Dans les précédentes parties, nous avons examiné le régime d’homologation en vigueur en Ontario ainsi que l’éventail de procédures d’administration des petites successions dont peuvent se prévaloir les citoyens de divers pays et provinces. Dans la présente partie, nous abordons certaines questions particulières que soulève l’instauration possible d’une procédure d’administration des petites successions en Ontario.

A.    Rôle des tribunaux dans la réglementation de l’homologation

L’importance qu’accorde l’Ontario au rôle des tribunaux dans l’administration des petites successions est une question préliminaire qui permettra de déterminer si l’une des procédures d’administration des petites successions recommandées dans d’autres provinces ou pays répondrait aux besoins de la province[167]. Une procédure d’homologation judiciaire comporte quatre avantages considérables :

  • elle protège le représentant de la succession, les bénéficiaires et les créanciers d’une mauvaise administration et de l’exploitation financière;
  • elle fait comprendre aux représentants de la succession l’importance de leur responsabilité légale dans l’administration d’une succession;
  • elle fournit aux tiers l’assurance qu’ils transmettent les biens du défunt au représentant légalement autorisé;
  • elle fournit un dossier public des demandes d’homologation, ce qui permet aux autres personnes ayant un intérêt dans la succession d’en connaître l’état, en plus de fournir une base de données pour les recherches futures.

Bien que ces avantages soient importants pour les successions homologuées, il semble qu’un grand nombre de petites successions sont administrées d’une manière informelle en Ontario et ne profitent donc pas d’une surveillance judiciaire[168]. En outre, la décision de savoir si un représentant d’une petite succession doit en obtenir ou non l’homologation est souvent prise, en pratique, par les institutions financières ou d’autres établissements qui détiennent les biens du défunt. En jouant ce rôle, ces institutions exercent en quelque sorte la même fonction que le tribunal dans le cadre d’une procédure judiciaire d’administration des petites successions. Ces institutions évaluent d’une façon informelle la validité du testament, s’il en existe un, et l’autorisation du représentant de la succession. Lorsque le montant en jeu est faible, elles peuvent décider d’aller de l’avant avec une preuve moins qu’optimale de l’autorisation légale.

Le présent projet doit examiner si une telle pratique est compatible avec l’objectif du régime d’homologation de l’Ontario, s’il est dans l’intérêt public de laisser aux institutions financières le contrôle fonctionnel des petites successions ou si cette pratique devrait être réglementée expressément par les lois de l’Ontario. Si une solution d’ordre juridique est justifiée, une possibilité serait d’officialiser et d’organiser la pratique par les institutions financières (en établissant, peut-être, une valeur limite normalisée et en limitant la responsabilité). La CDO peut aussi conclure qu’il vaut mieux intégrer la fonction de protection de la procédure d’homologation dans une procédure d’administration des petites successions spécialisée et judiciaire ou une autre instance publique.

Dans son rapport final intitulé Final Report on Estate Administration, l’Alberta Law Reform Institute (ALRI) se demande si la pratique des institutions financières consistant à transmettre des biens sans homologation devrait être réglementée[169]. L’ALRI se déclare contre la réforme législative : [traduction] « [s]i les banques veulent remettre tous les biens d’une façon informelle en se fondant sur un engagement ou une garantie, c’est une question de politique pour les institutions financières[170]. »

Bien que la prévention de la fraude et l’éducation des fiduciaires de la succession constituent des avantages importants des lettres d’homologation, ces avantages peuvent être prescrits par la loi, même en dehors du régime d’homologation. Par exemple, la nouvelle loi de l’Alberta intitulée Estate Administration Act impose des obligations aux représentants de la succession même s’ils ne présentent pas de demande en vue d’obtenir l’homologation[171]. Les représentants de la succession qui agissent sans homologation doivent néanmoins, en vertu de l’article 10, notifier les bénéficiaires, les autres membres de la famille, le conjoint survivant et le curateur public, s’il y a lieu, de l’identité du défunt et du représentant de la succession ainsi que de la nature du don laissé au bénéficiaire[172]. Il s’agit d’un devoir susceptible d’exécution forcée par une ordonnance du tribunal en vertu de l’article 8 de la loi, même si la façon dont un bénéficiaire qui n’a pas reçu de notification saurait introduire une telle requête n’est pas claire[173].

Comme nous l’avons indiqué précédemment, un mouvement a été amorcé aux États-Unis pour repenser le rôle des tribunaux dans la délivrance de lettres d’homologation et examiner l’idée de soustraire l’administration des successions au domaine public. La conception du Uniform Probate Code est fondée sur l’idée de laisser l’« intérêt personnel » régir la procédure d’administration et de réduire au minimum le rôle des fonctionnaires, autant que possible[174]. Certains critiques laissent entendre qu’une succession sans administration peut semer la confusion chez les bénéficiaires quant à leurs responsabilités respectives et, possiblement, entraîner des conflits.

Dans ce projet, la CDO doit se demander où devrait se ranger l’administration des petites successions en Ontario, entre la supervision totale des tribunaux et l’absence totale de supervision. Un rôle accru des tribunaux pourrait faire augmenter les coûts et réduire l’accessibilité de la procédure. Un rôle réduit des tribunaux pourrait faire baisser les coûts, mais également compromettre le caractère équitable et l’efficacité de la procédure.

 

Questions de rétroaction

8.     À l’heure actuelle, l’homologation suppose que le testament (s’il en existe un) et la nomination d’un représentant de la succession qui en entreprend l’administration ont été approuvés par le tribunal. Une procédure d’administration des petites successions devrait-elle comprendre une forme quelconque d’agrément du tribunal?

9.     Le South Australian Law Reform Institute (SALRI) propose la mise en place d’un registre en ligne interrogeable des demandes en vue d’obtenir l’homologation comme solution de rechange à l’agrément du tribunal. (Se reporter à la page 47 ci-dessus.) Croyez-vous qu’un registre en ligne interrogeable serait un modèle approprié pour une procédure d’administration des petites successions en Ontario? Veuillez justifier votre réponse.

 

B.              Conditions d’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions

1.               Valeur limite

Si la CDO conclut qu’une procédure d’homologation judiciaire simplifiée des petites successions est le meilleur moyen de concilier l’intérêt du public à l’égard d’une protection procédurale avec les valeurs d’abordabilité et d’accessibilité, l’étape suivante consistera à examiner quelles successions devraient être admissibles à une telle procédure. La valeur limite d’admissibilité appropriée dépendra, en partie, du niveau de protection qu’offre la procédure d’administration des petites successions recommandée.

Comme nous l’avons examiné précédemment, les valeurs limites d’admissibilité aux procédures d’administration des petites successions mises en place dans d’autres provinces et pays varient d’aussi peu que 3 000 $ à 275 000 $. Bien entendu, la valeur limite d’admissibilité la plus appropriée à une procédure d’administration des petites successions dépendra, dans une certaine mesure, du type de procédure adoptée. Par exemple, une valeur limite élevée peut être justifiée lorsque la procédure offre un niveau élevé de protection. Une valeur limite d’admissibilité plus ou moins basse peut être appropriée pour une procédure exigeante en termes de ressources, comme une assistance juridique à l’homologation, afin d’éviter que le tribunal soit surchargé par les demandes. La valeur limite d’admissibilité dépendra également de la méthode de calcul choisie. Une valeur limite basse serait sans doute appropriée lorsque la procédure facilite le transfert de biens individuels plutôt que de l’ensemble de la succession.

Toute valeur limite d’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions en Ontario qui sera fixée doit également correspondre aux valeurs limites comparables qui figurent dans d’autres lois de l’Ontario. Le montant réservé à titre de part préférentielle du conjoint survivant dans le cas d’une succession sans testament en vertu de la Loi portant réforme du droit des successions pourrait servir de point de référence[175]. À l’heure actuelle, le montant prescrit par règlement est de 200 000 $[176]. À l’autre extrémité de l’échelle, le montant de 10 000 $ que peut verser le Bureau de l’avocat des enfants à un parent ou un tuteur pour le compte d’un enfant, sans preuve de tutelle, pourrait être un autre point de référence[177]. Le montant de 20 000 $ que le Tuteur et curateur public de l’Ontario peut verser aux héritiers ou à un représentant successoral sans certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession (certificat de nomination) est une option semblable[178].

Plusieurs autres facteurs doivent aussi être pris en considération dans le choix d’une valeur limite unique et utile d’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions, notamment les facteurs suivants.

La valeur étant un concept relatif saisi différemment selon la situation personnelle de la personne qui l’établit, une succession soi-disant « petite » peut être petite aux yeux de certains Ontariens, mais très importante pour d’autres.

Du point de vue des bénéficiaires de la succession, la valeur de leur part de la succession peut influer sur leur évaluation des frais d’obtention d’une homologation. Par exemple, on pourrait considérer un montant de 1 000 $ comme un coût raisonnable d’obtention de l’homologation d’une succession dont la valeur s’élève à 10 000 $ et dont le conjoint du défunt est l’unique bénéficiaire. Cependant, ce même montant pourrait sembler excessif lorsque la succession doit être divisée entre les cinq enfants du défunt et lorsque chaque bénéficiaire peut s’attendre à recevoir seulement 2 000 $. Par ailleurs, les frais pourraient même augmenter en raison de l’envoi d’un avis à cinq bénéficiaires. Bien entendu, la valeur de la succession devant être divisée en cinq parts, il en va de même pour les frais. Dans ce cas-ci, la perception que les frais sont disproportionnés peut être plus apparente que réelle.

Comme le fait remarquer un intervenant, les questions de valeur et de validité ne peuvent être dissociées. Une succession peut être petite seulement parce qu’une personne a exercé une influence indue sur le testateur, de son vivant, afin de le voler au fil du temps. Des biens additionnels pourraient aussi être découverts plus tard et faire augmenter la valeur de la succession. 

Une autre possibilité consiste à ajouter à la définition de petite succession d’autres critères, en plus de la valeur pécuniaire, pour les besoins d’une procédure d’administration des petites successions. La procédure d’administration des petites successions mise en place dans l’État de Victoria en est d’ailleurs le meilleur exemple : elle s’adresse aux successions dont la valeur ne dépasse pas 25 000 $, mais celles dont la valeur ne dépasse pas 50 000 $ peuvent aussi s’en prévaloir lorsque les bénéficiaires se limitent au conjoint, aux enfants ou au seul parent survivant du défunt. La Victorian Law Reform Commission recommande d’éliminer la double limite aux fins d’uniformité avec les autres États de l’Australie[179]. Cependant, cette recommandation mérite peut-être d’être envisagée en Ontario comme un moyen d’améliorer la gestion du risque de mauvaise administration et de permettre à un plus grand nombre de petites successions de se prévaloir de la procédure.

Une autre question à considérer est la méthode de calcul de la valeur limite des successions. La plupart des procédures pour l’administration des petites successions sont définies en fonction de la valeur globale de la succession, qu’il s’agisse de sa valeur brute ou nette, une fois que les dettes du défunt ont été payées. Toutefois, certaines procédures pour l’administration des petites successions sont définies en fonction de la valeur des biens du défunt en la possession d’un détenteur de biens particulier[180]. De plus, des provinces et des pays ont adopté une double limite afin de laisser une marge d’erreur dans l’estimation initiale de la valeur de la succession. Ainsi, si le représentant de la succession constate en cours d’administration que la valeur réelle est plus élevée que la valeur estimée, une autre valeur limite plus élevée permet de déterminer s’il est tenu, à cette étape, de présenter une demande d’homologation[181].

 

Questions de rétroaction

10.  Quelle devrait être la valeur limite d’une petite succession pour qu’elle soit admissible à une procédure d’administration des petites successions en Ontario? Cette valeur devrait-elle être calculée en fonction de la valeur brute ou nette de la succession?

11.  Certains pays et certaines provinces ont établi deux valeurs limites d’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions. Une valeur limite permet d’établir quelles successions sont suffisamment petites pour être admissibles à la procédure. Si on apprend ultérieurement que la valeur de ces successions est plus élevée qu’on le croyait, une deuxième valeur limite, légèrement supérieure, est utilisée pour déterminer si les successions doivent présenter une demande d’homologation intégrale. Ce type de double valeur limite conviendrait-il à une procédure d’administration des petites successions en Ontario?

 

2.     Autres exigences

Il faut tenir compte du type de biens que comprennent habituellement les petites successions. Nombre de provinces et de pays prévoient des procédures d’administration des petites successions uniquement lorsque la succession ne comprend aucun bien immeuble. Cela semble raisonnable étant donné que la valeur des biens immeubles a tendance à être supérieure à la valeur limite des petites successions typiques. Cependant, ce n’est pas nécessairement le cas, particulièrement dans les collectivités rurales où une succession peut comporter des biens immeubles dont la valeur est plus ou moins faible. Pour définir l’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions, il faudra absolument examiner la situation des groupes d’intervenants dans différentes régions de l’Ontario.

Bien que la valeur des biens qui composent une petite succession soit une information nécessaire pour présenter une requête en vue d’obtenir un certificat de nomination, il n’existe aucune raison pour laquelle la nature de ces biens devrait être pertinente à la requête. Toutefois, le type de biens qui constituent une petite succession devient très important si la succession est administrée sans homologation, et ce, parce que les politiques et les pratiques de transmission des biens sans homologation varient entre les institutions et en fonction du type de biens.

Il sera également important d’examiner les circonstances dans lesquelles une procédure d’administration des petites successions n’est pas appropriée. Une multiplicité d’éléments complexes peut exiger la protection procédurale intégrale associée à l’homologation, peu importe la faible valeur de la succession. La possibilité qu’un bénéficiaire soit frappé d’incapacité est un premier exemple. Une autre possibilité est l’absence de testament (et donc de preuve prima facie que le représentant de la succession est autorisé à agir). Des questions de compétence peuvent aussi compliquer l’administration d’une petite succession. Par exemple, il se pourrait qu’une procédure pour l’administration des petites successions ne soit pas pertinente lorsque l’exécuteur testamentaire ou les bénéficiaires résident à l’extérieur de l’Ontario ou lorsque la succession comprend des avoirs étrangers.

 

Questions de rétroaction

12.  Veuillez indiquer la ou les caractéristiques qui, selon vous, rendraient des successions inadmissibles à une procédure d’administration des petites successions :
ð      une succession avec testament;
ð      une succession sans testament;
ð      une succession comprenant des biens immeubles;
ð      certains bénéficiaires sont des personnes mineures ou frappées d’incapacité;
ð      autres caractéristiques : veuillez préciser.

Veuillez donner des explications.

 

C.              Accès aux renseignements financiers sans homologation

Dans certains cas, les institutions financières refusent de fournir des renseignements sur la valeur des biens qu’elles détiennent pour le compte d’un défunt en invoquant des préoccupations relatives à la vie privée. Comme la valeur des biens qui constituent la succession est une information nécessaire pour obtenir une homologation, le refus de communiquer cette information place les demandeurs dans une impasse. Le problème prend de l’ampleur avec l’introduction d’une législation relative à la protection de la vie privée plus contraignante[182].

La mesure dans laquelle ce problème en est un d’ordre pratique pour les représentants de petites successions en Ontario n’est pas encore claire. Cependant, la Colombie-Britannique a estimé ce problème suffisamment important pour l’aborder dans ses nouvelles règles d’homologation. Lorsqu’un demandeur britanno-colombien dépose une demande intégrale, sauf pour l’affidavit concernant les biens et les exigibilités, la règle 25-4 exige du registrateur qu’il délivre une autorisation pour obtenir les renseignements sur la succession (Formulaire P18). Le demandeur peut remettre cette autorisation aux institutions financières en leur demandant de communiquer les renseignements sur les biens qu’elles détiennent. Si une institution financière refuse de collaborer, la règle 25-8 autorise le demandeur à demander une ordonnance d’un tribunal lui enjoignant de se conformer[183].

L’Alberta Law Reform Institute s’est également penché sur cette question dans son récent rapport intitulé Final Report on Estate Administration[184]. L’ALRI constate que les institutions financières sont assujetties aux lois fédérales et provinciales sur la protection de la vie privée qui les empêchent de communiquer des renseignements à toute personne autre qu’un représentant autorisé du défunt[185]. L’ALRI propose de possibles moyens de contourner ce problème. Par exemple, une valeur nominale pourrait être utilisée pour la demande d’homologation, étant entendu que cette valeur sera corrigée une fois que l’homologation aura été accordée et la valeur réelle connue. Un demandeur pourrait également demander au tribunal de procéder à une nomination provisoire afin d’obtenir les renseignements, après quoi la demande pourrait être complétée. Cependant, l’ALRI conclut dans son rapport que ces mesures ne sont pas nécessaires. Les consultations ont permis d’apprendre que la plupart des gens n’ont aucune difficulté à obtenir des renseignements. L’ALRI encourage les initiatives en matière d’éducation plutôt que l’adoption d’une solution législative.

 

Questions de rétroaction

13.  Les procédures d’homologation et d’administration des petites successions exigent toutes deux que les représentants de la succession communiquent la valeur de la succession. Dans certaines situations, les banques hésitent à communiquer cette information sans homologation.
a)     Selon vous, est-ce un problème en Ontario?
b)   L’Ontario devrait-il disposer d’un mécanisme exigeant des institutions financières qu’elles communiquent, avant l’homologation, la valeur des biens qu’elles détiennent pour le compte d’un défunt?

 

D.             Produire la dernière déclaration de revenus du défunt sans homologation

L’Agence du revenu du Canada (ARC) est parfois stricte en ce qui a trait à l’exigence de certificat de nomination avant d’accepter la dernière déclaration de revenus du défunt d’un représentant de la succession. Cette exigence peut causer un préjudice important aux successions dont la valeur est faible ou nulle et aux successions pour lesquelles l’obtention d’un certificat de nomination ne serait pas nécessaire à leur administration.

L’ARC a la responsabilité de protéger la confidentialité des contribuables, comme l’exigent le paragraphe 241(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et d’autres lois fédérales[186]. Le paragraphe 241(1) est une disposition très détaillée qui interdit la communication des renseignements confidentiels des contribuables, sauf dans certaines circonstances où elle est autorisée. Les circonstances dans lesquelles l’ARC est autorisée à communiquer des renseignements au représentant successoral d’un défunt ne sont pas expressément abordées. Dans la pratique, la décision d’exiger ou non un certificat de nomination est laissée à la discrétion des fonctionnaires qui tiennent compte d’un grand nombre de facteurs, dont la valeur de la succession et l’existence de querelles au sein de la famille.

Toute recommandation relative à une procédure d’administration des petites successions en Ontario doit examiner les conséquences de la politique et des pratiques de l’ARC et si l’Ontario peut travailler avec le gouvernement fédéral à l’adaptation des pratiques de l’ARC à une telle procédure.

 

Questions de rétroaction

14.  Les autorités fédérales, comme l’Agence du revenu du Canada, sont assujetties aux lois sur la protection de la vie privée et aux autres lois qui exigent qu’elles traitent uniquement avec les représentants légalement autorisés d’un défunt. Compte tenu de cette exigence, comment une procédure d’administration des petites successions en Ontario pourrait-elle être définie?

 

E.               Rôle du Tuteur et curateur public

La politique du Tuteur et curateur public de l’Ontario qui consiste à ne pas participer à l’administration des successions dont la valeur est inférieure à 10 000 $ diffère légèrement de celle des autres curateurs publics qui administrent des petites successions sans avoir besoin d’une nomination judiciaire[187]. Cette pratique très différente dans d’autres provinces ou pays soulève la question de savoir si le Tuteur et curateur public de l’Ontario devrait jouer un rôle semblable dans la province et, dans l’affirmative, s’il serait approprié d’adoucir ou de supprimer l’exigence d’obtenir un certificat de nomination dans ces circonstances. Les limites financières auxquelles se heurte le Tuteur et curateur public compte tenu des niveaux de financement actuels sont également pertinentes à la question. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la position préliminaire de la CDO est que le Tuteur et curateur public ne devrait pas assumer un nouveau rôle d’administrateur des petites successions.

 

Questions de rétroaction

15.  Le Tuteur et curateur public devrait-il jouer un rôle dans l’administration des petites successions en Ontario? Dans l’affirmative, quel devrait être ce rôle?

 

F.     Exigences requises et éléments de preuve voulus d’une procédure d’administration des petites successions

Il faut trouver dans tous les processus judiciaires un juste équilibre entre les garanties procédurales nécessaires pour obtenir justice et la plus grande accessibilité possible lorsque ces garanties procédurales sont assouplies. On constate un tel compromis dans l’ensemble de l’organisation judiciaire de l’Ontario. Par exemple, la protection procédurale intégrale qu’offrent les Règles de procédure civile lorsque des montants d’argent plus ou moins importants font l’objet d’une réclamation fondée en droit est réduite dans le cas des réclamations de peu de valeur qui sont régies par la procédure simplifiée de la Règle 76. Les réclamations de très faible valeur sont adressées à la Cour des petites créances[188]. Bien entendu, il s’agit de processus accusatoires comportant des garanties procédurales distinctes qui ne sont pas directement comparables, mais le compromis entre l’accessibilité à la procédure et la protection procédurale est le même.

Ce compromis est également illustré dans d’autres lois de l’Ontario. La Loi sur le Tuteur et curateur public autorise le Tuteur et curateur public à livrer au représentant de la succession les biens provenant d’une personne décédée qu’il a en sa possession à la remise d’un certificat de nomination[189]. Cependant, cette disposition assouplit également la protection procédurale lorsque de petits montants sont en jeu. Le Tuteur et curateur public peut, à sa discrétion, à la réception de preuves qu’il juge satisfaisantes, distribuer aux représentants les biens d’une valeur d’au plus 20 000 $. Le Tuteur et curateur public ne peut être tenu responsable de la distribution des biens qu’il a effectuée avec prudence et de bonne foi[190].

La Loi portant réforme du droit de l’enfance qui prévoit le versement de l’argent ou la remise des biens meubles dus aux enfants directement aux parents ou aux gardiens, sans preuve de tutelle, lorsque le montant payé et la valeur des biens meubles remis ne dépassent pas 10 000 $ est un autre exemple de ce compromis[191].

Ces exemples montrent qu’il est considéré comme acceptable, dans certaines circonstances, d’effectuer un compromis à l’égard de la protection procédurale associée à un processus judiciaire intégral afin de s’assurer que les questions de peu de valeur profitent d’un processus judiciaire proportionnel à leur valeur. Le juste équilibre à trouver concernant l’accès des petites successions au régime d’homologation de l’Ontario est une question-clé qui doit être examinée dans le cadre de ce projet.

En examinant le meilleur moyen de faciliter l’accès à la justice des petites successions, il est important de garder à l’esprit la fonction sous-jacente du régime d’homologation de l’Ontario qui consiste à assurer une administration des successions bonne et juste, conforme aux volontés du testateur et au droit successoral. Certains intervenants laissent entendre qu’il pourrait être difficile de simplifier le régime sans entraver cette fonction. Par exemple, même si une procédure d’administration des petites successions mise à la disposition des profanes permettait une efficacité accrue et une économie de coûts considérable, il faudrait établir un juste équilibre par rapport à la fonction importante qu’assument les avocats, tant sur le plan personnel (en informant les demandeurs de leur rôle et de leurs responsabilités) que collectif (comme frein à la fraude).

 

1.     Exigences applicables à la demande dont on pourrait se passer

La complexité de l’administration des successions réside, en partie, dans la grande diversité des situations qu’elle doit traiter. Différentes exigences requises sont nécessaires, par exemple, pour établir le pouvoir d’administrer, selon que le défunt a laissé ou non un testament. Une multitude d’autres variables peuvent également nécessiter des procédures particulières. La détermination des exigences requises et des éléments de preuve voulus que comporte l’actuelle procédure d’homologation dont on pourrait se passer tout en s’assurant que la nouvelle procédure d’administration des petites successions atteint son objectif est un problème à résoudre du présent projet.

 

2.     Renoncer à l’exigence en matière de sûreté?

Il est temps de songer à modifier l’exigence selon laquelle un demandeur doit verser un cautionnement de l’administrateur dans les cas suivants : a) il n’y a pas de testament ou le demandeur n’est pas nommé dans le testament; b) il y a un testament, mais l’exécuteur testamentaire ne vit pas dans le territoire de compétence[192]. La section des successions du barreau exerce des pressions croissantes pour éliminer ou, à tout le moins, adoucir cette exigence[193].

Selon l’article 37 de la Loi sur les successions, le montant du cautionnement de l’administrateur doit être égal au double de la valeur de la succession[194]. On peut faire valoir que ce montant est excessif et pourrait empêcher les membres de la famille de présenter une requête en vue d’obtenir un certificat de nomination. De plus, les sociétés de cautionnement exigent des renseignements personnels du requérant, ce qui peut également avoir un effet dissuasif. Dans la pratique, les spécialistes en succession demandent presque toujours une ordonnance d’un tribunal les dispensant de l’obligation de cautionnement de l’administrateur. Bien qu’une telle demande soit très souvent accordée, elle suppose le dépôt d’une demande de nature judiciaire, ce qui est clairement un obstacle potentiel pour un représentant de la succession sans assistance juridique. En Colombie-Britannique, la loi intitulée Wills, Estates and Succession Act dispense les demandeurs de l’exigence de sûreté automatique, et demande une sûreté seulement lorsque des personnes mineures ou frappées d’incapacité comptent parmi les bénéficiaires ayant un intérêt dans la succession.[195]

 

Questions de rétroaction

16.  Parmi les exigences relatives à l’obtention d’une homologation en vigueur en Ontario, lesquelles devraient être maintenues dans une procédure d’administration des petites successions?
ð      Affidavit de passation du testament
ð      Avis aux bénéficiaires
ð      Avis au Tuteur et curateur public ou au Bureau de l’avocat des enfants pour les bénéficiaires mineurs ou frappés d’incapacité
ð      Dossier public du fiduciaire de la succession
ð      Consentement des bénéficiaires ayant droit à la majeure partie des biens (en l’absence de testament ou de nomination d’un exécuteur testamentaire)
ð      Cautionnement de l’administrateur
ð      Autre : veuillez préciser

Parmi les exigences actuelles, lesquelles pourraient être abandonnées? Veuillez expliquer.

 

G.             Mise en œuvre et accessibilité

Quelle que soit la procédure d’administration des petites successions recommandée par la CDO, sa réussite dépendra en grande partie de son administration par le gouvernement et de sa présentation au public. L’accessibilité de la procédure aux profanes est un facteur déterminant crucial de son succès. Une hypothèse principale sous-jacente à la simplification de la procédure d’administration des petites successions est que les mesures prises par un non-spécialiste, y compris la documentation autodidactique juridique, réduisent considérablement les dépenses qu’engage l’administrateur en éliminant la nécessité de recourir aux services d’un avocat.

À l’heure actuelle, la procédure d’homologation mise en place en Ontario est relativement onéreuse et complexe et requiert généralement l’assistance d’un avocat pour s’y retrouver. Le processus de demande, qui comporte de nombreux formulaires, est quelque peu lourd pour cette raison[196]. Le site Web du ministère du Procureur général offre aux demandeurs des renseignements de base dans sa « Foire aux questions concernant les successions », y compris, par exemple, des renseignements sur la façon d’obtenir un certificat de nomination[197]. Un lien est établi vers un site Web dans lequel sont affichées les formules des Cours, notamment les formules de demande de certificat de nomination en format PDF, accessibles en écriture[198]. Il y a aussi un lien vers des renseignements sur les erreurs courantes qui surviennent au moment de remplir les demandes[199]. Ces renseignements renferment d’autres liens vers les ressources en matière de droit des petites successions, y compris un lien vers des renseignements pratico-pratiques sur les successions et les fiducies élaborés par le Barreau du Haut-Canada[200]. Les guides du Barreau du Haut-Canada comprennent des glossaires techniques qui ne sont pas rédigés en langage clair. Par exemple, un « testament » est défini comme un « acte testamentaire qui doit être fait par écrit » sans que le terme « acte testamentaire » soit défini. Par conséquent, même si les guides sur la procédure d’obtention d’un certificat de nomination sont raisonnablement accessibles au public, une assistance juridique demeure généralement requise.

Les provinces ou les pays qui ont mis en place des procédures d’administration des petites successions ont adopté un éventail de techniques d’éducation du public. Dans l’ensemble, les sites Web des tribunaux des provinces canadiennes offrent peu de renseignements sur les procédures d’administration des petites successions et dissuadent les demandeurs de présenter une demande d’homologation sans conseil juridique. Par exemple, le développement des plateformes publiques en ligne pour les procédures d’administration des petites successions au Manitoba et en Saskatchewan est fragmentaire, il comprend différents sites Web et des directives incomplètes. La Colombie-Britannique fait figure d’exception. Les nouvelles Probate Rules sont accompagnées de formulaires rédigés en langage clair qui guident les profanes vers l’information dont ils ont besoin.

À la différence des provinces canadiennes, l’État de New York se présente comme un exemple de « pratiques exemplaires » dans la mise en œuvre des procédures d’administration des petites successions. L’État de New York dispose d’une procédure d’administration des petites successions au moyen d’un affidavit (Small Estates Affidavit procedure ou SEAP) qui s’applique aux successions composées uniquement de biens personnels dont la valeur ne dépasse pas 30 000 $ US[201]. La procédure est clairement définie et accessible au moyen d’un outil interactif en langage clair qui guide les demandeurs tout au long de la procédure de dépôt de l’affidavit. Certains renseignements sont offerts dans d’autres langues, comme l’espagnol, le français et le chinois[202]. La page Web contient une description claire des conditions d’admissibilité au programme ainsi qu’une liste de vérification des informations nécessaires à l’exécution du programme. Le module interactif de la SEAP dirige l’utilisateur le long d’un parcours virtuel qui comprend une liste de « points d’arrêt » qui disparaissent dans le lointain. Des directives qui s’affichent à l’écran sous forme de bulles formulées simplement sont fournies à chaque arrêt. L’utilisateur semble se rapprocher d’un palais de justice visible au loin à mesure qu’il répond aux questions. Lorsque l’utilisateur a terminé le programme, il peut imprimer les instructions techniques (aussi offertes en espagnol) ainsi que l’affidavit rempli. Les employés de la cour ont reçu une formation particulière afin d’aider le public à utiliser la SEAP et les programmes connexes. Cependant, les utilisateurs sont avisés dans une page affichant une foire aux questions qu’il vaut toujours mieux parler avec un avocat de sa situation particulière. Ils sont également informés des endroits où ils peuvent trouver un avocat, au besoin[203]. Certains utilisateurs ont formulé de la rétroaction positive sur la SEAP, ce qui permet de croire qu’ils estiment que le programme les aide à remplir l’affidavit sans recourir aux services d’un avocat.

Par comparaison aux autres provinces ou pays examinés, la SEAP semble offrir une structure de prestation fructueuse qui permet aux New Yorkais de déposer un formulaire de règlement d’une petite succession sans l’aide d’un avocat. Le succès de la SEAP reposerait en partie sur la répétition des renseignements de base (p. ex. comment obtenir un certificat de décès, signer un affidavit uniquement devant un notaire) et sa prestation dans une seule plateforme Web, ce qui réduit la probabilité que les gens cherchent ailleurs les informations (possiblement erronées).

 

Questions de rétroaction

17.  Le gouvernement ou les tribunaux devraient-ils fournir une assistance accrue aux personnes sans avocat qui présentent une demande d’homologation d’une petite succession?
a)     Dans l’affirmative, quel type d’assistance serait considéré comme approprié? (Ligne d’assistance téléphonique, avocat de service aux bureaux du greffier, service de commissaire à l’assermentation pour les affidavits, autre.)
b)   Serait-il approprié de facturer des frais modestes pour ces types de services?
c)    Dans l’affirmative, serait-il préférable de facturer des frais fixes ou des frais basés sur la valeur de la succession?

 

H.   Incidence du nouveau programme de vérification de l’Ontario sur une procédure d’administration des petites successions

La province procède à l’élaboration d’un nouveau programme qui sera administré par le ministère des Finances et autorisera le gouvernement à vérifier les requêtes en vue d’obtenir un certificat de nomination et à exiger une preuve de la valeur des biens d’une succession. Certaines personnes s’inquiètent du fait que ces nouvelles exigences rendront la procédure de présentation de la requête beaucoup plus compliquée[204]. Si la procédure de vérification proposée allait de l’avant, cela pourrait avoir des conséquences sur l’opportunité et la définition d’une procédure d’administration des petites successions en Ontario.

 

 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières