À la lumière de ce qui précède, la CDO a défini six principes concernant le droit et les personnes handicapées :

  1. le respect de la dignité et de la valeur des personnes handicapées;
  2. la reconnaissance de la diversité des aptitudes et des autres caractéristiques humaines;
  3. l’amélioration de l’autonomie et de l’indépendance;
  4. la promotion de l’inclusion sociale et de la participation;
  5. l’avancement du droit à la sécurité;
  6. la reconnaissance de l’appartenance à la société.

Ces six principes sont étroitement liés les uns aux autres. Ils ne peuvent pas être examinés ou mis en œuvre de façon isolée. Dans une certaine mesure, leurs concepts sous-jacents se chevauchent. Par souci de clarté, les principes sont examinés séparément dans le présent document, mais le cadre provisoire les applique en bloc afin de refléter leur interdépendance.

Comme on l’a mentionné précédemment, les consultations menées par la CDO ont permis de comprendre la signification pratique des principes. De plus, la CDO a financé six rapports de recherche commandés et a mené des recherches internes approfondies sur le droit et les moments de transition dans la vie des personnes handicapées afin de déterminer les répercussions des principes et leurs différentes interprétations possibles.

 

A.    Le respect de la dignité et de la valeur des personnes handicapées

Définition proposée : Ce principe reconnaît la valeur inhérente, égale et inaliénable de tous, y compris celle de toutes les personnes handicapées. Tous les membres de la famille humaine sont des personnes à part entière, qui ont le droit d’être estimées, respectées et appréciées, et de faire reconnaître leurs contributions et leurs besoins.

 

1.     Le principe et les expériences des personnes handicapées

Au Canada, les attitudes négatives envers les personnes handicapées ne datent pas d’hier. Parmi les manifestations de discrimination fondée sur la capacité physique, mentionnons le placement involontaire en établissement, la contraception et la stérilisation forcées, la mise à l’écart de la population générale et le déni de droits fondamentaux[33]. Bien que l’on constate un certain changement d’attitude à l’endroit des personnes handicapées, dans un rapport récent, l’Environics Research Group Limited s’est penché sur l’attitude des Canadiens par rapport au handicap et a constaté que, même si la plupart des gens aiment se croire ouverts à la participation des personnes handicapées à leurs activités quotidiennes, nombreux sont ceux qui éprouvent un profond inconfort dans certains aspects de leurs rapports avec les personnes handicapées, surtout lorsque le handicap touche la communication ou qu’il cause un « défigurement » ou un comportement qui n’est pas considéré comme « normal »[34].

Certains stéréotypes et préjugés sont associés à des handicaps précis. Par exemple, au cours des consultations menées par la CDO, de nombreuses personnes atteintes d’une déficience mentale, et particulièrement celles qui ont vécu l’itinérance, ont fait part d’expériences qui démontraient les jugements sévères et les perceptions négatives dont elles ont fait l’objet dans leurs interactions avec le système de justice. Ces attitudes peuvent mener à la criminalisation des personnes atteintes d’une déficience mentale, une problématique qui préoccupait un grand nombre de participants.

De plus, plusieurs participants ont fait état de la méfiance et, souvent, du mépris avec lesquels on traite les personnes handicapées lorsqu’elles cherchent à obtenir des services et des mesures de soutien. Les services conçus pour les aider à combler leurs besoins fondamentaux ou à améliorer leur autonomie, leur indépendance et leur participation peuvent, dans les faits, être dispensés dans une optique accusatoire, selon laquelle ceux qui cherchent à obtenir des services tentent de déjouer le système ou d’obtenir des avantages auxquels ils n’ont pas droit. Cela est encore plus vrai pour les personnes qui sont à la fois handicapées et pauvres[35].

Les stéréotypes et les attitudes négatives peuvent avoir une incidence sur l’élaboration des lois et des politiques et faire partie intégrante de leur contenu. Par exemple, les lois sur la capacité et la tutelle font l’objet de critiques constantes au motif qu’elles reposent sur une perception capacitiste des aptitudes et de la valeur des personnes atteintes d’une déficience intellectuelle[36]. En outre, jusqu’à ce que les dispositions concernées en soient retirées à la suite d’une contestation judiciaire, la Loi de 1997 sur le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées refusait expressément ses mesures de soutien et ses avantages aux personnes dont la déficience et les principales limitations résultaient d’une dépendance à l’alcool ou à une drogue[37]. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu que cette exclusion n’était pas conforme à l’objet de la loi et qu’elle était plutôt basée sur [traduction] « des caractéristiques présumées ou injustement attribuées » aux personnes aux prises avec une déficience liée à l’abus d’alcool ou d’autres drogues, et qu’elle entraînait un déni de la « valeur humaine fondamentale » des personnes atteintes de ce type de handicap[38].

Le défaut de considérer la valeur et les aptitudes des personnes handicapées peut également avoir une incidence sur la façon dont les travailleurs du système de justice et les fournisseurs de services, entre autres, appliquent les lois. Par exemple, des parents handicapés se sont dits inquiets que des perceptions négatives entraînent un contrôle et des interventions accrus de la part des organismes de protection de la jeunesse[39]. De façon similaire, au cours des consultations publiques menées au printemps 2010 par la CDO, de nombreuses personnes handicapées ont fait part de leurs préoccupations quant au traitement et aux processus humiliants qu’elles doivent subir pour obtenir des prestations et de l’aide aux termes du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Par exemple, un participant a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Pour obtenir de l’argent, il faut vous départir de la toute dernière parcelle de dignité qu’il vous reste […], vous devez, en quelque sorte, renoncer à votre dignité et vous mettre entièrement à nu, même si cela peut vous exposer à des conséquences sur le plan juridique. Je me demande si l’on pourrait utiliser cette information dans les cas d’agression, de violence, de mauvais traitements et toutes les situations semblables, si cette information que vous finissez par donner pour obtenir l’aide dont vous avez besoin pour vous protéger contre vous-même, pour acquérir votre dignité et votre indépendance, pourrait éventuellement être utilisée contre vous[40].

 

2.     Interprétation du principe

Le principe du respect de la dignité et de la valeur des personnes handicapées cible directement les stéréotypes et les attitudes négatives à l’endroit de celles-ci. Il met l’accent sur le fait que notre dignité nous appartient, car nous sommes des êtres vivants : ce n’est pas quelque chose que nous gagnons ou que nous recevons, et qui peut être ignoré ou amoindri de plein droit. La dignité ne varie pas en fonction de notre état de santé ou de nos aptitudes. Toute personne mérite qu’on se soucie d’elle et a droit à un traitement respectueux.

Cela signifie que les personnes responsables de l’élaboration ou de la mise en œuvre des lois et des politiques doivent s’assurer que celles-ci, dans leur contenu comme dans leur mise en œuvre, ne sont pas entachées d’attitudes négatives ou méprisantes à l’endroit des personnes handicapées, par exemple, parce qu’elles comportent des processus ou des traitements insultants. Puisque les personnes handicapées se heurtent à des obstacles qui tendent à les marginaliser sur le plan social et économique, elles affichent un taux de faible revenu disproportionné[41]. Les attitudes négatives envers les personnes handicapées à faible revenu méritent donc une attention particulière.

Cela signifie également que nous devons considérer les personnes handicapées comme des individus à part entière, c’est-à-dire, entre autres, comme des employeurs et des employés, comme des parents, des fournisseurs de soins et des bénéficiaires de soins, comme des bénévoles et des citoyens pleinement engagés et comme des êtres sexués, plutôt que de les réduire à la somme de leurs déficiences et de les percevoir comme des êtres dépendants de la charité des autres. Pour ce faire, nous devons voir les personnes handicapées dans leur contexte social global et comme des personnes ayant des identités complexes et des parcours de vie changeants.

 

B.    La reconnaissance de la diversité des aptitudes et des autres caractéristiques humaines

Définition proposée : Ce principe exige qu’on reconnaisse que l’étendue des aptitudes varie selon les domaines, les personnes et les périodes de la vie, que chaque personne handicapée a une identité, des besoins et une situation uniques et que les identités multiples et croisées des personnes handicapées peuvent contribuer à accroître ou à réduire la discrimination et les désavantages auxquels elles font face, et que l’on soit sensible à cette réalité.

 

1.     Le principe et les expériences des personnes handicapées

L’étendue des aptitudes varie d’une personne à l’autre, et le « handicap » peut être perçu comme faisant partie intégrante de cette variation normale. Dans cet ensemble variable d’aptitudes, des obstacles sociaux et environnementaux peuvent entraîner des expériences invalidantes pour certaines personnes[42]. Certaines déficiences ne constituent pas un handicap comme on l’entend d’un facteur ayant une incidence sur les activités quotidiennes d’une personne. L’exemple le plus frappant est la vision : de nombreuses personnes atteintes d’un trouble de vision peuvent porter des lunettes qui compensent leur déficience à un point tel qu’elles sont à même de fonctionner dans la plupart des sphères de la vie comme si elles n’avaient aucun problème de vision. Sans lentilles correctrices, cependant, leur trouble de vision pourrait constituer un véritable handicap. De plus, certaines conditions communément considérées comme des déficiences peuvent avoir des répercussions positives qui sont souvent ignorées : par exemple, certaines études réalisées récemment démontrent un lien entre la dyslexie, un trouble d’apprentissage qui complique l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, et des aptitudes supérieures à la moyenne dans d’autres domaines, comme la perception spatiale[43]. Ainsi, les différences découlant du handicap peuvent s’avérer aussi bien positives que négatives. Les personnes handicapées ne sont pas « l’autre »; elles font partie de la diversité humaine.

On considère généralement les personnes handicapées comme un groupe homogène, défini en fonction de la déficience. Or, cette perception ne reflète aucunement l’énorme diversité de la collectivité des personnes handicapées. L’expérience du handicap varie considérablement selon la nature de la déficience : si les personnes handicapées vivent couramment l’exclusion et la marginalisation, leurs besoins et leurs réalités sont uniques[44]. Les conséquences du handicap peuvent également différer selon que la personne habite en milieu urbain, où davantage de services et de mesures de soutien sont offerts, ou une région rurale ou éloignée[45], selon qu’elle bénéficie ou non du soutien sa famille ou de son entourage, selon son statut socioéconomique, etc. Cela dit, la vie, les besoins et les expériences de chacun sont foncièrement différents, même parmi les personnes ayant la même déficience, ce que la loi faillit parfois à reconnaître et à prendre en considération efficacement. 

Comme on l’a mentionné précédemment, l’une des réalités dont il faut tenir compte est le taux disproportionné de personnes handicapées à faible revenu. Le statut socioéconomique des personnes handicapées, que ce soit à cause de leur environnement, de leur déficience ou, dans la plupart des cas, d’une combinaison des deux, est généralement inférieur à celui de leurs pairs non handicapés. En moyenne, leurs revenus sont moins élevés[46], leur niveau d’instruction est plus bas[47] et elles sont davantage exposées à la violence et à la victimisation que la moyenne[48]. Cela est particulièrement évident chez certains groupes de personnes handicapées, dont les femmes et les Autochtones[49]. Le niveau et le type de préjudice subi peuvent également varier en fonction du handicap. Par exemple, les personnes ayant une déficience développementale affichent le plus faible taux de participation au marché du travail de tous les groupes de personnes handicapées, tandis que les personnes malentendantes ou à mobilité réduite réussissent beaucoup mieux à cet égard[50]. Les préjudices peuvent aussi s’accumuler au fil de la vie. Ainsi, une personne confrontée à des obstacles au chapitre de l’éducation en raison d’un handicap atteindra des niveaux d’alphabétisation et de scolarité moins élevés au cours de sa vie. Par conséquent, elle aura plus de difficulté à entrer sur le marché du travail et à y rester, et, par le fait même, à avoir un revenu stable et un logement convenable.

On s’est également beaucoup penché sur la façon dont l’expérience du handicap varie en fonction du sexe, de l’origine raciale, de l’orientation sexuelle et d’autres aspects de l’identité d’une personne. Les femmes handicapées, par exemple, éprouvent des inquiétudes particulières en ce qui concerne la reproduction et le rôle parental. Les Autochtones handicapés peuvent avoir de la difficulté à obtenir des services de soutien adaptés à leur culture et à leur histoire. Tous ces aspects de l’identité façonnent à leur façon le parcours de vie des personnes handicapées.

[Traduction]

Malheureusement, les gens ont tendance à dissocier les différents aspects de notre identité. Ainsi, vous savez, j’ai constaté que de nombreux organismes voués aux personnes handicapées ne parlent pas des questions liées à la situation sociale ou aux identités multiples. Ils ne s’intéressent pas aux enjeux des personnes racialisées, ni à ceux à des « queers » qui font partie de la collectivité des personnes handicapées. De façon similaire, les organismes spécialisés dans les enjeux complexes des GLBT et des personnes racialisées tiennent rarement compte du fait que des personnes handicapées pourraient faire appel à leurs services[51].

 

2.     Interprétation du principe

La reconnaissance du caractère quasi universel de la déficience fait notamment naître le besoin d’élargir l’éventail d’aptitudes humaines considérées comme « normales » et de concevoir des structures sociales, politiques et physiques plus souples et plus inclusives[52]. Afin de mettre ce principe en application, il est essentiel de recourir à la conception universelle ou inclusive et de prendre un engagement connexe à l’égard de l’accessibilité afin de garantir, dans la mesure du possible, l’inclusion de chaque personne et des aptitudes qui lui sont propres[53]. La CDPH impose, à titre d’obligation générale, la promotion de la conception universelle pour l’élaboration des normes et des lignes directrices[54].

La conception inclusive fait partie intégrante de l’obligation d’accommodement[55]. Des mesures d’adaptation sont nécessaires pour assurer la pleine reconnaissance de la diversité des aptitudes humaines. Comme l’a souligné la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), « [l]’adaptation avec dignité appartient à un principe plus général selon lequel notre société devrait être structurée et conçue pour favoriser l’appartenance[56]. »

Le document À l’unisson 2000 met en évidence le caractère multidimensionnel de la diversité :

À l’unisson reconnaît également qu’il est important de mettre au point des solutions souples afin de répondre aux besoins individuels. Chaque personne handicapée est unique et ses besoins, ses aspirations et les défis qu’elle doit relever sont influencés par la nature de l’incapacité, la période de la vie, le contexte familial, communautaire et culturel et d’autres caractéristiques. Les Autochtones handicapés, par exemple, envisagent les enjeux de l’incapacité selon des cadres qui reflètent leurs propres principes culturels[57].

La conception inclusive et les mesures d’adaptation doivent tenir compte des multiples aspects de l’identité des personnes handicapées.

Le principe de la reconnaissance de la diversité des aptitudes et des autres caractéristiques humaines fait ressortir le fait que les personnes handicapées sont, d’abord et avant tout, des individus. Pour de nombreuses personnes, et dans bien des cas, le handicap n’est pas l’aspect le plus important de l’identité. Reconnaître cela nous aide à aller au-delà des stéréotypes et à lutter contre le capacitisme et le paternalisme.

 

C.     L’amélioration de l’autonomie et de l’indépendance

Définition proposée : Ce principe préconise l’établissement de conditions qui permettent aux personnes handicapées de faire des choix qui ont une incidence sur leur vie et de s’occuper d’elles-mêmes autant qu’elles le peuvent ou le souhaitent en bénéficiant des mesures de soutien adéquates requises.

 

1.     Le principe et les expériences des personnes handicapées

Les interventions à l’égard du handicap sont souvent empreintes de paternalisme, qui se manifeste par une tendance à empêcher les personnes handicapées de prendre des décisions « pour leur bien »[58]. Cette tendance est particulièrement marquée en ce qui concerne les personnes ayant une déficience intellectuelle ou psychosociale.

[Traduction]

Plusieurs personnes ayant une importante déficience intellectuelle, cognitive ou psychosociale se heurtent à des obstacles majeurs ou insurmontables lorsqu’elles tentent de prendre des décisions. Elles rencontrent souvent des gens qui présument qu’elles sont incapables de diriger leur propre vie et qu’elles ont besoin d’être « guidées » ou protégées, et qui restreignent leur capacité de prendre des décisions ou la leur retirent entièrement. De nombreuses personnes sont physiquement isolées ou socialement et économiquement exclues et, par conséquent, ne peuvent pas décider de l’orientation qu’elles veulent donner à leur vie ni faire leurs propres choix. La prestation de services aux personnes handicapées ou âgées repose souvent sur des modèles de charité et de protection, ainsi que sur la présomption que, parce que ces personnes ont besoin d’aide et de soutien, il faut décider à leur place. De plus, il n’est pas rare que les fournisseurs de services exigent de se voir confier le pouvoir de prendre des décisions au nom de ceux qu’ils aident afin qu’ils puissent gérer plus efficacement les multiples décisions personnelles liées notamment aux soins, aux médicaments et aux activités[59].

À l’heure actuelle, les régimes légaux concernant la prise de décisions pour les personnes déclarées inaptes à exercer leur capacité juridique dans un certain domaine de la vie constituent l’une des illustrations les plus frappantes du paternalisme[60]. En Ontario, la Loi sur la prise de décisions au nom d’autrui[61] et la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé[62] prévoient des mécanismes permettant de déterminer la capacité juridique et de nommer un mandataire qui sera chargé de prendre des décisions au nom d’une personne déclarée inapte à exercer sa capacité juridique. Ces façons de traiter les personnes atteintes de déficiences cognitives ou intellectuelles ont souvent fait l’objet de critiques sévères de la part de la collectivité des personnes ayant des déficiences intellectuelles, et une nouvelle démarche de « prise de décision assistée » a été proposée et préconisée dans la CDPH[63]. De façon similaire, le traitement involontaire des personnes atteintes d’une déficience psychique fait l’objet de controverses constantes dans le domaine du droit en matière de santé mentale[64].

En lien avec la capacité de faire des choix se trouve la capacité de s’occuper de soi-même, c’est‑à‑dire de subvenir à ses besoins financiers, de vivre de manière indépendante et de bénéficier, dans la mesure du possible, des mêmes possibilités qui s’offrent aux personnes non handicapées. Dans l’affaire Via Rail, la Cour suprême du Canada a déterminé que le principe d’indépendance constituait un motif primordial permettant de conclure que Via Rail contrevenait au droit des personnes à mobilité réduite de jouir de leur indépendance en n’offrant pas de mesures d’adaptation aux utilisateurs de fauteuil roulant personnel[65]. Dans certains cas, l’indépendance est difficile à atteindre en raison d’obstacles physiques, sociaux ou institutionnels. Par exemple, la discrimination de la part des locateurs et la pénurie de logements accessibles entravent la capacité des personnes handicapées de vivre de façon indépendante[66]. De plus, le nombre restreint de services de transport accessibles peut limiter les possibilités de travailler ou de faire des études[67]. Dans certains cas, les personnes handicapées peuvent avoir besoin de mesures de soutien pour accéder à l’indépendance. Par exemple, donner aux personnes handicapées des outils d’autonomie sociale peut réduire leur dépendance envers des membres de leur famille ou des fournisseurs de services, et renforcer leurs compétences et leur confiance en elles[68].

 

2.     Interprétation du principe

Le principe de l’amélioration de l’autonomie et de l’indépendance englobe à la fois le droit de faire des choix et de s’occuper de soi-même, et constitue une forme de riposte aux diverses formes de paternalisme pouvant toucher les personnes handicapées.

L’Organisation mondiale de la santé définit l’« autonomie » comme [traduction] « l’aptitude perçue à maîtriser, affronter et prendre des décisions personnelles relatives à sa vie quotidienne dans le respect de ses propres règles et préférences[69]. » Aux termes de l’article 7 de la Charte, la Cour suprême du Canada a énoncé que le principe d’autonomie englobe le droit de prendre des « décisions d’importance fondamentale pour sa personne », particulièrement en ce qui a trait à l’intégrité corporelle[70]. L’organisme Disability Rights Promotion International (DRPI) définit l’autonomie comme suit :

[traduction]

Le droit d’une personne de faire ses propres choix. L’autonomie, ou l’autodétermination, signifie que la personne est au cœur de toutes les décisions qui la concerne et peut décider des formes de prise de décision assistée auxquelles elles souhaitent avoir recours[71]. 

Dans certaines circonstances, l’autonomie des personnes handicapées peut sembler entrer en conflit avec d’autres principes. Par exemple, le fait de limiter les choix des personnes handicapées ou de permettre à d’autres de prendre des décisions en leur nom est parfois jugé justifié pour parvenir à d’autres fins, comme celle d’assurer la sûreté et la sécurité des personnes handicapées ou des autres membres de la société. En outre, certaines lois sont mises en œuvre en raison des vulnérabilités ou des risques particuliers auxquels les personnes handicapées sont exposées parce qu’elles ne disposent pas des mesures de soutien appropriées. Bien que l’imposition de certaines limites puisse être jugée conforme à d’autres principes, il est essentiel d’accorder une attention prioritaire au respect de l’autonomie des personnes handicapées, dans la mesure du possible, et de s’assurer que les limites imposées ne traduisent pas une attitude paternaliste. 

Il est bon de se rappeler qu’une personne acquiert l’autonomie dans le contexte de ses relations, et cela s’applique non seulement aux personnes handicapées, mais à chacun d’entre nous. Jennifer Nedelsky fait valoir que c’est ce rapport de proximité avec les autres qui permet aux gens d’acquérir leur autonomie; que les relations avec [traduction] « les parents, les enseignants, les amis et les êtres chers […] offrent le soutien et l’orientation nécessaires au développement et à l’autonomie[72]. » Cette démarche est axée sur la [traduction] « structuration des relations de manière à promouvoir l’autonomie[73]. » L’autonomie relationnelle reconnaît que personne ne prend ses décisions seul, mais que nous les prenons tous en consultation avec les autres, et que d’aider les personnes handicapées à prendre des décisions ne mine pas leur autonomie.

L’OMS définit l’indépendance comme « la capacité à s’acquitter des tâches quotidiennes, c’est‑à‑dire à vivre de manière indépendante dans son environnement habituel sans aide extérieure ou avec une aide extérieure minime[74]. » Le document À l’unisson 2000 souligne que la promotion de l’indépendance ou de la « citoyenneté » et des autres principes énoncés par la CDO est liée à l’objectif d’améliorer les mesures de soutien pour les personnes handicapées :

Les mesures de soutien pour les personnes handicapées sont des outils d’inclusion. Elles jouent un rôle essentiel lorsqu’il s’agit d’aider les personnes handicapées à mener des vies enrichissantes et à s’intégrer pleinement à la collectivité. Sans elles, de nombreuses personnes handicapées seraient incapables d’exploiter leur potentiel socio-économique[75].

Par conséquent, le principe de l’indépendance requiert que les personnes handicapées bénéficient des niveaux de soutien dont elles ont besoin pour s’occuper le plus possible d’elles-mêmes.

Le principe de l’autonomie et de l’indépendance s’applique à tous les domaines de la vie des personnes handicapées. Il englobe les décisions personnelles fondamentales et contribue grandement à l’amélioration des services d’aide et des mesures de soutien du revenu destinés aux personnes handicapées. En outre, le principe de l’autonomie et de l’indépendance est lié à l’obligation d’accommodement, car pour maximiser la capacité des personnes handicapées de faire des choix et de s’occuper d’elles-mêmes, il faut mettre en place des mesures d’adaptation.

 

D.    La promotion de l’inclusion sociale et de la participation

Définition proposée : Ce principe invite à bâtir une société qui favorise la participation active de toutes les personnes handicapées à la collectivité en éliminant les obstacles physiques, sociaux, comportementaux et systémiques qui les empêchent d’exercer leur citoyenneté et en facilitant leur inclusion.

 

1.     Le principe et les expériences des personnes handicapées

Il a été suggéré que, compte tenu de la marginalisation et de l’exclusion constantes dont sont victimes les personnes handicapées au sein de la sphère publique, le mouvement voué à la défense de leurs droits pouvait constituer un « projet de visibilité » :

En un mot comme en cent, l’invisibilité relative ou absolue des personnes handicapées a eu pour effet que les dispositions juridiques introduites pour promouvoir les libertés individuelles (protection contre l’abus de pouvoir) et les libertés publiques (participations aux activités générales) n’ont pas été appliquées, ou l’ont été avec bien moins de rigueur dans leur cas.

C’est ainsi qu’est apparue une catégorie d’individus qui, bien que dépendants du secteur public pour survivre, n’ont pas les moyens d’accéder à la politique ni de l’influencer. Ils se voient dénier l’accès aux pouvoirs publics et la maîtrise de leur destinée individuelle. Bref, ils restent en marge de la société civile. Cette absence – ou cette invisibilité – alimente les stéréotypes qui ont encore cours quant à l’inaptitude des personnes handicapées. Il favorise le manque de respect à leur égard et empêche de voir en eux des détenteurs de droits, à l’instar de leurs congénères[76].

Autrement dit, il est important pour les personnes handicapées, dans toute leur individualité et leur diversité, d’être reconnues comme des personnes dont les expériences et les points de vue comptent et de pouvoir participer activement à l’élaboration du droit. Sans cette reconnaissance et cette participation, les lois qui semblent avoir un effet neutre ou même favorable sur les personnes handicapées pourraient, en réalité, avoir une incidence négative sur leur droit à l’égalité.

[Traduction]

Les lois sont rédigées par des gens bien portants. Vous savez, ils ne passent pas les lois au crible. J’imagine qu’ils font appel à certains experts, mais, vous savez, j’ai longtemps travaillé pour le gouvernement de l’Ontario, et j’ai vu comment cela fonctionne. J’ai essayé de souligner où se trouvaient les lacunes, en fait, dès le processus de présentation au Cabinet. C’est comme le monde à l’envers. Nous sommes trop peu nombreux à prendre vraiment ces choses au sérieux. Vous savez, je crois que ça se trouve un peu partout dans la législation et que c’est la façon de voir les choses qui est en cause[77].

La participation est importante, tant sur le plan individuel qu’à l’échelle de la société. Par exemple, Mona Paré s’est penchée sur la capacité des élèves handicapés et de leurs parents d’intervenir dans les décisions qui déterminent leur aptitude à participer de manière équitable au milieu de l’éducation, et a conclu qu’en raison de divers obstacles, dont le manque d’information, la complexité des systèmes et le déséquilibre des pouvoirs, cette participation est minimale, malgré les lois et les politiques qui visent à la favoriser[78].

La participation est étroitement liée au concept de l’inclusion. Les personnes handicapées font souvent face à l’exclusion physique ou sociale ou à la marginalisation, que ce soit en raison d’obstacles comportementaux, physiques, sociaux ou institutionnels. Le placement des personnes handicapées en établissement, une pratique qui a eu cours pendant longtemps, est un exemple particulièrement frappant de l’exclusion. Cependant, on a encore tendance à repousser les personnes handicapées en marge de nombreuses sphères de la société, y compris l’emploi, l’éducation et la vie communautaire. Le principe d’inclusion a pour but de pallier cette situation et de faire des personnes handicapées des membres à part entière de leur collectivité et de la société en général.

 

2.     Interprétation du principe

Le principe de la promotion de l’inclusion sociale et de la participation comporte de nombreux aspects. Il vise notamment à s’assurer que les personnes handicapées peuvent participer à la collectivité et être entendues au même titre que les autres citoyens sur les enjeux qui les concernent. Le document À l’unisson 2000, par exemple, met ce principe sur le même pied d’égalité que le concept de la citoyenneté, lequel englobe « la capacité de participer activement aux activités de la collectivité. La citoyenneté à part entière passe par l’égalité, l’inclusion, les droits et responsabilités, la responsabilisation et la participation[79]. »

De plus, comme l’a décrit Frédéric Mégret, le terme « participation » comme l’entend la CDPH constitue [traduction] « une revendication plus vaste, adressée non seulement à l’État, mais aussi à la société, dont le but consiste à faire en sorte que les personnes handicapées deviennent des membres à part entière de la société et des diverses collectivités auxquelles elles appartiennent[80]. » Ainsi, le principe de l’inclusion et de la participation favorise l’intégration des personnes handicapées dans la société, dans la mesure souhaitée, et s’efforce de reconnaître, d’éviter et d’éliminer les différents obstacles à cette intégration. De tels obstacles comprennent les stéréotypes, les préjugés infondés, les jugements négatifs et les attitudes capacitistes à l’égard des aptitudes des personnes handicapées. Ce principe peut également exiger un respect particulier des différentes cultures qui existent au sein de la collectivité des personnes handicapées. L’éducation et les diverses méthodes de sensibilisation sont souvent considérées comme des moyens d’appliquer ce principe de manière efficace.

Les obstacles à la participation peuvent avoir des répercussions différentes sur divers sous-groupes. Par exemple, les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle, cognitive ou psychosociale qui sont déclarées inaptes à exercer leur capacité juridique peuvent se voir exclues de la participation aux décisions qui ont une incidence sur leur vie de tous les jours. Les personnes à mobilité réduite peuvent éprouver de la difficulté à accéder aux programmes sociaux et récréatifs ou à voter si les immeubles ne sont pas physiquement accessibles. Les facteurs à prendre en considération pour assurer la participation des personnes handicapées varient donc en fonction de leur expérience particulière du handicap.

Il importe de noter que ce principe peut revêtir un sens différent pour chaque sous-groupe au sein de la collectivité des personnes handicapées. Pour les personnes culturellement sourdes, par exemple, l’inclusion désigne le respect témoigné envers cette collectivité linguistique et culturelle particulière et la place qui lui est accordée pour assurer sa continuité[81]. Pour d’autres sous-groupes de la collectivité des personnes handicapées, comme les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble d’apprentissage, le principe de l’inclusion peut comprendre l’intégration des personnes handicapées dans toutes les sphères de la société dominante[82]. Ces points de vue ne sont pas nécessairement incompatibles; cependant, le moyen de parvenir à l’inclusion peut varier parmi les différents groupes de personnes handicapées, en fonction de leur perception bien précise de l’inclusion.

 

E.     L’avancement du droit à la sécurité

Définition proposée : Ce principe évoque le droit des personnes handicapées de vivre dans un milieu où elles n’ont pas à craindre d’être victimes de mauvais traitements ou d’exploitation et où elles peuvent recevoir le soutien dont elles ont besoin pour prendre des décisions qui peuvent influer sur leur sécurité.

 

1.     Le principe et les expériences des personnes handicapées

Les personnes handicapées sont plus vulnérables à la violence et aux mauvais traitements infligés par un étranger ou par une personne en qui elles ont confiance. Les personnes les plus vulnérables sont celles qui vivent en établissement, qui sont atteintes d’un grave handicap ou qui souffrent de troubles mentaux[83]. Les personnes handicapées à faible revenu sont plus à risque de subir de la victimisation avec violence[84].

[Traduction]

Les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont forcées de vivre dans la pauvreté. Dans le domaine du travail social, il existe un modèle nommé la hiérarchie des besoins de Maslow. M. Maslow a déterminé que les besoins à satisfaire en vue d’être en bonne santé physique et mentale suivent une certaine hiérarchie. Il s’agit d’une pyramide : si les besoins situés au palier inférieur ne sont pas comblés, la satisfaction de ceux des paliers supérieurs ne sert à rien. Cela n’apportera pas le bien-être. Les besoins au bas de la pyramide sont essentiels. Au tout premier palier se trouve le besoin de sécurité. Une personne vivant dans la pauvreté ne peut pas se sentir en sécurité. La pauvreté nous rend fous. Ce n’est pas qu’elle nous maintient dans cet état; elle en est la cause. Si nous ne nous attaquons pas à la pauvreté, le nombre de personnes ayant des problèmes de santé mentale ne cessera d’augmenter et la proportion de celles-ci passera bientôt d’une personne sur cinq à une personne sur deux[85].

Malgré le risque de victimisation accru, l’Enquête sur les services aux victimes de 2006 de Statistique Canada a révélé que seulement 24 pour cent des organismes canadiens d’aide aux victimes étaient en mesure de fournir des services aux personnes handicapées[86]. À cet égard, DAWN Canada a déclaré ce qui suit à la CDO :

[traduction]

Il est important de noter que les femmes ayant un handicap (une déficience physique, mentale ou sensorielle, ou encore une maladie chronique) affichent un taux de mauvais traitements en tous genres beaucoup plus élevé que leurs congénères non handicapées et que les hommes handicapés. Il faut garder à l’esprit que les femmes handicapées éprouvent souvent de la difficulté à sortir d’une situation d’abus, et encore plus à intenter une poursuite contre leur agresseur. Les maisons de refuge et de transition destinées aux femmes sont souvent inaccessibles pour les femmes handicapées. Par conséquent, il leur serait encore plus difficile d’obtenir une forme quelconque d’assistance juridique, en particulier si elles n’ont pas réussi à trouver d’abord un refuge sûr[87].

En outre, les institutions publiques ne disposent pas toujours de tous les outils nécessaires pour respecter les personnes handicapées qu’elles servent et assurer leur sécurité. Par exemple, les personnes handicapées sont moins satisfaites de l’accueil réservé à leurs plaintes par les services de police et ont une opinion moins favorable du système de justice pénale[88].

[Traduction]

Il y a environ dix ans, j’ai fait l’objet d’une formule 1, ce qui signifie que je pouvais représenter un danger pour moi-même ou pour les autres. Je n’étais pas un danger pour les autres, mais pour moi, oui. Lorsqu’un policier est venu m’arrêter, il m’a ordonné de me mettre à genoux devant lui et de me mettre les mains derrière le dos. Il m’a menotté, puis il s’est mis devant moi et m’a aspergé les yeux de gaz poivré pendant environ trois secondes. La sensation du gaz poivré dans les yeux, c’est comme lorsqu’on monte un taureau : chaque seconde semble durer une éternité. Les policiers veulent jouer à la fois le rôle de juge, de jury et de bourreau sur le terrain. Je ne sais pas ce qui les motive à maltraiter et à exploiter les personnes handicapées vulnérables. Je ne vois pas vraiment d’où vient cette mentalité[89].

La CDO a examiné les résultats d’enquêtes du coroner sur le décès de personnes handicapées de 1989 à 2010. Le Bureau du coroner en chef a recensé 121 décès de ce genre. L’examen a fait ressortir le fait que certaines des personnes handicapées les plus vulnérables font face à des risques pour la sécurité accrus, notamment l’usage inapproprié ou excessif de moyens de contention, le manque de supervision ou de consignes de sécurité adéquates dans les établissements, de même qu’une planification des sorties inappropriée pour les personnes atteintes d’une déficience psychique qui quittent un milieu institutionnel pour aller vivre dans la collectivité[90].

Les personnes handicapées peuvent ne pas se sentir outillées pour affronter une situation d’abus ou d’exploitation en établissement. Il existe souvent un rapport de forces très inégal entre la personne handicapée et la personne ou l’organisme qui administre la loi ou le programme. En effet, l’ARCH fait valoir que certaines personnes atteintes d’une déficience intellectuelle dépendent de mesures de soutien et de services pour accomplir de nombreuses activités de la vie quotidienne, comme manger, se vêtir, prendre un bain, faire sa toilette, gérer ses finances ou se retrouver à travers les méandres de l’aide sociale :

[traduction]

Cette dépendance rend les personnes handicapées vulnérables; elles doivent s’efforcer d’entretenir de bonnes relations avec les travailleurs de soutien, les membres de leur famille et les autres personnes dont elles dépendent pour s’assurer qu’elles continueront de recevoir les soins dont elles ont besoin et que leurs besoins fondamentaux seront comblés. Présenter une plainte contre un travailleur de soutien ou faire part de ses préoccupations à l’égard d’un service risque de menacer ou de mettre un terme à ces relations, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses sur la personne handicapée[91].

Il n’est pas surprenant de constater que les personnes handicapées ont un sentiment de sécurité plus faible que la moyenne[92].

 

2.     Interprétation du principe

Ce principe tire son origine des dispositions de la CDPH qui énoncent les droits à la liberté et à la sécurité de la personne; de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance; à un niveau de vie adéquat et à une protection sociale; ainsi que de jouir du meilleur état de santé possible[93]. La CDPH reconnaît particulièrement les risques plus élevés d’abus et d’exploitation auxquels les femmes et les filles handicapées font face[94]. Le droit à la sécurité de la personne conféré en vertu de l’article 7 de la Charte et la mention selon laquelle il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale s’appliquent également. Le principe reconnaissant le droit à la sécurité suppose la prise en considération des obstacles socioéconomiques auxquels font face les personnes handicapées, de leurs taux de mauvais traitements et d’exploitation plus élevés que la moyenne[95], ainsi que des défis auxquels les personnes handicapées victimes de mauvais traitements ou d’exploitation sont confrontées lorsqu’elles cherchent à obtenir des services et des mesures de soutien[96].

Les restrictions imposées par le passé aux personnes handicapées à la suite des interventions des autres, qu’elles soient bien intentionnées ou non, rendent ce principe controversé. Il existe un risque que le principe du droit à la sécurité soit interprété de manière à favoriser les interventions paternalistes dans la vie des personnes handicapées. Néanmoins, la conception des lois et des politiques et les interventions du secteur privé ne doivent pas compromettre la sécurité des personnes handicapées. Il est possible de se protéger contre l’usage abusif de ce principe par l’application des autres principes, comme celui de l’amélioration de l’autonomie et de l’indépendance. La partie VI du présent document suggère un moyen de régler les conflits éventuels entre l’avancement du droit à la sécurité et les autres principes.

 

F.     La reconnaissance de l’appartenance à la société

Définition proposée : Ce principe reconnaît que les personnes handicapées sont des membres de la société qui ont des droits et des responsabilités, au même titre que les autres membres de la société.

 

1.     Le principe et les expériences des personnes handicapées

Chacun de nous a de multiples identités, entretient de nombreux liens et appartient à diverses collectivités. Pour les personnes handicapées, la déficience ne constitue qu’une partie de ces aspects. En effet, les personnes handicapées font partie de la collectivité plus vaste au sein de laquelle elles entretiennent divers liens et ont des droits et des obligations réciproques. Le bien-être des personnes handicapées – en tant que citoyens, parents et membres de la famille, travailleurs et bénévoles, contribuables et bénéficiaires de services – est étroitement lié au bien-être de la société dans son ensemble. Bien entendu, le contraire est aussi vrai. Les personnes handicapées et le droit qui les concerne font partie de ce contexte plus vaste.

 

2.     Interprétation du principe

Dans son préambule, la CDPH reconnaît que « l’individu, étant donné ses obligations envers les autres individus et la société à laquelle il appartient, est tenu de faire son possible pour promouvoir et respecter les droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’homme[97]. » Le document À l’unisson définit la citoyenneté comme « une affaire de droits et de responsabilités. Elle implique la participation et la contribution aux systèmes et aux services de base auxquels tous les Canadiens peuvent participer et auxquels la plupart des Canadiens ont accès[98]. » 

Un principe qui tient compte des diverses collectivités auxquelles appartiennent les personnes handicapées est susceptible de renforcer la reconnaissance de la différence et de la diversité et d’ajouter de nouvelles dimensions au droit à la participation et à l’inclusion. Il pourrait également se révéler utile pour définir et analyser les conflits qui risquent de survenir entre les droits des personnes handicapées et ceux des autres membres de la collectivité.

Ce principe reconnaît également que les gouvernements et les intervenants du secteur privé ne sont pas toujours en mesure de répondre aux multiples demandes qui leur sont adressées. Ces demandes présentent souvent un lien avec le but de l’inclusion sociale, entre autres. Ce principe ne vise pas à négliger les revendications des personnes handicapées à la faveur de celles des autres, mais plutôt à admettre que les revendications et les droits des personnes handicapées ont parfois une incidence sur les autres membres de la société, tout comme le contraire est aussi vrai. Pour évaluer ces diverses revendications, il faudra tenir compte des autres principes afin de s’assurer que les besoins des personnes handicapées ne sont pas considérés comme ayant une importance moindre que ceux des autres et de reconnaître les situations où ces besoins sont, au contraire, plus importants.

 

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