Les chapitres précédents du présent rapport final ont décrit un certain nombre de problèmes susceptibles de survenir lors de l’homologation des petites successions sous l’actuel régime d’homologation en Ontario. Ces complications ne découlent pas d’une composante particulière du processus d’homologation, en ce sens qu’aucune exigence légale actuelle n’est inadéquate en soi pour les petites successions. Au contraire, hormis une ou deux exceptions, il semble que les exigences actuelles relatives à une demande d’homologation continuent de jouer un rôle important pour protéger les successions en Ontario contre la fraude ou la mauvaise administration. C’est plutôt la viabilité économique qui pose problème pour les petites successions. Peu importe la valeur de l’obtention d’une homologation, au-delà d’un certain seuil, le coût peut excéder les avantages ou, à tout le moins, faire en sorte qu’elle n’en vaut pas la peine. Les représentants de la succession peuvent alors conclure que le régime d’homologation est effectivement inaccessible. Ils peuvent décider d’administrer la petite succession sans homologation ou d’abandonner les biens et de ne pas du tout l’administrer.

Ce problème d’accessibilité au régime d’homologation est systémique dans certains contextes. Certaines institutions qui détiennent des biens tels que des régimes de retraite estiment que la loi en vigueur les oblige à exiger une homologation comme preuve d’autorisation légale avant de transmettre les biens. Pour ces institutions, l’exigence d’homologation n’est pas seulement une question de gestion du risque. C’est une obligation légale qui les empêche carrément de la suspendre, du moins lorsqu’il n’y a pas de testament. En conséquence, elles peuvent se trouver à détenir de nombreux comptes dont le montant est peu élevé et qui ont été abandonnés en raison du coût disproportionné d’obtenir une homologation.

Bien qu’il n’existe pas actuellement de processus d’administration des petites successions en Ontario, il y en a en vigueur dans deux provinces canadiennes (la Saskatchewan et le Manitoba) ainsi qu’aux États-Unis et en Australie[257]. Dans ces provinces et pays, le problème lié à l’homologation des petites successions était assez important pour qu’une solution législative soit jugée nécessaire.

Ce ne sont pas toutes les provinces et tous les pays qui ont déterminé qu’une procédure d’administration des petites successions devrait être adoptée. En 1999, la Law Reform Commission of Nova Scotia a rédigé un rapport sur l’homologation où elle recommandait de ne pas établir une telle procédure, par crainte que cela rende le régime d’homologation trop compliqué[258]. Plus récemment, dans son rapport de 2013 sur l’administration des successions, l’Alberta Law Reform Institute (ALRI) a choisi de ne pas aborder directement le problème des petites successions. L’ALRI a bel et bien reconnu que certaines successions étaient administrées de façon informelle, mais a conclu que cette pratique ne justifiait pas d’entreprendre une réforme législative :

[Traduction]
« Si les banques veulent remettre tous les biens d’une façon informelle en se fondant sur un engagement ou une indemnisation, c’est une question de politique pour les institutions financières[259]. »

Comme nous l’avons indiqué précédemment, la Colombie-Britannique a décidé de ne pas mettre en vigueur la procédure d’administration des petites successions recommandée par le British Columbia Law Institute (BCLI) dans son rapport provisoire de 2005 et prévue dans la loi intitulée Wills, Estates and Succession Act (WESA). Le gouvernement a plutôt choisi une procédure visant à faciliter l’administration des successions simples[260].

La CDO a examiné les exemples fournis par ces provinces et constate que le contexte ontarien est bien différent. La Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique étaient toutes deux engagées dans des projets de réforme législative touchant l’homologation en général. La question précise des petites successions a peut-être été englobée dans l’objectif plus vaste de simplifier l’ensemble du régime. Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique a fini par conclure qu’une procédure d’administration des petites successions n’était pas nécessaire, car les nouvelles règles d’homologation étaient déjà très semblables à celles proposées pour les petites successions[261]. Et le projet albertain mettait l’accent sur les responsabilités des représentants de la succession après leur nomination plutôt que sur le processus de nomination lui-même. La déclaration de l’ALRI citée précédemment n’était liée qu’indirectement à la question des petites successions en vertu du régime d’homologation. En outre, de l’avis de la CDO, bien que les institutions financières soient libres d’appliquer leurs propres politiques en vue de la transmission des biens, la question n’est pas complètement sans rapport avec la préoccupation du public concernant l’accessibilité du processus d’homologation.

Quoi qu’il en soit, à la lumière de ses consultations avec les groupes d’intervenants identifiés, la CDO a conclu que l’Ontario gagnerait à se doter d’une procédure d’administration des petites successions simplifiée afin d’encourager les représentants de petites successions à se prévaloir des avantages de l’homologation et, au bout du compte, de s’assurer que ces successions sont administrées selon les intentions du testateur ou les principes du droit successoral. Cela dit, la procédure devra permettre le maintien d’un degré proportionnel de protection juridique pour les bénéficiaires, les créanciers et le représentant de la succession.

En cherchant à déterminer quelles successions devraient être admissibles à une procédure d’administration des petites successions, nous nous sommes concentrés sur les successions pour lesquelles le coût de l’homologation est susceptible d’entraver l’accès au processus. L’accès peut être entravé soit parce que le coût excède la valeur de la succession, soit parce qu’il est suffisamment disproportionné par rapport à cette valeur pour que l’homologation n’en vaille pas la peine. Comme nous l’avons dit précédemment au chapitre III, ce seuil est indéterminable. Il varie selon la valeur de la succession et le coût de l’homologation. Toutefois, conformément à d’autres provinces et pays dotés d’une procédure distincte pour les petites successions, la CDO a conclu que l’admissibilité à une procédure d’administration des petites successions devrait être clairement définie par une valeur limite pécuniaire nette pour que cette procédure soit efficace en pratique. Plus précisément, nous avons conclu que la procédure devrait s’appliquer aux successions dont la valeur brute ne dépasse pas 50 000 $.

Le reste du présent chapitre définit les éléments d’une procédure d’administration des petites successions à faible coût qui, selon la CDO, constituerait une bonne solution de rechange pour éviter le coût du régime d’homologation intégral lorsque la valeur de la succession ne dépasse pas 50 000 $. Cette procédure coexisterait avec le volet d’homologation ordinaire ou courant. Elle comprendrait une formule de requête d’une ou deux pages dans lequel le requérant attesterait avoir le droit d’administrer la succession. Peu d’éléments de preuve seraient exigés, bien que l’obligation de signifier la requête aux parties ayant un intérêt dans la distribution de la succession serait maintenue. Le succès d’une requête aboutirait à la délivrance d’un certificat de petite succession qui aurait le même effet juridique qu’un certificat de nomination dans le processus d’homologation ordinaire, hormis que l’autorisation s’appliquerait seulement aux biens énumérés dans la requête. La succession n’échapperait pas à l’impôt sur l’administration des successions, mais elle ne serait pas visée par l’obligation de produire une Déclaration de renseignements sur la succession. La procédure serait conçue de sorte à être accessible aux représentants de la succession sans assistance juridique. Idéalement, les requérants seraient capables de remplir les formules en ligne.

Lors des consultations, de nombreuses voix issues de tous les groupes d’intervenants ont exprimé des préoccupations concernant les successions dont la valeur n’est que légèrement supérieure (52 000 $, par exemple) à la valeur limite. Pourquoi devrait-on être privé des avantages d’une procédure d’administration des petites successions en pareille situation? Cette préoccupation peut être soulevée pour tous les seuils nets. Cependant, certaines recommandations de la CDO formulées ci-dessous (comme celles de créer un guide d’homologation en langage simple et des formules simplifiées) pourraient bénéficier aux successions de toute valeur, y compris celles dont la valeur excède de peu le seuil d’admissibilité à la procédure d’administration des petites successions.

 

A.  Modèles possibles de procédure d’administration des petites successions

1.     Introduction

Un point crucial à régler pour élaborer une procédure d’administration des petites successions est de déterminer dans quelle mesure celle-ci devrait faire l’objet d’une surveillance judiciaire parallèlement au processus d’homologation ordinaire. À l’heure actuelle, il existe une grande diversité de procédures d’administration des petites successions en vigueur dans plusieurs provinces ou pays. Ces procédures ont été créées en réaction aux traditions locales en matière d’homologation et ont évolué bien différemment les unes des autres dans leurs cadres juridiques respectifs.

Certaines procédures sont administrées par le tribunal et débouchent sur l’émission d’une lettre d’homologation officielle semblable à celle du processus d’homologation courant. Ces procédures ont tendance à offrir un degré de protection juridique assez important, mais elles peuvent comporter un grand nombre d’exigences et s’avérer ainsi quelque peu coûteuses pour le requérant. À l’autre extrémité du spectre, il y a l’administration informelle. Il peut s’agir d’une simple disposition législative de protection contre les responsabilités pour les établissements qui détiennent des biens lorsqu’elles transmettent ceux-ci aux représentants de la succession sans homologation. Il n’y a alors aucune participation des tribunaux, et la protection juridique offerte aux personnes ayant un intérêt dans la succession est faible ou nulle. Mais il n’y a pas non plus d’exigences procédurales onéreuses. Pourvu que le représentant de la succession soit légalement autorisé à tenir ce rôle et qu’il agit convenablement, la valeur totale de la succession peut être distribuée aux créanciers et aux bénéficiaires.

Entre ces deux extrémités du spectre, il existe une multitude d’autres modèles visant à trouver un juste équilibre entre une certaine surveillance judiciaire et une procédure simplifiée conçue pour réduire les coûts[262]. Dans la présente section, nous décrivons certains avantages et inconvénients des principaux modèles en vigueur dans d’autres provinces et pays. Ensuite, nous expliquons pourquoi la CDO a conclu qu’un processus judiciaire d’administration des petites successions constituerait le meilleur modèle pour l’Ontario[263].

 

2.     Solutions de rechange à une procédure judiciaire d’administration des petites successions

a)               Administration informelle

Comme nous l’avons souligné précédemment, le modèle d’administration informelle se situe à une extrémité du spectre et ne comprend aucune surveillance judiciaire. Plutôt, une simple protection législative contre les responsabilités est accordée aux institutions financières et aux autres établissements lorsqu’ils transmettent des biens dont la valeur est inférieure à un certain seuil sans preuve d’homologation. S’il s’avère que les biens sont transmis à la mauvaise personne, l’institution est protégée, et la perte est absorbée par la succession[264].

Cette approche facilite la transmission de certains biens de la succession détenus par certains établissements. Toutefois, les établissements ne sont pas tenus de transmettre les biens de la succession qu’ils détiennent, et il se peut qu’une demande d’homologation demeure nécessaire pour la prise de possession de certains biens.

Une procédure d’administration informelle des petites successions offrirait certains avantages. La sécurité offerte par la protection législative encouragerait la plupart des institutions financières à suspendre l’exigence d’homologation pour le transfert des biens d’une petite succession. Ainsi, la valeur limite établie par la loi serait adoptée par l’ensemble de l’industrie, ce qui atténuerait l’incertitude commerciale occasionnée par le fait que les valeurs limites déterminant la suspension de l’exigence d’homologation varient d’un établissement à un autre. Ce serait aussi une solution intéressante sur le plan commercial, étant donné qu’elle faciliterait la transmission directe des biens de faible valeur aux personnes qui y ont droit.

Malgré ces avantages pratiques, le principal inconvénient lié au modèle d’administration informelle est qu’il maintiendrait et même encouragerait la pratique actuelle selon laquelle les successions importantes disposent de certaines protections découlant de l’homologation alors que les petites successions sont plus susceptibles d’être administrées en dehors du régime d’homologation. Ce modèle ne permettrait de conserver aucun des avantages en matière de protection que procure l’homologation. Le requérant ne serait généralement pas autorisé à agir au nom de la succession. Aucune évaluation de la validité ou des modalités du testament ne serait effectuée. Surtout, le degré de protection contre la fraude offert par ce modèle serait faible ou nul.

 

b)               Procédures d’affidavit

Courantes aux États-Unis, les procédures d’affidavit sont un modèle qui peut ou non impliquer un certain degré de surveillance judiciaire[265]. Ce modèle est prévu dans l’Uniform Probate Code (UPC) et est bien répandu dans la législation d’État[266]. Selon ce modèle, les personnes ayant droit à des biens de la succession peuvent rédiger un affidavit à remettre directement aux institutions financières ou aux autres établissements pour autoriser la transmission des biens détenus par ceux-ci. Certains États exigent le dépôt de l’affidavit au tribunal, d’autres ne l’exigent pas[267]. Les procédures d’affidavit visent seulement les successions dont la valeur totale n’excède pas une certaine limite prévue par la loi. La valeur limite prescrite par l’UPC est 25 000 $, mais les États ont tendance à établir des valeurs plus élevées[268]. La procédure s’applique habituellement autant pour les successions testamentaires que non testamentaires, bien qu’elle vise seulement ce dernier type de successions dans certains États[269]. La loi prévoit une protection contre les responsabilités pour les institutions financières et les autres établissements lorsqu’ils transmettent des biens sur présentation d’un affidavit. Aucun représentant de la succession n’est nommé dans ce modèle[270].

Par exemple, l’État de New York dispose d’une procédure d’affidavit visant les petites successions (SEAP) composées uniquement de biens personnels et dont la valeur n’excède pas 30 000 $ US[271]. Les affidavits sont déposés au tribunal, et il semblerait que le processus fonctionne raisonnablement bien[272].

Les procédures d’affidavit représentent un compromis entre la protection d’un processus judiciaire d’administration des petites successions et l’accessibilité et la commodité d’une administration informelle. Toutefois, le degré de protection juridique offert par les différentes procédures varie énormément[273]. Les procédures d’affidavit déposées au tribunal ne sont pas nécessairement très différentes des procédures judiciaires examinées précédemment[274].

 

c)                Administration par un curateur public

Dans certains pays et dans plusieurs provinces canadiennes, les petites successions peuvent être administrées par le curateur public ou un autre administrateur professionnel[275]. Habituellement, le curateur public ou l’autre administrateur peut décider d’intervenir ou non dans le dossier.

La loi de l’Ontario ne contient pas de disposition semblable conférant au Bureau du Tuteur et curateur public (BTCP) de l’Ontario un pouvoir particulier d’administration des petites successions, et, historiquement, le BTCP n’a pas joué ce genre de rôle protecteur pour les petites successions. Lors des consultations, nous avons entendu que le BTCP n’a pas les ressources nécessaires pour élargir son rôle en ce qui a trait aux petites successions et que cette situation ne changera probablement pas dans un avenir prochain. Quoi qu’il en soit, la CDO estime qu’il ne serait pas souhaitable d’élargir le rôle du BTCP en ce sens. Aucun élément relatif à la faible valeur pécuniaire d’une succession ne donne naturellement à penser qu’un représentant de la succession devrait être remplacé par un fonctionnaire. Le respect des intentions du testateur exige qu’un exécuteur testamentaire nommé représente la succession lorsque c’est possible. Selon nos conclusions, il est préférable que le pouvoir de protection du BTCP soit concentré sur les successions pour lesquelles il n’y a vraiment aucun autre administrateur possible.

 

3.     Procédures judiciaires d’administration des petites successions

a)               Les modèles du Manitoba et de la Saskatchewan

Les deux provinces canadiennes actuellement dotées de procédures d’administration des petites successions, soit le Manitoba et la Saskatchewan, ont opté pour des procédures judiciaires.

En Saskatchewan, une requête ex parte peut être présentée au tribunal pour distribuer une succession sans homologation lorsque la succession est composée de biens personnels dont la valeur n’excède pas 25 000 $ [276]. L’étendue des pouvoirs du représentant de la succession se limite aux modalités énoncées dans l’ordonnance du tribunal faisant suite à la requête, qui vise des biens particuliers. Bien qu’il soit expressément énoncé dans les règles que la requête peut être présentée sans que les bénéficiaires en soient avisés, le tribunal exige en pratique qu’un avis de requête soit signifié aux héritiers lorsqu’il n’y a pas de testament[277]. Après la distribution des biens, le requérant entreprend de déposer les reçus au bureau du greffier.

Selon un fonctionnaire de la cour de la Saskatchewan, cette procédure d’administration des petites successions est peut-être utilisée deux ou trois fois par mois, habituellement par des requérants non représentés et surtout lorsqu’il n’y a pas de testament. À son avis, les avantages de cette procédure par rapport au processus d’homologation courant sont négligeables. Elle n’est pas beaucoup plus simple que la requête habituelle et peut être contraignante parce qu’elle ne débouche pas sur une homologation qui autoriserait le représentant de la succession à ouvrir un compte bancaire pour celle-ci ou à recevoir des biens de la succession découverts par la suite[278].

Le Manitoba dispose d’une procédure semblable pour les petites successions dont la valeur est inférieure à 10 000 $, qu’il y ait un testament ou non et que la succession comprenne ou non des biens immeubles[279]. Il n’existe aucune disposition exigeant la signification d’un avis aux bénéficiaires ou aux créanciers. L’ordonnance délivrée en conséquence se limite aux biens énumérés et ne débouche pas sur l’émission de lettres d’homologation. Selon un membre du personnel d’un tribunal du Manitoba, le recours à ce processus est raisonnablement fréquent : il est utilisé une dizaine de fois par mois, surtout par des personnes non représentées, à l’égard de biens de faible valeur, y compris des comptes bancaires, des droits miniers et des véhicules.

Tout récemment, les Territoires du Nord-Ouest ont rédigé un projet de loi qui instaurerait une procédure d’administration des petites successions semblable dans ce territoire. La procédure est fondée sur le modèle de la Saskatchewan et, si le projet de loi est adopté, elle s’appliquera aux successions dont la valeur nette est inférieure à 35 000 $. Là encore, la procédure ne déboucherait pas sur une homologation; cependant, la forme courante d’ordonnance du tribunal lui conférerait le même effet qu’une homologation[280].

De tous les modèles examinés par la CDO, ce sont ceux-ci qui ressemblent le plus à la procédure d’administration des petites successions que nous recommandons plus loin. Toutefois, ces procédures ne débouchent pas sur une homologation officielle et ne constituent donc pas une solution de rechange complète au processus d’homologation ordinaire[281]. En outre, les procédures du Manitoba et de la Saskatchewan sont plutôt informelles sur certains plans. Par exemple, la formule de la Saskatchewan n’exige pas qu’un avis soit signifié ni que le requérant fasse des déclarations concernant la validité du testament (s’il y en a un) ou son droit d’administrer la succession. De fait, la possibilité qu’il existe un testament n’est pas du tout abordée dans la formule de la Saskatchewan. Celle du Manitoba exige bel et bien que tout testament existant soit joint à la requête. Cependant, contrairement à la formule de la Saskatchewan, elle n’exige pas que le requérant dresse la liste des biens de la succession (à l’exception des biens immeubles).

À d’autres égards, la procédure de la Saskatchewan est plutôt officielle. La formule de cette province exige que le requérant dresse une liste précise de la façon dont la succession sera distribuée et qu’il dépose ensuite les reçus au tribunal. (La formule des Territoires du Nord-Ouest comporte également cette exigence.)

 

b)               La surveillance judiciaire demeure importante pour les petites successions en Ontario

Il y avait un degré de soutien général important à l’actuel régime d’homologation judiciaire chez tous les groupes d’intervenants. Bien qu’ils aient formulé de nombreuses suggestions afin d’améliorer le régime, la plupart d’entre eux le trouvaient fonctionnel et estimaient qu’il devrait continuer d’être accessible pour les successions de toute valeur en Ontario. Comme l’a dit un spécialiste, même si le régime actuel n’est en fait qu’une formalité, il continue de décourager la fraude en raison de notre « mémoire culturelle résiduelle ». En d’autres mots, malgré l’efficacité réelle du régime d’homologation, la société continue de croire en son efficacité, et cette croyance en elle-même décourage la fraude.

Au cours des consultations, un certain nombre de suggestions ont été formulées en vue de réduire le coût de l’homologation en externalisant le régime en tout ou en partie à d’autres forums. Par exemple, un spécialiste a avancé que la responsabilité du régime pourrait être confiée à un tribunal administratif. Quelques intervenants, y compris le spécialiste des technologies juridiques Dan McAran, ont proposé que l’homologation des petites successions soit régie par un registre en ligne conjointement avec des avocats spécialement autorisés[282]. Dans sa présentation, l’Association canadienne de caution propose que l’homologation pour les petites successions soit remplacée par un régime d’assurance privé obligatoire[283].

À la lumière des consultations et des recherches qu’elle a menées, la CDO a conclu qu’une surveillance judiciaire demeure généralement une composante importante d’un régime d’homologation efficace. À son avis, un processus judiciaire d’administration des petites successions est le modèle qui reflète le mieux la volonté de protection à la base du régime d’homologation de l’Ontario. C’est également le modèle le plus conforme à l’objectif du présent projet d’accroître l’accessibilité de l’homologation aux petites successions. Les recommandations formulées dans le présent rapport démontrent qu’il est possible de prendre d’autres mesures dans un régime d’homologation judiciaire pour veiller à ce que celui-ci soit accessible à toutes les successions de l’Ontario, peu importe leur valeur.

Certains pourraient affirmer qu’un processus judiciaire d’administration des petites successions minera la crédibilité de l’actuel régime d’homologation, et se demander pourquoi les successions importantes devraient être tenues de satisfaire à des exigences additionnelles en matière de présentation de requête afin d’obtenir la même approbation. En fait, le juste équilibre entre l’accessibilité et le maintien de la protection juridique dans un processus judiciaire n’est jamais évident. Il sera toujours pertinent de se demander si une importance excessive est accordée à l’accessibilité au détriment de la protection juridique, et vice versa. Un processus judiciaire d’administration des petites successions représente en soi une tentative de trouver cet équilibre. Il offre plus de protection aux petites successions que celle reçue en cas d’administration informelle. Mais il privilégie l’accessibilité plutôt que les protections procédurales du processus d’homologation courant. Il reflète aussi le principe de proportionnalité selon lequel des protections procédurales additionnelles sont jugées nécessaires en ce qui a trait aux successions de valeur importante[284].

Nous sommes également arrivés à cette conclusion : il est important que la procédure judiciaire d’administration des petites successions, contrairement aux procédures d’administration des petites successions du Manitoba et de la Saskatchewan, débouche sur la délivrance d’un certificat de petite succession ayant le même effet juridique qu’un certificat de nomination délivré en vertu du processus d’homologation courant. Par ailleurs, le certificat de petite succession montrera que la procédure d’administration des petites successions a la même légitimité que le processus d’homologation courant et que les tierces parties peuvent s’y fier au moment de transmettre les biens. Le processus d’administration des petites successions a également l’avantage de ne pas impliquer la modification de lois et de règlements connexes fondés sur la délivrance et l’effet juridique d’un certificat de nomination.

Toutefois, sous le régime d’homologation courant, un certificat de nomination a comme effet juridique d’autoriser le fiduciaire de la succession à administrer l’ensemble de la succession, y compris les biens découverts par la suite. Cette conséquence ne convient pas à un processus d’administration des petites successions fondé sur une valeur limite pécuniaire. En effet, on pourrait alors craindre qu’un représentant de la succession malhonnête déclare une valeur inférieure à la valeur limite, recoure à la procédure d’administration des petites successions et prétende ensuite avoir découvert d’autres biens de la succession qui porteraient sa valeur totale au-delà de la valeur limite. Afin de dissuader les requérants de minimiser l’ampleur de la succession, un certificat de petite succession délivré dans le cadre d’une procédure d’administration des petites successions devrait autoriser le représentant de la succession à administrer uniquement les biens énumérés dans la requête (et une occasion lui serait donnée de modifier la valeur indiquée des biens). Pour rendre cela possible, il faudra modifier certaines dispositions de la Loi sur les successions, par exemple le par. 32(2), qui a trait à l’évaluation des biens découverts par la suite[285].

Cette crainte que des représentants de la succession fassent preuve de malhonnêteté est également une raison de préférer le maintien d’une surveillance judiciaire à une administration informelle. Dans le cadre d’un processus judiciaire, le requérant est tenu d’indiquer la valeur de la succession dans la requête. Ce montant fait habituellement l’objet d’un examen d’une certaine minutie par le personnel du tribunal[286]. En outre, le fait de déposer une requête au tribunal ajoute un degré de formalité qui pourrait dissuader certains requérants d’agir malhonnêtement.

Un processus judiciaire d’administration des petites successions simplifié comme celui que nous décrivons plus loin devrait résoudre le problème posé par le besoin de trouver une personne disposée à agir à titre de représentant de la succession lorsque celle-ci est très petite. Ce processus devrait aussi encourager les testateurs qui planifient leur succession à transmettre leurs biens sous la protection de l’homologation. Il devrait élargir la protection de l’homologation à un nombre bien plus grand de petites successions actuellement administrées de façon informelle. De surcroît, il devrait résoudre le problème systémique de l’abandon des petites successions en rendant économiquement viable la transmission des biens qui la composent aux bénéficiaires qui y ont droit.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

1. a) Que le sous-comité des successions du Comité des règles en matière civile élabore et que le gouvernement de l’Ontario adopte des modifications de la Règle 74 des Règles de procédure civile et de la Loi sur les successions afin de prévoir une procédure d’administration des petites successions à titre de solution de rechange au régime d’homologation actuel pour les successions de l’Ontario atteignant une valeur pécuniaire établie dans la loi.

b) Que cette procédure débouche sur la délivrance d’un certificat de petite succession dont l’effet juridique équivaudrait à celui d’un certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession, hormis que l’autorisation se limiterait aux biens de la succession expressément indiqués dans la requête.

 

B.              Valeur limite de 50 000 $ pour les successions testamentaires et non testamentaires

Comme nous l’avons abordé précédemment au chapitre III.C.3, la CDO a conclu qu’une procédure d’administration des petites successions devrait être accessible aux successions dont la valeur totale n’excédait pas 50 000 $ à la date de décès du défunt. Afin d’éviter que de « petites » successions artificiellement structurées puissent accéder à la procédure, la valeur devrait correspondre au montant brut, conformément au paragraphe 32(1) de la Loi sur les successions[287]. Contrairement à ce qui est indiqué dans la définition de « valeur » énoncée dans la Loi de 1998 de l’impôt sur l’administration des successions (LIAS), la valeur des charges qui grèvent les biens immeubles de la succession ne serait pas déduite de la valeur totale[288]. La valeur serait calculée en fonction de tous les biens du défunt, que ceux-ci soient situés ou non en Ontario et qu’ils aient été découverts ou non à la date de présentation de la requête.

Lors des consultations, la question suivante a été soulevée : une procédure d’administration des petites successions devrait-elle viser principalement les successions testamentaires, les successions non testamentaires ou les deux? Il a entre autres été suggéré d’imposer un seuil d’admissibilité plutôt bas pour les successions non testamentaires et un seuil d’admissibilité plus élevé pour les successions testamentaires afin d’encourager la rédaction de testaments. La CDO a examiné cette suggestion en tenant compte de l’objectif du présent projet d’améliorer l’accessibilité de l’homologation. Bien qu’il soit habituellement plus facile d’administrer une petite succession sans homologation lorsqu’il y a un testament, les petites successions tant testamentaires que non testamentaires peuvent avoir de la difficulté à accéder au régime d’homologation. En outre, un double seuil d’admissibilité compliquerait un processus qui doit rester simple pour être efficace. En conséquence, la CDO recommande qu’un seuil d’admissibilité unique soit fixé pour les petites successions testamentaires et non testamentaires.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

2. a) Que la procédure d’administration des petites successions soit accessible aux successions d’une valeur totale maximale de 50 000 $.

b) Que la valeur totale, conformément au paragraphe 32(1) de la Loi sur les successions, englobe tous les biens qui appartenaient au défunt à la date de son décès, y compris ceux qui ont été découverts après la délivrance d’un certificat de petite succession, indépendamment de toute charge qui grève un bien immeuble ayant appartenu au défunt.

c) Que la valeur de 50 000 $ soit prescrite dans un règlement à modifier en conséquence.

 

C.    Formule de requête et exigences connexes

La CDO a conclu qu’instaurer deux volets d’homologation – un volet ordinaire ou courant, et un autre volet pour les petites successions – serait la meilleure façon de concilier l’accessibilité et les protections juridiques de l’homologation pour toutes les successions. Les différences entre ces volets tiennent à l’importance accordée aux deux facteurs. Au nombre de ces différences, il y a notamment le fait que le certificat de petite succession, bien qu’équivalent à un certificat de nomination délivré dans le volet ordinaire, procurerait une autorisation légale seulement pour les biens indiqués dans la requête. Pour prendre en compte les biens découverts après la délivrance du certificat de petite succession, les requérants auraient droit à une modification, pourvu que la valeur révisée de la succession ne dépasse pas 50 000 $.

Le volet d’homologation pour les petites successions devrait être considérablement plus simple que le processus d’homologation actuel afin que les représentants de petites successions se voient offrir une solution de rechange viable au processus actuel. Nous avons examiné un certain nombre de formules de requête utilisées dans d’autres provinces ou pays et nous avons été étonnés par leur grande variété. Il n’y en a pas deux qui se ressemblent. Cela montre encore une fois qu’il n’est jamais facile de trouver un compromis entre l’accessibilité de l’homologation et la protection juridique qu’elle accorde.

La Saskatchewan et le Manitoba ont adopté des formules abrégées comportant assez peu d’exigences. Celle de la Saskatchewan exige la présentation d’une liste des biens du défunt et de leur distribution aux créanciers et aux bénéficiaires, qui doivent également être indiqués dans une liste. [289] Aucun avis n’est requis, bien que le personnel des tribunaux l’exige en pratique lorsqu’il n’y a pas de testament. La formule exige aussi la liste des personnes qui détiennent les biens du défunt. Elle n’exige pas de renseignements sur la validité du testament lorsqu’il y en a un. Le requérant n’a pas non plus à faire de déclaration au sujet de son droit légal d’administrer la succession. Toutefois, le tribunal assure une certaine surveillance de l’administration des biens, étant donné que le requérant doit présenter tous les reçus au greffier.

La formule de demande du Manitoba exige que le requérant indique la nature de sa relation avec le défunt, mais il n’a pas à faire de déclaration concernant son droit légal d’administrer la succession[290]. La formule exige aussi que le requérant joigne le testament à sa demande lorsqu’il y en a un, bien qu’aucune déclaration au sujet de la validité du testament ne soit requise. Une liste des plus proches parents du défunt ainsi que de leur âge doit être fournie. Le requérant n’est pas tenu de déposer des reçus au tribunal; par contre, il doit faire un compte rendu de l’administration de la succession lorsqu’il en est requis.

Le programme proposé pour les petites successions dans les Territoires du Nord-Ouest comporterait des exigences semblables à celles de la Saskatchewan en ce qui concerne la demande. Le requérant ne serait pas tenu de signifier un avis, mais il devrait présenter tous les reçus au greffier[291].

En examinant la myriade d’exigences différentes concernant la requête dans les programmes visant les petites successions des autres provinces ou pays, il est difficile de cerner une tendance ou une logique derrière la gamme d’exigences jugées importantes et celles qui n’ont pas été retenues. Bien que la CDO soit favorable à une procédure judiciaire comme en Saskatchewan et au Manitoba, elle a conclu qu’un processus de requête plus officiel s’impose en Ontario, où la limite d’admissibilité sera plus élevée (50 000 $) et où le certificat de petite succession aura le même effet juridique qu’un certificat de nomination.

La CDO est donc arrivée à la conclusion que, pour concilier le mieux possible l’accessibilité et la protection juridique en Ontario, il faut que les exigences classiques en matière d’homologation soient maintenues, mais que la responsabilité de la véracité des renseignements exigés incombe désormais au requérant plutôt qu’au tribunal. Par exemple, la validité de tout testament et le droit légal du requérant d’administrer la succession devraient continuer à faire partie des exigences relatives à la délivrance d’un certificat de petite succession. Cependant, au lieu d’être tenu de déposer une preuve documentaire que ces exigences sont satisfaites, le requérant cocherait des cases pour faire des déclarations à cet effet.

Les instructions accompagnant la formule de requête pour l’homologation d’une petite succession et l’obligation de faire le serment ou d’affirmer solennellement que ces déclarations sont véridiques feraient comprendre au requérant leur signification et sa responsabilité légale relativement à l’administration de la succession. Toutefois, il serait bien plus facile de remplir et de déposer une requête. Quelques affidavits potentiellement requis dans le processus actuel seraient remplacés par un seul affidavit.

Une fois qu’il aurait rempli la requête, le requérant aurait seulement besoin de l’envoyer aux bénéficiaires, d’obtenir le certificat de décès et le testament (s’il y en a un), de faire attester la requête et de la déposer au tribunal. Un délai de 30 jours avant le dépôt de la requête donnerait le temps aux bénéficiaires de recevoir l’avis et de contester la requête, s’ils le souhaitent. Si le dépôt en ligne était offert, comme le recommande la CDO plus loin, un moyen électronique de faire une déclaration sous serment ou une affirmation solennelle à l’égard de la requête pourrait être envisagé.

La même formule de requête serait utilisée pour les successions testamentaires et non testamentaires et elle serait conçue pour être remplie par une personne ordinaire. Les renseignements suivants devraient être fournis dans la formule :

  • le nom, la dernière adresse et l’état civil du défunt ainsi que la date du décès;
  • le nom et l’adresse en Ontario du requérant et la nature de sa relation avec le défunt;
  • la liste des biens de la succession ainsi que leur valeur;
  • la base de l’admissibilité à administrer la succession du défunt (le requérant devrait cocher la case appropriée d’une liste normalisée);
  • des déclarations normalisées à cocher par le requérant pour attester que, au mieux de sa connaissance :
    o   le défunt possédait des biens en Ontario
    o   la valeur de la succession n’excède pas 50 000 $
    o   aucune autre personne n’a présenté une requête afin d’être le fiduciaire de la succession
    o   s’il y a un testament, il s’agit du dernier testament valide du défunt, la passation du testament en bonne et due forme ne pose pas de problème et celui-ci n’a pas été modifié
    o   si le testament est manuscrit, le document intégral, y compris la signature, a été rédigé par le défunt
    o   s’il n’y a pas de testament, des recherches minutieuses ont été menées et le requérant a des motifs raisonnables de croire que le défunt n’a pas laissé de testament
    o   si d’autres personnes sont admissibles à l’administration de la succession, celles-ci ont renoncé à leur droit de l’administrer
    o   30 jours se sont écoulés depuis la transmission de l’avis de requête aux bénéficiaires
  • la promesse d’administrer la succession de bonne foi et en conformité avec la loi et de faire un compte rendu complet de son administration, s’il y a lieu;
  • la signature du requérant dans le cadre d’une déclaration sous serment ou d’une affirmation solennelle devant un commissaire aux affidavits.

Fait notable, les seules pièces justificatives requises pour les déclarations de la formule de requête seraient les suivantes :

  • une copie du certificat de décès (y compris un certificat délivré par un directeur de funérailles);
  • une copie du testament s’il y en a un (le testament original ne serait pas requis);
  • une formule attestant que la requête a été transmise aux bénéficiaires (y compris le BTCP ou le Bureau de l’avocate des enfants [BAE], le cas échéant).

Le représentant de la succession serait personnellement responsable de la validité des renseignements fournis dans la requête et de toute perte de la succession découlant de renseignements inexacts[292].

La requête d’administration de petite succession devrait obligatoirement faire l’objet d’une attestation. La CDO a entendu des opinions divergentes pour ce qui est de la mesure dans laquelle l’actuelle exigence de faire attester les demandes d’homologation représente un obstacle pour les représentants de petites successions. Bien qu’un service d’attestation soit offert par les greffes des tribunaux, ce service n’est pas très connu et peut sembler quelque peu coûteux (13 $ par formule). Il pourrait raisonnablement convenir lorsqu’une seule formule est requise. Or, le volet d’homologation ordinaire exige la présentation d’un grand nombre de documents.

Quelques États américains ont renoncé à l’obligation de faire attester les affidavits des petites successions[293]. Dans ces États, la formule comporte une déclaration avisant le requérant des conséquences juridiques de la communication de faux renseignements, et celui-ci doit signer la requête [traduction] « au risque d’être accusé de parjure ». Toutefois, la CDO a décidé que, compte tenu de l’ampleur relativement modeste des éléments de preuve voulus dans le processus simplifié, il est important que certaines formalités s’appliquent aux requêtes d’administration de petites successions afin de dissuader les requérants de prendre leurs responsabilités à la légère.

Il est tout aussi important que la formule de requête d’administration de petite succession comprenne le matériel explicatif nécessaire pour la remplir. Ce matériel guiderait le requérant au fil des cases et expliquerait en langage clair l’importance juridique du fait de les cocher et d’être responsable de la succession.

Le rôle du greffe du tribunal serait de vérifier si tous les renseignements exigés ont été fournis dans la requête; cependant, le tribunal ne serait pas tenu d’en vérifier l’exactitude. Ce rôle est semblable à celui qu’avait envisagé le BCLI pour le tribunal dans le processus de déclaration de petite succession en Colombie-Britannique, bien que ce processus n’ait pas été mis en œuvre[294]. Le greffe du tribunal délivrerait promptement les certificats de petite succession afin que ces successions puissent être administrées de façon rapide et rentable.

Certains intervenants se sont dits préoccupés par le risque de fraude accru découlant d’un régime qui comporterait moins d’exigences requises, mais d’autres étaient d’avis qu’il ne s’agissait pas d’une préoccupation importante en pratique. Un spécialiste a souligné que les fraudeurs sont plus susceptibles d’agir en dehors du système judiciaire (en falsifiant un chèque, par exemple). Un autre spécialiste a dit : [traduction] « Je crains moins la fraude que l’abandon du régime par les gens[295] ». Selon la conclusion de la CDO, le bienfait probable d’amener un nombre accru de petites successions à être protégées par le régime d’homologation l’emporte sur tout risque éventuel de fraude associé à la diminution des éléments de preuve voulus.

Dans la procédure d’administration des petites successions, la protection juridique serait obtenue de deux façons : premièrement, grâce à l’obligation du requérant de transmettre la requête aux personnes qui ont un intérêt dans la distribution de la succession, et deuxièmement, grâce à l’obligation du requérant de déclarer l’absence de certains facteurs de risque. Par exemple, si le requérant n’est pas l’exécuteur testamentaire nommé dans le testament, il pourra cocher une case indiquant que l’exécuteur testamentaire a renoncé à son droit de présenter une demande d’homologation [voir la recommandation 3a)(iv)].

De surcroît, il faut se rappeler que le volet propre aux petites successions serait conçu en partie pour les petites successions qui, sans celui-ci, ne seraient probablement pas traitées dans le régime d’homologation. Par conséquent, elles recevraient au moins une protection juridique accrue par rapport à la situation actuelle. Ce volet engloberait aussi les successions qui auraient été traitées par le régime, mais au prix d’efforts et à un coût peut-être excessifs.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

3. a) Que la procédure d’administration des petites successions comporte une formule de requête succincte et simple exigeant les renseignements suivants :

i. des renseignements généraux sur la succession;
ii. des renseignements généraux sur le requérant;
iii. la base de l’admissibilité du requérant à administrer la succession;
iv. la liste des biens de la succession et leur valeur;
v. une déclaration normalisée par laquelle le requérant affirme solennellement qu’il accepte la responsabilité d’administrer la succession conformément à la loi.

b) Que la formule fasse l’objet d’une déclaration sous serment ou d’une affirmation solennelle par le requérant devant un commissaire aux affidavits.

c) Que la formule soit assortie des documents justificatifs suivants :

i. une copie du certificat de décès;
ii. une copie du testament, s’il y en a un;
iii. une formule attestant que l’exigence de donner un avis décrite dans la recommandation 4 a été satisfaite.

d) Que le greffe traite et délivre les certificats de petites successions de façon accélérée.

 

D.   Exigences en matière d’avis dans un processus d’administration des petites successions

L’avis joue un rôle crucial dans l’équité procédurale de tout processus judiciaire ou administratif. Cependant, même l’obligation de donner un avis a été modulée dans certains contextes afin de faciliter l’accès au système de justice. Par exemple, les cours des petites créances de quelques provinces ou pays ont modifié ou éliminé les règles liées à la signification de documents[296].

Les protections procédurales réduites d’un processus d’administration des petites successions en Ontario augmenteraient proportionnellement la responsabilité des bénéficiaires de protéger leurs propres intérêts. En conséquence, il est important que l’obligation de donner un avis aux bénéficiaires et aux autres parties ayant un intérêt dans la succession soient maintenue dans le cadre d’un processus d’administration des petites successions.

Même lorsqu’il existe une obligation de donner un avis aux bénéficiaires, il y a encore lieu de se demander s’il faudrait exiger le dépôt au tribunal d’une preuve de signification de l’avis. Une telle preuve n’est peut-être pas nécessaire, pourvu que le requérant soit informé de sa responsabilité de donner un avis aux bénéficiaires dans le cadre du processus de requête.

Le maintien de l’actuelle exigence de la Règle 74 selon laquelle une preuve de la signification de l’avis doit être déposée au tribunal rendrait le processus bien plus complexe. Cela soulèverait également des questions sur le degré de vigilance attendu du tribunal à l’égard de la vérification des renseignements fournis dans la requête d’administration de petite succession. En revanche, la signification d’un avis valide constitue l’exigence préliminaire pour la protection des intérêts bénéficiaires de la succession. Il est possible de faire valoir que, de toutes les protections procédurales susceptibles d’être compromises afin de favoriser l’accessibilité de l’homologation pour les petites successions, l’obligation de donner un avis est la plus importante pour assurer l’équité du processus.

Tout bien considéré, la CDO est d’avis que l’obligation de donner un avis devrait être maintenue dans le cadre d’un processus d’administration des petites successions et qu’il faudrait continuer d’exiger le dépôt au tribunal d’une certaine preuve à cet effet. La procédure la plus simple serait de renoncer à une formule d’avis séparée et d’exiger plutôt que le représentant de la succession signifie la formule de requête dûment remplie. Une page couverture accompagnant la formule de requête expliquerait en langage clair aux bénéficiaires la raison pour laquelle ils la reçoivent, les droits normaux des bénéficiaires d’une succession et le processus à suivre avant la distribution de celle-ci[297]. Le requérant serait tenu d’envoyer cette formule à la dernière adresse connue de chacun des bénéficiaires. S’il y a des personnes mineures ou frappées d’incapacité, l’avis serait envoyé respectivement au BAE ou au BTCP. Cette obligation de donner un avis s’ajouterait à la création d’une base de données en ligne sur les successions, comme nous le recommandons plus loin.

Dans un grand nombre de pays et de provinces, le processus d’administration des petites successions prévoit l’écoulement d’un certain délai. Une période d’attente est requise après l’envoi de l’avis et avant le dépôt de la requête. Ainsi, les bénéficiaires ont le temps de recevoir l’avis et de contester la requête, s’ils le souhaitent. La CDO est d’avis qu’il s’agit d’un moyen simple et peu coûteux de donner véritablement l’occasion aux bénéficiaires de protéger leurs intérêts. Nous avons conclu qu’un délai de 30 jours serait adéquat.

Au moment de déposer la formule de requête au tribunal, le représentant de la succession serait tenu d’y joindre une déclaration normalisée attestant que les exigences en matière de signification de la requête ont été satisfaites. Cette formule serait considérablement plus succincte et plus facile à comprendre que l’actuel affidavit de signification de l’avis prévu à la Règle 74.

L’obligation de fournir une preuve de consentement des bénéficiaires en cas de succession non testamentaire est un autre moyen de s’assurer de la signification d’un avis dans l’actuel processus d’homologation. La CDO estime que cette obligation devrait être éliminée dans un processus d’administration des petites successions. Lors des consultations, La CDO a entendu que cette obligation peut retarder et compliquer le processus de requête. Il se peut que des bénéficiaires se trouvent à l’extérieur du pays, soient des personnes mineures ou frappées d’incapacité ou ne puissent réagir à l’avis pour une raison ou pour un autre. Il est néanmoins possible d’affirmer que cette obligation en matière de consentement n’améliore pas considérablement la protection juridique des successions non testamentaires par rapport à l’obligation de donner un avis. L’objectif de l’avis est de donner l’occasion aux bénéficiaires de contester la requête s’ils le souhaitent. En l’absence d’une telle contestation, il est raisonnable de supposer que les bénéficiaires y consentent, à tout le moins aux fins d’un processus d’administration des petites successions.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

4. Qu’il soit exigé dans la procédure d’administration des petites successions que le requérant :

i. envoie une copie de la requête et une formule explicative à toutes les personnes connues admissibles à la distribution de la succession au moins 30 jours avant le dépôt de la requête au tribunal;
ii. envoie la requête au Bureau du Tuteur et curateur public ou au Bureau de l’avocate des enfants, le cas échéant, s’il y a des bénéficiaires mineurs ou frappés d’incapacité, au moins 30 jours avant le dépôt de la requête au tribunal;
iii. dépose au tribunal, conjointement avec la requête d’administration de petite succession, une déclaration d’une page attestant que l’obligation de donner un avis a été satisfaite.

 

E.     Personnes mineures et frappées d’incapacité

Compte tenu du degré de surveillance judiciaire moindre qu’implique un processus d’administration des petites successions, les personnes qui ont un intérêt dans la succession auraient la responsabilité accrue de protéger leurs intérêts en contestant la nomination du requérant, s’il y a lieu. Toutefois, la plupart des personnes mineures ou frappées d’incapacité ne seraient pas en mesure de le faire. L’importance de protéger ces bénéficiaires vulnérables se reflète dans l’actuelle exigence de la Règle 74 de signifier un avis au BTCP ou au BAE lorsqu’un bénéficiaire mineur ou frappé d’incapacité a un intérêt dans une succession.

Selon de nombreux spécialistes et d’autres intervenants (y compris le BAE), les successions impliquant des personnes mineures ou frappées d’incapacité devraient être exclues d’un processus d’administration des petites successions. Cela se comprend, si l’on suppose que ces bénéficiaires sont protégés dans le processus d’homologation actuel. Cependant, nous avons constaté qu’en réalité, ce ne sont pas tous les bénéficiaires des petites successions qui sont protégés par le régime actuel. Certaines petites successions ne sont pas administrées du tout. D’autres sont administrées, mais de façon informelle, sans protection juridique. D’autres encore sont homologuées, mais à un coût disproportionné assumé par toutes les personnes qui ont un intérêt dans la succession. En conséquence, les bénéficiaires mineurs ou frappés d’incapacité ne seraient pas nécessairement désavantagés par une procédure d’administration des petites successions. Les protections procédurales réduites seraient compensées dans une certaine mesure par l’accessibilité et l’abordabilité accrues du processus.

La meilleure solution pour préserver la protection juridique des bénéficiaires vulnérables est non pas de les exclure de ses avantages potentiels, mais plutôt de maintenir l’exigence prévue dans la Règle 74 selon laquelle le requérant doit signifier la requête au BTCP ou au BAE, s’il y a lieu.

Il demeure un risque que certains requérants qui déposent une requête dans le cadre d’un processus d’administration des petites successions ne signalent tout simplement pas l’existence de bénéficiaires mineurs ou frappés d’incapacité. Toutefois, il s’agit déjà d’un risque inhérent au régime d’homologation, et cela ne devrait pas priver les petites successions des avantages d’un processus d’administration des petites successions.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

5. a) Que la procédure d’administration des petites successions soit accessible aux petites successions même lorsqu’il y a des bénéficiaires mineurs ou frappés d’incapacité.

b) Conformément à la recommandation 4(ii), que le requérant soit tenu d’envoyer une copie de la requête au Tuteur et curateur public de l’Ontario ou au Bureau de l’avocate des enfants, le cas échéant, au moins 30 jours avant le dépôt de la requête au tribunal.

 

F.     Aucune obligation de cautionnement

1.     Débat antérieur sur la réforme législative de l’obligation de cautionnement pour les successions (indépendamment de leur valeur)

Lors des consultations, les intervenants n’ont guère mentionné d’exigences d’homologation qui leur semblaient carrément inutiles pour assurer la protection de la succession et des personnes qui ont un intérêt dans celle-ci. L’obligation de cautionnement est la seule exception.

L’actuelle obligation de cautionnement des représentants de la succession non nommés dans un testament s’applique sans égard à la valeur de la succession. Divers efforts ont été déployés au fil du temps en vue de réformer cette obligation, à commencer par ceux de la Commission de réforme du droit de l’Ontario (CRDO) dans son Rapport sur l’administration des successions de 1991[298]. La CRDO recommandait de renoncer à l’obligation de cautionnement pour les successions non testamentaires et celles dont le testament ne nommait pas le requérant, mais de maintenir l’obligation de cautionnement pour les non-résidents[299]. Le tribunal conserverait son pouvoir discrétionnaire d’ordonner un cautionnement dans certaines circonstances[300].

En 2010 et 2012, l’Association du Barreau de l’Ontario (ABO) a présenté au ministère du Procureur général (MPG) certaines suggestions de réforme qui rejoignaient les recommandations de la CRDO[301]. Le raisonnement de l’ABO était le suivant :

[Traduction]
Étant donné que toutes les personnes nommées pour agir à titre de fiduciaire dans ce contexte doivent résider en Ontario, et compte tenu des recours explicites en cas de manquement au devoir fiduciaire, il est peu justifié, voire injustifié sur le plan des politiques d’exiger un cautionnement ou une requête d’exemption de cautionnement avec le fardeau financier et réglementaire additionnel que cela implique. Cela représente un coût inutile pour les bénéficiaires et le système de justice[302].

Cependant, l’ABO a suggéré qu’un cautionnement demeure requis lorsqu’il y a des bénéficiaires mineurs ou frappés d’incapacité.

La CRDO et l’ABO ont toutes deux souligné que d’autres provinces et pays, comme l’Angleterre, ont apporté des modifications similaires à leurs obligations de cautionnement. La Colombie-Britannique peut maintenant être ajoutée à la liste. Dans sa nouvelle loi intitulée Wills, Estates and Succession Act (WESA) qui a pris effet le 31 mars 2014, la Colombie-Britannique n’exige plus que les personnes qui demandent d’administrer la succession fournissent une sûreté, sauf s’il y a une personne mineure ou une personne adulte frappée d’incapacité qui a un intérêt dans la succession. Le gouvernement a affirmé, entre autres choses, que l’obligation de fournir une sûreté [traduction] « ajoute de la complexité et des retards, augmentant ainsi le coût global de l’administration[303] ».

En revanche, l’Association canadienne de caution (ACC) a souligné le rôle protecteur des cautionnements[304]. Dans sa présentation de 2012 au MGP, l’ACC a formulé un certain nombre de recommandations précises qui amélioreraient la capacité des cautionnements à jouer ce rôle[305].

 

2.     Points de vue des intervenants concernant l’obligation de cautionnement pour les petites successions

Lors des consultations de la CDO, il est devenu clair qu’il existe au sein de la section des successions du barreau un vaste consensus selon lequel l’obligation générale de cautionnement est plus lourde que protectrice et qu’elle devrait être éliminée, hormis dans certains cas précis. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il est question des petites successions.

Dans le cadre du présent projet, l’ACC a également remis une présentation écrite où elle examine le rôle des cautionnements de l’administrateur dans le contexte précis des petites successions[306]. Loin de reconnaître que l’obligation de cautionnement représente un fardeau pour les petites successions, elle a proposé un processus d’administration des petites successions qui tirerait profit de l’effet protecteur des cautionnements de l’administrateur en tant que solution de rechange à l’actuel processus judiciaire. Selon cette proposition, les personnes qui demanderaient d’administrer une succession valant moins de 100 000 $ s’enregistreraient auprès du tribunal et fourniraient un cautionnement de l’administrateur dont le montant serait égal à la valeur de la succession. Cette mesure protégerait les intérêts des bénéficiaires et des créanciers et garantirait le paiement de l’impôt sur l’administration des successions. Le tribunal maintiendrait un registre des fiduciaires de la succession, mais il ne ferait pas un examen minutieux des requêtes. Les très petites successions valant moins de 10 000 $ pourraient être exemptées de l’obligation de fournir une sûreté.

Le processus proposé par l’ACC offrirait une certaine protection aux bénéficiaires et aux créanciers des petites successions tout en réduisant les coûts. Cependant, il éliminerait complètement l’examen judiciaire minutieux des fiduciaires de la succession proposés. Quiconque posséderait les fonds nécessaires pour verser un cautionnement pourrait vraisemblablement avoir le droit de s’enregistrer. Tout testament, peu importe le degré de suspicion qu’il soulèverait, pourrait être visé. La proposition de l’ACC ne précise pas comment seraient traitées les requêtes conflictuelles. Une fois enregistrés, les bénéficiaires et les créanciers seraient tenus de protéger leurs intérêts en faisant une réclamation à l’égard du montant de la sûreté.

La CDO estime que cette proposition aurait essentiellement pour effet de privatiser le processus d’homologation des petites successions. Elle impliquerait de réagir à la fraude au lieu de la prévenir. La sûreté aurait un certain effet dissuasif contre les actes répréhensibles, mais le représentant de la succession serait seulement dissuadé d’en commettre s’il croit que les bénéficiaires et les créanciers sont assez vigilants pour se protéger eux-mêmes.

Pour ces raisons, et surtout pour la complexité et les coûts additionnels que la mesure occasionnerait, la CDO a conclu qu’aucun cautionnement ne devrait être exigé dans le cadre de la procédure d’administration des petites successions en Ontario[307]. Le principal élément protecteur de cette procédure devrait plutôt être l’obligation de donner un avis que nous avons décrite précédemment.

 

3.     Requérants non-résidents dans une procédure d’administration des petites successions

La conclusion de la CDO selon laquelle aucun cautionnement ne devrait être exigé dans une procédure d’administration des petites successions comporte certaines implications pour les non-résidents qui présentent une requête d’administration de petite succession. Dans le volet d’homologation ordinaire, les exécuteurs testamentaires non-résidents (nommés dans le testament) peuvent présenter une requête de certificat de nomination dans leur pays de résidence au sein du Commonwealth ou verser un cautionnement[308]. Toutefois, les non-résidents qui souhaitent administrer une succession non testamentaire ne sont pas autorisés à présenter une requête[309]. Plutôt, lorsqu’il n’y a pas de proche parent qui réside en Ontario, le BTCP peut présenter une requête pour administrer ces successions non testamentaires[310].

Le fait d’éliminer l’obligation de cautionnement dans un processus d’administration des petites successions n’aurait aucune répercussion sur l’actuelle interdiction aux non-résidents d’administrer une succession non testamentaire. Cependant, cela signifierait que les exécuteurs testamentaires résidant à l’extérieur de l’Ontario ne seraient pas en mesure de tirer parti du processus d’administration des petites successions. Ils seraient tenus de présenter une requête dans le volet d’homologation ordinaire. Cette restriction est nécessaire. La complexité et les coûts additionnels occasionnés par l’obligation de cautionnement, même pour une catégorie bien précise de requérants, seraient probablement assez importants pour miner l’objectif.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

6. Qu’aucune sûreté ne soit exigée dans le cadre d’une requête de certificat de petite succession.

 

G.   Effet juridique et conséquences d’un processus d’administration des petites successions

1.     Effet juridique d’un processus d’administration des petites successions

Une requête d’administration de petite succession devrait être approuvée par le tribunal et déboucherait sur la délivrance d’un certificat de petite succession qui aurait le même effet juridique qu’un certificat de nomination. Les tierces parties pourraient introduire une procédure pour contester les certificats de petite succession, comme c’est le cas pour les certificats de nomination[311].

L’équivalence juridique du certificat de nomination et du certificat de petite succession serait importante afin de s’assurer que les autres processus judiciaires fondés sur la délivrance d’un certificat de nomination ne seraient pas perturbés. Par exemple, les dispositions sur la confidentialité de la Loi sur les banques et les règles de la Loi de l’impôt sur le revenu servant à déterminer l’autorisation légale devraient continuer de s’appliquer de la même façon. En outre, la réforme ne devrait pas soulever de préoccupations concernant d’éventuelles répercussions d’ordre constitutionnel.

Ce modèle de procédure d’administration des petites successions atténuerait par ailleurs tout problème de compétence. Par exemple, les autres provinces ou pays qui acceptent les certificats de nomination de l’Ontario comme preuve officielle d’autorisation légale pourraient continuer de le faire.

 

2.     Biens découverts par la suite

Il serait également important de prendre des dispositions afin que les biens découverts par la suite ne compliquent pas indûment le processus. La CDO a conclu que la procédure adéquate devrait dépendre de la valeur totale révisée des biens.

Si la valeur totale révisée de la succession n’excédait toujours pas 50 000 $ après la découverte des nouveaux biens, le titulaire du certificat déposerait au tribunal une déclaration sommaire l’informant de leur existence et de leur valeur, et le tribunal délivrerait ensuite un certificat modifié étendant l’autorisation du titulaire aux nouveaux biens. Afin que les requérants soient suffisamment encouragés à découvrir tous les biens de la succession et à en dresser la liste dans la requête initiale, une seule modification du certificat de petite succession devrait être autorisée.

En revanche, si la valeur totale révisée de la succession excédait la valeur limite de 50 000 $, le titulaire de certificat serait tenu de présenter une requête en vue d’obtenir des lettres d’homologation dans le volet ordinaire. Le certificat de petite succession demeurerait une forme d’autorisation valide pour les actes déjà accomplis par le titulaire de certificat en vertu du paragraphe 47(1) de la Loi sur les fiduciaires[312]. Toutefois, un certificat de nomination serait requis afin d’administrer les biens nouvellement découverts. Cette importante restriction au processus d’administration des petites successions vise à éviter que des représentants de succession importante abusent de la procédure.

 

3.     Conséquences pour les institutions financières et les autres établissements

Les institutions financières et les autres établissements qui accepteraient le certificat de petite succession comme pièce justificative seraient légalement protégés comme ils le sont actuellement en vertu de l’article 47 de la Loi sur les fiduciaires[313]. Le certificat de petite succession comporterait une déclaration explicite en ce sens afin que ces établissements soient plus susceptibles de l’accepter.

Du reste, un processus d’administration des petites successions n’aurait pas d’incidence directe sur les institutions financières et les autres établissements. Ils demeureraient assujettis à leur propre cadre législatif et conserveraient leur actuel pouvoir discrétionnaire de décider quelle preuve d’autorisation légale exiger pour transmettre les biens de la succession ou interagir de toute autre façon avec le représentant de la succession.

Par contre, un processus d’administration des petites successions aurait probablement comme effet concret de réduire de façon importante les suspensions de l’exigence d’homologation. Les institutions financières et les autres établissements seraient fortement incités à refuser d’exercer leur pouvoir discrétionnaire pour transmettre des biens sans certificat de petite succession. Le processus simplifié leur donnerait plus de motifs raisonnables de s’attendre à ce que leurs clients demandent un certificat de petite succession, ce qui leur fournirait une meilleure protection contre les responsabilités.

Étant donné que les institutions financières pourraient encore exercer leur pouvoir discrétionnaire pour transmettre des biens de faible valeur sans homologation, lorsque certains biens de la succession ont été transmis, un représentant de la succession pourrait vouloir encore recourir à la procédure d’administration des petites successions afin de recueillir les biens de la succession restants. En pareille situation, la transmission de certains biens sans homologation n’aurait pas d’incidence sur la valeur totale de la succession aux fins du respect de la valeur limite de 50 000 $. La valeur limite doit être fondée sur la valeur totale de tous les biens de la succession, qu’ils soient ou non déjà en possession du représentant de la succession. Sinon, le représentant d’une succession importante pourrait être en mesure de se servir de la suspension de l’exigence d’homologation pour réduire la valeur de la succession afin de la faire passer sous la limite de 50 000 $. Par exemple, le représentant d’une succession d’une valeur de 100 000 $ peut déjà être en possession de biens de la succession valant 60 000 $. Il ne devrait pas être autorisé par la suite à présenter une requête d’administration de petite succession pour les 40 000 $ restants.

Certains pourraient trouver que la disponibilité réduite des suspensions de l’exigence d’homologation constitue une conséquence régressive de cette réforme, étant donné que certaines petites successions pourraient devoir obtenir une homologation alors qu’elles auraient été autrement exemptées de cette exigence. Ce serait toutefois perdre de vue l’objectif de l’homologation. Il ne s’agit pas que d’un processus administratif visant à rassembler les biens de la succession. Le régime continuait de jouer un rôle utile en fournissant une protection juridique aux représentants de la succession, à ses bénéficiaires et à ses créanciers. En outre, il faut se rappeler que même une demande de suspension de l’exigence d’homologation comporte son lot d’exigences administratives à satisfaire, y compris des conventions d’indemnisation dans bien des cas. Le but d’une procédure d’administration des petites successions est de permettre aux représentants de petites successions d’obtenir une homologation judiciaire sans devoir surmonter des difficultés et assumer des coûts beaucoup plus importants que ceux liés à une demande de suspension de l’exigence d’homologation. (Ces difficultés et ces coûts seraient peut-être même moindres dans certains cas.) Quoi qu’il en soit, ces recommandations n’auraient pas d’incidence sur le pouvoir discrétionnaire des institutions de suspendre l’exigence d’homologation.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

7. (a) Que le sous-comité des successions du Comité des règles en matière civile élabore et que le gouvernement de l’Ontario adopte des modifications de la Règle 74 des Règles de procédure civile et de la Loi sur les successions, au besoin, afin qu’un certificat de petite succession délivré dans le cadre d’une procédure d’administration des petites successions ait le même effet juridique qu’un certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession dans le volet d’homologation ordinaire, à la seule différence que l’autorisation conférée par le certificat de petite succession se limiterait aux biens expressément indiqués dans la requête.

(b) Que la procédure d’administration des petites successions prévoie que, lorsque d’autres biens de la succession sont découverts après la délivrance d’un certificat de petite succession,

(i) si la valeur totale révisée de la succession n’excède pas 50 000 $, le représentant de la succession puisse déposer une déclaration indiquant l’existence des nouveaux biens et que le tribunal puisse modifier le certificat de petite succession en conséquence;
(ii) les requérants ne puissent obtenir qu’une modification par succession;
(iii) si la valeur totale révisée de la succession excède 50 000 $, le représentant de la succession doive présenter une demande d’homologation dans le volet régulier en vue d’administrer les nouveaux biens de la succession.


H.   Impôt sur l’administration des successions et Déclaration de renseignements sur la succession

Les petites successions homologuées en vertu d’un processus d’administration des petites successions continueraient d’assumer la responsabilité du versement de l’impôt sur l’administration des successions. Pour les successions d’une valeur de 50 000 $, l’impôt est de 250 $. Malgré le petit montant en jeu, les nouvelles dispositions réglementaires sur la vérification récemment publiées par le ministère des Finances exigeraient que les représentants de petites successions remplissent aussi une Déclaration de renseignements sur la succession (DRS)[314]. La CDO craint que ce processus additionnel augmente les coûts liés à la requête et mine éventuellement les avantages procurés par la procédure d’administration des petites successions.

L’adoption de la nouvelle réglementation en matière de vérification est toute récente, et il n’est pas encore possible d’évaluer le degré de difficulté qu’elle posera pour les personnes non représentées qui déposent une requête d’administration de petite succession. Le spécialiste Vince De Angelis souligne cependant ceci :

[Traduction]
Même si le montant de l’impôt versé par les successions ne devrait pas être plus élevé qu’il l’est actuellement, les coûts associés au fait de se conformer aux nouvelles exigences de déclaration et la difficulté liée aux éventuelles évaluations feront probablement augmenter les coûts à assumer par la succession. Cela va seulement causer d’autres retards et compliquer l’administration des successions, si modestes soient-elles. Compte tenu également du risque additionnel de sanctions civiles et pénales auquel s’exposent les représentants de la succession et leurs conseillers en application de la Loi de l’impôt sur l’administration des successions (LIAS), il deviendra peut-être difficile de trouver une personne disposée à représenter la succession[315].

Bien que la DRS exige le même genre de renseignements qu’une formule de requête d’administration de petite succession, elle est conçue pour les successions de toute valeur, y compris celles dans lesquelles des biens importants et complexes sont inclus. En conséquence, la formule comprend sept pages et comporte un degré de détail qui n’est pas justifié pour la plupart des petites successions. Par exemple, le requérant doit inclure le numéro de rôle d’évaluation et la cote foncière pour chaque bien immeuble appartenant à la succession. Il doit indiquer le pourcentage de la propriété qui appartenait au défunt et soustraire toute charge qui la grève. En ce qui concerne les placements, le requérant doit fournir le nom et l’adresse du courtier ou de l’agent ainsi que le nom de l’émetteur, le type d’effet et les détails du placement ou le numéro de compte, et le nombre d’unités. Pour ce qui est des véhicules, il doit fournir le numéro d’identification du véhicule ou le numéro de série de la coque. Dans la section intitulée « Autres biens », il doit dresser la liste des intérêts commerciaux, des droits d’auteur, des brevets et des marques de commerce, entre autres choses. Cela peut certainement prêter à confusion pour les requérants non représentés, même lorsque la petite succession ne comprend pas la plupart des biens énumérés dans la formule. Cette préoccupation est semblable à celle qu’on peut avoir à l’égard des requérants non représentés qui doivent trouver la formule ou les deux formules pertinentes dans leur cas parmi les 65 formules énumérées à la Règle 74. La seule présence d’une grande quantité de renseignements superflus oblige le requérant à les prendre en compte et à arriver à la conclusion qu’ils sont superflus.

Par conséquent, la CDO craint que les nombreux détails exigés dans la DRS et le processus à suivre pour la remplir et la déposer soient intimidants pour bien des représentants de petites successions. Dans certains cas, cela pourrait les inciter à obtenir de l’assistance juridique. Dans d’autres cas, cela pourrait carrément les décourager à présenter une demande d’homologation. Pour revenir sur les principes sous-jacents au présent rapport, mentionnons que l’obligation de remplir une DRS pour les petites successions peut être considérée comme un exemple de fardeau administratif disproportionné par rapport à la valeur de ces successions.

De surcroît, la DRS a pour but de veiller au versement de l’impôt sur l’administration des successions afin de maximiser les recettes fiscales; elle est donc moins pertinente pour les petites successions, qui génèrent peu de recettes fiscales. Il semble qu’il soit probablement peu rentable pour le ministère des Finances d’examiner les DRS pour des montants inférieurs à 250 $ ou d’essayer de faire appliquer le paiement de dettes d’impôt aussi modestes. Quoi qu’il en soit, pour les petites successions, la CDO suggère que l’objectif d’améliorer l’accessibilité de l’homologation l’emporte sur toute perte de recettes fiscales qui pourraient être recouvrées.

La CDO suggère non pas que les petites successions soient exemptées d’un examen minutieux de la valeur de la succession, mais simplement que le degré de minutie soit proportionnel au montant en jeu. La formule de requête recommandée dans le présent rapport exigerait que le requérant dresse la liste de tous les biens de la succession et de leur valeur individuelle. Il s’agit déjà d’une amélioration importante par rapport à l’actuelle formule de requête de l’Ontario, qui exige seulement la déclaration d’un montant correspondant à la valeur totale des biens meubles et immeubles, respectivement.

La recommandation de la CDO d’élaborer une formule de requête exigeant une ventilation des biens de la succession et de leur valeur individuelle est aussi en harmonie avec les procédures d’administration des petites successions dans d’autres pays et provinces. Par exemple, en Saskatchewan, la formule exige que chaque bien de la succession soit indiqué conjointement avec sa valeur ainsi que le nom et l’adresse de la personne qui l’a en sa possession. La formule de requête proposée dans les Territoires du Nord-Ouest comporterait les mêmes exigences. Celle proposée par le BCLI aurait exigé une ventilation et une description de tous les biens et de leur valeur.

La CDO estime que la procédure d’administration des petites successions recommandée aurait un caractère suffisamment officiel et exigerait un degré de détail assez élevé à l’égard de la succession pour décourager efficacement la sous-déclaration frauduleuse des biens. Par conséquent, même si les petites successions continueraient d’être assujetties à l’impôt sur l’administration des successions, la CDO a conclu qu’elles devraient être exemptées de la nouvelle obligation de déposer une DRS.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

8. Que le gouvernement de l’Ontario modifie la Loi de l’impôt sur l’administration des successions et son règlement d’application pour exempter les successions ayant recours à la procédure d’administration des petites successions de l’obligation de déposer une Déclaration de renseignements sur la succession.


I.      Mise en œuvre en ligne d’une procédure d’administration des petites successions

Lors du processus de consultation, plusieurs intervenants ont suggéré d’élaborer un système en ligne pour la procédure d’administration des petites successions. Plus précisément, plusieurs spécialistes ont déclaré que le Système d’enregistrement immobilier électronique (SEIE) de l’Ontario pourrait servir de modèle pour ce système. Un expert des technologies juridiques a déposé une présentation écrite appuyant l’élaboration d’un tel système inspiré du SEIE dans lequel des avocats autorisés par le Barreau du Haut-Canada (BHC) délivreraient les certificats de nomination ou renverraient les requêtes devant le tribunal. Cet expert souligne dans sa proposition qu’un système en ligne pourrait permettre la signification automatique des requêtes au BTCP ou au BAE, le cas échéant. Il propose qu’on fixe la valeur limite à 30 000 $ (comme dans l’État de New York) et qu’on rehausse éventuellement ce seuil à 100 000 $ lorsque le nouveau processus aura fait ses preuves[316].

Les similitudes entre les régimes d’homologation et d’enregistrement des titres fonciers donnent généralement à penser que le SEIE pourrait constituer un modèle duquel s’inspirer aux fins de l’élaboration d’une procédure d’administration des petites successions en Ontario. Le régime d’enregistrement des titres fonciers vise à établir l’autorisation légale de prendre des mesures à l’égard d’un bien immeuble, tout comme le régime d’homologation vise à établir l’autorisation légale de prendre des mesures à l’égard d’une succession. Certes, une distinction s’impose : le propriétaire foncier enregistré a la propriété bénéficiaire du bien, alors que le fiduciaire d’une succession n’en est justement que le fiduciaire pour les bénéficiaires. Toutefois, l’intention des deux régimes est de protéger les personnes ayant droit à des biens et de favoriser la certitude commerciale en communiquant au public des renseignements fiables sur le propriétaire ou le représentant avéré des biens.

Le SEIE permet aux utilisateurs autorisés (des avocats ou d’autres professionnels) qui participent à une transaction immobilière de créer, de signer et d’enregistrer des documents en ligne. [317] L’utilisateur possède un compte dans le système et a la responsabilité de payer les coûts et les droits de cession immobilière. Dans une transaction immobilière, les utilisateurs représentant le vendeur et l’acheteur peuvent s’envoyer mutuellement des « messages » afin de créer un document acceptable pour les deux parties. Ensuite, ils le signent par voie électronique, et l’un d’entre eux enregistre le document final. L’enregistrement prend effet immédiatement, mais le document est par la suite examiné par le personnel du greffe afin de vérifier s’il respecte les modalités et si tous les renseignements requis ont été fournis[318].

Lorsqu’un titre foncier doit être cédé d’un défunt au représentant de la succession, l’avocat de celui-ci doit présenter une « requête de transmission ». L’avocat doit faire une « déclaration juridique » attestant que le propriétaire est décédé et que le représentant de la succession a l’autorisation de céder la propriété[319]. Il est tenu de conserver les dossiers et les documents justificatifs à l’appui de la déclaration[320]. Les avocats souscrivent une assurance les protégeant contre le risque de responsabilité dans les situations de ce genre.

Malgré les similitudes entre l’homologation et le SEIE, leurs fonctions respectives présentent des distinctions cruciales qui, peut-être, expliquent le rôle persistant des tribunaux dans l’administration de l’homologation et limitent l’utilité du SEIE comme modèle. Par exemple, lorsqu’une cession immobilière est enregistrée dans le SEIE, les parties qui ont un intérêt foncier sont habituellement vivantes et capables de protéger leurs intérêts[321]. Dans l’homologation, le tribunal a partiellement comme rôle de protéger les intentions du défunt, qui, par définition, n’est pas en mesure de les protéger lui-même.

Une autre différence entre les deux régimes est l’approche adoptée concernant la prévention de la fraude et le versement d’indemnités lorsque celle-ci survient. Plusieurs mesures ont été prévues à cette fin dans le SEIE. L’identité du client est établie selon des exigences strictes, et chaque partie à la transaction doit être représentée par un avocat indépendant. Une autre mesure de protection du système est que seuls les utilisateurs enregistrés peuvent y accéder[322]. De plus, la Caisse d’assurance des droits immobiliers a été créée afin d’indemniser les pertes dues à la fraude et aux erreurs administratives[323]. Le régime d’homologation encourage aussi les personnes qui ont un intérêt dans une succession à se fier à la délivrance d’un certificat de nomination. Cette confiance est fondée sur le paragraphe 47(1) de la Loi sur les fiduciaires, qui sert à valider les actes accomplis en vertu du pouvoir conféré par le certificat de nomination, même si celui-ci est révoqué par la suite[324]. Toutefois, dans le régime d’homologation, la protection juridique est seulement offerte en cas d’erreur commise de bonne foi et est expressément suspendue si le fiduciaire de la succession se livre à un acte frauduleux.

La relative vulnérabilité des intérêts en jeu dans le régime d’homologation et le relatif manque de protection contre la fraude indiquent que l’équilibre entre la protection juridique et l’accessibilité dans une procédure d’administration des petites successions devrait se trouver un peu plus du côté de la protection juridique que dans le cas du SEIE.

Dans son document intitulé Issues Paper qui porte sur l’administration des petites successions, le South Australian Law Reform Institute (SALRI) a également soulevé l’idée de mettre en œuvre en ligne une procédure non judiciaire d’administration des petites successions[325]. Son raisonnement était le suivant :

[Traduction]
L’avis public lié à une supposition de responsabilité d’administrer une petite succession conformément à un processus légal n’a pas besoin d’impliquer le dépôt de documents au tribunal ni la participation de fonctionnaires de la cour qui recevraient ou estampilleraient les déclarations et faciliteraient les recherches documentaires. On pourrait réaliser les mêmes objectifs à moindre coût et à moindre effort en rendant accessible sur un site Web gouvernemental une déclaration identique en bonne et due forme, y compris une déclaration de dégagement de responsabilité des tierces parties qui se fonderaient sur la supposition d’autorisation enregistrée[326].

La réflexion à ce sujet demeure préliminaire, et le SALRI n’a pas encore publié de rapport final dans le cadre de ce projet. La CDO estime toutefois qu’il y a d’autres facteurs à considérer, outre l’ampleur relative des dépenses à assumer et des efforts à déployer, dans la décision de suspendre la surveillance judiciaire. Il faut aussi prendre en compte le risque que l’absence de surveillance judiciaire fasse augmenter les cas de fraude, de même que les éventuelles répercussions juridiques sur d’autres dispositions législatives fondées sur l’homologation judiciaire (comme le statut juridique des tierces parties qui contestent une déclaration).

La CDO a conclu qu’une procédure non judiciaire d’administration des petites successions mise en œuvre en ligne ne conviendrait pas aux petites successions. Cependant, la possibilité de mettre en œuvre en ligne une procédure judiciaire d’administration des petites successions en Ontario mérite d’être envisagée.

Ces dernières années, le gouvernement ontarien a mené un certain nombre d’initiatives importantes en matière de prestation de services judiciaires en ligne. L’une d’entre elles, notamment, visait l’élaboration d’un système de dépôt de documents en ligne à la Cour des petites créances. Après un projet pilote de six mois, le système a été déployé plus tôt cette année. Les particuliers et les entreprises peuvent maintenant faire de petites réclamations et payer les droits de greffe en ligne, pourvu que le montant réclamé soit fixe[327]. Un programme QuickFile est accessible aux professionnels qui utilisent le système, et un assistant aux formules offert sur le site Web de Service Ontario guide les particuliers dans le processus de saisie des renseignements. Un guide de l’utilisateur contient des instructions supplémentaires en langage clair et des reproductions de pages Web que l’utilisateur devrait s’attendre à voir[328]. De grandes flèches bleues pointent vers les boutons sur lesquels cliquer à chaque étape du processus. Certains renseignements, comme le montant des intérêts avant jugement à réclamer, sont générés automatiquement en fonction de la date entrée et du taux applicable. Les documents justificatifs peuvent être inclus dans la formule à soumettre. Lorsqu’aucune défense n’est présentée, un jugement par défaut peut être demandé en ligne.

Bien qu’il soit encore tôt pour l’évaluer, le système de dépôt de documents en ligne de la Cour des petites créances de l’Ontario semble constituer un excellent moyen de réduire les coûts et d’accroître l’accessibilité d’un tel processus juridique. Une grande partie de l’expertise institutionnelle acquise par le gouvernement dans le cadre de cette initiative pourrait également s’appliquer à la conception d’un système en ligne d’administration des petites successions. Une telle plateforme est peut-être particulièrement bien adaptée au contexte de l’homologation, puisqu’il n’y a habituellement aucune partie adverse et que le processus comporte une composante administrative importante. En conséquence, la CDO estime qu’il serait également avantageux d’élaborer une plateforme de mise en œuvre en ligne en vue d’accroître l’accessibilité de l’homologation pour les petites successions.


La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

9. a) Que le ministère du Procureur général mise sur l’expertise institutionnelle acquise dans la conception de son processus de requête en ligne devant la Cour des petites créances afin de concevoir un système de requête en ligne semblable pour la procédure d’administration des petites successions, dans le but de réduire les coûts liés aux demandes d’homologation de petites successions et d’accroître l’efficacité du système dans son ensemble.

b) Qu’un processus papier soit retenu pour les requérants qui ne peuvent pas accéder aux services en ligne.


J.      Renseignements juridiques sur l’objectif de l’homologation et de la procédure d’administration des petites successions

L’homologation souffre d’un grave problème d’image. Lors des consultations, on a abondamment signalé que la population ne comprend pas les protections juridiques prévues par le régime d’homologation. Bien des gens semblent d’avis que ce régime n’est rien de plus qu’un mécanisme de perception de l’impôt sur l’administration des successions. D’autres voient les formules à remplir comme d’insignifiantes formalités bureaucratiques gouvernementales. D’autres encore surestiment le coût de l’homologation et ne pensent pas qu’il vaille la peine d’embaucher un avocat pour obtenir de l’assistance relativement au processus. Les consultations ont révélé que le coût d’embauche d’un avocat pour obtenir l’homologation est, de façon générale, raisonnablement abordable, sauf dans le cas des très petites successions.

La discussion sur l’homologation a tendance à porter sur le fait de savoir si celle-ci est « nécessaire » pour accéder aux biens de la succession. La valeur de l’homologation est moins reconnue en ce qui concerne la protection qu’elle offre aux bénéficiaires et aux créanciers contre la fraude ou la mauvaise administration de la succession, ainsi qu’au représentant de la succession contre la responsabilité en cas d’actes accomplis sur la foi d’un testament invalide.

De nombreux intervenants, y compris l’Agence du revenu du Canada, ont demandé que davantage d’efforts soient déployés pour sensibiliser le public, surtout en ce qui a trait à la nécessité d’obtenir une autorisation en bonne et due forme pour représenter une succession[329].

Les représentants de petites successions seraient mieux à même de décider de présenter ou non une demande de certificat pour petite succession s’ils comprenaient mieux le rôle joué par le régime d’homologation et les coûts connexes.

Par ailleurs, il est tout aussi crucial que les représentants de successions comprennent bien le processus d’obtention d’un certificat pour petite succession. L’accès adéquat à tout processus juridique, y compris l’homologation, ne tient pas seulement au fait d’avoir le statut formel requis pour recourir au processus. Il faut aussi que l’utilisateur ait accès aux guides d’information, aux formules, aux instructions et aux outils nécessaires pour en tirer parti[330]. Mme Hakim souligne ceci :

[Traduction]
Il ne suffit pas de réduire la complexité du processus. Pour être efficace, toute procédure simplifiée doit être accompagnée de services d’autoassistance juridique et d’outils d’information adéquats pour réduire aussi la perception de complexité afin que les gens se sentent capables d’utiliser les mécanismes mis à leur disposition[331].

En outre, il importe de bien comprendre ses droits juridiques pour déterminer dans quelle situation embaucher un avocat au lieu de se représenter soi-même. Cette affirmation est d’autant plus vraie pour les représentants de petites successions qui sont peut-être moins disposés à demander des conseils juridiques personnels.

Comme nous l’avons indiqué précédemment à la section E.2 du chapitre IV, il existe en Ontario un besoin de mieux communiquer l’information juridique sur les responsabilités du fiduciaire de la succession, les exigences relatives à la réalisation du processus d’homologation et les raisons pour lesquelles des renseignements sont requis à chaque étape du processus. Les ressources actuelles ont une portée limitée et ne parviennent pas tout à fait à expliquer des notions juridiques dans un langage entièrement accessible aux profanes.

Une des principales recommandations de la CDO est donc de créer un guide en langage clair expliquant quel est l’objectif de l’homologation et comment s’orienter dans la procédure d’administration des petites successions. Un guide en langage clair serait aussi bénéfique aux personnes qui ont recours au volet d’homologation ordinaire, surtout les requérants non représentés.

Bien que l’homologation englobe des notions juridiques complexes, ce ne devrait pas être une raison de renoncer à la publication d’un guide en langage clair qui permettrait aux profanes d’obtenir des explications pour chaque étape du processus. Lors des consultations, un représentant du gouvernement et au moins un spécialiste ont fait une analogie avec les guides fiscaux publiés par l’Agence du revenu du Canada (bien que la mesure dans laquelle ces guides accomplissent leur fonction est une question d’opinion)[332]. Pour être efficace, un guide gouvernemental complet sur l’objectif de l’homologation et le processus d’obtention d’un certificat pour petite succession devrait être facilement accessible en ligne, dans les greffes et dans les salons funéraires par l’intermédiaire d’Éducation juridique communautaire Ontario (CLEO) et d’autres institutions publiques. Ce guide devrait être publié en anglais, en français et en d’autres langues pour tenir compte de la diversité linguistique des Ontariens.

Certains pays et provinces ont déjà déployé des efforts concertés pour fournir du matériel en langage clair aux représentants de petites successions afin de les guider dans le processus. Au Canada, le Manitoba a obtenu un certain succès à cet égard. L’information sur le processus d’administration sommaire de cette province est accessible sur le site Web de l’Association d’éducation juridique communautaire du Manitoba (CLEAM). La CLEAM a créé un guide en langage clair pour l’administration des successions dont la valeur n’excède pas 10 000 $[333]. Il existe aussi un document général préliminaire sur l’homologation d’une succession simple dont la valeur n’excède pas 100 000 $[334]. Ces guides sont clairement rédigés et faciles à lire et constituent des modèles utiles en vue d’élaborer un guide en langage clair semblable pour une procédure d’administration des petites successions en Ontario[335].

La procédure d’affidavit visant les petites successions (SEAP) de New York abordée précédemment tire en partie son succès d’un réseau complet de mesures de soutien, y compris des instructions simplifiées, des guides en langage clair, des centres d’aide juridique et des programmes d’assistance aux requérants non représentés.

Un manuel de 2005 du Conseil des tribunaux administratifs canadiens (CTAC) recommande que les tribunaux administratifs fassent l’objet d’une vérification de la littératie afin de déterminer le meilleur moyen d’améliorer l’accès aux tribunaux grâce à l’utilisation d’un langage simple, à une réceptivité aux besoins particuliers des personnes qui y ont recours, à la formation du personnel, etc.[336]. Il s’agit peut-être d’un but à long terme du régime d’homologation.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

10. a) Que le ministère du Procureur général, en collaboration avec des institutions comme le Barreau du Haut-Canada et d’autres organismes de services concernés, publie un guide en langage clair, qui fera autorité, portant sur :

i. l’objet du régime d’homologation, les responsabilités du représentant de la succession ainsi que les coûts connexes et les avantages que procure l’homologation;
ii. la manière de naviguer dans le processus d’administration des petites successions.

b) Que ce guide soit accessible à tous en ligne, dans les greffes des tribunaux, les salons funéraires et d’autres établissements publics.

c) En plus de l’anglais et du français, que ce guide soit publié dans d’autres langues reflétant la diversité linguistique des Ontariens.

 

K.    Formules simplifiées et assistant aux formules en ligne

Parallèlement à la rédaction d’un guide d’homologation en langage clair, il importe d’élaborer des formules de requête dans un langage simplifié. À l’heure actuelle, il existe une myriade de formules prévues à la Règle 74 qui sont rédigées dans un langage technique susceptible de poser problème même aux avocats non spécialisés en droit successoral. Afin d’être accessibles aux représentants de successions non représentés, la formule de requête d’administration des petites successions, la formule d’avis et les instructions connexes devront être bien plus simples qu’elles le sont actuellement.

Il est seulement possible de simplifier les formules jusqu’à un certain point sans miner leur effet. La Cour des petites créances représente un autre processus judiciaire articulé autour de formules à remplir. Concernant cette cour, Shelley McGill a souligné le besoin de trouver un juste milieu entre trop et pas assez de formules :

[Traduction]
L’utilisation modérée de formules normalisées peut contribuer à la réalisation de plusieurs objectifs des cours des petites créances. Ces formules peuvent faciliter l’utilisation du système pour les administrateurs et les plaideurs, informer les utilisateurs des règles et promouvoir un forum équitable grâce à la communication de renseignements pertinents.

Cependant[,] l’équilibre est la clé du succès; de trop nombreuses formules accablent l’utilisateur et engorgent le système de paperasse. Les longues formules sont intimidantes, paraissent compliquées et peuvent occulter les renseignements qu’elles visent précisément à recueillir. En revanche, s’il n’y a pas assez de formules, l’utilisateur sera mal informé du processus et du dossier de la partie adverse[337].

Les nouvelles règles d’homologation en Colombie-Britannique comportent d’assez longues formules visant à orienter les requérants dans le processus. Elles comprennent des instructions à chaque étape et sont rédigées dans un langage normalisé qui permet aux requérants de simplement cocher la case appropriée. À notre avis, il s’agit d’une approche prometteuse pour l’Ontario. Une formule bien plus succincte serait toutefois suffisante pour la procédure d’administration des petites successions que nous recommandons.

Un élément important d’une formule de requête simplifiée serait un assistant aux formules en ligne qui aiderait les requérants à satisfaire aux exigences de la présentation d’une requête d’administration de petite succession selon une approche étape par étape. À chaque étape, un encadré informatif expliquerait l’importance de la question ainsi que les renseignements exigés et fournirait des réponses possibles au requérant. Certaines questions exigeraient que le requérant fournisse de l’information, mais celui-ci pourrait aussi répondre à d’autres questions en cochant simplement la case appropriée. Les formules seraient également offertes en version papier. L’assistant aux formules en ligne différerait d’un système de dépôt de documents en ligne, étant donné que le requérant serait tenu d’imprimer les documents dûment remplis et de les déposer manuellement au tribunal. L’assistant aux formules en ligne ferait déjà partie du système de dépôt de documents en ligne indiqué précédemment dans la recommandation 9a). Cependant, si aucun système de dépôt de documents en ligne n’a été mis sur pied, l’élaboration d’un assistant aux formules en ligne peut représenter une étape vers la réalisation de cet objectif général.

Un modèle prometteur d’assistant aux formules en ligne pour les petites successions est le modèle interactif pour la procédure d’affidavit visant les petites successions (SEAP) de New York[338]. La SEAP fait partie de CourtHelp, une vaste initiative ayant pour objectif de fournir des renseignements juridiques en ligne et d’offrir un système d’autoassistance juridique aux plaideurs non représentés[339]. La page Web de la SEAP contient une description du programme et une liste des critères d’admissibilité en langage clair. Une liste de vérification détaille les renseignements requis pour suivre le programme. Des définitions des termes clés et des instructions supplémentaires sont fournies au moyen d’hyperliens. Les exigences informatiques sont expliquées, puis l’utilisateur est invité à lancer le module interactif de la SEAP.

Au début du module de la SEAP, l’écran affiche un guide virtuel placé sur un chemin comportant de nombreuses étapes numérotées et menant jusqu’à un palais de justice au loin. À mesure que l’utilisateur répond aux questions, il semble avancer vers le palais de justice. Le guide virtuel communique avec l’utilisateur au moyen de bulles contenant du texte. Celui-ci est formulé en langage simple. Par exemple, le guide recommande qu’on remplisse l’affidavit [traduction] « pour demander à la Cour des successions l’autorisation de conserver ou de donner les biens d’une personne décédée ».

L’utilisateur répond à une série de questions qui sont automatiquement recueillies dans un affidavit d’administration volontaire ainsi rempli. Dans le cadre du processus, la SEAP informe les utilisateurs de toutes les tâches du représentant de la succession et exige qu’ils acceptent de les accomplir en cochant les cases associées à chacune d’entre elles. La formule remplie contient aussi des instructions claires sur la façon de déposer l’affidavit au tribunal, les tâches de l’administrateur volontaire, la procédure à suivre si d’autres biens sont découverts après le dépôt de l’affidavit, etc.

Certains utilisateurs ont formulé de la rétroaction positive sur la SEAP, et la plupart de leurs commentaires permettent de croire qu’ils ont l’impression que le programme les aide à remplir l’affidavit sans recourir aux services d’un avocat. Ils ont notamment formulé les commentaires suivants :

[Traduction]
Très utile pour remplir les formules en ligne à la maison avant de se présenter au tribunal. Je me sens mieux préparé grâce à ce processus[340].

J’aime beaucoup le fait de pouvoir remplir les formules en ligne. Ça a accéléré le processus. Mes documents sont plus clairs et plus précis[341].

Ça m’a permis de gagner du temps, et je n’ai pas eu à m’absenter du travail pour me rendre au greffe d’un autre comté[342].

J’apprécie la facilité d’utilisation, comme je ne suis pas avocat[343].

C’est un site Web formidable. Dire que j’ai attendu tout ce temps parce que je n’avais pas les moyens d’engager un avocat pour le faire[344].

J’adore comment on confirme nos réponses et qu’on vérifie si c’est fait correctement[345].

Personnes [personnel des tribunaux] compétentes avec qui il est plaisant de travailler. Grâce à elles, l’expérience a été très facile pour moi, et je me suis senti très à l’aise[346].

La SEAP a été modifiée depuis sa création en 2009 en réaction aux commentaires des utilisateurs. En 2011, le site Web de la SEAP a reçu plus de 23 000 visites uniques[347].  

Le NYS Courts Access to Justice Program (NYA2J) a rédigé un guide des pratiques exemplaires en matière de conception et d’administration de programmes d’assemblage de documents judiciaires comme la SEAP[348]. Le NYA2J a aussi établi des pratiques exemplaires concernant la structuration des centres d’aide et des programmes des tribunaux pour assister les plaideurs non représentés, ainsi que des pratiques exemplaires pour aider le personnel des centres d’aide à fournir des renseignements juridiques[349].

La SEAP obtient apparemment beaucoup de succès pour ce qui est de rendre gérable un processus complexe « simplifié ». Il semble effectivement possible pour la population de déposer avec succès la formule de règlement d’une petite succession sans l’aide d’un avocat, et tout est réalisé depuis une plateforme Web unique, ce qui réduit la probabilité que les personnes cherchent ailleurs des renseignements potentiellement erronés.

L’Ontario pourrait s’inspirer de l’État de New York et d’autres pays, provinces ou états dans l’élaboration de formules simplifiées pour une procédure d’administration des petites successions[350]. Toutefois, il est important que cette simplification ne se fasse pas au détriment de la protection juridique et que la procédure d’administration des petites successions soit également assortie de mesures de soutien juridique telles qu’une ligne d’aide téléphonique, comme nous l’abordons immédiatement ci-dessous.

La simplification est également un objectif souhaitable en ce qui a trait au régime d’homologation global de l’Ontario. La CDO suggère que les formules prévues à la Règle 74 soient examinées en vue d’en réduire le nombre et d’adopter un langage simplifié lorsque cela est possible. La CDO suggère tout particulièrement que le terme courant « homologation » soit utilisé dans la règle plutôt que l’actuel terme officiel, « certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession testamentaire ou non testamentaire ».


La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

11. a) Que la formule de requête de petite succession, la formule d’avis, la feuille d’instruction et les autres documents liés à la présentation de la requête soient rédigés dans un langage simplifié accessible aux requérants non représentés, aux bénéficiaires et aux autres personnes qui ont un intérêt dans la succession.

b) Si la procédure d’administration des petites successions n’est pas mise en œuvre en ligne conformément à la recommandation 9, qu’un assistant aux formules en ligne soit créé pour guider les requérants à chaque étape du processus de requête et les informer de la signification et de l’effet de chaque exigence liée à la requête.

 

L.     Ligne d’assistance pour les représentants de la succession

Même si l’on crée un système en ligne d’administration des petites successions bien conçu et assorti d’un guide en langage clair ainsi que de formules simplifiées, il ne sera pas accessible à tous les Ontariens. Certaines petites successions soulèveront des questions qui pourront seulement être résolues par des conseils juridiques personnalisés. Certains représentants de la succession continueront de faire face à des obstacles linguistiques, techniques ou liés à la littératie ou à d’autres aspects qui les empêcheront d’utiliser le système sans assistance.

Actuellement, les représentants de la succession qui n’ont pas les moyens d’engager un avocat ont tendance à demander de l’aide à des institutions financières, au personnel des tribunaux, aux directeurs de funérailles ainsi qu’à leurs amis ou voisins, entre autres[351].

Certains spécialistes ont avancé que, dans certains contextes, les institutions financières sont peut-être en conflit d’intérêts quand elles conseillent leurs clients sur des questions liées à l’homologation. Un spécialiste s’est dit préoccupé par une nouvelle désignation professionnelle – celle des conseillers en exécution testamentaire – qui risque d’amener des personnes non qualifiées à fournir des conseils juridiques sans autorisation[352].

Le personnel des tribunaux répond à de nombreuses questions de représentants de la succession de particuliers. Cependant, l’assistance qu’il peut offrir est limitée par d’importantes contraintes sur le plan des ressources et par une interdiction de donner des conseils juridiques.

Les consultations ont révélé que l’assistance reçue de ce groupe diffus de conseillers informels est souvent inexacte et incohérente. La CDO est d’avis qu’une source centralisée d’assistance « en temps réel » permettrait de réduire ces inexactitudes et d’atténuer peu à peu certaines perceptions erronées courantes du régime d’homologation. Il s’agirait par ailleurs d’une source objective d’assistance fournie par des experts (mais pas nécessairement des avocats). Une ligne d’assistance serait une solution de rechange adéquate pour les représentants de la succession qui ne veulent pas ou ne peuvent pas utiliser le système en ligne et qui préfèrent parler à « une vraie personne ». Pour qu’une telle ligne soit utile aux Ontariens dont la langue première n’est ni l’anglais ni le français, il serait important d’offrir de l’assistance dans d’autres langues couramment parlées.

Une ligne d’assistance servirait non seulement aux représentants de petites successions, mais aussi aux représentants de successions qui présentent une requête dans le volet d’homologation ordinaire.

Pour créer et pourvoir une ligne d’assistance, il faudrait faire un investissement modeste sur le plan des ressources. Toutefois, une telle ligne aurait aussi pour effet de ménager d’autres ressources, surtout en allégeant l’actuelle charge de travail du personnel des tribunaux. Au fil du temps, elle devrait faire diminuer le nombre d’erreurs commises dans les demandes d’homologation, ce qui réduirait l’ampleur des ressources nécessaires pour les traiter.

Il importe de se demander comment une initiative de création de ligne d’assistance sur l’homologation pourrait être intégrée à d’actuels projets d’accès à la justice en Ontario[353]. Par exemple, les cliniques juridiques communautaires de l’Ontario sont actuellement engagées dans une longue liste de projets de transformation énumérés sur le site Web de l’Association des cliniques juridiques communautaires de l’Ontario[354]. De plus, le Groupe d’action sur l’accès à la justice (TAG) facilite plusieurs projets impliquant la collaboration de divers organismes de services dans le cadre d’initiatives d’accès à la justice[355].

Évidemment, comme la plupart des formes de soutien juridique, une ligne d’assistance ne serait pas suffisante en soi. Certains requérants ne seront pas en mesure d’en profiter pour des raisons de langue ou de littératie ou à cause d’autres obstacles[356]. Pour ce groupe de personnes, la représentation juridique ou l’assistance personnelle d’autres intermédiaires de confiance peut s’avérer nécessaire.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

12. Que le ministère du Procureur général, en partenariat avec des institutions telles que le Barreau du Haut-Canada et les autres organismes de services concernés, crée une ligne d’assistance pour les représentants de petites successions, laquelle serait dotée de conseillers compétents et ferait l’objet d’une promotion active en tant que ressource d’assistance juridique permettant de s’orienter dans la procédure d’administration des petites successions.

 

M.  Conseils juridiques sensibles aux coûts

Les avocats jouent un rôle précieux en ce qui a trait aux questions d’homologation, non seulement en guidant leurs clients dans le processus de présentation de demande, mais aussi en leur expliquant les conséquences juridiques de l’homologation et en leur fournissant des conseils quant à leur rôle et à leurs responsabilités à titre de fiduciaires de la succession. Certains spécialistes étaient d’avis que, dans le régime d’homologation, l’assistance juridique est une nécessité pratique pour laquelle les gens devraient être disposés à payer un montant raisonnable. Le coût d’embauche d’un avocat devant fournir une assistance en vue de l’obtention d’une homologation (de 1 000 $ à 5 000 $ pour une succession simple) sera raisonnable pour la plupart des successions en Ontario. Pour ces successions, l’embauche d’un avocat par le représentant de la succession semble judicieuse.

Une représentation juridique serait également bénéfique pour les représentants de la succession qui présentent une demande d’homologation dans le cadre d’une procédure simplifiée d’administration des petites successions. Même si le processus est simplifié, l’effet juridique de l’homologation et les responsabilités du représentant de la succession demeurent des notions complexes qui risquent de ne pas être bien comprises par un fiduciaire de la succession non représenté. Comme nous l’avons abordé précédemment au chapitre II, les représentants de la succession croient souvent à tort que l’homologation n’est rien d’autre qu’une formalité consistant à remplir quelques formules.

Il y a peut-être aussi d’autres raisons de recommander aux représentants de petites successions d’obtenir des conseils juridiques. Certains représentants de la succession feront face à des obstacles linguistiques ou autres qui leur compliqueront l’accès au système de justice. Un avocat d’une clinique a indiqué que ses clients n’ont généralement pas les compétences nécessaires pour obtenir l’homologation d’eux-mêmes, surtout lorsqu’il n’y a pas de testament. Comme les successions ne sont pas assez importantes pour justifier l’embauche d’un avocat, les clients abandonnent les biens. Même une procédure judiciaire simplifiée ne serait peut-être pas accessible aux clients de ces cliniques, selon une préoccupation soulevée.

Bien que la consultation juridique joue un rôle utile dans l’homologation des successions de toute valeur en Ontario, il est vrai que certaines successions sont trop modestes pour assumer le coût d’une représentation juridique ou, du moins, pour qu’il vaille la peine de recourir à une telle représentation[357].

Certaines initiatives importantes menées en Ontario permettent aux Ontariens d’obtenir des conseils juridiques à faible coût dans certaines circonstances. Cependant, de tels conseils ne sont généralement pas accessibles pour les questions d’homologation. Par exemple, le Barreau du Haut-Canada dispense un Service de référence du Barreau qui jumelle des personnes avec des avocats dans certains domaines du droit. Ces avocats offriront une consultation gratuite de 30 minutes. Après ce délai, leurs honoraires seront négociés en privé avec la personne. JusticeNet est un service regroupant des avocats de divers domaines du droit qui offrent des conseils juridiques à prix réduit aux clients à faible revenu[358]. Malheureusement, l’administration et l’homologation de la succession ne font pas partie des domaines visés[359]. Aide juridique Ontario, précise qu’elle [traduction] « ne s’occupe pas de procurations, de testaments et de successions », mais certaines cliniques juridiques communautaires pourraient être en mesure de fournir une assistance à cet égard[360]. Cependant, selon un avocat travaillant en clinique, les cliniques communautaires n’acceptent généralement pas de traiter des questions de succession. Certains clients doivent donc abandonner les biens de la succession s’ils n’arrivent pas à trouver une autre forme d’assistance[361].

L’accès aux services juridiques est considéré comme une préoccupation urgente dans tout le système de justice civile[362]. Le rapport du Projet sur les besoins juridiques civils de l’Ontario de 2010, À l’écoute de l’Ontario, reconnaissait que la représentation juridique classique pour les affaires familiales et autres affaires civiles ne serait pas accessible à de nombreux Ontariens à faible revenu et même à revenu moyen[363]. Le rapport proposait une autre approche en matière d’accès aux services juridiques, laquelle serait fondée sur une diversité d’options dépendant du type d’assistance juridique requise[364]. Par exemple, il laissait entendre qu’il y a peut-être une place pour les services juridiques dégroupés, la représentation parajuridique, les services bénévoles comme ceux offerts par Law Help Ontario, la communication de renseignements exacts et dignes de foi sur Internet, les lignes d’assistance (dotées de personnel compétent), etc. Cependant, le rapport reconnaissait que, malgré la disponibilité de ces services, certains Ontariens auraient besoin de consulter un avocat ou un parajuriste compétent afin d’en arriver à un résultat juste et équitable[365]. C’est tout particulièrement le cas de nombreux Canadiens qui n’ont pas le niveau de littératie nécessaire pour prendre des décisions éclairées à la lumière des renseignements juridiques fournis par écrit[366].

La CDO s’est penchée sur la nécessité d’offrir un accès abordable aux services du droit de la famille dans son rapport de 2013 intitulé L’amélioration de l’accès à la justice familiale grâce à des points d’entrée globaux et à l’inclusivité[367]. Nous avons souligné d’importants obstacles qui risquent d’empêcher les personnes vivant un conflit familial de tirer parti de la quantité considérable de renseignements en matière de droit de la famille déjà accessibles en ligne et par le truchement de programmes spécialisés[368]. Pour bien des gens, ces sources normalisées d’information juridique se sont révélées être d’une utilité limitée lorsqu’ils n’ont pas reçu d’assistance personnelle afin d’appliquer les renseignements à leur propre situation. Selon une suggestion du rapport, des « intermédiaires de confiance » autres que des avocats pourraient être formés pour offrir de l’assistance à ces personnes.

Des considérations semblables peuvent s’appliquer dans le contexte de l’homologation des petites successions. Toutefois, à certains égards, l’homologation est sensiblement différente des autres parties du système de justice civile. Habituellement, une demande d’homologation non contestée ne sera pas de nature contradictoire. Elle n’impliquera pas non plus de « besoins juridiques essentiels », décrits ainsi dans le rapport Atteindre l’égalité devant la justice de l’ABC :

[C]eux qui découlent de problèmes ou situations juridiques et qui compromettent la sécurité d’une personne ou de sa famille – y compris la liberté, la sécurité de la personne, la santé, l’emploi, le logement ou la capacité de satisfaire aux nécessités de la vie[369].

Plusieurs spécialistes avec qui nous avons discuté ont fait une distinction entre deux composantes des services juridiques couramment dispensées par des spécialistes en droit successoral. Une composante consiste à aider le client à remplir et à déposer la demande d’homologation et les documents justificatifs. Dans une demande non contestée, il peut s’agir d’une tâche en grande partie administrative. L’autre composante consiste à informer le client de l’importance juridique des exigences en matière de présentation de demande et de la portée juridique de l’homologation, ainsi que du rôle et des responsabilités du fiduciaire de la succession. Les spécialistes qui sont intervenus ont souligné l’importance de ce rôle, compte tenu de la complexité générale du régime d’homologation et des risques de responsabilité personnelle auxquels s’exposent des fiduciaires de la succession. Plusieurs spécialistes ont rejeté l’idée d’une procédure d’administration des petites successions en libre-service précisément parce qu’ils estimaient que ce rôle consultatif général ne pouvait pas être convenablement externalisé.

La CDO convient qu’il importe pour tous les représentants de la succession de comprendre les responsabilités juridiques et le risque de responsabilité qui accompagnent une demande d’homologation approuvée, indépendamment de la valeur de la succession. Toutefois, ces deux composantes de services juridiques pourraient être séparées dans une procédure d’administration des petites successions afin de réduire le coût global de l’homologation tout en veillant à ce que les représentants de la succession reçoivent les conseils juridiques nécessaires pour accomplir leur rôle.

Tout d’abord, il devrait y avoir un moyen rentable de dispenser des renseignements juridiques généraux aux représentants de la succession qui présentent une requête d’administration de petite succession. Cet élément est particulièrement important pour les questions d’homologation afin que le requérant comprenne la signification du rôle de représentant. Une grande partie de l’information que les représentants de la succession devraient comprendre afin d’accomplir leur rôle sera la même pour toutes les successions, peu importe la composition et la valeur de celles-ci. Il devrait donc être possible dans bien des cas que cette information soit transmise de façon normalisée, d’autant plus que, contrairement à la plupart des processus judiciaires, l’homologation est souvent non contradictoire.

Il existe plusieurs méthodes possibles pour communiquer ce genre de renseignements juridiques normalisés. Nous avons précédemment recommandé deux possibilités : un guide de l’homologation en langage clair et une ligne d’assistance. On peut aussi penser à un rendez-vous d’une demi-heure avec un avocat bénévole, à une clinique juridique ou à un programme de séminaire public conçu pour fournir des renseignements généraux aux représentants de la succession sur le rôle et les responsabilités du fiduciaire de la succession. Ou encore, il pourrait y avoir un module de formation en ligne à suivre par les requérants dans le cadre de leur requête. Ce module pourrait être inspiré du Programme d’information obligatoire (PIO) de la Cour de la famille, dans le cadre duquel les parties à une réclamation litigieuse peuvent assister à une séance d’information sur les effets de la séparation et du divorce, le processus judiciaire et les solutions de rechange à la cour[370]. Une combinaison de ces méthodes serait également envisageable. Peu importe le mode de prestation, l’idée serait de fournir des renseignements juridiques normalisés plutôt que des conseils juridiques sur la succession administrée. Toutefois, si la petite succession présente certaines complexités, le requérant pourrait être aiguillé vers un avocat afin d’obtenir des conseils juridiques personnalisés.

Étant donné que certains représentants de la succession auront besoin d’une assistance juridique même pour remplir une formule toute simple, d’autres formes de soutien juridique devraient être offertes à ce groupe. Un programme comme JusticeNet peut permettre aux représentants de petites successions d’embaucher un avocat à coût réduit. Ou encore, si cette solution respecte les contraintes financières, certaines cliniques juridiques pourraient élargir leurs services pour inclure les demandes d’homologation de clients confrontés à des obstacles importants. Les initiatives de ce genre pourraient être liées à un ou plusieurs projets de transformation déjà entrepris par les cliniques juridiques communautaires en Ontario[371]. Le cas échéant, les règles d’admissibilité devraient être revues pour tenir compte de la valeur de la succession plutôt que du revenu du client[372].

Il convient également d’examiner la possibilité que des parajuristes dispensent une assistance à l’égard des demandes d’homologation des petites successions. Bien que les parajuristes ne soient pas actuellement autorisés à représenter des clients dans le cadre de demandes d’homologation ou de requêtes d’administration de succession, certains intervenants ont suggéré que leur champ d’activité soit élargi pour englober ces domaines[373].

Les étudiants en droit peuvent aussi fournir une assistance, pourvu qu’ils soient adéquatement supervisés par un avocat. Les sociétés étudiantes d’aide juridique (SEAJ) exercent leurs activités dans les sept écoles de droit de l’Ontario[374]. Pour que les SEAJ puissent jouer un tel rôle, l’actuelle portée de leurs services devrait être élargie pour inclure les questions d’homologation, et, là encore, les règles d’admissibilité à Aide juridique Ontario devraient être revues.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

13. a) Que, dans le cas des petites successions, les spécialistes en droit successoral envisagent de séparer la représentation juridique classique en deux composantes (en faisant une distinction entre, d’une part, la communication de renseignements généraux sur l’homologation et, d’autre part, la formulation de conseils personnalisés pour guider un client dans le processus d’homologation) afin que les mesures de soutien juridique soient adaptées aux besoins particuliers des requérants.

b) En plus des recommandations 10 et 12, que le ministère du Procureur général, en partenariat avec des institutions telles que le Barreau du Haut-Canada et les autres organismes de services concernés, songe à établir d’autres méthodes de communication de renseignements normalisés sur l’objectif de l’homologation et le processus connexe aux représentants de petites successions.

c) Qu’une assistance juridique ciblée soit offerte aux représentants de petites successions, au besoin, par l’intermédiaire d’une variété accrue d’organismes de services tels que les cliniques juridiques communautaires, les cliniques juridiques étudiantes ou les programmes comme JusticeNet.

 

N.   Encourager la rédaction de testaments

À maintes reprises lors des consultations, il a été demandé de promouvoir la rédaction de testaments afin de réduire le risque de problèmes ultérieurs liés à l’obtention de l’homologation et à l’administration de la succession. L’an dernier, une campagne de sensibilisation publique visant à promouvoir la rédaction de testaments a été lancée par l’Association du Barreau de l’Ontario[375]. La CDO est d’avis qu’une campagne semblable ou élargie encourageant la rédaction de testaments avec l’aide d’un professionnel contribuerait à éviter certaines difficultés relatives à l’homologation des petites successions. Au lieu d’orienter les initiatives d’information vers les Ontariens fortunés qui planifient leur succession, il faudrait plutôt les orienter vers les Ontariens ordinaires qui sont plus susceptibles de laisser une petite succession.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

14. Que le ministère du Procureur général, en partenariat avec des institutions telles que le Barreau du Haut-Canada et les autres organismes de services concernés, participe à une campagne visant à sensibiliser le public à l’importance de la rédaction d’un testament et de la nomination d’un exécuteur testamentaire pour les successions de toute valeur en Ontario.

 

O.   Base de données sur les successions consultable par le public

Les consultations ont révélé que les conflits entre les membres de la famille constituent l’un des principaux facteurs qui ont tendance à compliquer les demandes d’homologation et à faire augmenter les coûts juridiques. Certains de ces conflits surviennent à cause d’un manque de renseignements sur les droits et les responsabilités respectifs du fiduciaire et des bénéficiaires de la succession ainsi que des autres parties ayant un intérêt éventuel dans celle-ci.

Même un régime d’homologation idéal ne pourrait pas éliminer les conflits familiaux. Cependant, il peut tâcher de les réduire au minimum en adoptant des procédures équitables et transparentes. Il y a toujours place à l’amélioration. Selon Mme Hakim, les actuelles exigences en matière d’avis concernant les demandes d’homologation manquent de transparence[376]. Cette affirmation a été corroborée lors des consultations. Le personnel des tribunaux et le BTCP ont constaté qu’ils reçoivent régulièrement des appels téléphoniques de personnes qui cherchent à déterminer si une succession existe et si elles peuvent avoir un certain intérêt dans celle-ci.

La portée de l’avis exigé dans le cadre d’une demande d’homologation varie quelque peu d’une province à une autre. La plupart des provinces ont des exigences en matière d’avis qui ressemblent à celles de l’Ontario. Toutefois, la loi du Manitoba n’exige pas qu’un avis soit donné aux bénéficiaires, bien qu’au moins un spécialiste manitobain le fasse à des fins de bonne pratique[377]. La signification d’un avis aux bénéficiaires est exigée en Nouvelle-Écosse, mais seulement après que la lettre d’homologation ait été délivrée[378]. Le type de renseignements à inclure dans l’avis varie également, allant de la simple signification de la requête jusqu’à la liste de toutes les personnes qui ont un intérêt dans la succession et une copie du testament[379]. Si des renseignements plus amples et de meilleure qualité étaient accessibles aux bénéficiaires avérés et éventuels dans le cadre de la demande d’homologation, cela pourrait permettre de mieux gérer les attentes et de contribuer à l’absence de conflits dès le départ.

Actuellement, la Règle 74 prévoit la signification de l’avis à « toutes les personnes qui ont droit à une partie de la succession ». Il incombe au requérant de déterminer à qui l’avis doit être signifié; et, pour une personne à qui aucun avis n’a été signifié qui estime avoir peut-être un intérêt dans la succession, il n’existe aucun moyen direct d’obtenir de l’information à l’égard de son droit éventuel. Il est d’ailleurs possible que ces bénéficiaires éventuels ne sachent même pas que le défunt soit décédé.

Une base de données électronique publique sur les décès et les demandes d’homologation contribuerait dans une certaine mesure à informer les personnes qui ont un intérêt éventuel dans une succession de l’existence de celle-ci ainsi que de la personne qui présente une demande de nomination à titre de fiduciaire de la succession. Plusieurs intervenants se sont dits intéressés par la création d’une telle base de données publique sur les successions. Ce pourrait être un autre moyen d’améliorer le processus d’homologation des petites successions grâce aux technologies[380].

La grande difficulté consiste à déterminer quel genre de renseignements devraient être publiquement accessibles dans une base de données sur les successions. L’information contenue dans les testaments et les demandes d’homologation est très personnelle. Certains craignent que des gens renoncent à rédiger un testament ou à demander une homologation s’ils pensent que leurs renseignements particuliers pourraient devenir accessibles au public à cause de cela[381]. Par contre, les testaments sont déjà publiquement accessibles en vertu de l’article 27 de la Loi sur les successions[382]. Une base de données en ligne sur les successions devrait trouver un juste équilibre entre le maintien de l’ouverture du régime d’homologation et la protection de tels renseignements particuliers contre leur libre communication dans la sphère publique[383].

Le fait de nommer les bénéficiaires de la succession dans une base de données publique sur les successions serait particulièrement problématique. Le Bureau de l’avocate des enfants a dit craindre que les mineurs et d’autres personnes vulnérables soient exposés à des dangers si les renseignements liés à leurs intérêts bénéficiaires dans une succession étaient accessibles au public. La CDO reconnaît que cela porterait atteinte à la vie privée de l’ensemble des bénéficiaires, qu’ils soient vulnérables ou non, et c’est pourquoi elle ne recommande pas que les noms des bénéficiaires soient accessibles dans une base de données sur les successions en ligne. Plutôt, cette base de données devrait seulement indiquer le nom et l’adresse du défunt, la date du décès (confirmée par le Bureau du registraire général) ainsi que le nom et les coordonnées du fiduciaire de la succession ou de la personne qui présente une requête en ce sens. Ces renseignements permettraient à toute personne ayant un intérêt éventuel dans la succession de savoir si une demande d’homologation a été déposée, ce qui lui permettrait ensuite de prendre les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts[384].

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande ce qui suit :

15. Que le ministère du Procureur général, en partenariat avec le Bureau du registraire général, crée une base de données en ligne consultable par le public sur les successions en Ontario qui contiendrait les renseignements suivants :

i. le nom et l’adresse du défunt;
ii. la date du décès;
iii. le nom et les coordonnées de toute personne qui présente une requête de certificat de petite succession ou de certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession;
iv. la confirmation de la délivrance d’un certificat.

 

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