Le chapitre V illustre l’application du cadre en examinant un enjeu actuel du droit touchant les personnes handicapées : le cadre législatif par lequel les personnes handicapées reçoivent des services de soutien dans la collectivité pour combler leurs besoins liés aux activités de la vie quotidienne, comme se laver, faire sa toilette, préparer les repas et prendre ses médicaments. On désigne parfois ces services par l’expression « services auxiliaires ».

Cet enjeu a été choisi parce que, bien qu’il soit essentiel au bien-être de nombreuses personnes handicapées et que ce sujet revienne souvent dans les débats sur les politiques, le droit en la matière a été peu étudié. Ce domaine du droit est lié de manière fondamentale à plusieurs des principes qui ont été retenus. Il illustre également un certain nombre de thèmes clés, y compris l’écart entre le contenu et la mise en œuvre du droit.

Cette illustration n’a pas pour but de fournir une description complète de ce domaine du droit ou de proposer des initiatives de réforme précises. Elle vise plutôt à proposer une réflexion sur le sujet à la lumière des principes et des considérations qui ont été retenus dans ce rapport. En outre, lorsque cela est possible, elle servira à cerner des enjeux et des orientations générales pour une réforme qui découlerait de l’application de ces principes et de ces considérations, dans le but d’établir une base pour d’autres projets de recherche et initiatives de réforme.

L’évaluation est fondée sur un examen de la loi, de la jurisprudence, de documents gouvernementaux et des recherches pertinentes en sciences sociales.

Comme ce domaine a été peu analysé jusqu’ici, l’information est insuffisante en ce qui concerne certains aspects pour lesquels d’autres recherches sont nécessaires afin d’évaluer en profondeur l’incidence du droit sur les personnes handicapées. Si l’on devait entreprendre une telle évaluation de la loi, il serait utile de mener d’autres recherches sur la mise en œuvre et les effets de celle-ci, et des consultations auprès des fournisseurs de services, des personnes handicapées et des groupes qui les représentent ou les défendent seraient nécessaires pour déterminer plus précisément la façon dont ce domaine du droit peut toucher les personnes handicapées. 

La loi dans ce domaine a une incidence sur les personnes handicapées jeunes ou âgées, bien que la situation de ces deux groupes tende à être plutôt différente, comme il en est brièvement fait mention dans la section suivante. Le projet parallèle de la CDO sur le droit touchant les personnes âgées s’est penché sur ce domaine du droit du point de vue des personnes âgées fragiles ou handicapées[375]. Le présent chapitre traitera des expériences des jeunes personnes handicapées[376]. (Il n’examinera pas le cadre législatif relatif aux services de soutien communautaire offerts aux enfants. Bien qu’il s’agisse d’un domaine important à examiner, il soulève des questions différentes qu’il conviendrait d’examiner plus longuement que ce qui est possible de faire en tenant compte de la portée de ce chapitre.) Ces évaluations distinctes ne visent pas à nier les points communs entre ces deux groupes, car, en fait, il en existe plusieurs[377]. Elles permettent toutefois de souligner, comme cela a été mis en évidence tout au long de ce rapport, l’importance de prêter une attention particulière à la diversité de l’expérience du handicap, à l’incidence du parcours de vie sur l’expérience du handicap et aux contextes particuliers liés à l’expérience du handicap. C’est dans le contexte de ce type d’examen approfondi que les principes prennent un sens et que le cadre nous permet d’évaluer les lois, les politiques et les pratiques.

Il existe de nombreux types de services de soutien communautaire qui sont essentiels pour les personnes handicapées. Ce chapitre est axé sur les services liés aux activités de la vie quotidienne fournis en application de la Loi de 1994 sur les services de soins à domicile et les services communautaires (LSSDSC)[378] et la Loi sur le ministère des Services sociaux et communautaires (LMSSC)[379], bien que l’on reconnaisse qu’il s’agit d’un seul élément (quoique essentiel) de la large gamme de services. Il ne fait que brièvement référence à la récente Loi de 2008 sur les services et soutiens favorisant l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle (Loi sur l’inclusion sociale)[380]. De nombreuses personnes handicapées prennent des dispositions pour recevoir un éventail de services souvent offerts par différents programmes et fournisseurs de services, ce qui a une incidence sur leurs expériences en matière de services auxiliaires. Cela dit, il peut être quelque peu irréaliste d’examiner cette question sans tenir compte des autres types de soutiens communautaires, et il serait important, dans le contexte d’un examen approfondi, de prendre attentivement en considération la façon dont les services auxiliaires sont reliés aux autres services et soutiens.

A.    Contexte

1.     L’importance des services de soutien communautaire

La Convention relative aux droits des personnes handicapées (la Convention ou CDPH) des Nations Unies souligne l’importance fondamentale des services de soutien communautaire qui permettent aux personnes handicapées de vivre dans leur collectivité et d’y prendre part ainsi que le rôle central que les gouvernements jouent en assurant l’accès à de telles mesures de soutien. L’article 19 de la CDPH prévoit que :

Les États Parties à la présente Convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que :

[…]

b. Les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation; […]

Les services de soutien communautaire relatifs aux activités de la vie quotidienne sont essentiels pour certaines personnes handicapées afin qu’elles puissent continuer à vivre dans la société. Une analyse réalisée en 2002 sur le continuum de soins offerts aux adultes atteints d’une incapacité physique, laquelle était fondée sur des consultations approfondies auprès d’intervenants, de personnes handicapées et d’aidants naturels, a conclu que [traduction] « les services d’auxiliaires autogérés étaient considérés comme étant “les plus importants de tous les services” », malgré leur accès limité dans l’ensemble du pays, puisqu’ils sont étroitement liés aux principes d’autonomie et d’intégration au sein de la collectivité[381]. 

En l’absence de tels services, la seule option dont disposent les personnes handicapées est le placement en établissement. Non seulement cette option se révèle presque toujours beaucoup moins avantageuse pour les personnes handicapées parce qu’elle réduit leur autonomie et leur inclusion sociale, elle est également beaucoup plus dispendieuse. Par conséquent, les gouvernements, y compris celui de l’Ontario, ont investi dans divers types de services de soutien communautaire. Selon le vérificateur général de l’Ontario :

[l]e Ministère reconnaît que l’amélioration des services de soins à domicile présente un double avantage. En effet, en plus d’offrir une meilleure qualité de vie au patient, cette option est beaucoup plus rentable que le placement dans un hôpital, un foyer de soins de longue durée ou un autre établissement institutionnel. Le représentant d’un CASC à qui nous avons parlé nous a informés que les services de soutien à la personne pouvaient, par exemple, permettre aux clients à risque moyen ou aux besoins modérés de continuer de vivre de façon indépendante chez eux. Les clients qui n’ont pas accès à ces services risquent de voir leur état se détériorer et d’être hospitalisés ou placés dans un établissement[382].

L’accès à de tels services personnels peut être essentiel pour tous les aspects de la participation et de l’inclusion sociales, notamment pour recevoir de la formation et de l’information, occuper un emploi, élever une famille et participer à des activités civiques ou communautaires. Par conséquent, l’accès aux services de soutien communautaire a des répercussions sur tous les aspects de la vie des personnes handicapées qui en ont besoin.

Les services de soutien peuvent être fournis de façon informelle par la famille ou les amis. Cependant, les besoins de certaines personnes handicapées peuvent dépasser la capacité des membres de leur famille ou de leurs amis à offrir ces services ou encore certains d’entre eux peuvent ne pas disposer de réseaux suffisamment larges pour fournir de tels services. De plus, lorsque des personnes handicapées comptent uniquement sur les membres de leur famille ou leurs amis, leur capacité à vivre de façon autonome et à traverser les périodes de transition de la vie courante, comme vivre séparément de leurs parents, peut être limitée. Finalement, le manque de services de soutien formels peut créer une forte pression sur la famille et les amis qui fournissent des services de soutien informels. En cas de services de soutien formels insuffisants, les réseaux informels peuvent s’effondrer sous la pression :

[Traduction]
Les rôles familiaux traditionnels sont perturbés sur les plans de la santé et des finances, et le soutien familial diminue au fur et à mesure que la population vieillit. Le manque de financement des services auxiliaires aura comme conséquence que les adultes dépendants demeureront avec leur famille bien après que celle-ci aura déployé tous les efforts en son pouvoir sur le plan humain, physique et financier en raison d’une incapacité de transférer ces personnes dans des milieux accessibles dotés d’appareils fonctionnels adéquats, pour finalement voir mourir les membres de la famille fournissant les services de soutien[383].

2.     Services de soins à domicile et services auxiliaires

Les personnes handicapées jeunes ou âgées peuvent avoir besoin de services de soutien communautaire. En raison du nombre important de personnes âgées qui ont actuellement besoin de services de soutien pour vivre à domicile, des tendances démographiques montrant un besoin croissant à cet égard et de la forte pression déjà exercée sur les régimes hospitaliers et les soins de longue durée[384], les besoins des personnes âgées fragiles ou handicapées ont généralement suscité un plus grand intérêt du public dans le cadre des débats sur cette question. Pourtant, les besoins des jeunes adultes handicapés sont tout aussi criants. Les besoins de ces deux groupes peuvent toutefois différer quelque peu, et il est donc important que les systèmes soient suffisamment souples pour répondre aux besoins différents.

Les programmes de soins à domicile ont été créés à l’origine pour les personnes souffrant de maladies chroniques et à long terme et la majorité de leurs clients étaient âgés de plus de 65 ans. Cette situation est en cours d’évolution. Les programmes de soins à domicile offrent dorénavant des services à des personnes de toutes les tranches d’âge et aux besoins beaucoup plus diversifiés. Or, les programmes de soins à domicile conçus pour des personnes âgées manquent peut-être de souplesse pour répondre […] aux besoins de personnes handicapées de tout âge […]. Par exemple, contrairement aux aînés qui ont recours aux soins à domicile et aux soins communautaires pour préserver leur autonomie, les personnes handicapées ont besoin de services pour s’intégrer au marché du travail et elles veulent contrôler plus leurs services […][385].

Les personnes âgées fragiles ou handicapées qui ont besoin de services de soutien pour vieillir dans la collectivité reçoivent généralement de tels services selon un « modèle de soins fournis par un organisme » dans lequel les services sont offerts par le personnel ou les sous-traitants d’organismes fournisseurs de soins, et les activités sont gérées par ces organismes[386]. En Ontario, de tels services sont principalement offerts par les Centres d’accès aux soins communautaires (CASC) en application du régime législatif énoncé dans la LSSDSC. Ces services peuvent comprendre de l’aide pour effectuer des tâches personnelles comme se laver et faire sa toilette, les services d’aide familiale comme préparer les repas et faire du lavage ou d’autres services comme le soutien aux aidants naturels ou le transport. Ces services sont généralement désignés par l’expression « soins à domicile ».

Bien que certains jeunes adultes handicapés accèdent aux services par le modèle de soins à domicile (ou de soins fournis par un organisme), le type de services préféré est souvent celui correspondant au modèle de « services auxiliaires » inspiré d’une philosophie de vie autonome dans lequel la personne peut gérer ses propres soins. Les personnes handicapées peuvent considérer les approches axées sur les soins fournis par un organisme comme étant moins compatibles avec les valeurs d’autonomie, de prise en main personnelle et de sécurité.

[Traduction]
Les personnes [handicapées] n’apprécient pas le modèle médical de soins plus formel. Elles considèrent qu’il équivaut aux soins institutionnels offerts dans un milieu différent. Les personnes handicapées souhaitent maximiser leur autonomie et avoir leur mot à dire en ce qui concerne leur vie, leur santé et leur corps. Elles souhaitent pouvoir former leurs auxiliaires en fonction de leurs besoins particuliers et gérer les soins qui leur sont prodigués. […] Les personnes handicapées considèrent que les règles et les règlements du système de soins de santé officiel sont trop axés sur l’aspect médical et manquent de souplesse[387].

Le modèle de services auxiliaires se rapportant aux services de soutien communautaire trouve son origine dans le mouvement de vie autonome visant les personnes handicapées : 

[Traduction]
Les services auxiliaires découlent du désir et du besoin des personnes handicapées de mener une vie autonome. Il s’agit d’un modèle unique qui permet aux personnes handicapées de gérer les services qu’elles reçoivent dans la collectivité. Avant la mise en place des services auxiliaires, la plupart des personnes atteintes d’une déficience physique limitant leur mobilité demeuraient dans des hôpitaux pour malades chroniques, vivaient en établissement ou étaient soignées par des membres de leur famille bien longtemps après l’âge auquel la plupart des personnes non handicapées auraient choisi de vivre seules.

Le modèle de vie autonome englobe la notion de partage des droits et des responsabilités entre les citoyens et l’État en mettant l’accent sur la création d’une société fondée sur les principes d’inclusion, d’équité, de capacité financière et de justice. Il est fondé sur le droit des personnes handicapées de :

a.      vivre dans la dignité dans la collectivité de leur choix;

b.      participer à tous les aspects de leur vie;

c.      gérer leur propre vie et prendre des décisions connexes[388].

L’élément central des services auxiliaires est la gestion de ceux-ci par le client :

[Traduction]
Un élément clé de la prestation des services auxiliaires est la gestion de ces services par le client. La responsabilité principale quant à la façon dont les services sont fournis revient au client. Pour ce faire, celui-ci doit savoir :

  1. les tâches qu’il doit faire exécuter par l’auxiliaire;
  2. le moment où ces tâches doivent être exécutées;
  3. la façon dont il souhaite que ces tâches soient exécutées[389].

Ce chapitre s’attardera sur les services auxiliaires offerts en Ontario plutôt que sur les services de soins à domicile, puisqu’ils sont plus pertinents pour les jeunes adultes handicapés. Comme il en est fait mention à la section B, les services auxiliaires peuvent être fournis selon divers modèles de prestation de services et de régimes législatifs.

3.     Répondre au besoin

On constate malheureusement une pénurie générale de services de soutien communautaire qui a des répercussions à la fois chez les personnes handicapées jeunes et âgées. L’exemple cité dans le chapitre III.C.6 illustre les conséquences du manque de ressources communautaires pour les personnes âgées handicapées des Premières nations et leur collectivité. Bien que les obstacles et le manque de services de soutien dans ces collectivités sont particulièrement graves, la plupart des collectivités font face à une telle pénurie. Selon l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) de Statistique Canada réalisée en 2001, près de 70 pour cent des Canadiens adultes handicapés – soit 2,4 millions de personnes – avaient besoin d’aide pour réaliser certaines activités quotidiennes en raison de leur incapacité. Environ deux tiers des adultes ayant affirmé avoir besoin d’aide pour réaliser des activités quotidiennes ont déclaré avoir reçu un tel soutien, alors que près d’un quart des personnes ont indiqué avoir reçu une certaine forme de soutien et que cinq pour cent ont répondu n’avoir reçu aucune aide dont ils avaient besoin. L’obstacle à la prestation de services de soutien le plus souvent mentionné était le coût, 52 pour cent des répondants ayant indiqué que l’aide était « trop coûteuse ». Parmi les participants, 27 pour cent ont déclaré « qu’il n’y avait pas d’aide informelle » et 25 pour cent ont dit qu’ils « ne savaient pas où obtenir de l’aide[390] ».

L’évolution des tendances démographiques, les attentes et les besoins changeants en matière de soins de santé, ainsi que les répercussions financières de la récente crise économique exercent des pressions sur l’ensemble des services de soins de santé. Par exemple, en 2008, le gouvernement ontarien a annoncé que la réduction des temps d’attente dans les urgences était l’une des principales priorités en santé. Le système de services de soins communautaires fait face à de multiples priorités urgentes, surtout parce que les soins de courte durée et de longue durée subissent eux aussi des pressions, et dispose de ressources limitées pour respecter ces priorités.

En 2008, des services auxiliaires ont été prodigués à environ 6 000 personnes de partout en Ontario :

  • les services financés directement (au titre de la LMSSC) ont reçu 2,1 millions de dollars;
  • les services d’auxiliaires à domicile (au titre de la LSSDSC) ont reçu 48,8 millions de dollars;
  • les services d’assistance dans les logements avec services de soutien (au titre de la LSSDSC) ont reçu 80,2 millions de dollars.

Les listes d’attente pour tous ces programmes sont très longues. À Toronto, en 2008, la liste d’attente pour obtenir des services d’assistance dans un logement avec services de soutien et des services d’auxiliaires à domicile comptait plus de 900 noms. Dix pour cent des personnes dont le nom était inscrit sur une liste d’attente vivaient dans un établissement prodiguant d’autres niveaux de soins, un hôpital pour malades chroniques ou un foyer de soins de longue durée (qui sont tous des établissements généralement peu appropriés et coûteux), alors que quinze pour cent vivaient avec leurs parents[391]. Le Centre for Independent Living Toronto (CILT), qui gère les services financés directement dans l’ensemble de la province, comptait plus de 450 personnes inscrites sur ses listes d’attente en 2007; en moyenne, moins de 30 places se libèrent chaque année[392]. Comme l’a fait remarquer l’Association ontarienne de soutien communautaire :

[Traduction]
La durée d’attente « connue » partout dans la province pour recevoir des services auxiliaires varie de quatre à dix ans. Le taux de « rotation » pour obtenir des services auxiliaires est très faible parce que les gens ont besoin de ces services tout le reste de leur vie. Bon nombre de personnes ne se donnent pas la peine de remplir un formulaire de demande en raison de si longs délais d’attente. Il est donc difficile d’évaluer les besoins réels dans l’ensemble de la province[393].

 

B.    Le cadre législatif de l’Ontario en matière de soins auxiliaires

1.               Aperçu 

La plupart des services auxiliaires actuellement offerts en Ontario sont prodigués aux termes de la LSSDSC. Cette loi régit la prestation d’un éventail de services communautaires fournis par le réseau de CASC et d’autres organismes communautaires dans l’ensemble de la province. Les services auxiliaires peuvent être fournis dans le cadre des programmes de services auxiliaires à domicile et de services d’assistance dans les logements avec services de soutien. Certaines jeunes personnes handicapées reçoivent des « soins à domicile » ou d’autres services qui sont coordonnés par les CASC.

En plus des services fournis aux termes de la LSSDSC, la LMSSC et le règlement d’accompagnement Grants for Disabilities[394] ont favorisé la création d’un système grâce auquel les personnes handicapées peuvent obtenir du financement direct pour recevoir des services auxiliaires de même qu’embaucher et former leur auxiliaire. Ces services sont parfois désignés par l’expression « services subventionnés directement » par opposition aux services fournis par un organisme aux termes de la LSSDSC. 

Finalement, la nouvelle Loi sur l’inclusion sociale de 2008[395] et son règlement d’accompagnement fournissent un régime pour la prestation d’un large éventail de services de soutien communautaire (incluant le financement direct) aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Ces dispositions n’ont pas encore été intégralement mises en œuvre. Les parties IV et V de la Loi sur l’inclusion sociale formeront un élément important du cadre législatif sur la réception de services de soutien communautaire lorsqu’elles prendront pleinement effet. Elles seront donc brièvement décrites ci-dessous. Cependant, puisque les structures relatives à la mise en œuvre de certains aspects de ce système sont encore en voie d’élaboration, ce chapitre ne tentera pas d’évaluer les dispositions de la Loi sur l’inclusion sociale par rapport à celles du cadre. 

Les statistiques sur l’utilisation des programmes offerts aux termes de la LSSDSC et du programme de financement direct sont difficiles à obtenir. L’Association canadienne de soins et services à domicile a indiqué que, au cours de l’exercice financier 2005-2006, le programme de soins communautaires de l’Ontario (régi par la LSSDSC) a servi 303 605 personnes. Seulement plus de la moitié, soit 54 pour cent, de ces personnes étaient âgées de plus de 65 ans, 11 pour cent étaient des enfants de moins de 18 ans et le reste, soit environ 35 pour cent, étaient des adultes âgés de 19 à 64 ans[396].Certaines des personnes formant cette proportion de 35 pour cent (108 079 personnes) étaient sans aucun doute atteintes d’un handicap, mais les autres étaient des personnes ayant besoin de soins de courte durée en raison d’une maladie. Parmi les personnes bénéficiant d’un soutien offert selon un modèle de soins à domicile, 40 pour cent recevaient des services « de substitution des soins actifs »[397]. Il est par conséquent difficile de déterminer le nombre de jeunes personnes handicapées qui reçoivent des services de soutien leur permettant de vivre dans la société, lesquels sont fournis en application de la LSSDSC.

2.               Loi de 1994 sur les services de soins à domicile et les services communautaires

Aperçu

Les objets de la LSSDSC sont entre autres de veiller « à ce qu’un large éventail de services communautaires soit offert aux gens dans leur propre foyer et dans d’autres cadres communautaires de sorte que d’autres choix soient possibles parallèlement aux soins en établissement », de fournir « soutien et relève aux parents, amis, voisins et autres particuliers qui fournissent des soins à une personne à son domicile », de promouvoir « l’équité d’accès aux services communautaires grâce à l’application de critères d’admissibilité cohérents et de règles et de marches à suivre uniformes », et d’intégrer les services communautaires et les autres types de services, y compris ceux qui sont offerts par des hôpitaux et des foyers de soins de longue durée[398].

La LSSDSC régit la prestation :

  1. de services de soutien communautaire, tels que les services de repas, de transport, de soutien aux fournisseurs de soins, d’entretien ménager et récréatifs;
  2. de services d’aide familiale, tels que le ménage, la lessive, le magasinage, les visites à la banque, la préparation des repas et les soins des enfants;
  3. de services de soutien personnel, y compris l’assistance ou la formation pour les activités relatives à l’hygiène corporelle ou les activités personnelles régulières de la vie courante;
  4. de services professionnels, y compris les services infirmiers, d’ergothérapie, de physiothérapie, de travail social et de diététique et les services similaires[399].

Les services régis par la LSSDSC qui présentent le plus grand intérêt aux fins de ce chapitre sont les suivants :

  • les services d’auxiliaires à domicile : Ces services sont généralement prodigués au domicile des personnes concernées selon un horaire déterminé à l’avance (certains services sont également offerts dans des lieux de travail ou des établissements d’enseignement). Ces personnes peuvent recevoir un maximum de 90 heures de services par mois, à moins d’avoir obtenu une exemption spéciale.
  • les services d’assistance dans les logements avec services de soutien : Dans le contexte du programme de logements avec services de soutien, qui offre des logements accessibles et abordables aux personnes handicapées, les locataires peuvent recevoir des services auxiliaires, que ce soit sur appel ou selon un horaire établi à l’avance. Ce programme offre à la fois des services de soutien personnel et d’aide familiale, des services de surveillance ou de réconfort et de coordination des soins. Les services peuvent également être offerts dans des habitations collectives ou des foyers de groupe[400].

Les bénéficiaires de services auxiliaires (offerts par l’un des programmes mentionnés ci-dessus) donnent des instructions à leur auxiliaire en fonction de leurs besoins et sont responsables des décisions et de la formation en lien avec les services qu’ils reçoivent[401].

La LSSDSC comprend une déclaration des droits des personnes qui reçoivent des services aux termes de ses dispositions. Celle-ci inclut le droit pour une personne : 

  • d’être traitée avec courtoisie et respect, sans subir de mauvais traitements de quelque nature que ce soit;
  • d’être traitée d’une manière qui respecte sa dignité et son intimité et qui favorise son autonomie;
  • d’être traitée d’une manière qui reconnaît son individualité et qui est attentive aux besoins fondés sur des considérations ethniques, spirituelles, linguistiques, familiales et culturelles;
  • d’être informée sur les services communautaires qui lui sont fournis; des lois, des règles et des politiques qui influent sur le fonctionnement du fournisseur de services; et de la marche à suivre pour porter plainte;
  • de participer à l’évaluation de ses besoins et à l’élaboration d’un programme de services;
  • de donner ou de refuser son consentement à la fourniture de tout service;
  • de soulever des questions ou de recommander des changements à l’égard des services qui lui sont fournis ou des politiques et des décisions qui influent sur ses services;
  • de voir respecter le caractère confidentiel de ses dossiers[402].

Structure de prestation des services

La LSSDSC accorde au ministre de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) beaucoup de latitude en ce qui concerne la fourniture des services : les services peuvent être fournis directement par le gouvernement; celui-ci peut payer d’autres parties pour qu’elles fournissent des services communautaires, au moyen de subventions et de contributions, ou d’une aide financière au titre des dépenses d’exploitation ou des dépenses en immobilisations; ou encore il peut conclure des ententes avec d’autres parties aux fins de la fourniture de services[403]. Le ministre a le pouvoir d’agréer les organismes aux fins de la fourniture des services et d’agréer les locaux en vue de la fourniture des services, et peut assortir l’agrément de conditions[404]. 

Aux termes de la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local, l’Ontario a créé 14 réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS), lesquels sont chargés de la planification, du financement, de la coordination et de l’intégration des services de soins de santé dans leur secteur[405]. Les RLISS allouent des fonds aux organismes et aux fournisseurs de services afin qu’ils offrent les services régis par la LSSDSC. Les CASC sont des organismes agréés en vertu de l’article 5 de la LSSDS[406]. Ils ont été créés en 1996 en remplacement des services régionaux de soins à domicile et de placement, qui avaient été critiqués en raison de leur fragmentation et de leur iniquité[407]. Chaque CASC relève maintenant de l’un des RLISS, et chaque RLISS relève du Ministère[408]. Les CASC évaluent l’admissibilité aux services des clients potentiels, approuvent les clients qui recevront des services et répartissent les fonds disponibles[409]. Les CASC ne dispensent pas eux-mêmes les services. En théorie, des organismes à but lucratif et non lucratif peuvent se faire concurrence pour offrir des services en soumissionnant des contrats dans le cadre d’une demande de propositions. Dans la pratique, le processus concurrentiel a été suspendu à de nombreuses occasions[410]. Les services, y compris les services auxiliaires, peuvent être gérés par les CASC ou d’autres organismes.

Critères d’admissibilité aux services auxiliaires

Pour être admissibles aux services auxiliaires, les demandeurs doivent satisfaire aux critères suivants :

  • être assurés aux termes de la Loi sur l’assurance-santé de l’Ontario (c.-à-d. posséder une carte Santé de l’Ontario valide);
  • être âgés d’au moins 16 ans;
  • être atteints d’une incapacité physique permanente et avoir besoin d’aide pour exécuter les activités de la vie quotidienne comme se laver, s’habiller, se déplacer et aller aux toilettes;
  • être en mesure de gérer ses soins de santé. Cela signifie que les demandeurs doivent indiquer aux auxiliaires les tâches qu’ils doivent exécuter ainsi que le moment où elles doivent être exécutées et la façon dont ils souhaitent que celles-ci soient exécutées;
  • avoir des besoins médicaux ou professionnels pouvant être comblés par le réseau de santé communautaire existant lors des visites.

À Toronto, le CILT a mis sur pied un processus de demande centralisé au moyen du Project Information Centre (PIC). Cependant, à l’extérieur de Toronto, les demandeurs doivent présenter une demande à chacun des fournisseurs de services[411].

Prestation des services

Les personnes qui cherchent de l’information sur les services de soutien communautaire et les services auxiliaires en particulier doivent savoir que les principales sources d’information semblent être les sites Web des RLISS, des CASC et d’autres organismes ainsi que les services d’information téléphonique. Les CASC ne donnent pas tous leur numéro de téléphone sur leur page d’accueil : dans certains cas, on doit avoir recours au site Web du ministère de la Santé. Le personnel de la CDO qui cherchait de l’information en ayant recours aux services téléphoniques était souvent redirigé vers les sites Web. Autrement dit, l’information est surtout accessible sur Internet et sur support papier. 

Un examen de l’information sur les services de soutien communautaire fournie dans les sites Web des 14 RLISS et CASC a révélé des écarts importants quant à l’étendue et au format de cette information. Certains CASC ont des présentations vidéo sur leurs services et options, mais la majorité offre exclusivement de l’information imprimée. La majeure partie de l’information est présentée sous forme de fichiers PDF, ce qui peut représenter un obstacle pour les personnes ayant une déficience visuelle qui utilisent des lecteurs d’écran. Certains CASC offrent des documents imprimés grand format, mais nombreux sont ceux qui ne le font pas. Certaines régions, mais pas toutes, offrent de l’information en français et en anglais; et pas en d’autres langues. Certains CASC offrent des renseignements détaillés sur les fournisseurs de services dans leur région et d’autres, non.

À Toronto, les demandes de services auxiliaires semblent être regroupées grâce au programme PIC du CILT, ce qui simplifie considérablement le processus[412], tandis que, à l’extérieur de Toronto, il peut être nécessaire pour les demandeurs de services auxiliaires de présenter une demande auprès de chaque fournisseur de services. Le CILT tient à jour un répertoire des services auxiliaires offerts en Ontario, lequel permet aux personnes concernées de trouver les services fournis dans leur région. 

Lorsqu’une personne présente à un organisme une demande de services communautaires fournis en application de la LSSDSC, l’organisme doit évaluer les besoins de celle-ci et déterminer son admissibilité, puis rédiger un programme de services. Le programme de services doit être révisé régulièrement afin de l’adapter aux changements dans la situation de la personne, et celle-ci doit avoir la possibilité de participer pleinement à l’élaboration, à l’évaluation et à la révision de son programme de services. Le programme de services doit aussi tenir compte des préférences de la personne, y compris les préférences fondées sur des considérations ethniques, spirituelles, linguistiques, familiales et culturelles.[413]

Les services décrits dans le programme de services doivent être fournis dans un délai raisonnable, et s’ils ne sont pas accessibles immédiatement, la personne doit être inscrite sur une liste d’attente.[414]

Les fournisseurs de services doivent afficher dans leurs locaux une copie de la déclaration des droits ainsi que de toute entente de responsabilisation en matière de services conclue[415]. En outre, chaque organisme doit fournir à ses clients ou aux personnes légalement autorisées à prendre des décisions en leur nom un avis écrit énonçant :

  • leurs droits en vertu de la déclaration des droits;
  • la marche à suivre de l’organisme pour porter plainte;
  • l’information concernant la protection des renseignements personnels et la confidentialité;
  • (le cas échéant) l’information au sujet des ententes de responsabilisation en matière de services conclues par l’organisme[416].

Les organismes doivent de plus élaborer et mettre en œuvre des programmes visant à prévenir et à dépister les mauvais traitements à l’endroit des personnes qui reçoivent des services ainsi qu’à remédier à ces problèmes, de même qu’un système de gestion de la qualité[417]. La LSSDSC établit les exigences pour la protection et la confidentialité des renseignements personnels des clients[418].

Il y a peu d’information disponible au sujet de la formation et de la sensibilisation du personnel chargé de la prestation des services. Tandis que les CASC et d’autres organismes tiennent évidemment compte des qualifications du personnel lorsqu’ils accordent des contrats aux divers fournisseurs de services et dans le cadre de leurs programmes de gestion de la qualité, la LSSDSC et les règlements ne fixent pas d’exigences minimales pour les qualifications du personnel ou pour la sensibilisation et la formation continue.

Supervision des organismes

Pour être retenu par le Ministère, un organisme doit d’abord être agréé. Pour être agréé, l’organisme doit se conformer à la déclaration des droits et être exploité avec « compétence, honnêteté et intégrité, et avec le souci de la santé, de la sécurité et du bien-être des personnes qui reçoivent le service »[419]. La LSSDSC exige des organismes qu’ils remettent des rapports annuels sur leur exploitation au Ministère, et autorise celui-ci à nommer des superviseurs de programmes au besoin, de même qu’à révoquer ou suspendre un agrément. 

Les CASC reçoivent de l’information sur le rendement de leurs fournisseurs de services de la part des clients qui choisissent de communiquer avec eux pour se plaindre de leurs soins, mais il n’y a pas d’obligation expresse pour les CASC de s’assurer que les organismes qui fournissent les services respectent la déclaration des droits. Une obligation expresse de surveillance permettrait aux CASC d’obtenir une information complète au sujet de la conformité des fournisseurs de services à la déclaration des droits dans toute la province.

Alors que la LSSDSC oblige chaque organisme qui dispense des services à veiller « à ce que soit élaboré et mis en œuvre un système de gestion de la qualité visant à surveiller, à évaluer et à améliorer la qualité des services communautaires fournis par l’organisme ou dont ce dernier fait en sorte qu’ils soient fournis[420] », elle ne précise pas ce que ce système devrait comporter. Bien que la LSSDSC autorise le Ministre à adopter des règlements pour « régir le système de gestion de la qualité qui doit être élaboré et mis en œuvre[421] », la LSSDSC et ses règlements ne contiennent actuellement aucune obligation de surveillance relativement à la gestion de la qualité. 

De la même façon, même si la LSSDSC oblige les fournisseurs de services à offrir des services en temps opportun et à tenir des listes d’attente, elle ne fixe aucune norme précise en ce domaine. Il n’y a aucune obligation législative quant au délai sinon qu’il « soit raisonnable dans les circonstances[422] », aucune directive quant à la façon dont les organismes devraient établir les priorités des besoins de services, ni aucune exigence concernant les qualifications et la formation du personnel des services. En plus de créer des écarts considérables entre les politiques et les résultats dans l’ensemble de la province, cette situation réduit la transparence et la reddition de comptes au sein du système. Les clients n’ont pas une idée claire des services auxquels ils ont droit. 

Les CASC ont entrepris diverses initiatives pour faire en sorte que des soins sécuritaires et de qualité soient fournis « au bon endroit au bon moment ». Parmi celles-ci, mentionnons le recours à des comités de qualité des CA, des plans annuels d’amélioration de la qualité, des sondages communs sur la satisfaction de la clientèle, des sondages communs sur la satisfaction par rapport aux fournisseurs de services sous contrat et des sondages sur la satisfaction des employés[423]. Les CASC peuvent visiter les locaux des fournisseurs de services et examiner les données sur le rendement comme les taux d’acceptation des renvois et le nombre de visites manquées. Au moins un CASC a adopté comme priorité des visites ponctuelles chez chacun de ses 14 fournisseurs de services, afin de constater la qualité des services offerts[424]. 

Le bureau du vérificateur général a constaté que les trois CASC visités avaient effectué des visites ponctuelles des locaux de certains de leurs fournisseurs de services, mais qu’un seul avait effectué des visites régulières sur place pour vérifier l’ensemble de ses fournisseurs de services. Ces CASC ont décelé certaines lacunes courantes liées au contrôle et à la surveillance. Par exemple, les trois quarts des fournisseurs de services évalués avaient une capacité limitée de déterminer si leur personnel avait fourni les services chez le client en temps opportun, et le tiers des fournisseurs de services n’évaluaient pas les préposés aux services de soutien à la personne en les observant en train de fournir des services aux clients[425].

Le ministre peut nommer des superviseurs de programmes, qui sont habilités à mener des inspections des fournisseurs de services communautaires (avec un mandat si nécessaire) et qui ont le pouvoir de copier et d’enlever des documents[426].

Le ministre peut révoquer ou suspendre l’agrément d’un organisme ou de locaux lorsqu’il estime, en se fondant sur des motifs raisonnables, qu’il y a eu contravention aux conditions imposées par le ministre, la LSSDSC ou les règlements, ou violation d’une entente[427]. Le ministre peut aussi « prendre en charge » un organisme, destituer et remplacer l’ensemble ou une partie des membres du conseil d’administration, ou prendre directement la direction de l’organisme ou d’une partie de celui-ci, et exploiter et gérer l’organisme ou une partie de celui-ci[428]. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux CASC[429]. Le ministre peut donner des instructions sur des sujets associés à l’exercice des droits, des pouvoirs et des fonctions d’un CASC aux termes de la loi[430]. Le ministre peut également, dans l’intérêt public, nommer un superviseur qui peut, sauf disposition contraire de l’acte de nomination, exercer tous les pouvoirs du CASC, de son conseil ou du directeur général[431].

À la fin de 2008, le Ministère a annoncé un certain nombre d’initiatives dans le but d’améliorer la qualité des services fournis aux termes de la LSSDSC, dont les suivantes :

  • exiger des CASC qu’ils fassent appel à des « conseillers en équité » pour toutes les demandes de propositions;
  • exiger des CASC qu’ils divulguent la justification du choix des fournisseurs de services après la conclusion du processus de demande de propositions;
  • commencer à publier les mesures du rendement;
  • exiger de tous les CASC et fournisseurs de services qu’ils mettent au point des plans annuels d’amélioration continue de la qualité[432].

Mécanismes de présentation des plaintes et d’exécution

Selon une étude du vérificateur général de l’Ontario portant sur les plaintes reçues par trois CASC, seul un petit nombre de plaintes officielles avaient été faites par les bénéficiaires de services de l’Ontario à leur CASC. Durant les trois premiers trimestres de l’exercice 2009-2010, seulement trois à huit bénéficiaires de services sur 1 000 avaient porté plainte dans ces trois CASC. Toutefois, de nombreux problèmes soumis aux CASC ne sont pas classés comme des plaintes officielles, mais sont simplement réglés par les gestionnaires de cas et versés au dossier des clients. Et ils sont beaucoup plus fréquents. En examinant les dossiers des trois CASC, le vérificateur général a relevé environ 1 300 « incidents » sur une période de neuf mois dans deux des CASC, et plus de 600 incidents sur une période de six mois au troisième[433]. 

Accès à l’information sur les mécanismes de plaintes : À l’heure actuelle, la LSSDSC exige des organismes qu’ils informent par écrit une personne qui reçoit des services communautaires de la marche à suivre pour déposer une plainte contre ses fournisseurs de services[434]. Le site Web provincial des CASC explique très brièvement comment déposer une plainte, et propose aux clients de communiquer directement avec leur CASC pour obtenir des renseignements détaillés[435]. Les renseignements sur les diverses marches à suivre pour les plaintes concernant la qualité des services ou sur les choix possibles en cas de violation de la « déclaration des droits » n’apparaissent pas dans les documents publics des CASC. 

Mécanismes de présentation des plaintes : Les dispositions de la LSSDSC qui énoncent la déclaration des droits constituent un contrat réputé conclu entre le fournisseur de services et la personne qui reçoit le service, de telle manière que le bénéficiaire de service pourrait, en théorie, intenter une action en justice pour violation de contrat dans le but de faire respecter ces droits[436]. Bien que, en théorie, le recours aux tribunaux civils accorde aux personnes handicapées une autre avenue que le système administratif, dans la réalité, un tel recours reste inaccessible à la majorité des personnes handicapées qui reçoivent des services aux termes de la LSSDSC. Autant les ressources limitées d’Aide juridique Ontario que le manque d’avocats spécialisés dans ce domaine du droit en Ontario posent un problème pour les personnes handicapées qui, sinon, opteraient peut-être pour une action en justice. De plus, les moyens financiers limités de nombre de personnes handicapées qui dépendent de services de soutien communautaire financés par la province peuvent empêcher celles qui songent à entreprendre des poursuites judiciaires longues et coûteuses de le faire. Les personnes handicapées qui peuvent se permettre un procès civil décideront parfois de consacrer leurs ressources à payer des services de leur poche au lieu d’investir des ressources, du temps et des efforts dans un procès civil à l’issue incertaine[437].

Depuis peu, les clients de services communautaires ont aussi la possibilité de communiquer avec la Ligne ACTION des soins de longue durée pour recevoir de l’information et de l’aide sur les questions relatives aux services qu’ils reçoivent. La Ligne ACTION peut faciliter la réception et le renvoi des plaintes en matière de services communautaires. S’ils le demandent, les clients peuvent être dirigés vers un facilitateur de plaintes indépendant pour discuter de leurs préoccupations. Les facilitateurs sont tenus de communiquer avec le client dans les dix jours ouvrables suivant le renvoi et ils peuvent, s’ils en ont la permission, communiquer avec le CASC du client pour contribuer à répondre à ses préoccupations. 

Les organismes agréés pour la fourniture des services ont l’obligation de mettre sur pied un processus pour recevoir et examiner les plaintes concernant : 

  1. une décision sur l’admissibilité aux services;
  2. la décision d’exclure un service particulier du programme de services d’une personne;
  3. une décision concernant la quantité de tout service devant faire partie du programme de services d’une personne;
  4. la décision de mettre fin à la fourniture des services à une personne;
  5. la qualité d’un service fourni à une personne;
  6. la violation des dispositions de la déclaration des droits. [438]

L’organisme doit examiner toutes les plaintes concernant la qualité des services ou la déclaration des droits et y répondre dans un délai de 60 jours. Pour tous les autres types de plaintes, l’organisme doit donner un avis écrit de sa décision au sujet de la plainte dans les 60 jours. Certains CASC ont un ombudsman qui agit comme médiateur entre le client et son intervenant[439], mais d’autres n’ont que le gestionnaire de cas du client du CASC comme point de contact initial pour un client qui voudrait déposer une plainte[440].

Appels : Les décisions ne concernant pas la qualité des services ou la déclaration des droits peuvent être portées en appel devant la Commission d’appel et de révision des services de santé (CARSS). La CARSS doit ensuite tenir une audience sur cette plainte dans les 30 jours. Elle peut confirmer la décision, l’annuler et renvoyer l’affaire à l’organisme pour qu’il prenne une nouvelle décision, ou l’annuler et substituer sa propre décision à celle de l’organisme. Les décisions de la CARSS sont sans appel[441]. 

Enjeux systémiques : Comme le mécanisme de plainte n’est pas centralisé, il n’aide pas à regrouper l’information sur les soins fournis par les divers organismes dans l’ensemble de la province. Puisque les plaintes relatives à la qualité des services n’exigent pas une réponse écrite, il peut aussi être difficile de suivre le nombre exact des plaintes déposées, leur objet et leur traitement. Cela ne semble pas non plus faciliter la tâche du Ministère pour s’assurer que des services de grande qualité soient fournis uniformément dans toute la province.

3.               Loi sur le ministère des Services sociaux et communautaires – Financement direct sous forme de subventions

Aperçu

La LMSSC permet au ministre d’« accorder des subventions […] aux personnes handicapées qui ont au moins seize ans, ou à quiconque agit en leur nom, en vue de les aider à obtenir les biens et les services dont elles ont besoin en raison de leur handicap […] » ainsi qu’à des organisations et des organismes qui ont conclu avec la Couronne une entente pour le transfert de ces subventions aux personnes handicapées[442]. On désigne souvent de telles subventions par les expressions « financement direct » ou « financement autogéré ».

Bien qu’il soit généralement reconnu que le financement autogéré n’est pas approprié ou souhaitable pour toutes les personnes handicapées, le financement autogéré des services auxiliaires permet à ces personnes de gérer leurs propres soins et est donc perçu comme étant un moyen d’accroître la sécurité, l’autonomie et la dignité de celles pour qui ce type de financement est approprié. Le rapport sur un projet pilote axé sur le financement autogéré, qui a été réalisé en 1997, a fait remarquer que :

[Traduction]
L’octroi de financement aux personnes handicapées ayant recours aux services auxiliaires afin de leur permettre d’embaucher et de gérer leur propre personnel change la relation habituelle entre les clients et les auxiliaires. Grâce au financement direct autogéré, les participants de ce projet pilote sont devenus les employeurs des auxiliaires, ce qui était une première dans la plupart des cas. Les autogestionnaires et les auxiliaires ont souligné que ce changement apporté dans la relation entre l’employeur et l’employé s’est traduit par une responsabilisation accrue envers les personnes handicapées et un plus grand respect mutuel […].

Le financement direct offrait aux autogestionnaires participants plus de pouvoir, de choix et de souplesse en matière de services auxiliaires que jamais auparavant. Ils ont mentionné les nombreuses façons dont ce type de financement avait fait une différence dans leur vie, notamment un plus grand pouvoir décisionnel dans tous les aspects de leur vie, une moins grande vulnérabilité, une autonomie accrue, une plus grande estime de soi, des relations personnelles plus épanouissantes et une participation sociale accrue[443].

Services fournis

Aux termes du Règlement de l’Ontario 367/94, les auxiliaires peuvent fournir les services suivants :

  1. tourner une personne dans son lit, la soulever, la placer ou la déplacer d’un endroit à un autre;
  2. aider une personne à se laver, à prendre son bain ou sa douche, à se raser ou à veiller à son hygiène personnelle;
  3. aider une personne à s’habiller ou à se déshabiller;
  4. installer un cathéter, vider et changer un sac collecteur, aider une personne à utiliser les toilettes ou encore à uriner ou à déféquer;
  5. aider une personne à mieux respirer, lui prodiguer des soins à la suite d’une trachéostomie ou faire l’entretien d’un appareil d’oxygénothérapie;
  6. aider une personne à manger;
  7. aider une personne à préparer les repas, à laver la vaisselle, à faire la lessive ou à effectuer d’autres tâches ménagères;
  8. aider une personne à communiquer l’information essentielle.

Critères d’admissibilité

Le Règlement de l’Ontario 367/94 énonce un ensemble complexe de critères d’admissibilité à l’accès au financement direct sous forme de subventions. Conformément à ce règlement, pour être admissible au financement direct des services auxiliaires, la personne handicapée doit :

a)     être âgée d’au moins 16 ans;

b)     avoir besoin de services auxiliaires en raison d’une incapacité physique permanente;

c)      avoir besoin de services auxiliaires énoncés à au moins deux des points 1 à 8 du paragraphe 1(2) et d’au moins un service auxiliaire énoncé au point 1, 2, 3 ou 4 de la liste des services énumérée ci-dessus;

d)     avoir besoin des mêmes services auxiliaires depuis au moins un an;

e)     pouvoir recevoir les soins dont elle a besoin à domicile;

f)      comprendre la nature de son incapacité et les conséquences qui en découlent sur sa capacité à accomplir les activités essentielles de la vie quotidienne;

g)     comprendre le type de services auxiliaires dont elle a besoin, le moment où elle en a besoin, le nombre d’heures de services auxiliaires nécessaires et la façon dont ces services doivent être fournis;

h)     être en mesure de planifier ses services auxiliaires et de prendre d’autres dispositions pour s’assurer que ses besoins en matière de services auxiliaires sont comblés, advenant le cas où un auxiliaire n’est pas disponible à l’heure prévue;

i)       être en mesure de former ou de participer à la formation des auxiliaires, de les superviser, de leur donner des instructions ou autrement de communiquer avec eux;

j)       être en mesure de recruter, d’embaucher et de congédier les auxiliaires;

k)     être en mesure de comprendre et d’exécuter les responsabilités qu’elle devra assumer en tant qu’employeuse d’un ou de plusieurs auxiliaires;

l)       être en mesure de gérer les dépenses des fonds versés par l’organisation, l’organisme ou l’entité et de rendre des comptes à cet égard;

m)   être en mesure d’évaluer les services auxiliaires qu’elle reçoit et de communiquer son évaluation à d’autres personnes;

n)     être disposée à remplir les fonctions énoncées aux alinéas h) à m) et à assumer la responsabilité et les risques inhérents à l’exercice de ces fonctions.

Il est intéressant de noter que le programme est limité aux adultes (personnes de plus de 16 ans) atteints d’une incapacité physique (bien qu’il n’exclut pas les personnes atteintes d’autres déficiences en plus d’une incapacité physique). La loi ne propose aucune définition de l’expression « incapacité physique ».

De plus, le besoin doit être constant – c’est-à-dire que l’incapacité physique doit être « permanente » et que les besoins de services doivent demeurer inchangés pendant une période d’au moins un an.

Finalement, on accorde une grande importance à l’évaluation des compétences du bénéficiaire potentiel de la subvention et de sa compréhension quant à ses responsabilités pour qu’il gère lui-même les aspects administratif, financier et d’encadrement de la relation employeur-employé.

Modèle de prestation des services

Les fonds alloués pour les services dans le cadre du programme de financement direct reviennent directement à l’organisme fournisseur (CILT en collaboration avec le Réseau des centres de vie autonome de l’Ontario), qui détermine ensuite l’admissibilité des demandeurs à la suite d’un long processus de demande et d’entrevue et qui administre l’allocation des fonds subventionnés. Le CILT fournit un guide de demande complet pour le programme de financement direct[444]. 

Une fois qu’il a été approuvé, le bénéficiaire de la subvention devient alors l’employeur direct de l’auxiliaire et est tenu de se conformer à la Loi sur les normes d’emploi, au Code des droits de la personne, à la Loi de l’impôt sur le revenu et aux autres lois se rapportant au contexte de l’emploi. Bien que l’organisme fournisseur puisse être en mesure de fournir des services de soutien et de l’information concernant des questions pratiques en lien avec la fonction d’employeur, la responsabilité à cet égard incombe, en dernier lieu, au bénéficiaire de la subvention.

Mécanismes de présentation des plaintes

Le CILT a mis en place un mécanisme d’examen des décisions relatives à l’admissibilité au financement direct. Si, après avoir passé l’entrevue, le demandeur est déclaré inadmissible au financement direct, celui-ci peut présenter une demande écrite d’examen. Un tiers indépendant examinera la demande pour déterminer si la décision en matière d’admissibilité était juste quant au fond et à la forme. Si le demandeur n’est pas satisfait des résultats de l’examen, il peut en appeler à la CARSS[445].

Puisque la personne handicapée est l’employeur direct de l’auxiliaire, ce dernier relève directement d’elle pour les services fournis, et toute question liée à la qualité des services est traitée comme une question d’emploi.

4.               Prestation de services de soutien communautaire aux termes de la Loi sur l’inclusion sociale

La Loi sur l’inclusion sociale[446], qui a été adoptée en 2008 pour remplacer la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, marque une transformation notable en ce qui a trait à la prestation des services et des soutiens aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Elle vise à ce que ce secteur abandonne progressivement les soins institutionnalisés et se tourne vers un [traduction] « système de services et de soutiens qui permettra aux personnes atteintes d’une déficience intellectuelle d’être plus autonomes, de disposer d’un pouvoir décisionnel accru dans leur vie quotidienne et, en fin de compte, de vivre comme des citoyens à part entière dans la collectivité de leur choix[447] ».

La Loi sur l’inclusion sociale régit la prestation d’un éventail de services de soutien communautaire, notamment ceux se rapportant aux activités de la vie quotidienne, à la participation communautaire, à la relève des aidants naturels et à la planification gérée par la personne[448]. Les services et les soutiens peuvent être financés par des ententes avec des organismes de services ou par le financement direct versé à des personnes handicapées, qui est administré par des « entités d’examen des demandes[449] ». Les dispositions de la Loi sur le financement direct ne sont pas encore entrées en vigueur. Les personnes ayant une déficience intellectuelle peuvent présenter une demande pour obtenir des services ou des soutiens en ayant recours à des organismes de services, au financement direct ou à ces deux moyens[450].

Les « entités de financement » élaboreront des profils de services et de soutiens pour chaque demandeur admissible et détermineront l’ordre de priorité des services et des soutiens à fournir en fonction des règles énoncées dans les directives en matière de politique[451]. 

Les organismes de service sont liés par les modalités de leurs accords de financement, toute norme et toute mesure de rendement requises par les directives en matière de politique[452] et toute mesure d’assurance de la qualité prescrite par le Règlement de l’Ontario 299/10[453]. Les organismes de service doivent rendre des comptes au besoin au ministre et établir des procédures écrites en matière de règlement de plaintes.

En ce qui concerne l’exécution de la Loi, cette dernière comporte des dispositions sur les inspections et la délivrance d’ordres de conformité. Lorsqu’un organisme de service ne se conforme pas à un tel ordre, le ministre peut rompre tout accord de financement conclu avec lui, ne plus lui affecter de fonds ou encore révoquer la désignation d’entités d’examen des demandes[454]. Les organismes de service peuvent aussi faire l’objet d’une prise en charge lorsque des motifs raisonnables portent à croire qu’ils détournent des fonds ou que leurs activités représentent une menace immédiate pour la santé, la sécurité ou le bien-être des personnes qu’ils servent[455].

Bien qu’on ait loué la Loi pour s’être éloignée du modèle institutionnel de prestation de services et de soutiens et pour avoir offert aux personnes ayant une déficience intellectuelle un plus grand choix et un pouvoir accru en matière de sélection et de réception de services, des préoccupations ont été émises quant à l’absence d’une approche fondée sur les droits à l’égard de la réception des services et d’un désir de se doter de mécanismes d’exécution de la loi plus efficaces[456]. De plus, la mise en œuvre des dispositions relatives au financement direct est toujours en cours.

 

C.    Évaluer le cadre législatif

L’évaluation de la loi relative aux services auxiliaires en Ontario présentée ci-dessous est fondée sur les questions énoncées dans le cadre, qui forment le chapitre IV du présent rapport final. Comme les questions du cadre ne sont pas toutes applicables à ce domaine précis du droit, elles ne sont pas toutes traitées. Plus particulièrement, cette évaluation ne tient pas compte de l’étape 2 du cadre : « Est-ce que le processus d’élaboration ou d’examen de la loi respecte les principes? », puisqu’elle se concentre sur l’état actuel de la loi. Les résultats sont donc présentés sous forme d’exposé, plutôt que répartis par question.

Comme il en a été fait mention au début du présent chapitre, elle ne vise pas à produire un examen exhaustif de ce domaine du droit. Il s’agit plutôt d’une évaluation préliminaire qui relève les points forts, les sujets de préoccupation et les enjeux en vue d’un examen plus approfondi.

1.               Quels sont les liens entre les principes et le contexte de la loi?

La loi relative aux services auxiliaires de même que les politiques et les pratiques servant à l’appliquer sont étroitement liées à la réalisation des principes touchant les personnes handicapées. Comme le souligne l’article 19 de la CDPH, l’accessibilité aux services de soutien dans la collectivité est essentielle pour que les personnes handicapées puissent vivre dans la société et non dans des conditions de vie de plus en plus institutionnalisées, ce qui a parfois une incidence sur tous les principes, mais, plus particulièrement, sur l’inclusion sociale et la participation, en plus de favoriser l’autonomie et l’indépendance. La prestation de services de soutien adéquats peut influer sur la capacité des personnes handicapées à obtenir ou à conserver un emploi, à accéder à l’éducation, à participer aux activités communautaires et à remplir leur rôle d’époux, de parents, d’amis et de voisins. Cela dit, la réalisation efficace des principes dans ce domaine aura une incidence importante sur la possibilité d’appliquer les principes dans tous les domaines de la vie.

La façon dont les services sont offerts est aussi importante pour la réalisation des principes que leur prestation même. Des services fournis dans l’irrespect ou la violence peuvent nuire à la sécurité, à la dignité et à l’indépendance des personnes handicapées. Des services rigides, impersonnels ou qui ne tiennent pas compte de la diversité des personnes handicapées peuvent entraver la réalisation du principe de la reconnaissance de la diversité. Comme de nombreuses personnes handicapées l’ont fait observer, la capacité de gérer les services qui leur sont fournis peut être déterminante pour leur autonomie. 

Comme il en a été fait mention brièvement plus tôt, un manque de services de soutien adéquats peut se traduire par une forte pression exercée sur les personnes qui fournissent des services de soutien informels à des personnes handicapées, ce qui constitue une source de préoccupation particulière pour les parents âgés d’adultes handicapés. Ainsi, le manque de services et de soutiens formels appropriés offerts aux personnes handicapées dans le besoin peut nuire à la sécurité et à la participation des personnes fournissant des services de soutien informels, ce qui fait ressortir le principe d’appartenance à la collectivité dans son ensemble[457].

2.               Est-ce que l’objet de la loi respecte et réalise les principes?

LSSDSC

Les objets de la LSSDSC, et plus particulièrement les dispositions de la déclaration des droits, sont en tous points conformes aux principes touchant les personnes handicapées. La Loi a pour but de favoriser des résultats positifs pour les personnes qui ont besoin de services de soutien pour vivre dans la collectivité et participer activement à celle-ci ainsi que d’éliminer les obstacles en offrant de tels services.

L’objet principal de la Loi, qui consiste à « veiller à ce qu’un large éventail de services communautaires soit offert aux gens dans leur propre foyer et dans d’autres cadres communautaires de sorte que d’autres choix soient possibles parallèlement aux soins en établissement », est crucial pour le principe d’inclusion sociale et de participation. Cet objet est également étroitement lié au principe d’autonomie et d’indépendance, en ce sens que la prestation de services de soutien dans la collectivité peut offrir aux personnes handicapées une plus vaste gamme de choix ainsi que des possibilités d’éducation, d’emploi ainsi que d’engagement interpersonnel et civique.

La nature des services fournis en application de la Loi est en soi une reconnaissance du principe de la diversité des capacités humaines, et la section énonçant l’objet de la Loi reconnaît d’autres aspects de la diversité, notamment « l’importance des besoins et des préférences des personnes, y compris les préférences fondées sur des considérations ethniques, spirituelles, linguistiques, familiales et culturelles ». 

Le principe du respect de la dignité et de la valeur trouve un écho dans la déclaration des droits qui reconnaît explicitement le droit de toute personne recevant des services, dont les personnes handicapées, d’être traitée d’une manière qui « respecte sa dignité et son intimité et qui favorise son autonomie », et d’être traitée « avec courtoisie et respect par le fournisseur de services, sans subir de la part de celui-ci de mauvais traitements d’ordre mental, physique ou financier », de même que le droit au respect de la confidentialité de ses renseignements personnels, et celui de faire part de ses préoccupations ou de recommander des changements à l’égard des services communautaires qui lui sont fournis. Cette loi ne contient aucun stéréotype ni aucune attitude négative à l’endroit des personnes handicapées.

La Loi reconnaît les risques liés au droit de vivre en sécurité qui découlent de la dynamique entre les fournisseurs de services et les bénéficiaires de services auxiliaires, et énonce des mesures pour prévenir les mauvais traitements des clients par les fournisseurs de services.

Financement direct

Les dispositions de la LMSSC et du Règlement intitulé Grants for Persons with Disabilities n’énoncent pas clairement les objets de ces textes législatifs, mais, comme dans le cas de la LSSDSC, leur intention générale –, soit d’offrir aux personnes atteintes d’une incapacité physique qui sont en mesure de gérer leurs services la possibilité d’obtenir et de gérer les services dont elles ont besoin en vivant dans la collectivité – est tout à fait cohérente avec les principes du cadre, particulièrement ceux d’inclusion et de participation, de dignité et de respect ainsi que d’autonomie et d’indépendance.

Puisque, dans le contexte des services subventionnés directement, les personnes handicapées deviennent des employeurs et que, par conséquent, elles disposent d’un pouvoir important en ce qui concerne les tâches à exécuter et la façon dont elles doivent être exécutées, ce programme est étroitement lié au principe d’autonomie et d’indépendance. On estime également qu’il entraîne des effets positifs sur l’inclusion en ce sens que les utilisateurs de ce programme peuvent cibler plus efficacement les services qu’ils reçoivent, sur la dignité et le respect en ce sens qu’il transforme la relation entre l’auxiliaire et la personne handicapée, et sur la sécurité en ce sens qu’il réduit les risques de mauvais traitements par les auxiliaires.

Un rapport rédigé en 2002 pour Santé Canada indique que :

[Traduction]
L’appui au programme de financement direct des services d’auxiliaires autogérés financé par le Ministère de la Santé de l’Ontario et exécuté par le Centre for Independent Living in Toronto était unanime. […] Les participants ont mentionné qu’il était difficile d’accéder au programme et qu’il ne s’agissait pas toujours de la meilleure option pour certaines personnes. Ils ont toutefois précisé qu’ils estimaient également que l’élargissement du programme représentait un énorme potentiel, qu’il serait rentable et approprié pour leurs besoins en matière de soins et qu’il comportait les notions de choix, de souplesse, de dignité et de respect qui sont souvent absents des modes traditionnels de prestation de services[458].

Les participants au projet pilote de financement direct du CILT ont déclaré que l’utilisation des services autogérés avait permis d’accroître le respect à l’égard de leur vie privée et de leur dignité ainsi que leur sentiment de sécurité contre les mauvais traitements psychologiques, affectifs et physiques et particulièrement leur sentiment d’autonomie et leur prise en main personnelle. Ils ont fait remarquer que le programme avait favorisé la confiance et le respect entre eux et leurs auxiliaires et qu’ils se sentaient plus à l’aise lors de l’exécution de certaines tâches de nature très intime. Certains autogestionnaires ont affirmé que le programme leur avait permis de déménager de la résidence de leurs parents ou de ne pas retourner chez ceux-ci[459]. 

Il convient de remarquer qu’il est généralement reconnu que, bien que les services subventionnés directement sont avantageux pour les personnes qui souhaitent obtenir de tels services et pour qui ils sont appropriés, toutes les personnes handicapées ne souhaitent pas gérer elles-mêmes leurs services ou ne possèdent pas les compétences pour le faire. Pour certaines personnes, les services fournis par un organisme répondent mieux à leurs besoins. Par conséquent, l’existence du programme de financement direct et des services auxiliaires offerts aux termes de la LSSDSC reconnaît la diversité des personnes handicapées. Les dispositions de la Loi sur l’inclusion sociale permettent aux personnes admissibles d’obtenir des services en ayant recours à un organisme, au financement direct ou à ces deux options. Évidemment, la mesure dans laquelle le choix qu’elles feront sera judicieux dépendra de la façon dont les dispositions en matière de financement direct seront mises en œuvre et dont s’effectuera l’affectation des ressources connexes.

3.               Qui sont les personnes touchées par la loi et quels sont les liens avec les principes?

La LSSDSC en tant que telle est une loi d’application générale qui touche toutes les personnes ayant besoin de services de soutien communautaire, notamment celles qui récupèrent à la suite d’une maladie aiguë, les personnes âgées fragiles ou ayant besoin de services de soutien pour vieillir chez elles et les personnes handicapées. Les services auxiliaires qui sont fournis en application de la LSSDSC ciblent toutefois précisément les personnes handicapées, comme c’est le cas des dispositions de la LMSSC et du règlement ayant mené à la création du programme de financement direct.

Les programmes de services auxiliaires ciblent les personnes ayant une incapacité physique, mais n’excluent pas les personnes atteintes de plusieurs handicaps, à moins que ceux-ci représentent des obstacles à l’autogestion des services. Les nouvelles dispositions de la Loi sur l’inclusion sociale offriront des possibilités d’accès aux services autogérés à un plus grand nombre de personnes.

Il n’existe pas de statistiques publiques concernant la composition sexuelle, linguistique, ethnique, religieuse ou autre de la clientèle actuelle des services offerts au titre de la LSSDSC ou du programme de financement direct. De tels renseignements seraient précieux pour bien évaluer l’incidence et l’efficacité de la loi sur les différents groupes de population qu’elle vise. De plus, aucun renseignement accessible au public ne traite de l’incidence des critères d’admissibilité sur les différents groupes de personnes handicapées. En l’absence de tels renseignements, il est difficile d’évaluer les effets des critères d’admissibilité sur la réalisation des principes. 

4.               Est-ce que les procédures prévues dans la loi respectent les principes?

Comme nous l’avons vu précédemment, la LSSDSC établit des principes solides et positifs et énonce des objets qui sont généralement conformes aux principes de la CDO et potentiellement très avantageux pour les personnes handicapées. Les problèmes liés aux soins auxiliaires découlent le plus souvent de la mise en œuvre de la loi, surtout que celle-ci accorde une latitude considérable aux organismes et aux fournisseurs de services relativement à la manière dont ils la mettent en œuvre.

Les principaux problèmes en matière de mise en œuvre sont les suivants : le manque de ressources, la compétence discrétionnaire étendue des organismes et des fournisseurs de services et les lacunes en matière de communication et d’information à la fois pour les utilisateurs et les fournisseurs de services auxiliaires. En raison de ces problèmes de mise en œuvre, la loi, malgré son intention positive, peut se révéler inefficace à réaliser les principes qu’elle vise à promouvoir.

Ressources

Les difficultés rencontrées pour fournir des services de soutien communautaire suffisants et appropriés sont liées pour une bonne part aux problèmes de ressources qu’éprouvent ceux à qui revient la responsabilité de répartir et de fournir les services. Comme il en a été fait mention à la section A.3 ci-dessus, les listes d’attente pour tous les programmes de services auxiliaires en Ontario sont longues.

Par conséquent, les critères d’admissibilité tels qu’ils sont énoncés dans la loi ou les politiques perdent une certaine signification, puisque la détermination de l’admissibilité a peu à voir avec la réception de services en temps opportun dans le contexte réel. Étant donné l’importance centrale de ces services sur le plan de la réalisation des principes chez les personnes handicapées et particulièrement celui de l’inclusion et de la participation, cette pénurie de ressources soulève de grandes préoccupations. En raison de ce manque de ressources, les personnes handicapées peuvent se retrouver dans des milieux institutionnels, étant incapables de quitter le domicile de leurs parents pour vivre de façon autonome ou autrement incapables de vivre en sécurité et d’être incluses dans la collectivité.

Discrétion et reddition de comptes

Le principal problème des procédures prévues aux termes de la LSSDSC est qu’elles laissent une grande latitude aux organismes (tels que les CASC) et aux fournisseurs de services relativement au niveau de service fourni, aux programmes de gestion de la qualité, aux processus d’examen des plaintes et à la communication de renseignements, sans prévoir en même temps de mécanismes suffisamment contraignants pour assurer la transparence et la reddition de comptes. L’insuffisance des ressources dont il est question ci-dessus ainsi que leur répartition inégale viennent aggraver le problème. Le vérificateur général a observé que les CASC divergeaient considérablement pour ce qui est des critères d’admissibilité, des politiques sur les listes d’attente, du niveau de service fourni et du contrôle de la qualité des soins offerts. Par exemple, le vérificateur général a constaté que :

[e]n l’absence de lignes directrices standards sur les services, chaque CASC a élaboré ses propres lignes directrices touchant la fréquence et la durée des services. Il y avait donc des différences dans le temps alloué à chaque tâche et la fréquence recommandée des visites, ce qui signifie que le niveau de service offert peut varier d’un CASC à l’autre[460].

Par conséquent, malgré les principes et les objets louables qui sous-tendent la LSSDSC, il est difficile de déterminer si ces principes sont concrétisés ou non ou s’il existe une possibilité raisonnable de prendre des mesures correctives s’ils ne le sont pas.

Communication et sensibilisation

Il est essentiel de détenir de l’information appropriée pour comprendre les options et faire des choix; cette information est, par conséquent, déterminante pour la réalisation du principe d’autonomie et d’indépendance. De plus, le manque d’information peut nuire à la possibilité de tirer les avantages prévus des lois et des programmes et, par conséquent, réduit la probabilité que les lois ou les programmes remplissent leur intention (et, de ce fait, les principes). En raison de la fragmentation sur le plan de la prestation des services de soutien communautaire offerts aux personnes handicapées, l’accès à de l’information claire est particulièrement important pour aider ces personnes à naviguer dans ce qui peut sembler être un système difficile à comprendre.

En outre, les personnes handicapées peuvent avoir de la difficulté à trouver de l’information dont elles ont besoin pour faire des choix éclairés sur les programmes de services auxiliaires. Le programme PIC du CILT regroupe de l’information sur les services offerts à Toronto, mais, à l’extérieur de Toronto, l’information disponible varie considérablement entre les régions, se trouve principalement dans les sites Web et n’est pas toujours contenue dans des formats accessibles.

Il est également essentiel que les fournisseurs de services reçoivent la formation et l’information nécessaires pour s’assurer que les services sont fournis de façon efficace et en conformité avec les principes. La LSSDSC n’énonce pas d’exigences en matière de qualifications ou de formation continue à l’intention du personnel offrant des services, et il existe peu d’information accessible au public sur ce sujet. Le taux élevé de roulement de personnel est une préoccupation majeure fréquente. 

[Traduction]
Le recrutement et le maintien du personnel est une préoccupation importante, particulièrement étant donné les salaires beaucoup plus élevés versés au personnel des hôpitaux et des maisons de soins de longue durée ainsi qu’aux agents d’aide aux personnes du ministère des Services sociaux et communautaires[461].

Cette situation peut entraîner de nombreuses difficultés pour les clients incapables d’établir des relations de confiance avec les personnes qui leur fournissent des services de nature parfois très intime et qui doivent leur expliquer chaque fois leurs besoins[462]. Elle est également une source probable de difficultés lorsqu’il s’agit de former une main-d’œuvre qualifiée et expérimentée et de veiller à ce que les services soient fournis en conformité avec les principes, plus particulièrement ceux du respect de la dignité et de la valeur et du droit de vivre en sécurité. 

Pour ce qui est des services subventionnés directement, les personnes handicapées choisissent elles-mêmes les auxiliaires qui, à leur avis, possèdent les compétences requises et l’attitude souhaitée pour répondre à leurs besoins et leur fournissent la formation nécessaire. De cette façon, ces personnes exercent une influence considérable sur la qualité des services qui leur sont fournis dans les limites du marché de travail local et du montant de financement octroyé. Comme il en a été fait mention précédemment, les utilisateurs du programme de financement direct ont mentionné que leur façon de faire permet de transformer profondément la relation entre eux et les fournisseurs de services auxiliaires, d’accroître le respect avec lequel les utilisateurs de services auxiliaires sont traités et de fournir une garantie supplémentaire contre les mauvais traitements.

5.               Est-ce que les mécanismes de présentation des plaintes et d’exécution respectent les principes?

Un mécanisme de présentation des plaintes efficace est essentiel pour repérer les cas où une loi, une politique ou une pratique ne respecte pas les principes sur le plan individuel ou général et pour intervenir dans de tels cas. En l’absence d’un système de présentation des plaintes efficace, particulièrement dans le contexte de services aussi indispensables et de nature aussi intime que les services auxiliaires, les personnes handicapées qui reçoivent de tels services peuvent faire l’objet d’un manque de respect ou même être exposées au risque de mauvais traitements. Compte tenu de l’importance centrale des services auxiliaires à l’égard de la réalisation des principes par les personnes qui ont besoin de ces services ainsi que du nombre insuffisant de services, les mécanismes de présentation des plaintes doivent tenir compte du déséquilibre de pouvoir important entre les utilisateurs de services auxiliaires et les fournisseurs de tels services.

Dans un rapport de recherche établi à la demande de la CDO, l’ARCH Disability Law Centre a évalué les mécanismes d’exécution aux termes de la Loi sur l’inclusion sociale et a relevé quatre éléments importants d’une proposition d’« approche fondée sur les droits de la personne » en matière d’exécution, qui reposaient sur les principes d’obligation de rendre compte, d’accessibilité, de participation et d’indépendance. Les quatre éléments sont la sensibilisation aux droits à la fois pour les personnes recevant des services et celles qui en fournissent, des mécanismes de présentation des plaintes accessibles, efficaces et transparents, la possibilité d’interjeter appel auprès d’entités administratives indépendantes et des comités de sensibilisation par les pairs pour promouvoir l’autonomie sociale[463]. Bien que ce rapport ait examiné ces éléments dans le contexte des services offerts aux personnes ayant une déficience intellectuelle, les éléments sont pertinents de façon plus large pour tous les mécanismes d’exécution qui ont une incidence sur les services offerts aux personnes handicapées, comme moyen de promouvoir l’autonomie et l’indépendance grâce à l’information et à la sensibilisation, la participation et l’inclusion grâce à la prise en main des personnes handicapées ainsi que le respect de la dignité et la sécurité grâce à la création de garanties efficaces contre le manque de respect et les mauvais traitements.

LSSDSC

Plusieurs problèmes ont été soulevés concernant les mécanismes de plainte en vertu de la LSSDSC, notamment la complexité du système, le manque d’accès à un tiers indépendant, le manque d’accès à l’information sur la marche à suivre pour porter plainte, et le manque de transparence et de reddition de comptes au sein des processus de plainte.

Comme nous l’avons vu plus haut, il y a différentes façons de présenter une plainte selon les divers types de problèmes.

  1. Les problèmes liés à la « déclaration des droits » peuvent faire l’objet d’une plainte à l’organisme, ou être traités comme une violation du contrat entre la personne et le fournisseur de services.
  2. Les problèmes liés au niveau de service ou à l’admissibilité doivent être portés à l’attention de l’organisme. Ce dernier doit répondre par écrit, et il est possible d’interjeter appel de la décision auprès de la CARSS.
  3. Les problèmes liés au niveau de service doivent être portés à l’attention de l’organisme. Celui-ci n’est pas obligé de répondre par écrit, et il n’y a pas de droit d’appel à la CARSS.

Pour toute question, les problèmes peuvent maintenant être portés à l’attention de la Ligne ACTION des soins de longue durée. 

Le processus d’examen des plaintes est donc complexe, des solutions différentes étant possibles pour les différents problèmes, et il peut être déroutant pour les personnes concernées qui tentent de déterminer les choix qui s’offrent à elles ainsi que les issues possibles. Et comme la LSSDSC ne prévoit pas d’exigences particulières pour ces processus d’examen des plaintes, ceux-ci varient selon l’organisme, ce qui complique la navigation des clients dans le système. Ces obstacles à la compréhension du système de présentation des plaintes et à la navigation dans celui-ci peuvent porter atteinte au principe d’autonomie, en ce sens que les personnes handicapées ont plus de difficultés à déterminer les choix éventuels et à prendre des décisions judicieuses pour elles.

Comme il en a été fait mention précédemment, il est difficile de trouver de l’information sur les processus d’examen des plaintes, et celle-ci est principalement fournie sous forme écrite. Même si certains clients peuvent sans aucun problème lire des documents écrits et déposer une plainte, les questions liées à l’accessibilité se posent dans le cas des bénéficiaires de services atteints d’une déficience visuelle ou cognitive ou confrontés à des obstacles linguistiques (comme ceux utilisant le langage gestuel américain [ASL] ou la langue des signes québécoise [LSQ]). Il faut bien comprendre le processus d’examen des plaintes pour saisir les différents choix qui s’offrent aux bénéficiaires de soins, par exemple appeler la Ligne ACTION des soins de longue durée ou communiquer directement avec un fournisseur de soins. Sans la possibilité de consulter une partie qui dispose de toute l’information sur la marche à suivre pour porter plainte et qui peut s’assurer que le client comprend tous les choix offerts, la procédure de plainte écrite pourrait ne pas faciliter le processus pour toutes les personnes. Si certaines personnes peuvent compter sur leur famille ou leurs amis pour obtenir des renseignements supplémentaires au besoin et pour bien se faire expliquer le processus, d’autres n’ont pas accès à des sources d’information secondaires de ce type. Par conséquent, l’exigence d’un « avis écrit » contenue dans la LSSDSC peut, dans la réalité, ne pas tenir compte des besoins des personnes handicapées et ne pas suffire à informer les bénéficiaires de soins de la procédure de plainte. Ainsi, les dispositions et les pratiques relatives à l’accès à l’information pourraient ne pas permettre de réaliser le principe de la reconnaissance de la diversité.

Des préoccupations ont été émises quant à l’impossibilité de recourir à un tiers indépendant dans le cas de nombreuses plaintes. Les plaintes au sujet de la qualité des soins ou des décisions relatives à l’admissibilité ou au niveau de service doivent être soumises à l’organisme qui fournit les services. En d’autres mots, les personnes doivent se plaindre au sujet des services qu’elles reçoivent aux organismes qui leur fournissent les services en question. Les décisions des organismes concernant les plaintes au sujet de l’admissibilité ou du niveau de service peuvent être portées en appel devant la CARSS; cependant, ce n’est pas le cas des réponses aux plaintes concernant la qualité des soins, de sorte que, pour celles-ci, on ne peut en aucun temps recourir à un tiers vraiment indépendant. En d’autres termes, dans le cas des problèmes de niveau de service ou d’admissibilité, le premier recours consiste à se plaindre auprès des responsables fournissant ces soins, et c’est le seul choix qui s’offre aux personnes ayant reçu des soins de piètre qualité. 

La dynamique des services auxiliaires et du système peut décourager des utilisateurs de services à porter plainte. Certains bénéficiaires de services offerts en application de la LSSDSC (dans le contexte des soins à domicile) affirment ne pas utiliser les mécanismes de plaintes qui sont mis à leur disposition, malgré leur insatisfaction à l’égard des soins qu’ils reçoivent[464]. Les bénéficiaires de services en viennent souvent à la conclusion que les problèmes qu’ils éprouvent surviennent en raison des tensions dans le secteur des services de soutien communautaire. Certains ont l’impression que le pouvoir d’améliorer les soins qu’ils reçoivent ne leur appartient pas, pas plus qu’aux personnes à qui ils peuvent adresser leurs plaintes[465]. Cela augmente leur sentiment d’impuissance et les rend moins susceptibles de se plaindre, même lorsqu’ils estiment ne pas recevoir les soins dont ils ont besoin. Certains déclarent également qu’ils ne veulent pas se plaindre par crainte que l’expression de leurs griefs au sujet des soins insuffisants qu’ils reçoivent entraîne leur placement en établissement. D’autres encore disent qu’ils ne veulent pas être perçus comme des « fauteurs de trouble », ce qui pourrait avoir selon eux une incidence négative sur les soins qu’ils reçoivent[466]. Dans ce contexte, le fait que, dans la plupart des cas, il n’y ait pas d’organisme indépendant pour recevoir les plaintes complique vraisemblablement la tâche des personnes handicapées qui voudraient se plaindre. L’initiative mise sur pied par certains CASC consistant à créer un poste d’ombudsman pourrait atténuer certaines de ces difficultés, car avoir la possibilité de communiquer avec un ombudsman au lieu du gestionnaire de cas du client d’un CASC augmente la transparence du processus d’examen des plaintes et pourrait mettre le client plus à l’aise de déposer une plainte s’il peut le faire sans s’inquiéter d’avoir à confronter son intervenant directement. 

En plus de soulever des questions liées à la transparence, l’absence d’un tiers indépendant obligatoire dans le processus d’examen des plaintes pose un problème d’accessibilité : elle peut décourager les personnes handicapées de se plaindre. Il peut ainsi être difficile pour les organismes de se faire une idée précise de l’expérience vécue par les bénéficiaires de services et, par conséquent, de régler les problèmes généraux. Le recours à un mécanisme de présentation des plaintes clairement énoncé dans la LSSDSC, qui prévoirait un tiers indépendant, contribuerait à accroître la responsabilité, l’accessibilité et la transparence des services offerts en application de la LSSDSC. 

Ainsi, dans l’ensemble, les mécanismes de présentation des plaintes et d’exécution comportent des lacunes et des écarts importants en matière d’accès aux services de soutien communautaire fournis aux termes de la LSSDSC. Les lacunes en matière d’exigences et de pratiques relativement à la communication d’information peuvent porter atteinte aux principes d’autonomie et de reconnaissance de la diversité, un problème aggravé par la complexité du système de présentation des plaintes. En raison de l’absence de processus d’examen des plaintes à la fois clairs et indépendants, les personnes handicapées peuvent être moins disposées à faire état de leurs problèmes, ce qui peut alors porter atteinte aux principes du respect de la dignité et de la valeur ainsi que de la sécurité. De manière générale, les personnes handicapées et plus particulièrement celles qui sont confrontées à des obstacles socioéconomiques, linguistiques ou autres peuvent, dans la réalité, ne pas être en mesure de tirer parti des principes qui pourraient et devraient être défendus par la loi sans devoir recourir à un mécanisme de présentation des plaintes et d’exécution plus contraignant. 

Financement direct

Un avantage important du financement direct est le pouvoir et la responsabilité accrus délégués aux personnes handicapées. Les problèmes relatifs à la qualité des services peuvent être traités directement entre l’employeur et l’employé. Comme l’a fait observer le CILT dans son évaluation du projet pilote en 1997, laquelle avait porté sur de nombreux éléments de ce qui est devenu le programme de financement direct :

[Traduction]
Puisqu’ils sont en mesure de choisir et de gérer les services auxiliaires, les autogestionnaires ont la possibilité de réprimander les auxiliaires ou de remplacer ceux dont le rendement s’avère insatisfaisant. Les autogestionnaires ont indiqué différentes raisons justifiant de réprimander ou de congédier des auxiliaires, notamment :

  • un comportement violent;
  • le vol;
  • la divulgation de renseignements confidentiels;
  • le manque de fiabilité;
  • le manque de respect à l’égard de leurs croyances;
  • la réticence à accepter des directives de leur part[467].

6.               Est-ce que les mécanismes de contrôle et de reddition de comptes respectent les principes?

L’examen de cette question a fait ressortir l’écart entre le contenu et la mise en œuvre du droit concernant l’accès aux soins auxiliaires. Une loi dont l’objet est positif et généralement conforme aux principes du cadre de la CDO peut, dans la pratique, passer considérablement à côté de ses objectifs. Dans de telles conditions, le contrôle et l’évaluation continus de la mise en œuvre de la loi et de ses résultats peuvent être très profitables.

Comme il est décrit ci-dessus, la LSSDSC comporte plusieurs mécanismes permettant au Ministère d’exercer une surveillance, et les CASC ont entrepris plusieurs initiatives pour surveiller et améliorer la qualité des soins. Cependant, contrairement à la Loi sur l’inclusion sociale, aucune norme en matière d’assurance de la qualité n’a été élaborée en application de la LSSDSC, de sorte qu’il peut exister des écarts importants entre les organismes à cet égard. Il n’existe aucune norme quant à la prestation des services en temps voulu ni quant à la gestion des listes d’attente, des questions particulièrement préoccupantes compte tenu du manque de ressources.

On trouve peu d’information accessible au public sur les répercussions et l’efficacité du programme de financement direct. Celui-ci semble bénéficier d’un soutien important de la part de ses utilisateurs, le principal problème étant le manque de ressources et les listes d’attente extrêmement longues qui en résultent.

Compte tenu des écarts en matière de contrôle et de surveillance, il est difficile de déterminer la mesure dans laquelle la loi permet de réaliser les principes. Étant donné la latitude accordée au système, le manque de ressources et l’importance des services fournis aux personnes handicapées, l’amélioration des mesures de contrôle et de reddition de comptes pourrait favoriser la réalisation des principes dans la mesure possible pour le moment.

 

D.   Conclusion : La loi est-elle cohérente avec les principes?

Les services auxiliaires jouent un rôle déterminant dans la réalisation des principes et en particulier celui de l’inclusion sociale et de la participation. En l’absence d’un accès efficace aux services auxiliaires, la capacité des personnes handicapées de vivre dans la société et d’y prendre part peut être sérieusement compromise. Les programmes de services auxiliaires offerts en application de la LSSDSC et de la LMSSC constituent une reconnaissance pratique de l’importance de ce type de services de soutien aux personnes handicapées et peuvent favoriser largement la réalisation des principes.

Les objectifs de la LSSDSC et ceux du programme de financement direct offert au titre de la LMSSC sont conformes aux principes et, plus particulièrement, à celui de l’inclusion sociale et de la participation. Le programme de financement direct est très réputé en raison de son potentiel d’accroître l’autonomie et l’indépendance de ses utilisateurs.

L’application du cadre à la loi en matière de services auxiliaires fait ressortir un problème courant d’écart entre le contenu de la loi et sa mise en œuvre. 

·       Dans plusieurs domaines, l’accès public à des renseignements est insuffisant pour évaluer dans quelle mesure la loi permet, en réalité, de réaliser les principes. Par exemple, on ne sait pas avec précision si la loi entraîne des effets différents selon le sexe, l’âge, le type de handicap ou la gravité de celui-ci, le lieu géographique ou d’autres facteurs.

·       Bien que le programme de financement direct offert aux termes de la LMSSC soit un élément important du secteur des services auxiliaires et qu’il soit fondé sur une philosophie qui favorise grandement la réalisation des principes chez les personnes pour lesquelles ce type de programme est approprié, son potentiel est considérablement limité par le manque criant de ressources permettant de répondre à la demande.

·       Toutefois, la LSSDSC est beaucoup plus discrétionnaire que directive. On a sûrement voulu ainsi laisser suffisamment de latitude pour satisfaire les différents besoins changeants dans un environnement qui évolue sans cesse. Cependant, en raison de l’absence de mécanismes pour assurer la transparence et la reddition de comptes et du continuel manque de ressources dans le secteur des soins de santé et des services de soutien communautaire, il est difficile de déterminer la mesure dans laquelle la loi permet de réaliser les principes comme elle l’avait prévu.

·       L’application du cadre révèle certaines préoccupations majeures en ce qui concerne les mécanismes de présentation des plaintes et d’exécution en application de la LSSDSC. La complexité du système de présentation des plaintes, les lacunes en matière de communication de l’information, l’absence d’un tiers indépendant responsable du traitement des plaintes et le déséquilibre de pouvoir entre les utilisateurs de services auxiliaires et les fournisseurs de services peuvent dissuader les personnes handicapées à porter plainte en cas de services inappropriés ou de services fournis dans l’irrespect ou la violence. Cette situation porte atteinte aux principes du respect de la dignité et de la valeur et du droit de vivre en sécurité ainsi qu’à la capacité de la loi d’aider les personnes handicapées à réaliser les principes. 

Ces problèmes relatifs à la mise en œuvre sont particulièrement troublants parce que les personnes touchées par la LSSDSC sont souvent atteintes de déficiences à long terme, dépendent principalement des services offerts et, par conséquent, peuvent avoir des difficultés à obtenir de l’information au sujet de leurs droits et à faire valoir ceux-ci. Dans la pratique, la loi peut faillir à respecter et à promouvoir les principes positifs ayant présidé à son élaboration.

En plus de reconnaître que le manque de ressources peut grandement entraver la réalisation intégrale des principes dans ce domaine en ce moment, les concepts de réalisation progressive et de « respect, protection et mise en œuvre » soulignent l’importance de déceler de manière claire les lacunes et de les corriger lorsque cela est possible, et d’élaborer un plan réalisable pour corriger ces lacunes dans un délai raisonnable. Des dispositions plus strictes en matière de contrôle, de transparence et de reddition de comptes amélioreraient la capacité à déceler les problèmes les plus urgents, à trouver des solutions pratiques et à élaborer des plans afin de mieux réaliser les principes, comme le prévoit la loi.

 

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