A.    Biens de la succession

Le présent projet s’intéresse particulièrement à l’administration des successions en Ontario et, par conséquent, aux biens de la succession. Les biens de la succession sont les biens qui appartenaient uniquement au défunt et n’ont aucun autre bénéficiaire désigné que la succession. Il est important de souligner que les biens d’un défunt ne font pas toujours partie de la succession. Comme nous l’avons indiqué dans la section précédente, les biens possédés en commun avec droit de survie sont transférés directement au tenant conjoint survivant. Pour les autres biens, comme le produit de l’assurance, les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) et les prestations de retraite, il peut y avoir des bénéficiaires désignés autres que la succession. Dans les cas où des bénéficiaires sont désignés, ces biens leur sont transférés directement. Comme ces biens ne font pas partie de la succession, ils ne sont pas soumis à la procédure d’homologation et sont exclus de la portée du présent projet. La définition de petite succession englobe seulement les biens de la succession.

 

B.    Petites successions et successions simples

Une des principales tâches du projet consiste à proposer une définition utile de « petite » succession. Au cours des entrevues préliminaires, des intervenants ont fait remarquer que certaines successions de faible valeur en argent peuvent être assez difficiles à administrer. De nombreuses complications peuvent se présenter, notamment des questions sur la validité du testament ou la difficulté de retrouver les bénéficiaires. En pareils cas, une procédure d’homologation simplifiée peut être inappropriée, même pour les successions de très faible valeur. Par conséquent, on a suggéré à la Commission du droit de l’Ontario (CDO) de se concentrer plutôt sur les successions simples, soit les successions relativement claires et non litigieuses, peu importe leur valeur. Une succession simple peut renvoyer à un testament qui nomme un exécuteur testamentaire et ne soulève aucun doute quant à sa validité, à des biens usuels situés dans la province, qui ne désigne aucun bénéficiaire mineur ou frappé d’incapacité et quelques bénéficiaires seulement qui sont faciles à joindre. Une succession simple peut être relativement peu coûteuse à homologuer même si sa valeur est élevée.

Toutes les successions en Ontario profiteraient vraisemblablement, dans une certaine mesure, d’une procédure d’homologation simplifiée. Par exemple, la Colombie-Britannique a récemment instauré de nouvelles Probate Rules (règles d’homologation) simplifiées et décidé, en conséquence, qu’une procédure d’administration des petites successions distincte était inutile :

[Traduction]
L’avantage que procure une procédure d’administration des petites successions est qu’elle est simple et expéditive. Les nouvelles règles d’homologation sont accompagnées de formulaires très semblables à la déclaration de petite succession proposée par le British Columbia Law Institute. Les nouvelles règles d’homologation font une distinction entre les demandes simples et complexes et assurent que le traitement d’une demande dépend de sa complexité plutôt que de la valeur de la succession. Ces dispositions n’apportent donc aucun avantage étant donné que, en vertu des nouvelles règles d’homologation, tous les demandeurs obtiendront les mêmes avantages, particulièrement ceux qui ont présenté une demande simple[36].

L’examen des petites successions effectué par la Colombie-Britannique entrait dans le cadre d’une initiative de réforme beaucoup plus vaste consacrée à la simplification générale du droit des successions. En revanche, le projet de la CDO s’intéresse tout spécialement aux testateurs et aux bénéficiaires dont les ressources sont limitées. La CDO veut que ce projet porte sur un examen ciblé des successions de faible valeur pécuniaire pour lesquelles le coût d’obtention d’une homologation peut réduire indûment, voire épuiser, la succession[37]. En pareils cas, la succession peut demeurer non distribuée ou être distribuée de façon informelle sans la protection procédurale de la procédure d’homologation. La CDO estime donc que ce projet devrait mettre l’accent, d’abord et avant tout, sur la valeur pécuniaire des successions en Ontario plutôt que sur leur complexité.

Une définition de « petite » succession en fonction de sa valeur pécuniaire offre les trois avantages suivants :

  • elle devrait garder la portée du projet dans les limites attendues. Un accent sur les successions non litigieuses ou « simples » entraînerait inévitablement un examen de l’administration générale des successions en Ontario, ce qui pourrait dépasser rapidement l’intention de la CDO;
  • le projet abordera les questions d’accessibilité à la justice des représentants de petites successions dont le revenu est faible et qui, en conséquence, sont pratiquement empêchés ou dissuadés d’accéder à un processus judiciaire qui, à première vue, est mis à la disposition de tous les Ontariens;
  • cela est conforme à l’approche adoptée par d’autres provinces ou pays où les seules successions dont la valeur est inférieure à une certaine valeur pécuniaire peuvent se prévaloir de procédures spéciales de rechange au régime d’homologation intégral.

Aux fins du présent projet, une petite succession est donc une succession de faible valeur pécuniaire[38].

Une autre question importante consiste à déterminer les autres critères d’admissibilité des successions à une procédure simplifiée. Dans quelles circonstances devrait-il être approprié d’assouplir la protection juridique qu’offre la procédure d’homologation intégrale et en quoi devrait consister une procédure simplifiée?

Bien entendu, la CDO pourrait décider que l’actuelle procédure d’homologation demeure nécessaire pour protéger les successions, peu importe leur valeur, de la fraude ou d’une mauvaise administration. Dans ce cas, il pourrait encore y avoir des moyens d’accroître l’accès à la procédure actuelle, par exemple en simplifiant les formulaires ou en améliorant l’éducation du public sur les responsabilités juridiques des représentants de la succession et l’importance de l’homologation.

 

C.    Qu’est-ce qu’un petit montant?

Maintenant que nous avons déterminé qu’une petite succession sera définie en fonction de sa valeur pécuniaire, nous aborderons la question de savoir quelle valeur devrait être considérée comme « faible » et la méthode de calcul de cette valeur. Définir une procédure d’administration des petites successions en fonction de la valeur pécuniaire est nécessairement quelque peu arbitraire[39]. Les provinces ou les pays qui ont des procédures d’administration des petites successions ont adopté un large éventail de valeurs limites à l’égard de diverses procédures, comme nous l’aborderons ci-dessous. Les provinces canadiennes définissent le terme « petit » comme une valeur allant de moins de 3 000 $ à 50 000 $. Aux États-Unis, les procédures d’administration des petites successions reflètent un ordre de valeur semblable et certaines procédures s’appliquent aux successions dont la valeur peut aller jusqu’à 275 000 $ US[40]. Dans les États de l’Australie, de récents projets de réforme du droit ont mené à un montant de quelque 100 000 $ AU (101 400 $ CA).

Pour fixer une valeur limite d’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions, il est également important de prendre en considération le mode de calcul de cette valeur. La valeur limite peut être basée sur la valeur brute ou nette de la succession. Il pourrait aussi être pertinent d’établir différentes valeurs limites pour différentes situations, comme l’identité des bénéficiaires ou les changements de valeur de la succession. Ces formules complexes de calcul de la valeur d’une succession ont été employées dans certains États australiens, comme nous l’expliquerons plus loin. Ces formules complexifient la procédure d’administration des petites successions, mais visent à réagir aux différents niveaux de risque que présentent les demandes d’homologation de petites successions.

 

D.   Établir une distinction entre petites successions et planification successorale

Le coût d’obtention d’une homologation en Ontario a beaucoup augmenté en 1992 avec l’instauration de l’impôt sur l’administration des successions[41]. Comme on pouvait s’y attendre, plusieurs stratégies de planification successorale ont été élaborées pour éviter de payer cet impôt. Comme l’impôt est payable uniquement à l’obtention d’un certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession, la planification successorale vise à éviter l’homologation, lorsque c’est possible, et à prendre les dispositions nécessaires au transfert des biens en dehors de la succession. Même si cette pratique peut se solder par de « petites » successions dans certains cas, il s’agit d’un effet secondaire d’une stratégie d’évitement fiscal principalement.

L’impôt sur l’administration des successions demeure une question très controversée en Ontario. Un défi important de ce projet sera de maintenir une distinction entre les motifs d’évitement de l’homologation d’ordre fiscal et l’accent mis par la CDO sur la simplification de la procédure d’homologation au profit des petites successions véritables. Bien entendu, ces questions se chevauchent étant donné que le paiement de l’impôt sur l’administration des successions est un coût d’obtention de l’homologation que doivent payer à la fois les petites successions et les successions importantes. Cependant, l’impôt sur l’administration des successions est déjà conçu pour être proportionnel à la valeur de la succession. En conséquence, il est moins important aux fins de ce projet que les coûts associés à la complexité de la procédure d’homologation, y compris la nécessité d’une assistance juridique.

Il faudra également examiner les conséquences fiscales des éventuelles recommandations que fera la CDO. La proposition d’éliminer l’homologation des petites successions, par exemple, aurait évidemment des répercussions sur les recettes publiques.

 

 

 

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