent chacun par une grande variabilité malgré les hypothèses générales d’homogénéité. Ils sont aux prises avec un éventail d’attitudes négatives à leur endroit, ils sont stigmatisés et ils connaissent une expérience disproportionnée de la faiblesse et de la marginalisation. Également, les deux groupes sont assujettis à une bureaucratie et à des lois de grande ampleur qui traitent des expériences qui leur sont propres, et ils doivent donc faire face à la complexité, à la fragmentation et aux obstacles involontaires qui se rattachent à ces lois de même qu’aux programmes et aux politiques. On retrouve aussi bien sûr des différences de premier plan entre ces groupes. Les deux groupes sont exposés à la stigmatisation et aux stéréotypes, mais on constate des différences importantes entre les attitudes et les obstacles particuliers auxquels ils sont chacun confrontés. On ne peut pas faire abstraction des répercussions du parcours de vie sur les réalités et l’identité des membres de ces groupes, surtout dans le cas des personnes qui n’avaient jamais vécu la discrimination ou la marginalisation avant d’être âgées. Les cadres doivent donc tenir compte minutieusement des similitudes et des différences entre les deux groupes, et il faut résister à la tendance fréquente de les confondre.

Les cadres doivent toutefois traiter des personnes qui font partie des deux groupes en même temps, c’est-à-dire celles ayant vécu toute leur vie avec une ou des incapacités et celles qui développent une ou des incapacités avec l’âge, et ils doivent reconnaître les différences entre ces deux types d’expérience.

Enfin, les cadres doivent rejeter tant la discrimination fondée sur la capacité physique que l’âgisme, et ils doivent être axés sur les possibilités, le cas échéant, d’appliquer des approches ou des concepts nouveaux ou efficaces d’un groupe à l’autre.

 

E.               Concepts et approches clés pour l’élaboration du cadre

1.               Points de départ pour l’élaboration du cadre

Pour élaborer le cadre du droit touchant les personnes handicapées, la CDO a eu recours à plusieurs points de départ décrits brièvement ci-dessous.

Le mandat de la CDO et l’accès à la justice : La CDO a pour mandat, notamment, de recommander des mesures de réforme de la loi visant à accroître la pertinence, l’efficacité et l’accessibilité de celle-ci; ainsi que d’améliorer l’administration de la justice en simplifiant et en clarifiant la loi; bref, d’accroître l’accès à la justice. Dans l’élaboration du cadre du droit touchant les personnes handicapées, la CDO a donc accordé une attention particulière à la cohérence, à la clarté et à l’efficacité du droit et a posé les questions ci-dessous.

  • Le droit traite-t-il des questions qui importent à ce groupe? Si c’est le cas, le fait-il de manière efficace?
  • Le droit tient-il réellement compte des besoins et des réalités des personnes handicapées?
  • Quels sont les principes et les démarches les plus susceptibles de garantir la prise en considération des besoins et des réalités des personnes handicapées au sein du droit?
  • Les lacunes du droit proviennent-elles de sa conception ou de son application?
  • Que signifient l’« accès au droit » et l’« accès à la justice » pour les personnes handicapées? Quelles sont les barrières qui entravent l’accès au droit des personnes handicapées? Quelles sont les pratiques exemplaires susceptibles de favoriser l’accès au droit des personnes handicapées?

Initiatives servant d’assise au projet : De nombreuses initiatives importantes ont été entreprises concernant le droit et les personnes handicapées. Certaines visent l’ensemble des personnes handicapées, d’autres des groupes plus précis. La CDO a cherché à inclure et, s’il y a lieu, à synthétiser les idées et les cadres établis lors de ces initiatives afin de donner une assise à son projet. Voici quelques exemples de ces initiatives : l’Outil d’évaluation en matière d’inclusion de la Fonction publique de l’Ontario (FPO)[18], l’Outil d’évaluation de l’impact sur l’équité en matière de santé (EIES) du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario[19], le document Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP)[20], le travail de la Commission de la santé mentale du Canada et plus particulièrement l’optique d’équité récemment mise au point[21] et les outils de surveillance des droits des personnes handicapées de Disability Rights Promotion International[22].

Une démarche holistique et contextuelle Conformément à son Plan stratégique[23], la CDO réalise autant des projets ciblés et techniques à portée restreinte que des projets d’envergure à vocation sociale qui requièrent une démarche multi et interdisciplinaire ainsi qu’un processus de consultation et de collaboration à grande échelle. Le présent projet appartient à la seconde catégorie. 

Afin de cerner les expériences des personnes handicapées à l’égard du droit, la CDO a fait appel non seulement aux travaux pertinents de recherche en droit, mais également à ceux réalisés dans les domaines des sciences sociales, des études critiques sur l’incapacité et des politiques publiques. Elle a cherché à comprendre les contextes social et économique au sein desquels les personnes handicapées ont des interactions avec le droit, ainsi qu’à trouver des approches qui permettraient aux législateurs et aux décideurs de tenir compte de ces contextes lors de la conception et de l’application de lois et de politiques susceptibles d’avoir une incidence sur ce groupe. Ces initiatives comprennent la prise en compte d’une démarche axée sur le parcours de vie qui s’applique aux expériences des personnes handicapées, comme il est décrit dans la section 2 ci-dessous.

Démarche fondée sur des principes : Comme il a été déterminé lors de la consultation préliminaire sur le projet et comme l’a confirmé la réponse obtenue[24], la CDO a fondé ce projet sur un ensemble de principes. Ceux-ci permettent de définir un cadre normatif du droit et de déterminer les buts que devraient viser les lois et les politiques concernant les personnes handicapées. Un cadre fondé sur des principes fournit une orientation générale tout en demeurant souple et adaptable à diverses situations. L’établissement de ces principes est une étape importante, mais elle constitue le point de départ de la démarche, pas sa finalité. Le plus difficile reste à faire, soit définir avec précision la portée éventuelle et souhaitée de ces principes dans la vie des personnes handicapées, et élaborer un guide pratique pour la mise en pratique de ceux-ci dans le domaine du droit.

2.               Concepts clés de l’élaboration du cadre

Lors de l’élaboration du présent projet, la CDO a étudié un grand nombre de travaux dans les domaines des sciences sociales et des études critiques sur l’incapacité afin de déterminer les outils ou les concepts à l’appui du projet. Nous verrons ci-dessous certains des concepts clés adoptés par la CDO et qui ont fondamentalement façonné l’élaboration du projet. Ils sont explorés de façon plus approfondie tout au long du présent rapport final.

Capacitisme : Dans un rapport datant de 2004, l’Environics Research Group Limited s’est penché sur l’attitude des Canadiens par rapport à l’incapacité et a constaté que, même si la plupart des gens aiment se croire ouverts à la participation des personnes handicapées à leurs activités quotidiennes, nombreux sont ceux qui éprouvent un profond inconfort dans certains aspects de leurs rapports avec les personnes handicapées, surtout lorsque le handicap touche la communication ou qu’il cause un « défigurement » ou un comportement qui n’est pas considéré comme « normal »[25]. Cette attitude négative et cette stigmatisation constituent en partie le fondement de ce que certains ont appelé le « capacitisme ». 

Le capacitisme est un système de croyances, semblable au racisme, au sexisme ou à l’âgisme, selon lequel une personne handicapée est moins digne d’être traitée avec respect et égard, moins apte à contribuer et à participer à la société ou moins importante intrinsèquement que les autres. Le capacitisme peut s’exercer de façon consciente ou inconsciente et être inscrit dans les institutions, les systèmes ou la culture d’une société. Étant donné que les attitudes et les stéréotypes adoptent diverses formes selon l’incapacité, le capacitisme peut se manifester de bien des façons selon qu’il s’agit d’une déficience mentale, sensorielle ou intellectuelle. 

Les attitudes négatives envers les personnes handicapées, une gêne en leur présence ou les tentatives de les éviter sont des exemples de capacitisme. De telles attitudes négatives peuvent avoir de profondes répercussions sur la vie des personnes handicapées, non seulement dans le cadre de leurs expériences en matière de vie sociale, mais aussi des efforts qu’elles mènent dans le but de trouver et de conserver un emploi rémunéré, d’obtenir et d’utiliser des services et de trouver un logement convenable. En outre, il se peut que la stigmatisation et les attitudes négatives à l’endroit des personnes handicapées créent des obstacles importants pour l’égalité, la dignité et la participation; ces obstacles peuvent même être plus difficiles à surmonter que ceux causés directement par l’incapacité. Il se peut que de telles attitudes aient une incidence sur l’élaboration et l’application de lois et de politiques. Par exemple, des règlements de zonage et des définitions sont constamment employés pour exclure les logements supervisés à l’intention de personnes avec une déficience intellectuelle ou psychiatrique de certains quartiers ou pour créer des exigences ou des obstacles additionnels lors des processus d’autorisation[26].

En raison du capacitisme, il se peut que les véritables besoins et situations des personnes handicapées ne soient pas pris en considération. D’après l’Association du Barreau de l’Ontario : 

[Traduction]
Le changement fondamental qui doit être opéré porte donc sur les attitudes et les conceptions. Par conséquent, les législateurs doivent élaborer les lois en partant du principe que l’aide, le soutien et la protection nécessaires pour assurer l’égalité et la participation des personnes handicapées constituent un droit, et non un privilège. Il faut partir du principe que la société tout entière tirera parti du fait que les personnes handicapées sont encouragées et autorisées à participer pleinement à la vie de la communauté, et ce, à tous les niveaux[27].

Les façons dont le capacitisme se manifeste dans le droit sont abordées dans le chapitre II.D.2 du présent rapport. 

Incapacité : Il existe beaucoup de documentation sur la signification d’« incapacité »[28]. Aucune définition ne peut, à elle seule, saisir la multitude d’expériences des personnes handicapées, et la compréhension continue d’évoluer et de faire l’objet de débats. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au sujet de l’interprétation de l’« incapacité » :

[…] c’est alors qu’une approche multidimensionnelle qui tient compte de l’élément sociopolitique s’avère très pertinente. En insistant sur la dignité humaine, le respect et le droit à l’égalité, plutôt que sur la condition biomédicale tout court, cette approche reconnaît que les attitudes de la société et de ses membres contribuent souvent à l’idée ou à la perception d’un « handicap »[29]. 

C’est-à-dire que les définitions d’incapacité doivent reconnaître la diversité des expériences découlant de l’interaction entre une personne et son environnement[30]. Par exemple, le contexte en question – comme l’emploi ou le logement – a son importance, de même que la façon dont les stéréotypes altèrent la perception d’une incapacité. Les définitions doivent se rapporter à des contextes et à des buts particuliers, car si une définition peut s’avérer utile pour comprendre un aspect de l’incapacité, elle ne l’est pas nécessairement pour éclairer un autre aspect de cette expérience. 

Dans ce document, la CDO utilise le terme « handicap » au sens large et y inclut autant l’expérience des obstacles érigés par la société (ou environnementaux)[31] que celle des déficiences physiques. Lors de l’élaboration du présent cadre, la CDO a tenu compte des expériences de personnes avec des handicaps permanents, intermittents et temporaires, des handicaps qui sont présents à la naissance et ceux qui s’installent par la suite, les déficiences physiques, sensorielles, mentales, intellectuelles ou en matière d’apprentissage, les handicaps perçus et l’expérience des déficiences multiples. La CDO s’est appuyée sur les commentaires des personnes handicapées à propos de leur expérience du droit.

Remarque sur la terminologie : Les termes utilisés pour discuter des personnes handicapées et de leurs expériences sont en constante élaboration et font actuellement l’objet de débats. La CDO reconnaît qu’il existe de nombreux points de vue quant à la terminologie convenable. L’utilisation qu’elle fait de termes particuliers ne doit pas être interprétée comme décisive. Elle s’en remet aux personnes handicapées en ce qui a trait aux termes les plus appropriés. 

Obstacle : Les personnes handicapées peuvent se heurter à un large éventail d’obstacles les empêchant de jouir d’une égalité réelle. Certains de ces obstacles sont présentés dans le chapitre II du présent rapport. Comme le précise la définition d’incapacité, ci-dessus, même si l’on a généralement tendance à croire que c’est la déficience elle-même qui est la cause de ces obstacles, une approche tenant compte des dimensions sociale et environnementale peut apporter une compréhension plus approfondie des types d’obstacles que doivent surmonter les personnes handicapées[32]. Il peut s’agir entre autres d’obstacles physiques, par exemple un environnement bâti dont la conception ne tient pas compte des personnes handicapées, d’obstacles à la communication et à l’information ou d’obstacles contenus dans les lois ou encore dans des pratiques ou des politiques, écrites ou non. Les attitudes qui rejettent, dévalorisent ou font fi des personnes handicapées peuvent également ériger des obstacles. Ceux-ci peuvent se manifester directement par un mauvais traitement dans la prestation des services ou dans l’interprétation et l’application des lois et des politiques et, de façon plus subtile, dans les décisions visant à déterminer quels services seront offerts ou de quelle manière. Il peut aussi y avoir des obstacles moins évidents découlant des désavantages à long terme subis par les personnes handicapées qui s’expriment notamment par l’effet des niveaux d’alphabétisation et de scolarité inférieurs sur la capacité à accéder aux services, à l’emploi ou à d’autres possibilités.

Diversité : Le concept de la diversité a joué un rôle de premier plan lors de l’élaboration du présent projet, aussi bien pour comprendre les aspects sociaux de l’expérience de l’incapacité que pour éviter d’homogénéiser cette tendance. 

Le chapitre III.C.2 du présent rapport aborde les conséquences liées au fait de mettre l’accent sur la diversité dans le cadre du projet. En voici un résumé : les humains font preuve d’une diversité infinie, entre autres mesures de la capacité. La détermination des différences qui sont considérées comme des déficiences et desquelles parmi celles-ci constituent des incapacités devant être exclues de la « normalité » comporte nécessairement un élément d’arbitraire et de construction sociale. Le fait de comprendre cette dynamique peut aider à modifier les paramètres des lois et des politiques sur des questions liées aux incapacités et favoriser une approche plus inclusive, comme celle décrite ci-dessous.

De surcroît, le fait qu’une personne soit reconnue comme une personne handicapée peut souvent éclipser tous les autres aspects de son identité, comme le sexe, l’orientation sexuelle, l’origine raciale ou l’âge, ou encore de son rôle d’employé, de parent ou de citoyen. 

L’expérience de chaque personne sera très différente selon qu’il s’agit d’une incapacité physique, sensorielle, psychiatrique, intellectuelle, d’une déficience en matière d’apprentissage, etc. Comme indiqué dans le rapport du gouvernement du Canada Vers l’intégration des personnes handicapées, toutes les personnes handicapées font l’expérience de l’exclusion, mais chaque type de handicap peut faire apparaître des besoins uniques[33]. Les besoins dépendent à la fois du degré et du type d’incapacité. Les attitudes et les obstacles sociaux liés aux différents types d’incapacité ont aussi une incidence sur les expériences. Ainsi, les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle ou d’un problème de santé mentale sont fortement stigmatisées[34]. D’autres personnes font ainsi face à des obstacles dans le domaine des transports ou de l’éducation, par exemple, ce qui rend leur participation à la société très difficile, même si leur niveau d’incapacité est relativement modéré. 

Conception inclusive : La conception inclusive (ou universelle) consiste à élaborer des milieux, des produits et des politiques [traduction] « utilisables par tout individu, dans la plus grande mesure possible, sans nécessité d’adaptation ou de design spécialisé. La conception inclusive a pour objet de simplifier la vie de tous en faisant en sorte que les produits, les communications et le milieu bâti soient utilisables par le plus grand nombre de personnes possible, moyennant des coûts supplémentaires modestes ou nuls[35]. » La conception inclusive doit profiter aux personnes de tous âges et de toutes capacités. 

Le modèle universaliste pose comme postulat que toutes les personnes se situent le long d’un continuum de capacités et que la position de chacun sur ce continuum varie à différentes étapes de la vie[36]. Cette reconnaissance de la quasi-universalité de la déficience met en évidence la manière dont la frontière entre la capacité et l’incapacité se construit socialement et politiquement[37]. Cette approche exige un élargissement de la notion de « normalité » relativement aux capacités humaines, le résultat étant qu’il faut plus de souplesse et d’adaptation dans les structures sociales, politiques et physiques[38]. Dans l’application de ce principe, la conception inclusive, avec un engagement concomitant envers l’accessibilité, joue un rôle clé pour assurer une inclusion maximale de toutes les personnes en fonction de l’infinie variété de leurs capacités[39].

Il est important de souligner les différences entre la conception inclusive et l’égalité formelle, qui consiste simplement à traiter de la même façon tous ceux dont les situations sont semblables et de façon différente tous les autres (c’est-à-dire qu’elle traite tout le monde de la même façon). Bien que l’égalité formelle ne s’attarde pas aux différences qui pourraient autrement être insignifiantes, la conception inclusive tient compte des différences et les intègre dans un courant dominant plus vaste. 

Il y a bien sûr des limites à la capacité de l’universalisme et de la conception inclusive de supprimer ou de prévenir les obstacles. Dans certains cas, une adaptation individuelle pourra être nécessaire pour assurer un accès égal à un immeuble, à l’information ou à un programme[40]. En fait, la conception inclusive fait en sorte de réduire les besoins en matière d’adaptation individuelle, sans toutefois les éliminer entièrement. De façon plus générale, il existe des situations où il est préférable de disposer de programmes ciblés qui répondent à certains besoins particuliers des personnes handicapées, plutôt que d’inclure ces dernières dans un programme plus vaste et inclusif. Il y a aussi des situations où des besoins concurrents rendent difficile la tâche de trouver des solutions de conception inclusive. Pour prendre un exemple bien simple, les bateaux de trottoir, qui améliorent l’accès pour les personnes à mobilité réduite et les familles utilisant des poussettes, accroissent les difficultés, par contre, pour les personnes ayant une vision partielle qui ont besoin d’une forme de démarcation entre la chaussée et le trottoir. Cependant, les droits de la personne ont formulé un principe général selon lequel il est important de commencer par une approche inclusive pour concevoir des politiques, des programmes et des services et de n’adopter des approches spécialisées que si les approches inclusives ne favorisent pas l’égalité réelle. 

Droit : Il existe des lois dont les dispositions ont des répercussions négatives sur les personnes handicapées, soit parce que leur contenu reflète des attitudes capacitistes, soit parce qu’elles ne tiennent pas compte des réalités des personnes handicapées. Dans bien des cas, toutefois, le droit est rigoureux sur papier, mais problématique dans les faits. Les lois, les politiques et les pratiques qui semblent avoir un effet neutre ou même favorable sur les personnes handicapées peuvent faillir à leurs objectifs ou avoir des conséquences négatives non désirées. Cette situation peut être attribuable à de nombreux facteurs, dont les attitudes négatives des responsables de la mise en œuvre de la loi ou de la politique, le défaut de rendre les programmes et les services accessibles aux personnes handicapées, les processus contradictoires adoptés pour la mise en œuvre des programmes, les ressources limitées, ainsi que le manque de surveillance, de transparence et de reddition de comptes.

Cette réalité souligne l’importance d’adopter une vision globale « du droit » par rapport au présent projet. Il est tout aussi nécessaire de mener une analyse approfondie du libellé des lois et des politiques que d’acquérir une bonne compréhension des conséquences du droit tel qu’il est mis en œuvre. Par conséquent, pour les besoins du projet, la CDO a employé le terme « droit » dans son sens large, lequel englobe non seulement les lois et les règlements, mais aussi leurs politiques d’application ainsi que les stratégies et les pratiques par lesquelles ils sont mis en œuvre. 

Il est évident que pour comprendre les conséquences du droit, on doit prêter l’oreille à ceux qui sont touchés par celui-ci, c’est-à-dire les responsables de sa mise en œuvre et les personnes dont la vie est façonnée par le droit. Ainsi, la nécessité de combler l’« écart entre la visée et la mise en œuvre du droit » souligne encore une fois l’importance d’inclure les personnes handicapées au processus d’élaboration et de réforme du droit et de respecter leurs points de vue. 

Parcours de vie : Afin d’apporter une meilleure compréhension des situations des personnes handicapées et des obstacles auxquels elles se heurtent dans différents secteurs sociaux, le projet a adopté une démarche axée sur le parcours de vie qui s’applique aux questions portant sur les incapacités. Une telle démarche repose sur la compréhension du fait que les expériences que tous les individus vivent déterminent leurs ressources et leurs perspectives à chaque étape de leur existence. Les obstacles ou les possibilités qui se présentent à un moment de leur vie auront des répercussions sur le reste de leur existence. Dans un contexte juridique, si le parcours de vie d’une personne influence son rapport avec les lois, l’inverse est aussi vrai. Les lois ont des effets déterminants sur le parcours de vie d’une personne. L’incidence des lois doit donc être examinée pour chaque étape de la vie des personnes handicapées, de la naissance jusqu’à la mort, en tenant compte des liens entre chacune de ces étapes.

Une démarche axée sur le parcours de vie peut faciliter la compréhension des obstacles socio-économiques auxquels font face les personnes handicapées. Par exemple, les obstacles à l’éducation que doit surmonter une personne handicapée auront, toute sa vie durant, des répercussions profondes sur sa capacité à obtenir un emploi convenable et rémunérateur et à avoir accès à l’information sur ses droits et responsabilités, et à utiliser ces renseignements. La démarche permet en outre d’analyser la façon dont l’expérience de l’incapacité varie en fonction du sexe, de l’origine raciale, de l’orientation sexuelle et d’autres aspects de l’identité d’une personne. 

Le fait de considérer le parcours de vie dans son ensemble permet de tenir compte de la façon dont les questions sociales touchent des personnes de toutes les générations pendant toute leur vie (de la naissance à la mort). Ce point est important lorsqu’il est question de l’incapacité, car il ne simplifie pas excessivement l’expérience collective des personnes handicapées tout en évitant la marginalisation des questions concernant des groupes sous-représentés (p. ex. enfants handicapés et personnes âgées). Le parcours de vie constitue donc un concept à la fois individuel et social. Cependant, l’approche sociale est particulièrement utile pour souligner la façon dont les sociétés et les institutions sociales reproduisent des notions idéalisées d’une « vie normale »[41].

L’adoption d’une démarche axée sur le parcours de vie a eu une profonde incidence sur la décision d’entreprendre des recherches sur les transitions que vivent les personnes handicapées durant leur parcours de vie et sur la façon dont elles sont façonnées ou limitées par le droit.

Égalité réelle : L’égalité réelle a été une valeur clé du présent projet et constitue un objectif pour le droit touchant les personnes handicapées. Ce concept a profondément modelé tous les aspects du projet. La compréhension de l’égalité réelle est abordée plus à fond dans le chapitre III. Pour l’instant, il suffit de savoir que l’égalité réelle, contrairement à « l’égalité formelle », ne se limite pas simplement à la non-discrimination. Elle englobe la dignité et la valeur, la participation, la satisfaction de ses besoins, et la possibilité de vivre dans une société dont les structures et les organisations sont ouvertes à tous. Elle cherche à reconnaître et à pallier les modèles sociaux qui produisent des effets différents sur la base de caractéristiques non pertinentes, ainsi que les véritables différences qui désavantagent injustement les membres d’un groupe donné (par exemple, la capacité de reproduction des femmes). Pour parvenir à l’égalité réelle et concrétiser les valeurs qu’elle englobe, il faut parfois recourir au traitement différentiel.

3.               Principaux éléments d’un cadre

La CDO a déterminé plusieurs caractéristiques essentielles pour le Cadre du droit touchant les personnes handicapées en s’appuyant sur les résultats des nombreuses phases de consultation du projet ainsi que sur l’expérience acquise lors de l’élaboration du Cadre du droit touchant les personnes âgées.

Premièrement, compte tenu des multiples interactions entre les différents principes eux-mêmes et entre les principes et les expériences des personnes handicapées, le cadre doit être holistique. Au lieu d’aborder chacun des principes séparément, ou indépendamment des réalités des personnes handicapées, le cadre doit combiner tous les éléments de sorte que les principes reposent sur les réalités des personnes handicapées et sur le contexte actuel du droit.

Deuxièmement, vu la diversité des expériences des personnes handicapées et la diversité des rapports de celles-ci avec le droit, le cadre doit être suffisamment vaste et souple pour s’appliquer à tous les contextes. Il doit tenir compte des rapports des personnes handicapées avec le droit sur les plans de la sexualité, de l’éducation, de l’emploi, des conditions de vie, des relations familiales, des finances, et autres. Il doit pouvoir s’appliquer efficacement aux lois qui ciblent directement les personnes handicapées tout comme aux lois d’application générale qui touchent différemment ces dernières. 

Troisièmement, le cadre doit refléter la diversité des expériences et des identités des personnes handicapées. Cela signifie que le cadre doit tenir compte non seulement de nombreux types d’incapacités, mais aussi des différentes identités ethniques et culturelles, des divergences entre les expériences des hommes et des femmes, ainsi que de la diversité sur les plans de l’orientation sexuelle, du statut de citoyen, des relations familiales et de l’âge. Comme c’est le cas pour la population en général, les personnes handicapées s’identifient parfois à plus d’une communauté. Cette diversité signifie que les effets du droit sur les personnes handicapées sont multiples et parfois même contradictoires.

Quatrièmement, le cadre doit être suffisamment précis et pratique pour fournir des lignes directrices utiles à l’élaboration de lois et de politiques gouvernementales et pour contribuer à la conception de processus que le secteur privé doit mettre en place pour assurer l’application du droit. Il doit aider les utilisateurs à comprendre concrètement l’incidence des principes sur l’élaboration et l’évaluation des lois, des politiques et des pratiques. 

Cinquièmement, en raison de l’importance qu’accordent les personnes handicapées à la participation et à l’inclusion, le cadre doit être axé à la fois sur le processus d’élaboration et d’évaluation ainsi que sur les résultats. Il doit s’appliquer aussi bien à l’élaboration de lois, de politiques et de programmes qu’à l’évaluation et à la réforme de ceux qui existent déjà. 

Enfin, le cadre doit être utilisable. Sa structure, sa présentation et sa formulation doivent être suffisamment simples et claires pour faciliter son utilisation en tant qu’outil pratique. Les renvois aux autres documents doivent être simples et directs, à l’intention du lecteur qui souhaite obtenir un complément d’information et des éclaircissements.

 

F.               Le rapport et le cadre

Le Cadre du droit touchant les personnes handicapées, qui représente l’aboutissement du projet, est joint en annexe au chapitre IV du présent rapport. Il existe aussi comme document autosuffisant et il est possible de le consulter en version papier et sur le site Web de la CDO. L’objet du cadre consiste à orienter l’élaboration et l’évaluation des lois, des politiques et des pratiques de manière à faire en sorte qu’elles tiennent compte des réalités et des expériences des personnes handicapées et qu’elles aient des retombées positives sur ces membres de la société. Il se compose de principes et de facteurs à prendre en considération dans l’application de ces principes, et il propose une démarche par étapes. Le cadre est à l’intention : 

  • des décideurs, des tribunaux et des législateurs;
  • des organismes de défense des droits et des groupes communautaires qui se consacrent aux personnes handicapées et aux enjeux propres à celles-ci;
  • des intervenants du secteur public ou privé qui élaborent ou administrent des politiques ou des programmes susceptibles d’avoir une incidence sur les personnes handicapées.

Le présent cadre est conçu pour s’appliquer à l’ensemble des lois et des politiques qui ciblent précisément les personnes handicapées ou qui ont une incidence sur celles-ci en tant que membres de la population en général. Compte tenu de cette portée générale, certaines personnes pourraient souhaiter l’adapter à leur propre domaine du droit ou secteur de politique. Il est important de mentionner que, compte tenu de l’ampleur et de la complexité du droit touchant les personnes handicapées, certains aspects du cadre ne s’appliquent pas nécessairement à toutes les lois, les politiques et les pratiques.

Le présent cadre ne cherche pas à proposer des solutions simples et définitives à tous les problèmes épineux qui peuvent survenir pendant l’élaboration de lois, de politiques et de pratiques pouvant avoir une incidence sur les personnes handicapées, car le droit et les réalités des personnes handicapées sont très vastes et complexes. La nature de l’incapacité et la compréhension de ses répercussions personnelles et sociétales ne cessent d’évoluer. Le cadre vise plutôt à aider les législateurs et les décideurs pour qu’ils :

  • considèrent et appliquent un ensemble de principes cohérent lorsqu’ils élaborent des lois, des politiques et des pratiques pouvant toucher les personnes handicapées;
  • relèvent et éliminent les obstacles potentiels ainsi que les éventuelles sources de discrimination fondée sur l’incapacité dans les lois et les politiques;
  • tiennent compte des principaux aspects de la relation des personnes handicapées avec la loi.

Le présent rapport final énonce les principaux résultats des travaux de recherche et d’analyse, qui constituent le fondement du cadre, et il est le produit de recherches et de consultations approfondies, évoquées ci-dessus.

Le deuxième chapitre du présent rapport final livre un aperçu de la signification du « droit touchant les personnes handicapées ». Il énonce les documents importants relatifs à ce domaine du droit, explore le contexte au sein duquel les personnes handicapées ont des interactions avec le droit et illustre des thèmes clés du droit touchant les personnes handicapées. 

Le troisième chapitre décrit en détail la raison pour laquelle une démarche fondée sur des principes a été adoptée, énonce les principales sources de ces principes, présente les définitions et les conséquences de ces principes qui constituent le fondement du cadre et analyse les difficultés de l’application des principes au droit touchant les personnes handicapées.

Le quatrième chapitre définit le cadre. 

Le cinquième chapitre explore l’application du cadre au moyen d’une analyse du droit relatif aux services de soutien communautaire, et plus particulièrement les services auxiliaires, pour les personnes handicapées. 

Enfin, les courts sixième et septième chapitres présentent, respectivement, des recommandations quant à l’utilisation du cadre et les étapes suivantes pour la CDO.

 

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