Le chapitre V illustre l’application du cadre en examinant un enjeu actuel du droit touchant les personnes handicapées : le cadre législatif par lequel les personnes handicapées reçoivent des services de soutien dans la collectivité pour combler leurs besoins liés aux activités de la vie quotidienne, comme se laver, faire sa toilette, préparer les repas et prendre ses médicaments. On désigne parfois ces services par l’expression « services auxiliaires ».
Cet enjeu a été choisi parce que, bien qu’il soit essentiel au bien-être de nombreuses personnes handicapées et que ce sujet revienne souvent dans les débats sur les politiques, le droit en la matière a été peu étudié. Ce domaine du droit est lié de manière fondamentale à plusieurs des principes qui ont été retenus. Il illustre également un certain nombre de thèmes clés, y compris l’écart entre le contenu et la mise en œuvre du droit.
Cette illustration n’a pas pour but de fournir une description complète de ce domaine du droit ou de proposer des initiatives de réforme précises. Elle vise plutôt à proposer une réflexion sur le sujet à la lumière des principes et des considérations qui ont été retenus dans ce rapport. En outre, lorsque cela est possible, elle servira à cerner des enjeux et des orientations générales pour une réforme qui découlerait de l’application de ces principes et de ces considérations, dans le but d’établir une base pour d’autres projets de recherche et initiatives de réforme.
L’évaluation est fondée sur un examen de la loi, de la jurisprudence, de documents gouvernementaux et des recherches pertinentes en sciences sociales.
Comme ce domaine a été peu analysé jusqu’ici, l’information est insuffisante en ce qui concerne certains aspects pour lesquels d’autres recherches sont nécessaires afin d’évaluer en profondeur l’incidence du droit sur les personnes handicapées. Si l’on devait entreprendre une telle évaluation de la loi, il serait utile de mener d’autres recherches sur la mise en œuvre et les effets de celle-ci, et des consultations auprès des fournisseurs de services, des personnes handicapées et des groupes qui les représentent ou les défendent seraient nécessaires pour déterminer plus précisément la façon dont ce domaine du droit peut toucher les personnes handicapées.
La loi dans ce domaine a une incidence sur les personnes handicapées jeunes ou âgées, bien que la situation de ces deux groupes tende à être plutôt différente, comme il en est brièvement fait mention dans la section suivante. Le projet parallèle de la CDO sur le droit touchant les personnes âgées s’est penché sur ce domaine du droit du point de vue des personnes âgées fragiles ou handicapées[375]. Le présent chapitre traitera des expériences des jeunes personnes handicapées[376]. (Il n’examinera pas le cadre législatif relatif aux services de soutien communautaire offerts aux enfants. Bien qu’il s’agisse d’un domaine important à examiner, il soulève des questions différentes qu’il conviendrait d’examiner plus longuement que ce qui est possible de faire en tenant compte de la portée de ce chapitre.) Ces évaluations distinctes ne visent pas à nier les points communs entre ces deux groupes, car, en fait, il en existe plusieurs[377]. Elles permettent toutefois de souligner, comme cela a été mis en évidence tout au long de ce rapport, l’importance de prêter une attention particulière à la diversité de l’expérience du handicap, à l’incidence du parcours de vie sur l’expérience du handicap et aux contextes particuliers liés à l’expérience du handicap. C’est dans le contexte de ce type d’examen approfondi que les principes prennent un sens et que le cadre nous permet d’évaluer les lois, les politiques et les pratiques.
Il existe de nombreux types de services de soutien communautaire qui sont essentiels pour les personnes handicapées. Ce chapitre est axé sur les services liés aux activités de la vie quotidienne fournis en application de la Loi de 1994 sur les services de soins à domicile et les services communautaires (LSSDSC)[378] et la Loi sur le ministère des Services sociaux et communautaires (LMSSC)[379], bien que l’on reconnaisse qu’il s’agit d’un seul élément (quoique essentiel) de la large gamme de services. Il ne fait que brièvement référence à la récente Loi de 2008 sur les services et soutiens favorisant l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle (Loi sur l’inclusion sociale)[380]. De nombreuses personnes handicapées prennent des dispositions pour recevoir un éventail de services souvent offerts par différents programmes et fournisseurs de services, ce qui a une incidence sur leurs expériences en matière de services auxiliaires. Cela dit, il peut être quelque peu irréaliste d’examiner cette question sans tenir compte des autres types de soutiens communautaires, et il serait important, dans le contexte d’un examen approfondi, de prendre attentivement en considération la façon dont les services auxiliaires sont reliés aux autres services et soutiens.
A. Contexte
1. L’importance des services de soutien communautaire
La Convention relative aux droits des personnes handicapées (la Convention ou CDPH) des Nations Unies souligne l’importance fondamentale des services de soutien communautaire qui permettent aux personnes handicapées de vivre dans leur collectivité et d’y prendre part ainsi que le rôle central que les gouvernements jouent en assurant l’accès à de telles mesures de soutien. L’article 19 de la CDPH prévoit que :
Les États Parties à la présente Convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que :
[…]
b. Les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation; […]
Les services de soutien communautaire relatifs aux activités de la vie quotidienne sont essentiels pour certaines personnes handicapées afin qu’elles puissent continuer à vivre dans la société. Une analyse réalisée en 2002 sur le continuum de soins offerts aux adultes atteints d’une incapacité physique, laquelle était fondée sur des consultations approfondies auprès d’intervenants, de personnes handicapées et d’aidants naturels, a conclu que [traduction] « les services d’auxiliaires autogérés étaient considérés comme étant “les plus importants de tous les services” », malgré leur accès limité dans l’ensemble du pays, puisqu’ils sont étroitement liés aux principes d’autonomie et d’intégration au sein de la collectivité[381].
En l’absence de tels services, la seule option dont disposent les personnes handicapées est le placement en établissement. Non seulement cette option se révèle presque toujours beaucoup moins avantageuse pour les personnes handicapées parce qu’elle réduit leur autonomie et leur inclusion sociale, elle est également beaucoup plus dispendieuse. Par conséquent, les gouvernements, y compris celui de l’Ontario, ont investi dans divers types de services de soutien communautaire. Selon le vérificateur général de l’Ontario :
[l]e Ministère reconnaît que l’amélioration des services de soins à domicile présente un double avantage. En effet, en plus d’offrir une meilleure qualité de vie au patient, cette option est beaucoup plus rentable que le placement dans un hôpital, un foyer de soins de longue durée ou un autre établissement institutionnel. Le représentant d’un CASC à qui nous avons parlé nous a informés que les services de soutien à la personne pouvaient, par exemple, permettre aux clients à risque moyen ou aux besoins modérés de continuer de vivre de façon indépendante chez eux. Les clients qui n’ont pas accès à ces services risquent de voir leur état se détériorer et d’être hospitalisés ou placés dans un établissement[382].
L’accès à de tels services personnels peut être essentiel pour tous les aspects de la participation et de l’inclusion sociales, notamment pour recevoir de la formation et de l’information, occuper un emploi, élever une famille et participer à des activités civiques ou communautaires. Par conséquent, l’accès aux services de soutien communautaire a des répercussions sur tous les aspects de la vie des personnes handicapées qui en ont besoin.
Les services de soutien peuvent être fournis de façon informelle par la famille ou les amis. Cependant, les besoins de certaines personnes handicapées peuvent dépasser la capacité des membres de leur famille ou de leurs amis à offrir ces services ou encore certains d’entre eux peuvent ne pas disposer de réseaux suffisamment larges pour fournir de tels services. De plus, lorsque des personnes handicapées comptent