Maintenant que les diverses procédures d’administration des petites successions utilisées ou proposées dans d’autres provinces ou pays ont été passées au crible, la CDO suggère certaines options possibles à la réforme du droit des petites successions en Ontario qui tiennent compte des différentes questions propres au contexte ontarien. Il s’agit d’options préliminaires destinées à servir de fondement aux consultations. La CDO serait heureuse de recevoir des suggestions des intervenants et examinera attentivement les commentaires reçus au cours du processus de consultation afin de formuler les recommandations que contiendra le rapport final.

 

A.    Statu quo

La première option est le statu quo, c’est-à-dire que toutes les successions en Ontario continueront d’être assujetties à la procédure d’homologation existante. Le problème que pose l’administration des petites successions n’est peut-être pas assez grave pour mériter qu’on assouplisse l’importante protection procédurale associée à l’homologation. Certains intervenants laissent entendre que la procédure d’homologation n’est pas endommagée et n’a pas besoin d’être réparée. Pour évaluer l’état de la procédure d’homologation, il est important que le plus grand nombre possible d’Ontariens viennent raconter leur expérience de l’homologation de petites successions dans le cadre de l’actuelle procédure.

Cependant, la CDO a provisoirement conclu, à la suite des recherches et des entrevues préliminaires qui ont été menées, qu’une certaine forme de procédure d’administration des petites successions serait avantageuse en Ontario.

 

B.    Homologation judiciaire

Cette option doit conserver l’actuelle procédure d’homologation des successions, peu importe leur valeur, mais améliorer l’information ou les programmes destinés au public, ou les deux, afin d’aider les personnes qui n’ont pas d’avocat à présenter une demande d’homologation des petites successions. Cette option insiste sur le rôle important de l’examen minutieux de la cour qui protège les successions, les bénéficiaires et les détenteurs de biens d’une mauvaise administration et veille à ce que le transfert de fortune au moment du décès soit effectué d’une façon méthodique et conforme aux volontés du testateur ou de la législation sur les successions. En particulier, ce modèle permettrait d’assurer qu’un avis de la demande d’homologation continue d’être donné aux bénéficiaires. Ce modèle suppose également qu’en l’absence d’une procédure d’administration des petites successions spécialisée, certains représentants de petites successions continueront de contourner la procédure d’homologation et administreront la succession de manière informelle s’ils parviennent à convaincre les détenteurs de biens de transmettre les biens de la succession sans homologation.

La décision qu’a prise la Colombie-Britannique de simplifier l’ensemble des formulaires de demande d’homologation plutôt que d’adopter une procédure d’administration des petites successions distincte dans sa nouvelle loi intitulée Wills, Estates & Succession Act (WESA) est une approche qui faciliterait l’utilisation de l’actuelle procédure d’homologation des petites successions[205]. Une autre approche serait une procédure d’assistance à l’homologation semblable à celle adoptée par la Saskatchewan ou par l’État de Victoria, en Australie. Ici, la loi se propose de faire jouer un rôle actif au personnel de la cour en aidant les demandeurs à remplir la demande d’homologation, essentiellement comme un service d’aide juridique. En Ontario, un tel programme nécessiterait un apport massif de ressources financières ou autres de la part du gouvernement de la province. Il convient de signaler qu’en recommandant l’adoption d’une procédure judiciaire d’administration des petites successions pour l’État de Victoria, la Victorian Law Reform Commission (VLRC) proposait de poursuivre l’exécution d’un programme existant en relevant la valeur limite d’admissibilité plutôt que de créer un tout nouveau programme (comme cela serait nécessaire en Ontario)[206].

L’amélioration de l’information publique au sujet du régime d’homologation est un élément particulièrement important de cette option. Par exemple, le VLRC a recommandé que le tribunal conçoive une « trousse d’homologation » qui fournit de l’information publique claire, complète, aisément disponible et rédigée dans les langues parlées par les communautés afin que les représentants de la succession puissent obtenir l’homologation sans assistance juridique. Bien entendu, cette information publique est utile dans la mesure où les demandeurs y ont véritablement accès, ce que nous aborderons plus loin.

 

C.    Procédure d’homologation simplifiée

Cette option suppose une procédure d’administration des petites successions homologuée par le tribunal dont les exigences requises et les éléments de preuve voulus sont réduits.

Des exemples d’un tel modèle comprennent les instances judiciaires spécialisées dont peuvent se prévaloir les petites successions de la Saskatchewan et du Manitoba. Cependant, ces instances exigent des demandeurs qu’ils déposent une demande de nature judiciaire; on ne connaît pas les autres exigences requises ou éléments de preuve voulus. Aucune de ces provinces ne semble exiger qu’un avis de la demande soit donné aux bénéficiaires.

Ce modèle est également semblable aux procédures d’administration sommaire adoptées par certains États américains. En examinant ce modèle, il faut se demander s’il est possible d’assouplir ou d’éliminer l’un ou l’autre des éléments de preuve voulus ou des exigences requises qui sont actuellement nécessaires à l’obtention de l’homologation sans créer d’incertitude quant à la légitimité de la demande, auquel cas il ne serait pas convenable qu’un tribunal l’approuve.

 

D.   Administration par voie de déclaration solennelle

Cette option consisterait en une procédure d’administration des petites successions qui doit être enregistrée auprès du tribunal (ou d’un site Web du gouvernement), sans examen du tribunal ni homologation. En l’absence d’une homologation officielle, un dégagement de responsabilité prévu par la loi protégerait les détenteurs de biens qui se fondent sur la déclaration solennelle.

À l’heure actuelle, il existe de nombreuses variantes de ce modèle aux États-Unis, dont certaines sont proposées par le British Columbia Law Institute (BCLI) et le South Australian Law Reform Institute (SALRI) dans leurs rapports sur l’administration des petites successions. L’élément clé de ce modèle est qu’il tente d’établir un compromis entre l’absence de surveillance judiciaire et des lettres d’homologation officielles. La déclaration solennelle ou l’affidavit est généralement un document simplifié dont la quantité de renseignements requis et les exigences en matière d’avis varient, mais il est plus simple que la demande d’homologation classique. La déclaration est enregistrée auprès du tribunal ou d’un organisme gouvernemental. La procédure d’enregistrement ne prétend pas vérifier le contenu de la déclaration comme le ferait l’homologation, mais elle permet de créer un dossier public de la succession qui comprend le nom du représentant de la succession et attire l’attention de ce dernier sur la responsabilité légale rattachée à cette fonction. L’enregistrement permet également de fixer la date à retenir pour le calcul du délai de prescription des réclamations successorales et des autres réclamations.

Pour que cette option soit valable, il faudrait probablement assouplir certains éléments de preuve voulus ou exigences requises actuellement nécessaires à l’obtention de l’homologation. Une des raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de ne pas donner suite à la proposition du BCLI concernant l’administration par voie de déclaration solennelle est que le formulaire de déclaration proposé aurait nécessité en grande partie les mêmes renseignements qu’une demande d’homologation habituelle (notamment une liste des biens de la succession et la valeur de ceux-ci, une liste des dettes et une déclaration selon laquelle le demandeur a fait les efforts raisonnables pour joindre les créanciers de la succession, une liste des bénéficiaires ainsi que leur droit à la succession et l’obligation d’envoyer une copie de la déclaration à chacun des bénéficiaires)[207]. Selon le gouvernement, [traduction] « [l]’avantage de la procédure d’administration des petites successions est qu’elle serait plus simple et expéditive. Les nouvelles règles d’homologation sont accompagnées de formulaires très semblables à la déclaration de petite succession proposée par le British Columbia Law Institute[208]. »

En revanche, la version de la déclaration suggérée par le SALRI en fonction de ce modèle ne contiendrait aucun autre renseignement sur le testament, s’il en existe un, que le nom du défunt et de l’exécuteur testamentaire. Elle ne renfermerait pas non plus de renseignements sur l’identité des bénéficiaires de la succession[209]. Malgré cela, le SALRI laisse entendre que le modèle d’administration par voie de déclaration procure des avantages à toutes les personnes concernées, particulièrement lorsque la déclaration est versée dans un registre public interrogeable plutôt que déposée à la cour. Les bénéficiaires, les créanciers et les tiers disposeraient d’outils en ligne gratuits pour joindre une succession et son administrateur, des ressources judiciaires pourraient être dégagées, le travail de rédaction des formalités administratives des représentants de la succession serait facilité et ils pourraient poursuivre l’administration de la succession[210].

Même si cette option semble attrayante, la possibilité que l’absence de protection procédurale de la procédure d’homologation entraîne un risque accru de fraude ou de mauvaise administration est un facteur contradictoire dont il faut tenir compte.

 

E.     Option d’administrer du curateur public

Les variantes de cette option sont courantes dans d’autres provinces canadiennes, en Angleterre et en Australie. Le curateur public peut, à sa discrétion, choisir d’administrer des petites successions dans certaines circonstances, la participation du tribunal est variable, mais, dans l’ensemble, elle est moindre que dans le cas d’une procédure d’homologation officielle intégrale. Dans certaines provinces, comme l’Alberta et la Saskatchewan, et dans l’État de Victoria, aucune homologation n’est nécessaire (parfois appelée « homologation réputée »). En Alberta, au Nouveau-Brunswick, dans les Territoires du Nord-Ouest et la plupart des États de l’Australie, le curateur public peut choisir d’administrer une petite succession en déposant un choix écrit ou un affidavit à la cour. Selon ce modèle, l’avis aux bénéficiaires peut ou non être exigé.

Cette option permettrait d’assurer uniquement l’administration des petites successions que le Tuteur et curateur public choisit d’accepter. Dans son rapport intitulé Small Estates Report, le BCLI fait remarquer que ce modèle classique d’administration des petites successions n’est pas conforme au rôle moderne du curateur public en Colombie-Britannique. La CDO suggère provisoirement que la même conclusion soit tirée en Ontario, mais elle invite les lecteurs à formuler des observations sur ce point.

 

F.     Administration informelle

Cette dernière option reflète la réalité, soit qu’un grand nombre de petites successions sont administrées sans aucune participation du tribunal. Ce modèle est en grande partie vraiment informel en ce sens qu’il n’est pas réglementé et comporte plutôt des échanges privés entre les représentants de la succession et les détenteurs de biens. Dans certains pays et certaines provinces, cette pratique est facilitée par des dispositions législatives qui limitent la responsabilité des détenteurs de biens qui décident de transmettre les biens sans homologation.

Dans certains cas, comme en Angleterre, les mesures de protection associées à la transmission des biens sans homologation qui sont prévues dans la loi s’appliquent seulement à certains biens. En revanche, le National Committee for Uniform Succession Laws (comité national) et le VLRC recommandent, dans leurs rapports, l’adoption d’une disposition générale offrant une protection à toute personne qui effectue de petits paiements en lien avec une succession. En Angleterre, il semble qu’on ait demandé de normaliser les procédures de transmission des biens sans homologation de diverses institutions financières et d’autres établissements qui détiennent des biens[211].

La question ici est de savoir si l’Ontario devrait se concentrer sur une réforme du droit axée sur les instances judiciaires qui permettent d’accroître l’accessibilité de la procédure d’homologation aux petites successions ou examiner également la façon de faciliter l’administration des petites successions qui n’entrent jamais dans le processus judiciaire.

 

G.   Résumé

Dans son examen des six options présentées ci-dessus, la CDO propose de s’interroger d’abord sur la rentabilité de l’actuel modèle de supervision judiciaire pour les petites successions. Cela suppose d’examiner les options qui permettraient d’aider les demandeurs à utiliser la procédure d’homologation existante sans qu’ils aient besoin d’assistance juridique, comme un certain type de service juridique d’aide aux demandeurs ou une amélioration de l’information publique ou des procédures qui indiquent la marche à suivre pour présenter une procédure d’homologation, comme l’élaboration de demandes en ligne ou une combinaison de ces méthodes d’assistance.

Si la supervision judiciaire n’est pas réputée viable sur le plan économique pour un grand nombre de petites successions en Ontario (ce qui entraîne un rejet des modèles A et B présentés ci-dessus), il y a trois façons de procéder. La première consiste à adopter une autre procédure assouplie qui tente de remplacer la protection offerte par le tribunal (les modèles C ou D ci-dessus). La deuxième concerne la possibilité de confier au Tuteur et curateur public la responsabilité d’administrer, pour le moins, certaines petites successions (modèle E ci-dessus). La troisième consiste simplement à accepter et à faciliter l’administration informelle en offrant aux tiers qui transmettent des biens sans homologation une protection légale (modèle F ci-dessus).

 

Questions de rétroaction

18.  Le présent projet examine la question de savoir si l’Ontario devrait créer une procédure simplifiée d’administration des petites successions.
a)     Croyez-vous que ce serait une bonne idée?
b)     Dans l’affirmative, lesquelles parmi les options suivantes de réforme de l’administration des petites successions seraient les plus efficaces? (Veuillez lire la description des options présentées aux pages 64  à  69, puis cocher celles qui, selon vous, seraient les plus efficaces.)
ð Modèle A : Statu quo
ð Modèle B : Homologation judiciaire
ð Modèle C : Homologation judiciaire simplifiée
ð Modèle D : Administration par voie de déclaration solennelle
ð Modèle E : Option d’administrer du Tuteur et curateur public
ð Modèle F : Administration informelle
ð Autre
c)      Veuillez expliquer votre choix ou vos choix.

19.  De nombreux intérêts sont en jeu dans l’administration des petites successions.
a)     Dans son examen d’une réforme de la procédure d’homologation, quels sont les intérêts à protéger dont la CDO devrait se préoccuper de manière particulière?
ð Les volontés du défunt
ð Le représentant de la succession
ð Les bénéficiaires
ð Les institutions financières
ð Les créanciers
ð Autres : veuillez préciser.

b)     Veuillez expliquer brièvement comment les intérêts que vous avez indiqués seraient avantagés par une réforme de la procédure d’homologation des petites successions.

 

 

 

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