A.    Objectif de l’homologation

1.     Objectif et avantages de l’homologation

L’objectif premier de l’homologation est de valider le testament, s’il y en a un, et de confirmer ou d’établir le pouvoir du fiduciaire de la succession à agir au nom de la succession, selon qu’il y a un testament ou non. D’un point de vue juridique, l’homologation veille à ce que la succession soit administrée par la bonne personne, conformément aux volontés du testateur ou, s’il n’y a pas de testament, dans le respect des principes du droit successoral. Comme elle permet de s’assurer que la personne responsable a été dûment désignée, l’homologation protège le droit des bénéficiaires et des autres personnes ayant un intérêt dans la succession. L’homologation protège également le fiduciaire de la succession en établissant son pouvoir d’agir et de se protéger contre la responsabilité pour des mesures prises en vertu d’un testament si celui-ci est ultérieurement mis de côté[6].

L’homologation remplit aussi un certain nombre d’autres fonctions connexes. L’interaction avec le système judiciaire sert à éduquer le fiduciaire de la succession dans une certaine mesure relativement aux responsabilités juridiques qui sont associées à son rôle. L’homologation permet aussi la création d’un registre public de successions afin que les particuliers qui pourraient avoir un intérêt dans une succession puissent en être informés et faire valoir leur droit. En outre, elle sert à établir un certain délai de prescription pour les réclamations successorales[7].

Par conséquent, l’objectif premier de l’homologation est de protéger un éventail d’intérêts différents, plus particulièrement les suivants :

  • les intentions du testateur (telles qu’elles sont exprimées dans le testament);
  • les bénéficiaires et les autres personnes ayant un intérêt dans la succession;
  • les créanciers;
  • le fiduciaire de la succession.

Dans un article demandé par la CDO pour ce projet, Christine Hakim explique ceci :

[Traduction]
La raison fondamentale qui sous-tend l’homologation des successions semble être la protection de ces dernières contre la fraude et la mauvaise gestion. Aujourd’hui, l’administration des successions a pour raison d’être la protection de la succession du défunt contre une mauvaise gestion, un gaspillage ou une autre utilisation inadéquate, que ce soit par le travail d’un représentant non autorisé, par la fausse déclaration ou la mauvaise gestion des biens de la succession ou par l’homologation d’un testament autre que le véritable testament du défunt[8].

Le risque que l’homologation est censée aborder a été exprimé de façon très imagée par le blogueur juridique Lloyd Duhaime :

[Traduction]
L’homologation consiste en la réalisation de l’ensemble des décisions d’un défunt en l’absence de la partie la plus intéressée, le défunt ou le testateur. Si une personne malhonnête, qui aurait droit à une grande part de la succession si aucun testament n’était soumis (succession non testamentaire), trouve le testament original selon lequel on ne lui laisse presque rien, il n’y a que la conscience de cette personne pour l’empêcher de détruire le testament et d’agir comme s’il n’avait jamais existé. Il s’agit d’un terreau fertile pour les gens malhonnêtes et ces occasions d’abus doivent être contrôlées par des lois rigoureuses et efficaces afin de protéger la population[9].

Bien sûr, l’homologation n’offre pas de garantie contre les cas de fraude ou de mauvaise administration. L’homologation vise à empêcher la prise en charge de la succession par quiconque n’est pas le fiduciaire de la succession légalement autorisé. Cependant, un fiduciaire de la succession dûment autorisé peut être tout aussi susceptible d’agir de manière frauduleuse qu’un représentant de la succession n’ayant pas reçu l’autorisation d’un tribunal. L’inverse vaut également : un représentant de la succession qui agit sans homologation peut être tout aussi susceptible que le fiduciaire de la succession d’administrer fidèlement la succession, conformément aux volontés du défunt[10].

Malgré les avantages que procure l’homologation en matière de protection, il n’existe aucune exigence légale explicite voulant que les représentants de la succession demandent l’homologation. En outre, le fait que l’impôt sur l’administration des successions est désormais exigé dans le cadre d’une demande d’homologation décourage fortement les personnes concernées à demander l’homologation[11].

Cependant, l’obtention d’une homologation confère un autre avantage important. Les institutions financières et les autres établissements qui détiennent les biens du défunt s’appuient sur l’homologation comme preuve que le fiduciaire de la succession est légalement autorisé à obtenir lesdits biens au nom de la succession. Sans cette preuve d’autorisation, les institutions refusent souvent de transmettre les biens, puisqu’elles risquent d’être tenues responsables si les biens sont remis au mauvais représentant[12]. Certaines institutions peuvent refuser de faire affaire avec un représentant de la succession qui n’a pas obtenu l’homologation afin de prévenir le risque d’être tenues responsables de la divulgation indue de certains renseignements confidentiels.

Les institutions financières et les autres établissements accepteront parfois de ne pas exiger l’homologation lorsque les biens en cause ont une faible valeur ou lorsque d’autres circonstances indiquent que le risque de responsabilité est faible. Par exemple, ces institutions sont plus enclines à ne pas exiger l’homologation lorsqu’il y a un testament non contesté dans lequel le représentant de la succession est nommé à titre d’exécuteur, ou lorsque les bénéficiaires se limitent à l’époux ou à l’épouse et à un enfant adulte. Bon nombre d’institutions exigeront que le représentant de la succession, et parfois les bénéficiaires, signe une convention d’indemnisation. Les institutions de plus grande taille ont établi des politiques d’exonération. Toutefois, la décision de ne pas exiger d’homologation est entièrement discrétionnaire et fondée sur l’évaluation des risques faite à l’interne par l’institution.

Il existe un grand nombre d’ouvrages théoriques aux États-Unis dans lesquels on met en doute la nécessité de maintenir un régime d’homologation supervisé par les tribunaux dans le contexte social et économique actuel. La CDO passe en revue certains de ces ouvrages dans la section II du Document de consultation du présent projet[13]. Néanmoins, elle n’a pas tiré de conclusions sur la nécessité ou l’efficacité du maintien du régime d’homologation de façon générale. La plupart des intervenants dans le cadre de ce projet croient clairement que le régime d’homologation demeure nécessaire en Ontario pour réglementer le transfert de la richesse après le décès. La CDO s’est plutôt concentrée sur les besoins précis des petites successions en Ontario. Plus particulièrement, elle s’est demandé s’il était justifié de mettre en place un nouveau processus distinct pour les petites successions en Ontario et, dans l’affirmative, si ce processus devait être intégré au régime d’homologation actuel ou exécuté en dehors de celui-ci. Le présent rapport ne doit pas être interprété comme une réflexion du régime d’homologation dans le contexte des plus grandes successions.


2.     Fausses perceptions du public sur l’homologation

L’homologation joue un rôle important dans la validation du testament, s’il y en a un, et dans l’attestation des pouvoirs du fiduciaire de la succession, qu’il y ait un testament ou non, et dans la protection des intérêts des diverses autres personnes touchées par l’administration de la succession. Toutefois, la protection juridique que confère l’homologation n’est généralement pas la première chose qui vient à l’esprit des représentants de la succession au moment de décider s’ils demandent l’homologation ou non. Habituellement, le représentant de la succession se demande d’abord si, d’un point de vue pratique, l’homologation est nécessaire pour récupérer les biens de la succession. Si l’homologation n’est pas exigée par les institutions qui détiennent les biens, le représentant de la succession sera très tenté d’administrer la succession en dehors du régime d’homologation et d’ainsi économiser les coûts liés à l’impôt sur l’administration des successions et aux frais juridiques, tout en évitant le fardeau administratif connexe.

Par conséquent, on pourrait perdre de vue l’objectif premier en matière de protection que confère l’homologation dans le calcul financier visant à déterminer si celle-ci est nécessaire pour récupérer les biens. C’est bien malheureux. L’homologation procure aussi des avantages financiers dans la protection contre la fraude ou la mauvaise administration. D’emblée, elle peut très bien dissuader les membres mécontents d’une famille à poursuivre leurs différends, lesquels feraient autrement l’objet de litiges coûteux. Comme l’a noté la Section du droit des fiducies et des successions de l’Association du Barreau de l’Ontario dans ses observations sur ce projet, l’homologation peut s’avérer un outil particulièrement précieux pour les bénéficiaires moins nantis qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour protéger leurs intérêts dans l’éventualité d’un litige[14].

Bien que l’avantage de l’homologation en tant que preuve d’autorisation pour recevoir les biens des successions soit valable à part entière, cet avantage ne doit pas être considéré sans tenir compte du rôle premier de l’homologation qu’est la protection. Autrement, il pourrait sembler que les coûts liés à l’homologation dépassent largement les avantages qu’elle procure. Lorsque la valeur d’une succession est faible, il peut sembler particulièrement abusif d’exiger au représentant de la succession de satisfaire aux exigences de la requête, épuisant ainsi une grande partie de la valeur de ladite succession.

Lors des consultations de la CDO, un nombre étonnant d’intervenants, de professionnels et d’autres parties intéressées semblaient percevoir l’homologation comme rien de plus qu’un obstacle bureaucratique à l’administration de la succession. À leur avis, le but était de convaincre les institutions de suspendre l’exigence d’homologation et de libérer les biens. Ces intervenants ne semblaient pas se rendre compte des pertes qui pouvaient survenir s’ils évitaient complètement le processus d’homologation[15].

Certains intervenants particuliers ayant agi à titre de représentants de la succession avaient une perception encore plus négative de l’homologation. Ils estimaient que l’homologation n’est rien de plus qu’un flux de revenus pour le gouvernement :

[Traduction]
Pourquoi payer les frais d’homologation pour une succession simple qui ne comporte aucun bien immeuble? Le gouvernement ne mérite pas une part de tout… [L’homologation n’est] qu’une taxe sur le décès, un point c’est tout. Et le recours aux avocats que ce processus exige ne constitue qu’une autre dépense superflue. Cessons de prétendre que le régime d’homologation est là pour « aider » qui que ce soit. Les bénéficiaires peuvent toujours recourir aux services d’un avocat et intenter des poursuites judiciaires s’ils estiment qu’une succession est mal gérée[16].

Il faut peut-être s’attendre à une telle compréhension limitée de la fonction de l’homologation, étant donné la très grande proximité qui existe entre l’homologation et l’impôt sur l’administration des successions de l’Ontario. Le processus d’homologation est utilisé comme outil administratif pour collecter l’impôt sur l’administration des successions. Le montant de l’impôt dû est calculé selon la valeur de la succession inscrite dans la demande d’homologation et l’impôt devient payable à la date du dépôt de la requête[17]. Cependant, le régime d’homologation en soi est distinct de l’impôt tant sur le plan conceptuel que sur le plan fonctionnel[18].

Les frais d’homologation comme l’impôt sur l’administration des successions en Ontario, ainsi que d’autres coûts liés à l’homologation, ont également eu des répercussions sur la planification des successions. Il est pratique courante de planifier pour éviter l’homologation[19]. De nombreuses personnes adoptent la technique populaire qui consiste à mettre leurs biens en copropriété avec leurs héritiers afin que ces biens soient transférés directement à leurs héritiers lorsqu’elles décèdent. Selon plusieurs intervenants, cette pratique a soulevé d’importantes préoccupations sur l’exploitation financière dans les cas où, par exemple, un enfant adulte prend en charge les biens pour son propre bénéfice, avant le décès du parent[20].

L’homologation joue un rôle important dans l’offre d’une protection juridique aux bénéficiaires et aux autres parties ayant un intérêt dans une petite succession, ainsi qu’aux fiduciaires qui représentent ces successions. Il peut s’avérer difficile de transmettre ce message aux représentants de la succession lorsque l’homologation est si bien dissimulée sous le couvert du régime de l’impôt sur l’administration des successions. Il s’ensuit une fausse perception du public quant à l’homologation, qui selon lui doit être évitée à tout prix. Cette compréhension erronée peut contribuer aux problèmes auxquels sont confrontées certaines petites successions dans le cadre du régime d’homologation actuel. Une compréhension plus équilibrée de l’homologation, selon laquelle la fonction de protection de l’homologation est prise en compte, de pair avec les coûts associés, permettrait aux représentants de petites successions de prendre une décision plus éclairée quant à la pertinence d’une demande d’homologation.

 

B.    Processus d’homologation

Les demandes d’homologation en Ontario sont divisées en deux volets : les questions litigieuses et les questions non litigieuses. Les questions litigieuses supposent une contestation du testament ou du pouvoir du requérant; ces questions sont abordées dans le cadre de procédures judiciaires en vertu de la Règle 75 des Règles de procédure civile[21]. Le présent projet ne porte pas sur la question des homologations contestées.

Les demandes d’homologation non litigieuses sont assujetties à la Règle 74 des Règles de procédure civile[22]. Bien que supervisées par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, ces requêtes ne nécessitent généralement pas de comparution devant un tribunal. Les requérants doivent plutôt satisfaire à certaines exigences relatives à la requête, conçues pour veiller à ce que le testament, s’il y en a un, soit valide et que le requérant détienne l’autorisation légale pour administrer la succession. La requête remplie est soumise au bureau des successions du tribunal situé dans le comté ou le district de résidence permanente du défunt. Le personnel des tribunaux revoit la requête pour s’assurer qu’elle est complète et qu’il n’y a pas de problème apparent dans les renseignements fournis. Il effectue également une recherche pour s’assurer qu’aucune autre requête n’a été déposée concernant ladite succession[23]. Si aucun problème n’est soulevé, le greffier peut délivrer un certificat de nomination. Si des doutes sont soulevés concernant l’information que contient la requête, celle-ci est déférée à un juge[24]. Actuellement, environ 80 pour cent des demandes d’homologation sont approuvées par le greffier sans devoir en référer à un juge[25].

Les requêtes qui concernent des successions testamentaires et celles qui concernent des successions non testamentaires sont visées par des exigences différentes[26]. Les requêtes relatives à des successions testamentaires sont assujetties à la Règle 74.04. Le requérant doit remplir la formule 74.4 et y joindre un certain nombre de documents à l’appui[27]. La formule 74.4 est un document de quatre pages dans lequel il faut inscrire de l’information sur la personne décédée et la valeur de la succession, ainsi que des renseignements confirmant le droit du requérant de soumettre une requête pour devenir fiduciaire de la succession. La requête contient aussi plusieurs déclarations uniformisées auxquelles le requérant doit prêter serment, confirmant son droit de soumettre une requête et son devoir d’administrer fidèlement la succession. Le nombre et le type de documents à l’appui devant être joints à la requête en vertu de la Règle 74.04 varient selon les circonstances entourant la succession. Toutefois, les documents suivants sont normalement exigés :

  • l’original du testament et de tout codicille (un codicille est un document testamentaire qui vient modifier un testament);
  • un affidavit d’exécution du testament, souscrit par les témoins à l’exécution du testament, ou toute autre preuve de l’exécution conforme du testament;
  • d’autres affidavits, s’il s’agit d’un testament olographe (écrit à la main) ou si le testament semble avoir été modifié;
  • un affidavit dans lequel il est solennellement déclaré que le requérant a donné avis de la requête à toutes les parties ayant un intérêt dans la succession, y compris le Bureau du Tuteur et curateur public ou le Bureau de l’avocate des enfants, ou les deux, s’il y a des mineurs ou des bénéficiaires frappés d’incapacité :
  • d’autres documents si le requérant n’est pas nommé comme exécuteur dans le testament[28].

Les requêtes relatives à des successions sans testament sont assujetties à la Règle 74.05. Le requérant doit remplir la formule 74.14 et y joindre un certain nombre de documents à l’appui. La formule 74.14 exige des renseignements semblables à ceux demandés pour les successions testamentaires, auxquels s’ajoute l’état matrimonial du défunt. Il faut également inscrire sur cette formule une liste des bénéficiaires ayant un intérêt dans la succession, ainsi que les documents à l’appui suivants, sans toutefois s’y limiter :

  • un affidavit dans lequel il est solennellement déclaré que le requérant a donné avis de la requête aux bénéficiaires;
  • une preuve du consentement à la nomination du requérant par les bénéficiaires, qui ensemble ont un intérêt majoritaire dans la valeur de la succession;
  • un cautionnement de l’administrateur dont le montant correspond au double de la valeur de la succession[29].

Le représentant de la succession doit déterminer laquelle parmi les nombreuses règles s’applique à la succession en question, puis déterminer les formules requises et les remplir. Un avis doit être donné à tous les bénéficiaires et la succession doit être évaluée. S’il n’y a pas de testament, le requérant doit demander le consentement des bénéficiaires et prévoir un cautionnement de l’administrateur.

En plus de ces exigences, et peu importe qu’il y ait un testament ou non, le requérant doit aussi payer l’impôt sur l’administration des successions dû en vertu de la Loi de l’impôt sur l’administration des successions[30]. Une fois le certificat de nomination délivré, le requérant a 90 jours pour produire la Déclaration de renseignements sur la succession auprès du ministère des Finances[31].

Une fois ces exigences satisfaites et le certificat de nomination délivré, le fiduciaire de la succession procédera à la récupération des biens, réglera les dettes et les obligations fiscales, puis distribuera le reste aux bénéficiaires. S’il n’y a pas de conflit, cette procédure peut se dérouler sans l’intervention des tribunaux[32].

 

C.    Coût de l’homologation

Comme il en a été question précédemment, les représentants de la succession peuvent décider de demander une homologation ou non. Dans le cas de nombreuses successions, cette décision est en réalité prise par les institutions financières et les autres établissements qui détiennent les biens du défunt, selon qu’elles exigent ou non l’homologation pour libérer lesdits biens. Toutefois, la décision ultime revient au représentant de la succession. Il faut donc analyser le rapport coût-avantages de la procédure de demande d’homologation. Pour de nombreuses successions, le résultat de cette analyse est clair. La valeur nette de la succession (après avoir payé les coûts de l’homologation) sera largement suffisante pour justifier la demande d’homologation. Cependant, en ce qui a trait aux petites successions, le résultat de cette analyse n’est pas toujours aussi net. Quoi qu’il en soit, l’estimation des coûts liés à l’homologation constituera un facteur essentiel dans la prise de décision du représentant de la succession.

Comme c’est lui qui détermine généralement la pertinence de demander l’homologation, les coûts liés à l’homologation comprennent tout ce qui constitue un coût pour le représentant de la succession, y compris tous les aspects de la demande d’homologation, financiers ou autres, et les frais associés à l’assistance juridique si celle-ci est requise.

 

1.     Coût total de l’homologation

Dans le présent projet, nous nous penchons précisément sur le coût de l’homologation plutôt que sur le coût de l’administration d’une succession en général. L’homologation est la porte d’entrée vers l’administration d’une succession, et on fait souvent appel aux avocats pour faciliter ces deux procédures. La distinction entre les coûts liés à l’une de ces procédures et ceux liés à l’autre n’est peut-être pas très claire. Lors de consultations, il arrive que les spécialistes et les clients combinent les deux. Toutefois, pour les besoins du présent projet, nous examinerons tous les coûts liés à la demande d’homologation elle-même, jusqu’à la délivrance du certificat de nomination.

Le coût le plus connu associé à l’homologation est probablement l’impôt sur l’administration des successions, payable dans le cadre de la demande d’homologation[33]. Ce montant est calculé en tant que pourcentage de la valeur de la succession. Jusqu’à 50 000 $, les successions sont imposées selon un taux de 0,5 pour cent de leur valeur. Au-delà de 50 000 $, les successions sont imposées selon un taux de 1,5 pour cent de la valeur dépassant 50 000 $. Une succession de 50 000 $ doit payer 250 $. Les successions dont la valeur est inférieure à 1 000 $ sont exemptées d’impôt.

Le régime d’imposition sur l’administration des successions suscite la controverse et connaît son lot de dissidents au sein de la section des successions du barreau ainsi que dans la communauté en général[34]. Cependant, il ne s’agit là que d’un élément du coût de l’homologation.

Pour de nombreuses successions, le plus important coût lié à l’homologation constitue les frais d’embauche d’un avocat pour préparer la requête au nom du représentant de la succession. Les frais juridiques doivent couvrir les coûts associés à la satisfaction des exigences fondamentales de la requête. Ils couvrent aussi les honoraires de l’avocat pour son expertise et son aide au moment de naviguer dans le processus et de conseiller son client sur l’importance de l’homologation ainsi que le rôle et les responsabilités qui accompagnent le titre de fiduciaire de la succession. Parfois, ces éléments de coûts sont combinés dans un montant d’honoraires au forfait, établi en fonction de la complexité prévue de la demande d’homologation.

Selon les estimations des coûts préparées par les spécialistes dans des collectivités rurales ainsi que dans des collectivités urbaines de l’Ontario, les honoraires au forfait pour la préparation d’une demande d’homologation simple par un avocat varient généralement de 1 000 $ à 5 000 $, la plupart déclarant des honoraires de moins de 3 000 $. Selon l’enquête de 2014 sur les frais juridiques de Canadian Lawyer, les frais juridiques moyens pour l’homologation en Ontario s’élevaient à 1 952 $[35]. Toutefois, ces chiffres représentent la pratique en matière d’homologation qui était appliquée avant la nouvelle exigence prévue dans la Loi de l’impôt sur l’administration des successions pour la production de la Déclaration de renseignements sur la succession[36]. Certains soutiennent que cette nouvelle exigence pourrait faire augmenter les frais juridiques d’environ 500 $ à 1 000 $[37]. Quoi qu’il en soit, les frais juridiques couvriront généralement une ou deux rencontres avec le client, la préparation de la requête à l’aide d’un logiciel et l’envoi des avis aux bénéficiaires. Informer le client au sujet des responsabilités juridiques associées au rôle de fiduciaire de la succession est souvent l’élément le plus coûteux des frais juridiques en raison du temps que cela requiert. On exclut généralement des frais juridiques le travail de collecte d’information sur les biens et les bénéficiaires de la succession. Du moins dans le cas des successions dont les biens sont limités, ces procédures sont généralement entreprises personnellement par le représentant de la succession.

Les frais juridiques exigés peuvent offrir une certaine souplesse. Par exemple, les frais peuvent être augmentés s’il y a plusieurs bénéficiaires. Si le spécialiste exécute d’autres services, comme la recherche de renseignements essentiels à la requête, un tarif horaire pour les services administratifs peut s’ajouter. Cependant, à l’exception de très petites ou de très grandes successions, la valeur de la succession n’est généralement pas prise en compte dans l’établissement des frais juridiques.

Il ne semble pas y avoir consensus sur ce que constitue un montant raisonnable pour les frais juridiques liés à une demande d’homologation en regard de la valeur de la succession. L’exécuteur d’une succession de 19 000 $ peut raisonnablement accepter de payer 1 100 $ en frais juridiques pour l’homologation, alors que l’exécuteur d’une succession de 455 000 $ peut se plaindre énergiquement de devoir payer 1 700 $ en frais juridiques, soutenant que la succession est relativement simple[38]. Quoi qu’il en soit, il semble peu probable que les avocats exigent des montants trop élevés pour ce service. L’enquête de 2014 sur les frais juridiques a révélé que les testaments et les successions constituent un domaine où les spécialistes estiment avoir atteint un plafond en termes d’honoraires. Étant donné l’augmentation des frais généraux, les profits sont « minces, voire inexistants »[39].

En plus de l’impôt sur l’administration des successions et des frais juridiques exigés, la demande d’homologation peut entraîner des frais accessoires liés à la recherche de bénéficiaires, à la communication d’avis à ces derniers, à l’évaluation de la propriété, etc. Il y a aussi d’autres coûts, non financiers, qui peuvent dissuader d’emblée les requérants à se tourner vers le processus d’homologation. Par exemple, certains requérants qui n’ont pas recours aux services d’un avocat doivent généralement consacrer beaucoup de temps et d’efforts pour trouver d’autres formes d’assistance, s’informer sur le processus et remplir les formules requises.

Il existe aussi un autre coût important de l’homologation, celui-ci de nature émotionnelle. La douleur et le stress occasionnés par le décès d’un être cher s’ajoutent à la difficulté d’obtenir l’homologation, même si la succession n’est pas complexe. Lors de consultations, plusieurs membres du personnel des tribunaux ont souligné le fardeau émotionnel que représente l’homologation pour les personnes en deuil, particulièrement lorsqu’il n’y a pas d’avocat pour les protéger contre la lourdeur de ce processus. Bien sûr, l’administration d’une succession peut susciter de fortes émotions pour une personne qui pleure le décès d’un être cher, peu importe le processus qui est en place, mais les membres du personnel et les autres intervenants ont fait valoir que cette douleur peut être exacerbée pour une personne qui se bat pour satisfaire aux exigences d’un processus inutilement complexe, peut-être même sans assistance juridique.

 

2.     Coût perçu de l’homologation

Peu importe le coût réel de l’homologation, on observe une forte perception chez la population en Ontario selon laquelle l’homologation coûte trop cher et doit être évitée dans la mesure du possible. Pour certains Ontariens, l’homologation est par principe trop coûteuse, peu importe ce qu’il peut en coûter dans un cas donné.

Mis à part cette opposition de principe aux coûts associés à l’homologation, les montants réels en cause font l’objet d’une interprétation erronée. Certains représentants de la succession ont une perception exagérée des coûts de l’homologation. La CDO a entendu parler de ces représentants de la succession qui croyaient que l’impôt sur l’administration des successions correspondrait à 15 pour cent, ou même à 30 pour cent, de la valeur de leur succession. Un spécialiste a parlé d’un client qui croyait que le coût de l’homologation s’élevait à 50 pour cent de la valeur de la succession et que le processus nécessitait 6 mois.

Une part de ces fausses perceptions semble découler du mécontentement général concernant l’impôt sur l’administration des successions de l’Ontario qui est relativement élevé. Toutefois, en réalité, l’impôt en Ontario n’est pas si différent de celui perçu dans les autres provinces canadiennes[40]. Il est également fondé sur la valeur de la succession, un taux supérieur étant imposé aux successions de plus de 50 000 $. Ces fausses perceptions peuvent aussi découler en partie de l’influence des planificateurs financiers et successoraux qui gagnent leur vie à aider des clients à éviter l’homologation. Elles peuvent aussi provenir d’un manque de confiance généralisé à l’égard de l’homologation, hérité du régime d’homologation très différent utilisé aux États-Unis[41]. Peu importe, que le coût de l’homologation soit de fait raisonnable ou non, l’accès au régime d’homologation ne s’améliorera pas tant que la population ne sera pas convaincue que ce coût est effectivement raisonnable.

 

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