A. Évolution de la démographie et des valeurs concernant la mort en Ontario

La façon dont nous envisageons la mort et l’agonie varie selon les époques en fonction de l’évolution des facteurs démographiques (espérance de vie, diversité ethnique et culturelle, total de la population notamment) et des valeurs (touchant la qualité de vie, l’éthique par exemple). La prestation des soins durant les derniers moments de la vie a récemment suscité une vive attention, en raison de plusieurs facteurs sociaux concomitants qui renforcent considérablement la demande de soins : ce sont notamment le vieillissement de la population ontarienne, les avancées des innovations de la médecine qui peuvent prolonger la durée de vie et l’évolution des valeurs concernant le lieu, le moment et les circonstances générales de notre mort[21].

On prévoit dans les prochaines années une augmentation du nombre des personnes en fin de vie en Ontario, ce qui est en partie dû à l’augmentation de l’espérance de vie. Depuis le début du 20e siècle, l’espérance de vie moyenne des Canadiens a augmenté de 24,6 ans[22], chiffre étonnant. En 2011, la durée de vie moyenne des Canadiens était de 82 ans, et l’âge le plus courant au moment de la mort était 85 ans[23]. La proportion des personnes âgées s’accroît. Même si les personnes nées au début du « baby-boom » sont encore relativement jeunes (elles viennent juste d’avoir 70 ans), la proportion des Ontariens âgés va augmenter pendant les prochaines décennies, à mesure que se poursuit le vieillissement de cette génération[24].

Plus d’Ontariens vivent donc plus longtemps, mais avec des maladies chroniques et des besoins complexes qui nécessitent des soins spécialisés[25]. La nature exacte des soins et leur mode de prestation ont également évolué depuis un siècle. L’arrivée d’innovations dans la médecine au milieu du 20e siècle a certes été reliée à la préférence pour les traitements curatifs, qui sont parfois agressifs, mais la CDO a été informée que les Ontariens abordent de nouveau la mort comme un phénomène naturel et social, pas seulement médical. À titre d’exemple, la préférence qui se fait jour en Ontario pour mourir chez soi[26]. Qui plus est, les Canadiens âgés hospitalisés ont majoritairement déclaré souhaiter des mesures de confort en fin de vie plutôt que les traitements classiques visant à prolonger la vie[27].

Les soins palliatifs sont un modèle établi de soins, qui sont axés sur la personne et visent à soulager la souffrance et à apporter des « améliorations notables de la qualité de vie et de l’humeur », et de plus prolonger efficacement la vie[28]. D’ailleurs, des soins moins agressifs, davantage axés sur le confort, ne nuisent pas forcément à la durée de vie. Les patients qui reçoivent rapidement des soins palliatifs réussissent à mieux vivre, par comparaison avec ceux ne recevant que des soins classiques[29]. Des intervenants ont parlé à la CDO de l’évolution des valeurs et des situations qui sous-tend ces données et illustre la fréquence de la préférence pour la qualité de vie plutôt que pour les traitements intrusifs en fin de vie.

La diversité croissante de l’Ontario pourrait enfin avoir une énorme influence sur la mort et l’agonie. Le taux plus élevé de l’immigration depuis la fin des années 1980 explique l’augmentation de la diversité ethnique et culturelle des Canadiens âgés : au moins 1 sur 3 des personnes qui auront 65 ans dans les années 2030 sera peut-être née à l’étranger[30]. La reconnaissance des divers groupes de revendication des droits de la personne – dans les collectivités ethnoculturelles et au-delà – pourrait elle aussi influer sur la prestation des soins.

Dans la mesure où les croyances et les pratiques entourant la mort peuvent varier énormément selon la religion, la culture, l’âge, le sexe et les groupes de revendication de droits, le système ontarien sera amené à dispenser des services fort divers, qui permettent aux personnes et aux collectivités de faire des choix nuancés. Le respect de la diversité de l’Ontario revêt la plus haute importance pour la CDO et fait partie intégrante du projet.

B. Récents débats sur les droits en fin de vie

L’Ontario n’est pas la seule administration qui soit aux prises avec l’accroissement de la demande de soins pendant les derniers moments de la vie. Les autorités fédérales, d’autres provinces et territoires et d’autres pays prennent des mesures pour relever des défis de même nature. Des débats stratégiques sur des questions connexes se déroulent donc à tous les paliers de gestion des affaires publiques, depuis le niveau international jusqu’au niveau local. Les débats mondiaux de premier plan sur les droits en fin de vie sont présentés ci-après, avant que ne soit abordé l’examen en profondeur de la stratégie ontarienne pour des questions particulières.

Le premier sujet à débattre est l’aide médicale à mourir, car celle-ci a récemment fait l’objet d’un grand débat de société. Depuis des dizaines d’années, des personnes et des organisations affirment dans divers forums le droit de recevoir l’aide d’un médecin pour mourir, et en 2016, le Canada a rejoint le petit nombre des pays l’autorisant dans certains cas. L’aide médicale à mourir se fonde sur le principe de la dignité humaine et sur le droit des personnes à décider de comment elles mourront dans les cas où des problèmes de santé leur causent des souffrances intolérables[31].

Les critères d’admissibilité et les procédures de l’aide médicale à mourir varient toutefois selon les ressorts. Celle-ci est parfois accessible aux personnes dont la souffrance est intolérable, mais qui ne sont pas mourantes (personnes handicapées ou malades mentaux par exemple)[32]; au Canada et dans d’autres pays en revanche, elle est considérée comme un dernier recours pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible[33].

Qui plus est, en opposition à la situation dans quelques pays, au Canada, les adultes doivent pouvoir demander l’aide médicale à mourir au moment où ils la reçoivent[34]. Le gouvernement canadien a entrepris d’étudier des critères d’admissibilité élargis, notamment pour les personnes handicapées et les malades mentaux qui ne sont pas mourants, ainsi que pour les personnes souhaitant faire une demande anticipée en prévision d’une incapacité à venir[35]. (Plus de détails en 4.E Aide médicale à mourir).

L’aide médicale à mourir soulève diverses préoccupations, comme par exemple concilier les intérêts des prestataires de services qui s’opposent en conscience à l’aide médicale à mourir, et ceux des malades qui cherchent à y avoir accès, évaluer la capacité de demande l’aide et prévoir des mesures de sauvegarde contre les abus.

Le regain d’attention à l’égard de l’aide médicale à mourir a suscité des préoccupations sur le besoin persistant de soins améliorés qui réussissent à soulager la souffrance de nombreuses personnes[36]. Des intervenants se sont inquiétés de ce que l’aide médicale à mourir détourne des travaux en cours pour renforcer des formes de soin établies, alors que d’autres affirment qu’elle crée une possibilité de dialogue franc qu’il convient de mettre à profit. La CDO souscrit aux déclarations des spécialistes que l’aide médicale à mourir doit être « parmi la gamme des services et des appuis offerts aux Canadiens en fin de vie »[37], sans toutefois diminuer la prise en compte des problèmes touchant les personnes mourantes et celles qui les soutiennent, par exemple l’amélioration des soins palliatifs.

Les soins palliatifs sont désormais acceptés comme le premier modèle de soins pour les mourants, leurs soignants, leur famille et leurs amis[38]. Ces soins ont des dimensions morales et cliniques. En tant que conception de soin, les soins palliatifs visent à aider les personnes, les familles et les soignants à remédier aux problèmes physiques, psychologiques, sociaux, spirituels et pratiques, depuis le diagnostic d’une maladie limitant l’espérance de vie jusqu’à l’agonie et au deuil. Ils mettent l’accent sur la qualité de vie, « renforce[nt] l’autonomie de la personne et lui permet[tent] de participer plus activement à ses propres soins, et donne[nt] aux gens et aux familles l’impression d’avoir une meilleure maîtrise de la situation »[39].

Le fait d’aider à se préparer pour affronter et gérer les choix [de fin de vie], à surmonter la perte et le chagrin, à traiter tous les problèmes courants, à prévenir l’apparition de nouveaux problèmes et à promouvoir la réalisation de soi fait partie des soins palliatifs[40]. Des personnes admissibles à des soins palliatifs peuvent bénéficier de traitements médicaux et d’accompagnement qui reflètent cette conception de soin. Ces traitements peuvent être dispensés dans des équipes comportant des spécialistes, des infirmiers autorisés, des infirmiers praticiens, des travailleurs sociaux, des médecins de famille, des psychologues, des préposés aux services de soutien à la personne et des bénévoles des soins palliatifs.[41]

Il est important de comprendre que les soins palliatifs sont distincts de l’aide médicale à mourir. Le fait de demander celle-ci ne doit pas, ne devrait pas, influer sur l’accès aux soins, palliatifs notamment, et ceux-ci peuvent être dispensés jusqu’au moment du décès.

Malheureusement, la CDO a appris que l’« application des connaissances »[42] dans les soins palliatifs souffre de difficultés majeures, c’est-à-dire qu’il est difficile de diffuser et d’appliquer les connaissances sur la prestation des soins palliatifs dans le système de santé.

En outre, des débats très sensibles, étroitement liés aux soins palliatifs et aux autres formes de protection sociale, ont lieu sur le droit de décider si la personne recevra des traitements salvateurs ou de survie, comme la sonde d’alimentation et la ventilation artificielle. Des questions cruciales se posent dans de telles situations, comme qui peut légalement décider de refuser ou de cesser le traitement quand le patient n’a plus la faculté de décider lui-même – les mandataires spéciaux ou les médecins? – et d’après quels critères? Des organismes de réforme du droit et des ordres de réglementation du monde entier ont étudié la législation applicable dans leur pays, et la CDO a été priée de faire de même dans le projet[43].

Il doit apparaître de la discussion jusqu’à présent que la législation sur la capacité et la prise de décision ne peut être séparée du débat sur les droits en fin de vie. Le consentement éclairé, la planification préalable des soins et la prise de décision au nom d’autrui sont réglementés en vertu de lois distinctes (en Ontario, la LPDNA et la LCSS); ils sont néanmoins des aspects essentiels des soins palliatifs notamment, ainsi que du refus et de l’interruption de traitement.

En particulier, l’utilisation fréquente d’outils professionnels spéciaux pour consigner les volontés, les préférences et les croyances des patients vis-à-vis des traitements communs de fin de vie a fait l’objet de graves critiques[44]. La CDO a appris qu’en Ontario, la « non-réanimation », les « niveaux de soin » et d’autres notions de même nature n’ont pas d’application uniforme dans les établissements de soin, ne sont pas pris en compte par certains prestataires de soins et que la législation y est souvent mal citée. Elle a été priée d’examiner si la conception de nouveaux outils professionnels – modèles de formule pour obtenir le consentement au traitement par exemple – pourrait favoriser des prises de décision judicieuses, qui soient conformes à la loi.

L’accès équitable aux soins est un dernier grand sujet de débat qu’il faut traiter pour chacun des domaines ci-dessus[45]. La qualité des soins au cours des derniers moments de la vie peut varier selon notamment le lieu de résidence, les origines ethniques et culturelles, le revenu, l’identité homosexuelle, bisexuelle ou transsexuelle et le diagnostic médical[46]. On a évoqué dans la section précédente que des recherches démontrent que de nombreuses personnes préféreraient mourir chez elles, et de nombreuses administrations établissent depuis quelques années des priorités pour améliorer les soins à domicile et en milieu communautaire[47]. Et pourtant, les Canadiens continuent de mourir majoritairement à l’hôpital[48].

Étant donné le sens profond que revêt la mort pour chacun de nous et la diversité croissante de l’Ontario, il est urgent que le projet vise à promouvoir l’égalité.

C. Personnes, groupes et institutions concernés

Les questions que la CDO soulève dans le projet concernent tous les Ontariens : chacune et chacun d’entre eux a sa propre mort, et est concerné par celle de ceux qui l’entourent. La CDO constate les avantages de la conception des soins centrée sur la personne pour les mourants et les personnes qui les accompagnent. Elle constate aussi que les personnes appartiennent à des réseaux communautaires dans lesquels le sentiment identitaire, linguistique et les situations peuvent être communs et dont elle doit tenir compte.

Le projet de la CDO concerne, outre les personnes et les groupes, les personnes qui façonnent et appliquent ces lois, dans leur profession, dans les pouvoirs publics et dans les organismes délégués. La CDO se propose de comprendre les difficultés qu’elles rencontrent pour dispenser des services et du soutien aux personnes directement concernées.

On trouvera dans la présente section des renseignements contextuels sur ces groupes.

1. Les mourants

On a expliqué dans l’Introduction le caractère ouvert de la définition de ce que vivent les personnes, soit qu’elles se trouvent en phase terminale de leur maladie, ou qu’elles aient une maladie chronique ou une grande fragilité. Le parcours de ces conditions est différent et varie selon les symptômes, la prévisibilité et les mesures de traitement. La détérioration peut être rapide ou bien durer plusieurs années. De plus, ces conditions peuvent toucher différentes populations de façon inégale.

La CDO est d’avis que les lois doivent pouvoir refléter des objectifs communs pour les soins que reçoivent les mourants, et conserver suffisamment de souplesse pour saisir leur situation personnelle. C’est pourquoi l’éventail complet des conditions qui sont celles des Ontariens et la façon dont elles s’articulent avec leurs moyens de subsistance, avec les établissements de soin et l’accès à des soins adaptés doivent éclairer toute mesure susceptible de modifier des lois.

Ce sont les personnes atteintes de cancer qui reçoivent la plupart des services financés par l’Ontario pour les soins palliatifs[49]. Le cancer est la première cause des décès au Canada[50]. Presque la moitié des Canadiens auront un cancer au cours de la vie, et environ 1 sur 4 en mourra[51]. La vaste majorité des personnes atteintes de cancer a plus de 50 ans (89 %). Mais le cancer peut survenir à tout moment, et est la première cause des décès par maladie chez les enfants de moins de 15 ans[52]. Malgré les avancées des traitements, la Société canadienne du cancer prédit que « le nombre de nouveaux cas de cancer attribuables à la croissance démographique et au vieillissement de la population augmentera »[53]. Le cancer a bien sûr un coût sur les plans notamment affectif et financier pour les malades et pour celles et ceux qui les accompagnent; il a aussi « d’importantes répercussions économiques sur la société canadienne en général[54].

Même si le cancer est la première cause unique de décès, la même proportion de décès est due à quelques autres maladies chroniques, et il y a eu une constatation considérable dans la population de la nécessité de mieux traiter ces maladies[55]. Les maladies circulatoires et respiratoires (cardiopathie, maladie vasculaire cérébrale, bronchopneumopathie chronique obstructive par ex.) sont ensemble la cause de 29,8 % des décès au Canada (figure 1)[56].

D’autres maladies sont certes moins prévalentes, mais affectent profondément un nombre import d’Ontariens, lesquels ont droit à l’égalité de traitement devant la loi. À titre d’exemple, environ 27 000 Ontariens sont séropositifs, et il y a chaque année 1000 nouveaux diagnostics de séropositivité[57]. Cinq populations sont à risque : les hommes homosexuels et bisexuels, les Ontariennes et Ontariens d’origine africaine ou caribéenne, les consommateurs de drogues injectables, les Autochtones et les femmes (qui appartiennent à ces groupes ou ont des rapports avec eux)[58]. Quelques-unes de ces personnes font l’expérience [traduction] « de revenus faibles, du chômage, de la dépression, de la dépendance, des troubles cognitifs et de la stigmatisation »[59]. La planification à long terme demeure préoccupante. L’apparition des troubles neurocognitifs associés au sida est plus précoce que celle de la maladie d’Alzheimer. La prévalence de formes bénignes de ces troubles est élevée – 50 à 60 %; elle est de 2 à 3 % pour les formes plus graves[60]. La prévalence n’équivaut pas forcément au fait de savoir; les troubles sont une surprise pour beaucoup et peuvent être à la source d’inquiétudes touchant la planification de leurs finances, l’accessibilité des services pour les séropositifs ou les autres moyens de traiter la vulnérabilité issue de la stigmatisation qui se rejoint touchant la démence, le diagnostic de séropositivité, ainsi que l’homosexualité, la bisexualité, et la transsexualité.

La sclérose en plaques, la sclérose latérale amyotrophique, les maladies rénales et la maladie d’Alzheimer sont d’autres exemples de maladies progressives, moins fréquentes, pouvant se développer lentement, mais entraînant la mort et justifiant des soins personnalisés de qualité élevée. De nombreuses organisations communautaires visent la maladie d’Alzheimer, car son incidence progresse, les personnes âgées constituant désormais une proportion plus élevée de la population ontarienne[61]. Dans les décès dus aux maladies chroniques, c’est cette maladie qui a connu la plus forte augmentation au Canada, de 2000 à 2009 (25,4 %)[62].

Forme la plus commune de la démence, la maladie d’Alzheimer pose des difficultés particulières à mesure qu’elle avance, car il s’agit [traduction] « d’un syndrome progressif, essentiellement irréversible, caractérisé par une perte des fonctions cognitives assez grave pour toucher le fonctionnement social ou professionnel »[63]. Le projet de la CDO a ainsi établi que la planification préalable des soins, judicieuse et légitime, représente un domaine important du droit pour ce groupe d’Ontariens.

Avant de mourir, environ 90 % des personnes avec un diagnostic de démence passent de la vie dans leur collectivité à des séjours en établissement de soins de longue durée[64]. Le rapport entre démence et soins de longue durée illustre la relation solide entre la maladie et le lieu où les malades se trouvent placés dans le système ontarien. La CDO a constaté de plus que certains établissements de soin sont plus ou moins bien équipés pour s’occuper particulièrement des mourants, ce qui entraîne des disparités d’accès fondées sur la maladie.

L’expérience vis-à-vis de l’agonie et de la mort est non seulement influencée par la maladie, mais aussi par des facteurs – accès à l’information par les malades, leur lieu de résidence, soutien non officiel – qui peuvent déterminer la possibilité ou non d’accéder à des traitements médicaux et d’accompagnement convenables. La CDO tente donc ici dans la mesure du possible d’illustrer les liens entre les facteurs sociaux, l’accès aux soins et le rôle des cadres du droit.

La CDO espère en apprendre davantage sur ces liens au cours de ses consultations.

2. Les aidants, la famille, les amis

Le fait que la législation gêne ou appuie les aidants influe fortement sur leur capacité de soutenir les mourants et sur leur propre bien-être.

À un moment donné de leur vie, la plupart des Ontariens aideront un proche ou un ami[65]. Jusqu’à 75 % des soins sont dispensés au Canada par des personnes non rémunérées, et 97 % des Ontariens qui reçoivent des soins chez eux sont aidés par des soignants[66]. Du fait du vieillissement de la population ontarienne et du [traduction] « passage affirmé de formes de soins institutionnelles en milieu hospitalier à des soins à domicile dans la collectivité »[67], le rôle majeur que les soignants occupent dans le système de santé devient encore plus essentiel[68].

Au Canada, les problèmes liés au vieillissement sont les raisons les plus souvent invoquées pour fournir des soins, mais une proportion égale de personnes se fait aider pour gérer des maladies chroniques et plus d’un quart des aidants (28 %) se sont occupés de malades en phase terminale[69]. En Ontario précisément, Qualité des soins de santé Ontario (QSSO) estime que 35 000 personnes par an sont des aidants pour les derniers moments de la vie, chez les malades ou dans des foyers de soins de longue durée[70].

À mesure que se détériore leur état, les personnes en fin de vie ont « de plus en plus besoin d’aide avec les tâches quotidiennes »[71]. Ces personnes et leurs aidants sont aux prises avec les incidences de pathologies avancées, symptômes tout autant que demandes d’ordre pratique. Les aidants prêtent leur soutien par des activités fort diverses – réconforter, faire les courses, ménage, transporter, coordonner les rendez-vous, veiller à la prise des médicaments, aider à la toilette[72].

Des aidants ont déclaré à la CDO qu’il peut être incroyablement difficile de gérer le temps et le travail nécessaires pour ces tâches quotidiennes en l’absence de soutien (prestations rémunérées, services de relève par exemple), et que la législation et le cadre stratégique de l’Ontario font défaut à cet égard.

Le travail des aidants dans la province comporte donc des aspects positifs et des difficultés. Selon les recherches menées sur les points de vue des aidants, la plupart d’entre eux exercent cette fonction parce qu’ils le veulent[73]. Beaucoup y trouvent du sens et éprouvent des sentiments de réciprocité dans leurs rapports avec les malades dont ils s’occupent[74]. Selon The Change Foundation, [traduction] « s’occuper de malades peut apporter des joies incroyables, des relations enrichissantes, de la satisfaction personnelle et de la profondeur à la vie; le travail peut être valorisant et transformer la vie » [75].

Il est primordial de constater toutefois la précarité fréquente des conditions de travail des aidants. QSSO a conclu dans un rapport sur les mesures visant les aidants auprès des mourants :

[traduction] Il peut être pénible de dispenser des soins non officialisés aux mourants, et des études ont démontré que cela peut nuire à la santé des aidants – troubles du sommeil, épuisement, détresse psychologique (dépression et anxiété), risque accru de mortalité. Des études ont également montré que les aidants ont souvent des difficultés financières. Il faut de plus constater que davantage de personnes travaillent à présent en dehors de leur domicile, ce qui ajoute peut-être au fardeau de dispenser des soins non officialisés[76].

Le présent document de travail analyse la pertinence des mesures de soutien de l’Ontario qui visent à atténuer les difficultés telles que celles exposées ci-dessus.

La CDO étudie aussi les besoins de la famille et des amis, qui ne sont peut-être pas des aidants, mais sont néanmoins touchés par le décès d’un proche. À l’instar des aidants, la famille et les amis sont des intervenants importants du projet de la CDO, car ils sont dans le deuil. Ils peuvent de plus se charger des questions pratiques dont il faut s’occuper après un décès – obtenir le certificat de décès, organiser les funérailles. Il incombe donc à la CDO d’étudier l’état actuel des prestations que reçoivent la famille et les amis (congé professionnel, counselling par exemple), et les difficultés connexes.

  • Des renseignements détaillés sur les services et les mesures de soutien actuels pour les aidants, la famille et les amis, et sur les difficultés qu’ils éprouvent figurent en D.1.

3. Les spécialistes

Il existe une grande variété de spécialistes qui dispensent des services et des mesures de soutien dans ce domaine, notamment les suivants.

Les prestataires de soins : dans ce contexte, l’expression s’entend des médecins de famille, des médecins spécialistes, des infirmiers autorisés, des infirmiers praticiens, des travailleurs sociaux, des préposés aux services de soutien à la personne et des bénévoles des soins palliatifs, des pharmaciens, des psychologues et des psychiatres. Ils exercent dans des milieux divers, sont assujettis à des réglementations distinctes et peuvent bénéficier de financement en vertu de divers arrangements. Les soins palliatifs mettent l’accent sur la coordination des services dans des équipes interprofessionnelles et sur le renforcement des capacités chez les prestataires, de sorte que tant les spécialistes que les prestataires de base puissent répondre aux besoins fondamentaux des patients. Les prestataires de soins travaillent en première ligne et interagissent au plus près avec les mourants et avec les personnes qui les accompagnent.

Les juristes : ceux qui s’intéressent au projet sont notamment des centres d’aide juridique tels que l’Advocacy Centre for the Elderly et l’ARCH Disability Law Centre, et des avocats spécialistes de la santé, des fiducies et des successions. Outre les juristes qui ont des connaissances spécialisées du domaine, des avocats généralistes sont appelés à prêter leur assistance dans des questions connexes – rédaction de procurations, planification de successions, représentation dans des différends.

Les éthiciens : ceux-ci élaborent et appliquent des cadres d’analyse en vue de régler des points de controverse dans lesquels se croisent des points de vue, notamment ceux de la médecine, du droit, de la philosophie et de l’éthique. Les éthiciens qui exercent dans le domaine travaillent avec des établissements, des pouvoirs publics, des organismes délégués et des instituts de recherche à mener des études, à rédiger des orientations et à arbitrer des prises de décision fondées sur des cas concrets.

Les exploitants d’établissement : le terme « établissement » désigne les hôpitaux, les foyers de soins de longue durée, les maisons de soins palliatifs, les cliniques communautaires et les autres institutions qui surveillent la prestation des services dont elles sont chargées. Quelques hôpitaux disposent par exemple de services et d’équipes de consultation pour les soins palliatifs, et des foyers de soins de longue durée sont tenus par la loi de dispenser des soins en fin de vie[77].

Les universitaires, les éducateurs et les formateurs : la CDO a été informée que le manque de formation des spécialistes qui côtoient régulièrement des mourants inquiète beaucoup. Par ailleurs, la population dispose de peu d’informations sur des sujets pertinents – admissibilité aux services, consentement au traitement par exemple. Il est donc indispensable d’associer au projet les ordres de réglementation, les associations professionnelles et les universitaires qui enseignent le droit et les sciences de la santé. Outre la formation, les universitaires facilitent beaucoup l’accès à des recherches fiables.

4.   Les organismes publics et délégués

Les principaux organismes publics et délégués présentés ci-après sont indiqués à la figure 2 en 4.B.2, Le système ontarien des soins dispensés en fin de vie et financés par le secteur public.

Pouvoirs publics ontariens : au premier chef responsable de la santé en Ontario, le MSSLD fixe les priorités de l’ensemble du secteur et exerce une fonction de gestion axée sur la planification stratégique, l’élaboration des orientations, les investissements, le rendement et la reddition des comptes dans le système entier[78]. Le MSSLD planifie, finance et contrôle directement certains services; il délègue la majorité du financement et de l’administration à des organismes externes comme les réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) et Action cancer Ontario. À titre d’exemple, le MSSLD finance les maisons de soins palliatifs et les médecins et dirige la mise en place d’une stratégie des soins palliatifs et des soins de fin de vie[79]. Les questions soulevées dans le cadre du projet concernent également d’autres ministères ontariens – ministère du Procureur général, ministère des Services sociaux et communautaires, ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, Bureau du tuteur et curateur public, Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l’Ontario, Bureau du coroner en chef.

Réseau ontarien de soins palliatifs : le ROSP est un partenariat d’intervenants communautaires – prestataires de services, QSSO, RLISS, Action cancer Ontario, planificateurs du système de santé, patients, familles. Il a pour mandat d’être le principal conseiller du gouvernement ontarien pour les soins palliatifs. Il a la responsabilité des actions d’amélioration de la qualité, des mesures des données et du rendement, de la coordination des soins palliatifs dans la santé en Ontario, ainsi que de la mise en œuvre régionale favorable de soins palliatifs de qualité et de valeur élevées dans la province.

Réseaux locaux d’intégration des services de santé : organismes d’État, les 14 RLISS ontariens planifient et financent des services de santé considérables – hôpitaux, foyer de soins de longue durée, services de soutien en milieu communautaire, et en contrôlent la reddition des comptes. Aux termes du projet de loi 41, Loi de 2016 donnant priorité aux patients, qui a reçu la sanction royale le 8 décembre 2016[80], les RLISS exercent une responsabilité accrue pour les soins primaires, la coordination du placement dans des foyers de soins de longue durée ainsi que pour les soins à domicile et en milieu communautaire (ceux-ci sont jusqu’à présent pris en charge par les centres d’accès aux soins communautaires (CASC)). Les soins à domicile sont destinés aux personnes qui peuvent vivre de façon autonome, tout en recevant des services infirmiers, d’aide familiale et de soutien à la personne[81]. Les RLISS sont mandatés pour promouvoir l’intégration des services de santé dans leur région. Chacun dispose, pour appuyer ce mandat, d’un réseau de soins palliatifs qui rassemble des intervenants en vue de renforcer la qualité et l’intégration des services. La planification et la mise en œuvre au niveau local se feront dans la structure de gestion de ces 14 RLISS, en vue de garantir une démarche d’ensemble, axée sur les patients, relativement des soins palliatifs. Les réseaux sont reliés par l’intermédiaire du Provincial-End-of-Life Network, qui favorise les orientations stratégiques, la collaboration et la diffusion des méthodes exemplaires[82]. Les RLISS sont des participants majeurs du ROSP.

Action cancer Ontario : le MSSLD a conféré à Action cancer Ontario le mandat d’améliorer les services de cancérologie et de néphrologie, ainsi que l’accès aux principaux soins de santé, par le biais d’orientations stratégiques et de financements avec des établissements et des prestataires de services. Action cancer Ontario crée et entretient des systèmes d’information, établit des lignes directrices et des normes, suit le rendement de l’ensemble du système et dispense des soins localement par l’intermédiaire des 14 programmes régionaux qui correspondent aux RLISS régionaux. Action cancer Ontario consacre des ressources considérables à l’amélioration des soins palliatifs, par exemple en élaborant des normes fondées sur des données probantes et teste des outils de dépistage précoce[83].

Qualité des soins de santé Ontario : société d’État, QSSO collecte et analyse des données sur la qualité des soins de santé en Ontario, en partie par l’examen des rapports sur le rendement (« plans d’amélioration de la qualité ») que les organismes de santé sont tenus de remettre chaque année. QSSO rend ses rapports publics, et conseille les pouvoirs publics et les prestataires de soins sur des données destinées à appuyer des améliorations[84]. QSSO a mené des recherches en vue de produire un cadre des données pour les soins de fin de vie[85]. QSSO est un participant majeur du ROSP.

Ordres de réglementation et associations professionnelles : les premiers surveillent les responsabilités des professions de la santé et à cette fin, rédige des lignes directrices, des normes de pratique ainsi que des orientations, et veillent à leur application. Les secondes défendent les intérêts de leurs membres en consultation avec les pouvoirs publics et les ordres de réglementation. Les ordres et les associations de l’Ontario ont publié des documents sur les soins palliatifs et de fin de vie, sur la prise de décision et sur l’aide médicale à mourir[86].

Tribunaux administratifs : au nombre de trois, ils tranchent les différends relatifs aux soins durant les derniers moments de la vie. La Commission du consentement et de la capacité décide des différends relatifs à la capacité et à la prise de décision, notamment des problèmes sur le point de savoir s’il convient que le mandataire spécial consente aux traitements de fin de vie. La Commission d’appel et de révision des professions de la santé (CARPS) examine le caractère raisonnable des conclusions des comités de plainte des ordres de réglementation sur des affaires de déontologie, par exemple sur le point de décider si les prestataires de soins ont respecté les normes de pratique pour dispenser des soins palliatifs. Enfin, la Commission d’appel et de révision des services de santé (CARSS) se prononce sur les plaintes sur l’admissibilité à des services à domicile et en milieu communautaire que des comités de plaintes préalablement désignés ont rejetées.

Bureau de l’ombudsman des patients : la fonction d’ombudsman des patients a récemment été ajoutée au système ontarien de la santé, avec la première nomination en décembre 2015[87]. L’ombudsman a notamment pour attributions de répondre aux plaintes non résolues des patients et des fournisseurs de soins à propos sur l’expérience des patients dans un organisme de santé – hôpitaux, foyers de soins de longue durée, centres de coordination des soins à domicile[88]. Le Bureau fonctionnant depuis peu, on dispose de peu d’informations pour comprendre sa fonction et son efficacité. Son mandat est notamment de répondre aux plaintes des patients et des fournisseurs, d’enquêter sur les organismes de la santé pour donner suite à une plainte ou de son propre chef, de faire des recommandations à ces derniers, de présenter des rapports au MSSLD et des recommandations annuelles et de présenter s’il y a lieu des rapports aux RLISS[89].

5. Les organismes communautaires

Quelques organismes communautaires collaborent avec des spécialistes dans ce domaine du droit, dont le travail recoupe le leur. Ils ont toutefois des intérêts distincts, en ce qu’ils défendent les droits de leurs membres.

Organismes de défense des droits : ceux qui militent pour les patients, les personnes âgées, les personnes handicapées et les aidants s’intéressent au projet. Ils ont souvent mené des recherches et des travaux de réforme du droit, et publié des documents de vulgarisation. Hospice Palliative Care Ontario (HPCO) milite au premier rang dans ce domaine, et assure le secrétariat de Quality Hospice Palliative Care Coalition of Ontario, à laquelle adhèrent notamment des associations et des organisations provinciales – universités, organismes communautaires, associations professionnelles.

Groupes confessionnels et communautés culturelles : pour les personnes, les familles, les prestataires de soins et les groupes, la religion et la culture influencent fortement les croyances et les pratiques qui entourent la mort. Ces dernières années, des responsables de groupe confessionnel ou culturel ont commencé à aborder des notions d’éthique vis-à-vis des derniers moments de la vie, certains ayant même pris position sur le bien-fondé de différents types de traitement. Ils peuvent aussi participer au soutien des mourants, en dispensant des conseils, en dirigeant des prières, en arbitrant les différends et en exécutant des rites après le décès.

D.    Questions à discuter

1.Faudrait-il prendre en compte dans le cadre du projet de la CDO d’autres personnes, groupes et institutions qui sont concernés?

2. La CDO devrait-elle avoir connaissance d’autres débats récents ou d’autres cadres législatifs?