A.              Le projet de la CDO sur le droit touchant les personnes handicapées

Le présent document représente le rapport final découlant du projet de la Commission du droit de l’Ontario (CDO) sur le droit et les personnes handicapées et conclut ce projet pluriannuel à plusieurs étapes[1]. 

L’expérience du handicap a une profonde incidence sur la vie des Ontariens. Selon un sondage de 2006 de Statistique Canada, plus de 15 % des Ontariens affirment vivre avec une limitation d’activité, et le taux d’incapacité continue d’augmenter[2]. Cela signifie que presque tous les Ontariens seront personnellement touchés par l’incapacité à un moment de leur vie, soit parce qu’ils sont eux-mêmes handicapés ou le deviendront, soit en raison du handicap d’un de leurs proches. Cette réalité modifie profondément les rapports des individus avec le droit, une question que les législateurs et les décideurs ont tenté de régler avec toujours plus d’ardeur au cours des quarante dernières années. D’importants progrès ont été réalisés étant donné que les lois et les politiques tiennent compte de plus en plus souvent des besoins, des circonstances et des aspirations des personnes handicapées. Il reste toutefois bien du chemin à parcourir. Il peut être difficile d’accéder à la multitude de lois qui touchent les personnes handicapées et visent à réparer les préjudices à leur endroit, ainsi que de les appliquer; il est donc possible qu’elles n’aient pas les effets attendus. Le nombre de personnes handicapées à faible revenu ou confrontées à des obstacles au chapitre de l’éducation, de l’emploi, du logement et de la sécurité personnelle demeure disproportionné. Pour bon nombre d’entre elles, tous ces obstacles entraînent une marginalisation sociale et économique.

Ce projet vise à contribuer au développement et à l’évolution continus du droit touchant les personnes handicapées. Il s’inspire en partie d’une proposition de l’ancien directeur général de l’ARCH Disability Law Centre selon laquelle la CDO doit aborder les questions concernant les personnes ayant des déficiences intellectuelles ou des problèmes de santé mentale, plus particulièrement en ce qui concerne l’autonomie personnelle, la prise de décision assistée ainsi que la dignité et la citoyenneté dans son propre foyer. En outre, la CDO a reçu des propositions relativement aux autres domaines du droit touchant les personnes handicapées. Après avoir étudié ces propositions et tenu compte de l’échelle plus vaste entourant le droit et l’expérience du handicap, vers la fin de 2007, le Conseil des gouverneurs de la CDO a approuvé un projet visant à mettre au point un cadre cohérent et global pour le droit touchant les personnes handicapées. 

Même si, au cours des dernières années, de nombreuses initiatives législatives louables concernant les personnes handicapées ont été mises en place, certains avaient l’impression que le droit dans ce domaine était complexe, contradictoire et fragmenté et n’atteignait pas nécessairement les objectifs établis. Étant donné que les lois ont tendance à être élaborées afin de répondre à un besoin immédiat ou particulier, il se peut que l’incidence d’une loi en particulier sur d’autres lois et politiques, de même que ses corrélations avec celles-ci, n’aient pas été évaluées au regard de normes claires. Ainsi, il n’était pas prévu que le projet porte essentiellement sur la réforme d’une question précise. Son objectif consistait plutôt à élaborer un cadre d’analyse fondé sur des principes et pouvant servir d’outil pour orienter les nouvelles initiatives, législatives ou autres, ayant une incidence sur les personnes handicapées ou pour changer les lois et les politiques actuelles.

Le présent projet établit un ensemble de principes pour le droit touchant les personnes handicapées, définit un cadre d’évaluation applicable aux lois reposant sur ces principes et applique ce cadre au régime législatif régissant les soins auxiliaires pour les personnes handicapées. 

Les travaux relatifs au projet ont commencé au début de 2009. Le projet à plusieurs étapes comprenait la distribution de deux documents de consultation et d’un rapport préliminaire, une consultation publique en quatre phases et le financement de six rapports de recherche externes, en plus d’une recherche interne considérable portant notamment sur plusieurs moments de transition de la vie des personnes handicapées.

Le cadre issu de ce projet sera utile pour les responsables de l’élaboration des lois et des politiques, comme les législateurs, les décideurs et les intervenants du secteur privé chargés d’établir les politiques et les programmes touchant les personnes handicapées; pour les responsables de l’interprétation des lois, comme les cours et les tribunaux; et pour les personnes qui cernent les besoins et qui défendent les réformes. 

Comme nous le verrons en détail dans le prochain chapitre, le présent projet est étroitement lié à un projet semblable de la CDO sur le droit touchant les personnes âgées, dont le rapport final a été publié en juillet 2012[3]. Il existe une relation négligée entre le vieillissement, la déficience et l’incapacité, de sorte que les projets se sont considérablement recoupés. De plus, compte tenu des similarités entre ces projets, ils se sont enrichis et appuyés l’un l’autre à de nombreuses reprises. Par conséquent, bien qu’ils se distinguent sur plusieurs points, ces deux projets ont été menés de front et se sont éclairés mutuellement.

 

B.              Objectif principal du projet : Promotion d’une égalité réelle pour les personnes handicapées par les lois

Bien que les expériences des personnes handicapées varient considérablement, la marginalisation et la discrimination fondées sur l’incapacité sont monnaie courante. Les attitudes négatives et les stéréotypes, en plus de la tendance à ignorer l’existence même des personnes handicapées, créent des obstacles pour ces dernières dans une grande variété de milieux. Ces attitudes peuvent se manifester sur le plan individuel. En particulier, elles peuvent avoir une importante incidence sur les structures, les systèmes et les institutions, y compris les lois et les institutions juridiques. On emploie parfois le terme « capacitisme » pour désigner ces attitudes et stéréotypes.

Au cours des dernières dizaines d’années, on a fait des efforts considérables afin de cerner, de comprendre et de résoudre le capacitisme et ses effets sur les possibilités et les expériences des personnes handicapées dans le but que ces dernières aient un statut plus juste et égal à tous les niveaux de la société. 

Cet objectif visant à conférer aux personnes handicapées une égalité réelle a été formulé dans de nombreux documents juridiques et stratégiques importants, y compris la Convention relative aux droits des personnes handicapées (la Convention ou CDPH) des Nations Unies[4], la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)[5], le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code)[6] et À l’unisson.[7]

Pour que les personnes handicapées puissent jouir d’une égalité réelle, tous les secteurs de la société doivent faire des efforts et une approche à volets multiples doit être adoptée. La CDO estime néanmoins que ce cadre d’évaluation pour les lois, les politiques et les pratiques, fondé sur la valeur primordiale de l’égalité réelle, contribue considérablement à sa réalisation dans le développement du droit et est conforme au mandat de la CDO, soit d’accroître la pertinence, l’efficacité et l’accessibilité du droit. Par conséquent, les facteurs relatifs au capacitisme et à l’égalité réelle sont au cœur de l’élaboration, par la CDO, d’un cadre du droit touchan