Le chapitre Un présente quelques renseignements de nature générale et contextuelle qui sont utiles pour comprendre le fonctionnement des lois ontariennes concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, et pour analyser quelques-unes des questions liées à la réforme du droit. Il présente tout d’abord la toile de fond de la prise de décision, puis quelques faits sur le régime législatif ontarien et son historique ainsi que sur les personnes concernées par ce domaine du droit et le contexte de fonctionnement de celui-ci.

A.    La prise de décision et le droit

1.     L’importance de la prise de décision

À tout instant, nous prenons des décisions. Grandes ou petites, ordinaires ou exceptionnelles, simples ou complexes, les décisions sont importantes, elles sont l’expression de nos valeurs et de notre identité, elles sont des possibilités d’apprendre de nos réussites et de nos erreurs, elles sont le moyen fondamental par lequel nous modelons notre vie. Selon la Commission de réforme du droit du Queensland, [traduction] « Prendre des décisions […] permet aux gens d’avoir prise sur leur vie en leur permettant d’exprimer leur individualité. Cela leur permet de contrôler leur vie et leur procure le sentiment de se respecter et de la dignité[8] ». Au niveau personnel, la prise de décision est liée à l’autonomie, à la dignité, à la sécurité et à d’autres valeurs fondamentales.

La prise de décision comporte un aspect public et un aspect personnel. Elle est aussi liée, dans nos échanges avec des personnes ou des organisations, à d’autres valeurs – clarté, certitude, responsabilité par exemple. Il est important pour des tiers à qui l’on demande de se fier à nos décisions ou de les appliquer de s’assurer qu’ils comprennent la décision prise, qu’ils peuvent s’en remettre à sa finalité et que toutes les parties peuvent être tenues responsables de leur part de la décision. Dans la sphère publique, le droit exerce une fonction importante pour déterminer par exemple quand un accord est valide, quand nous pouvons compter dessus, quand une violation d’accord engage la responsabilité d’une partie.

La prise de décision désigne à la fois le processus et le résultat. Dans la sphère privée comme dans la sphère publique, on peut attacher beaucoup d’importance à la qualité du processus décisionnel. En droit par exemple, le contrat peut être annulé en cas d’« abus d’influence » ayant vicié le processus décisionnel de l’une des parties et entraîné un résultat injuste. Dans la sphère privée, le processus décisionnel a en lui-même de la valeur, outre le bien-fondé de la décision finale : on peut considérer que le « bon » processus décisionnel (peu importe ce que l’on pense que cela puisse être) renforce la dignité du décideur, favorise la croissance personnelle ou affirme ses convictions, son individualité et son autonomie.

 

2.     Objets du droit relatif à la capacité et à la tutelle

Les lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle ayant une très longue histoire, il ne faut pas se surprendre que l’on estime qu’elles réalisent des objectifs différents. La réforme moderne du droit dans ce domaine a formulé plusieurs objets pour le droit relatif à la capacité et à la tutelle. La Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé (LCSS) expose clairement ses objets dans son premier article, tandis que ceux de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui (LPDNA) doivent être déduits à partir de l’examen de l’ensemble de la loi, et de façon générale, exprimés de la façon suivante :

  1. faciliter s’il y a lieu la prise de décisions pour les personnes reconnues comme n’ayant pas la capacité juridique;
  2. prévenir les immixtions injustifiées dans la vie des personnes jouissant de la capacité juridique et dans les décisions qu’elles prennent;
  3. reconnaître et promouvoir le rôle de la famille et des amis qui soutiennent les personnes reconnues comme n’ayant pas la capacité juridique; et prévoir des mécanismes décisionnels à employer en dernier recours pour les personnes qui n’ont pas le soutien de leur famille ou de leurs amis;
  4. aider les personnes à prévoir la possibilité d’être reconnues à l’avenir comme n’ayant pas la capacité juridique;
  5. prévoir des garanties contre l’exploitation des personnes reconnues comme n’ayant pas la capacité juridique;
  6. prévoir à l’égard de la prise de décision au nom d’autrui des règles et des principes qui sont clairs et qui favorisent à la fois l’autonomie et la sécurité élémentaire des personnes reconnues comme n’ayant pas la capacité juridique;
  7. garantir des protections procédurales élémentaires aux personnes qui n’ont pas la capacité juridique ou à celles pour lesquelles celle-ci est en cause.

 

3.     Les limites du droit

Les lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle ne sont et ne sauraient être que des réponses partielles à des questions pratiques, éthiques et sociales complexes. Il importe, pour comprendre ce domaine du droit, de tenir compte de la complexité de la dynamique familiale, des enjeux suscités par l’insuffisance des ressources à la disposition des personnes handicapées et de leur famille, des questions éthiques que soulèvent pour les familles et les prestataires de services leurs relations avec des personnes qui risquent d’être exploitées ou qui ont de la difficulté notamment à s’affirmer ou à se défendre.

Ces lois existent dans le contexte plus vaste d’attitudes et de structures sociales qui en favorisent ou en restreignent l’efficacité. On a beaucoup souligné lors du processus de consultation préliminaire de la CDO la grave pénurie de ressources communautaires pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées. Des institutions et des services comme les hôpitaux, les services communautaires de santé mentale et les soins à domicile manquent souvent des ressources nécessaires pour dispenser des soutiens suffisants à des personnes malades, fragiles ou handicapées. La famille et les amis agissent comme des soignants non rémunérés, souvent à la limite de leurs capacités, pour tenter d’aider leurs proches à vivre de façon indépendante et digne dans la collectivité. Dans ces circonstances, il faut prendre des décisions difficiles, et on peut considérer que les lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle sont des outils pour faire face à des problèmes douloureux et difficiles ou on peut tenter de les utiliser à cette fin.

Aucun régime législatif ne peut à lui seul bien couvrir toutes ces questions. Aucune réforme du droit ne peut fournir à toutes les personnes isolées et vulnérables des membres de la famille qui les épaulent, empêcher les personnes à risque d’être maltraitées, ni garantir que les personnes fragiles, malades ou handicapées reçoivent toujours les mesures de soutien qu’elles méritent et qu’elles nécessitent. Il vaut mieux envisager la réforme du droit dans ce domaine comme un fil, certes vital, dans un débat plus vaste sur les droits et le rôle des personnes handicapées et des personnes âgées, sur la responsabilité des familles, des collectivités et des pouvoirs publics de fournir des mesures de soutien, et sur le degré et le type de risque que selon nous, des personnes, en particulier celles qui sont vulnérables, peuvent assumer.

L’application des lois sera influencée par les normes et les attitudes sociales, ici celles relatives à l’incapacité, au vieillissement et au risque. Ainsi que l’ont souligné les projets-cadres de la CDO, tant les personnes âgées que les personnes handicapées font l’objet de paternalisme constant et d’attitudes restrictives à propos de leur capacité d’agir et de choisir par elles-mêmes. De telles attitudes peuvent influer sur l’application des lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, et restreindre l’efficacité de quelques-unes des dispositions destinées à protéger l’autonomie des personnes qu’elles visent. Le droit peut certes contribuer à faire évoluer les normes, mais à lui seul il ne peut les transformer. Il est probable que la mise en application de lois nouvelles sera elle aussi touchée par les attitudes qui façonnent actuellement les lois en vigueur.

 

  • QUESTION À ABORDER : quels devraient être le ou les objets premiers de ce domaine du droit?

 

B.    Quelques éléments de l’historique législatif

L’actuel régime législatif ontarien concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle est issu des formidables travaux de réforme menés à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Les lois ontariennes de l’époque, la Loi sur l’incapacité mentale, la Loi sur la santé mentale, la Loi sur les procurations, la Loi sur les hôpitaux publics par exemple, étaient généralement considérées comme fragmentées, désuètes, lourdes et inadaptées aux réalités modernes[9]. Trois actions distinctes de réforme du droit ont été menées alors. En définitive, même si elles ont profondément influencé la législation actuelle, comme en témoigne celle-ci, que nous présentons plus loin en C, tous les aspects des recommandations des divers comités n’ont pas été adoptés. En particulier, les dispositions législatives promulguées comportaient des mécanismes de défense, de soutien et de contrôle bien moindres.

1.   Comité consultatif sur la substitution des pouvoirs décisionnels des personnes frappées d’incapacité mentale (Comité Fram) : en 1984, le procureur général de l’Ontario a nommé un comité, que dirigeait Stephen Fram, pour [traduction] « examiner toutes les facettes du droit régissant la prise de décision au nom d’autrui pour les personnes frappées d’incapacité mentale et recommander les révisions de ce droit qui s’imposent vis-à-vis de ce droit[10] ». Publié en 1987, le rapport final du Comité (le rapport Fram) a établi les valeurs qui sous-tendent ce domaine du droit : protection contre les interventions inutiles, liberté de choisir, vivre dans la collectivité grâce à l’accès au soutien[11]. Voici quelques-unes des principales thèses :

  • compréhension de la fonction du mandataire spécial qui vise à maximiser l’autonomie des personnes reconnues incapables, y compris les exigences relatives aux désirs exprimés antérieurement à l’incapacité et l’obligation de soutenir la participation des personnes reconnues incapables de décider;
  • insistance sur la qualité de mandataire spécial des membres de la famille et habilitation de ceux-ci, en particulier par des réformes de la législation portant sur la procuration, la tutelle étant le dernier recours;
  • procurer des moyens de défense et de soutien aux personnes qui relèvent du droit, y compris des avis sur leurs droits dans une grande variété de situations, afin de faire respecter les valeurs qui sous-tendent le droit;
  • fonction d’ « assurance vis-à-vis de la sécurité publique » pour le tuteur et curateur public (TCP), qui aurait le pouvoir de surveiller les procureurs et les tuteurs privés, d’être mandataire spécial en dernier recours, d’assurer une fonction de formation et d’agir en cas d’urgence dans des situations de négligence, d’abus ou d’exploitation des personnes n’ayant pas la capacité juridique.

2.   Comité sur l’enquête sur la capacité mentale (Enquête Weisstub) : le ministère de la Santé a lancé en 1988 une enquête sur la capacité mentale, menée par un comité que présidait le professeur David N. Weisstub. Le Comité a été chargé d’élaborer un ensemble de normes pour décider de la capacité mentale en vue de prendre des décisions touchant les soins de santé et la gestion des affaires financières, ainsi que pour la nomination des mandataires spéciaux. Selon le rapport final de l’Enquête Weisstub, le processus de détermination de la capacité doit respecter le principe de l’autonomie et celui de l’intérêt véritable, tout en reflétant l’importance de la proportionnalité, de la simplicité administrative et de la pertinence[12]. Le Comité recommandait dans son rapport final de codifier la présomption de capacité, la conception cognitive de la nature de la capacité, des critères situationnels de détermination de la capacité, des délais pour la détermination de la capacité ainsi que des protections procédurales pour les personnes dont la capacité est en cours de détermination[13].

3.   Groupe d’examen des mesures d’intervention en faveur des adultes vulnérables (rapport O’Sullivan) : le procureur général de l’Ontario a annoncé fin 1986 un examen des mesures d’intervention en faveur des adultes vulnérables, par un groupe que présidait le père Sean O’Sullivan, pour répondre à des préoccupations concernant [traduction] « le besoin de défense non juridique qu’ont les adultes vulnérables vivant en institution et dans la collectivité et qui pour l’instant n’est pas satisfait[14] ». Le Groupe a établi plusieurs objectifs pour un régime d’intervention en Ontario, notamment fournir des garanties contre la tutelle inutile, être indépendant, encourager la faculté d’intervenir pour soi-même (liberté de choisir) quand cela est possible, renforcer le rôle de la famille et des amis, vulgariser, mettre fin aux stéréotypes et déstigmatiser, faire preuve de souplesse, de réactivité, favoriser la collaboration avec les prestataires et les ministères, être accessible, savoir se réformer (s’efforcer d’améliorer les programmes), faire preuve d’autorité, être responsable[15]. Sean O’Sullivan a recommandé dans son rapport la mise en place d’une commission d’intervention qui élaborerait des normes et des procédures, et celle de bureaux régionaux dirigés par des conseils communautaires avec un personnel de coordonnateurs des interventions. Ces bureaux régionaux aideraient à élaborer et à financer correctement des programmes locaux adaptés aux besoins des adultes vulnérables dans leur propre collectivité.

Ce travail complet de réforme du droit a constitué la base des réformes législatives ontariennes du début des années 1990, l’Ontario disposant de ce fait de l’un des régimes juridiques les plus complets et les plus homogènes concernant la capacité et la prise de décision au Canada. Il a été qualifié [traduction] « de moderne, de coordonné à l’interne et de relativement rigoureux[16] ».

En 1991, le gouvernement ontarien a déposé trois nouveaux textes législatifs régissant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle : la Loi de 1992 sur le consentement au traitement, la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui (LPDNA) et la Loi de 1992 sur l’intervention[17]. La Loi de 1992 sur le consentement au traitement et la Loi de 1992 sur l’intervention ont été l’objet de débats et de controverses considérables. Selon des critiques, l’action sur l’intervention était [traduction] « un coûteux désastre bureaucratique (en période de restrictions budgétaires), qui allait envahir la vie privée des familles et s’ingérer dans les compétences des groupes professionnels[18] ». La Loi de 1992 sur l’intervention a été abrogée en 1995 consécutivement à un changement de gouvernement, et la Loi de 1992 sur le consentement au traitement a été remplacée par la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé actuellement en vigueur. On comprend mieux quelques aspects du régime législatif actuel si l’on prend en considération le fait qu’initialement, celui-ci avait été conçu pour inclure le régime ambitieux et complet visant l’intervention que prévoyait la Loi de 1992 sur l’intervention. Celle-ci prévoyait l’admissibilité généreuse à des avis sur les droits ainsi que la création avec des fonds publics d’une commission d’intervention, mandatée pour intervenir au niveau à la fois des personnes et des systèmes au nom d’adultes qui, en raison de leurs difficultés mentales ou physiques, font face à des obstacles pour s’exprimer ou agir comme ils le souhaitent ou pour décider de leurs droits ou les exercer. Autrement dit, le système était fondé sur la mise à disposition de ressources importantes destinées à appuyer l’autonomie des personnes handicapées et à protéger leurs droits.

Le régime législatif qui en a résulté, soit la LPDNA, la LCSS et la partie III de la Loi sur la santé mentale (LSM), est présenté brièvement à la section qui suit.

 

C.    Le contexte juridique ontarien actuel

On ne se propose pas ici de détailler le régime législatif ontarien de la capacité juridique, de la prise de décision et de la tutelle, mais plutôt de présenter un aperçu des éléments fondamentaux des grandes lois et de leur esprit général. Des dispositions particulières sont détaillées au besoin dans les chapitres pertinents, afin de comprendre des points précis de réforme du droit et les modes de réforme possibles.

 

1.     Les textes fondateurs

Il faut saisir le régime législatif ontarien concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle au regard de plusieurs lois canadiennes et de plusieurs internationaux qui en sont le fondement et qui régissent le droit ou en façonnent l’interprétation et l’application.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées

L’instrument le plus considérable créé par les juristes internationaux pour promouvoir les droits des personnes handicapées est la Convention relative aux droits des personnes handicapées (Convention, CRDPH)[19]. Elle a codifié les engagements des juristes internationaux à l’égard des droits des personnes handicapées, en détaillant ceux dont jouissent toutes les personnes handicapées et en exposant les obligations des États parties en vue de protéger ces droits. Elle a pour objet de « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque ». Reflétant le modèle social pour l’incapacité ainsi que celui fondé sur les droits de la personne, elle insiste en conséquence sur le fait que la société doit s’adapter aux situations et aux réalités particulières des personnes handicapées afin de garantir qu’elles sont respectées et intégrées. La Convention reconnaît une grande variété de droits précis, notamment ceux-ci : 

  • le droit de vivre dans la société;
  • le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne;
  • le droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance;
  • le droit au respect de son intégrité physique et mentale;
  • le droit au respect de la vie privée;
  • le droit à la liberté d’expression;
  • le droit à un niveau de vie adéquat;
  • le droit de participer à la vie politique, publique et culturelle.

Le Canada a ratifié la Convention en mars 2010 et s’est engagé « à [a]dopter toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la […] Convention[20] ». Le mode de mise en application du traité par le Canada dans ses lois nationales est cependant flexible; le législateur [traduction] « contrôle entièrement ses propres lois et peut décider d’ignorer les obligations internationales du Canada, même si cela constituerait un manquement à celles-ci[21] ».

La répartition constitutionnelle des pouvoirs entre le fédéral et les provinces complique davantage encore la mise en application de la Convention au Canada. Le pouvoir fédéral négocie les accords internationaux au nom de l’ensemble du pays, alors que le pouvoir provincial a souvent la charge de les mettre en application dans le droit provincial. La question de la capacité juridique relève traditionnellement de la compétence des provinces aux fins de la mise en application[22]. Les provinces et le gouvernement fédéral se sont longuement consultés pendant la négociation de la Convention[23]. 

L’article 12 reproduit ci-dessous est particulièrement important pour le projet. Ses répercussions sur les lois ontariennes sont considérées comme pertinentes pour l’ensemble du document de travail. Il faut toutefois préciser que le Canada a présenté une déclaration et une réserve à l’égard de l’article, selon lesquelles sa compréhension de l’article autorise les arrangements relatifs à la prise de décision au nom d’autrui et ceux fondés sur des mesures de soutien si les circonstances s’y prêtent. Dans un commentaire général récent, le Comité des Nations Unies des droits des personnes handicapées expose son interprétation de l’article 12.

CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES : ARTICLE 12

  1. Les États Parties réaffirment que les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique.
  2. Les États Parties reconnaissent que les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres.
  3. Les États Parties prennent des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique.
  4. Les États Parties font en sorte que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique soient assorties de garanties appropriées et effectives pour prévenir les abus, conformément au droit international des droits de l’homme. Ces garanties doivent garantir que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, soient exemptes de tout conflit d’intérêts et ne donnent lieu à aucun abus d’influence, soient proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée, s’appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire. Ces garanties doivent également être proportionnées au degré auquel les mesures devant faciliter l’exercice de la capacité juridique affectent les droits et intérêts de la personne concernée.
  5. Sous réserve des dispositions du présent article, les États Parties prennent toutes mesures appropriées et effectives pour garantir le droit qu’ont les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, de posséder des biens ou d’en hériter, de contrôler leurs finances et d’avoir accès aux mêmes conditions que les autres personnes aux prêts bancaires, hypothèques et autres formes de crédit financier; ils veillent à ce que les personnes handicapées ne soient pas arbitrairement privées de leurs biens.

 

La Charte canadienne des droits et libertés

La Charte canadienne des droits et libertés est bien sûr le texte fondamental, qui s’applique aux organismes exerçant un pouvoir d’origine législative ou conformément à des objectifs publics. Son article 52 lui assure un caractère prédominant, et « rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ». Selon son paragraphe 24(1), « [t]oute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés que lui garantit la Charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances ».

La Charte garantit des droits civils, politiques, linguistiques, elle prévoit des garanties juridiques, la liberté d’expression et des droits à l’égalité. Selon son article premier, ces droits peuvent être restreints « par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».

L’article 7 de la Charte garantit à chacun le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Le droit à la liberté a été interprété comme incluant le droit de prendre des décisions personnelles fondamentales, celui de ne pas subir de contraintes physiques ou d’entraves à sa liberté de mouvement. La liberté s’étend donc au droit à une sphère irréductible d’autonomie personnelle à l’égard de sujets qui « peuvent à juste titre être qualifiés de fondamentalement ou d’essentiellement personnels et qui impliquent, par leur nature même, des choix fondamentaux participant de l’essence même de ce que signifie la jouissance de la dignité et de l’indépendance individuelles[24] ». La Cour suprême du Canada a déclaré que le droit à la sécurité de la personne comprend la protection de « l’intégrité psychologique » de la personne lorsque l’intervention de l’État est suffisamment grave[25]. 

La Cour d’appel de l’Ontario a mené dans son arrêt Fleming v Reid une analyse fondée sur l’article 7 du régime ontarien de la prise de décision au nom d’autrui pour le consentement au traitement. Il s’agissait de deux patients en psychiatrie qui n’avaient pas la capacité de décider de leur traitement, mais qui avaient exprimé antérieurement à leur incapacité des désirs relatifs à des traitements particuliers; leur mandataire spécial refusait de consentir au traitement sur la base de ces désirs exprimés antérieurement. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que les dispositions législatives qui à l’époque permettait au prestataire de soins de santé de passer outre aux désirs exprimés antérieurement à l’incapacité violaient le droit à la sécurité de la personne que garantit l’article 7 :

[traduction] Le droit à la sécurité de la personne est fondamental et garanti dans notre société. Manifestement, on ne doit pas lui porter atteinte plus qu’il n’est réellement nécessaire. Je suis d’avis que même si le droit de ne pas subir de traitements psychiatriques auxquels on n’a pas consenti n’est pas absolu, l’État n’a pas fourni de raison impérieuse justifiant de le supprimer entièrement, sans audience ou contrôle, afin de promouvoir l’intérêt véritable des patients en placement non volontaires, inaptes à prendre des décisions, en violation de leurs désirs exprimés antérieurement à leur incapacité. On ne saurait considérer que le fait de dépouiller complètement ces patients de leur liberté de décider par eux-mêmes des traitements imposés à leur corps est une atteinte minimale au droit que leur garantit la Charte. Il est à l’évidence possible de prévoir des protections de façon à pondérer leurs droits par rapport à leurs besoins et à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte plus qu’il n’est réellement nécessaire à la sécurité de leur personne[26].

La Charte garantit les droits à l’égalité. Plus précisément, le paragraphe 15(1) prévoit que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. Le paragraphe 15(2) protège les lois, les programmes et les activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur âge les déficiences mentales ou physiques[27].

 

Le Code des droits de la personne de l’Ontario

Aux termes du paragraphe 47(2), disposition attributive de prépondérance, du Code des droits de la personne de l’Ontario (Code), dans les cas où une disposition d’une loi ou d’un règlement se présente comme exigeant ou autorisant une conduite qui constitue une infraction au Code, celui-ci s’applique et prévaut, à moins que la loi ou le règlement visé ne précise expressément qu’il s’applique malgré la présente loi[28]. 

L’objet du Code, inscrit dans son préambule, est de reconnaître la dignité inhérente et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination. Ses dispositions visent à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne, de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer à la collectivité[29]. Le Code interdit la discrimination fondée sur l’âge ou le handicap, qu’il définit de façon générale, en matière d’emploi, de service, de logement, de contrat et d’association professionnelle. Dans les cas où cela s’impose pour garantir l’égalité de traitement sans discrimination fondée sur l’âge ou l’incapacité, les personnes ont le droit d’être accommodées dans leurs besoins liés à leur âge ou à leur incapacité, jusqu’au point d’entraîner des contraintes excessives[30]. 

Il ne semble pas que des jugements canadiens portent directement sur le point de savoir si ou comment l’obligation d’accommodement peut s’appliquer aux mesures de soutien à la prise de décision. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a recommandé de créer une obligation juridique explicite contraignant les autorités et les grandes institutions (dont les services de santé et les prestataires de services financiers) à « mettre en place des aménagements raisonnables en faveur des personnes handicapées désireuses de recourir à leurs services. La notion d’aménagement raisonnable implique de fournir des informations dans un langage clair et d’accepter qu’un auxiliaire communique la volonté de la personne concernée[31] ». Dans le cadre de ses travaux sur les troubles mentaux, la Commission ontarienne des droits de la personne a fait valoir que pour réaliser l’égalité réelle, il faudrait reconnaître que la mise à disposition de soutiens qui aident les personnes à prendre des décisions fait partie de l’obligation d’accommodement que la législation des droits de la personne impose aux organisations[32].

 

La Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario

La Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO)[33] intéresse elle aussi notre propos; son objet central est la reconnaissance des personnes handicapées en tant que groupe qui a fait l’expérience des difficultés et qui a dû surmonter des obstacles pour obtenir l’égalité et la participation complètes. La LAPHO oblige les organisations à prendre des mesures proactives dans divers domaines pour garantir l’accessibilité aux personnes handicapées ainsi que leur intégration, notamment en supprimant les obstacles physiques, comportementaux, techniques ou liés à l’information ou à la communication, afin que l’Ontario devienne entièrement accessible d’ici 2025.

 

  • QUESTION À ABORDER : que nous apprennent les principes et les engagements de la CRDPH, de la Charte, du Code des droits de la personne et de la LAPHO sur les principaux éléments des réformes des lois ontariennes concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle? De quelle façon peuvent-ils influer sur l’interprétation et l’application de ces lois?

 

D.    Les lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle

Trois lois constituent le noyau du régime législatif ontarien concernant for la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle : la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui (LPDNA), la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé (LCSS) et la Loi sur la santé mentale (LSM). Ces lois sont étroitement liées et se recoupent considérablement.


La Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé

La LCSS prévoit des règles relatives au consentement au traitement qui s’appliquent dans tous les milieux et à la prise de décision relative à l’admission à des soins de longue durée et à des services d’aide personnelle dans un foyer de soins de longue durée. Elle établit la Commission du consentement et de la capacité (CCC, Commission), mécanisme novateur visant à régler les différends liés à ces problèmes. Son article premier énonce ses objets :

  • prévoir des règles en matière de consentement au traitement qui s’appliquent de façon uniforme;
  • faciliter le traitement et l’admission à des établissements de soins des personnes qui n’ont pas la capacité de prendre des décisions concernant ces questions, et leur faciliter l’admission à des services d’aide personnelle;
  • accroître l’autonomie des personnes en leur accordant des droits en matière de procédure, en permettant aux incapables de demander que la CCC nomme un représentant de leur choix pour prendre en leur nom des décisions dans les domaines relevant de la LCSS, et en exigeant le respect des désirs exprimés antérieurement à l’incapacité;
  • favoriser la communication entre les praticiens de la santé et les malades;
  • veiller à ce que les membres de la famille qui soutiennent des personnes jouent un rôle important lorsque celles-ci n’ont plus la capacité de prendre des décisions relevant de la LCSS;
  • permettre l’intervention, en dernier ressort, du tuteur et curateur public (TCP) dans les décisions[34].

Le praticien de la santé ne peut administrer de traitement en l’absence de consentement, avec des exceptions très limitées pour les cas d’urgence[35]. La LCSS établit une norme concernant la capacité de consentir au traitement, et le praticien de la santé qui propose celui-ci doit évaluer si la personne satisfait à cette norme[36]. Si la personne n’a pas la capacité de prendre une décision quant au consentement au traitement, la décision doit être prise par le mandataire spécial identifié par priorité de rang[37]. Le mandataire spécial doit respecter les désirs exprimés antérieurement à l’incapacité, que ce soit verbalement ou par écrit. Dans les cas où la personne n’a pas exprimé de désir antérieurement à son incapacité, la LCSS énonce des facteurs que le mandataire spécial doit considérer pour décider au nom de la personne; ce sont notamment les valeurs et les croyances que celle-ci avait avant son incapacité, ses désirs actuels et l’incidence possible du traitement sur le bien-être de la personne[38].

La LCSS prévoit des procédures de consentement aux services d’aide personnelle dispensés en foyer de soins de longue durée ainsi que d’admission aux soins de longue durée[39]. Des « appréciateurs » de la capacité évaluent la capacité de consentement pour ces décisions[40]. Dans les cas d’absence de capacité, entre en jeu la même liste de décideurs et de principes, établie par priorité de rang, pour la prise de décision en matière de consentement au traitement.

La LCSS crée la CCC en tant que tribunal administratif indépendant et spécialisé[41]. La Commission peut notamment réviser les constatations d’incapacité rendues par des appréciateurs (qui évaluent la capacité de consentir à l’admission à des soins de longue durée), par des évaluateurs (qui évaluent la capacité en vertu de la LPDNA) et par des praticiens de la santé (qui évaluent la capacité de consentir au traitement), entendre les demandes de nomination de représentant aux fins de prise de décision au nom d’autrui en vertu de la LCSS, fournir des directives au mandataire spécial en vertu de la LCSS, et décider si le mandataire spécial s’acquitte des responsabilités que lui impose la Loi. La Commission doit commencer les audiences dans un délai de sept jours après avoir reçu une requête et rendre sa décision dans un délai d’une journée après la fin de l’audience[42].

 

La Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui

La LPDNA traite de la prise de décisions relatives aux biens et au soin de la personne – soins de santé, alimentation, logement, habillement, hygiène, sécurité notamment. Elle prévoit des normes distinctes pour la capacité juridique de décider à propos des biens et pour celle de décider à propos du soin de la personne. Dans les cas d’incapacité juridique pour décider dans l’un ou l’autre de ces domaines, les décisions peuvent être prises par une personne ayant procuration ou par un tuteur nommé à cette fin.

Selon la LPDNA, les personnes peuvent établir des procurations relatives aux biens dont l’effet est immédiat et peut se prolonger si elles perdent leur capacité juridique (« procuration perpétuelle »), ou des procurations prenant effet à une date précise ou à la survenance d’un événement particulier (« procuration subordonnée à une condition suspensive »). Ces procurations peuvent autoriser la personne nommée à titre de procureur à faire, au nom du mandant, tout ce que pourrait faire ce dernier s’il était capable, à l’exception de son testament[43]. La procuration relative au soin de la personne ne peut être perpétuelle : sa prise d’effet intervient uniquement dans des situations d’incapacité juridique[44]. Il n’est pas nécessaire que la procuration soit rédigée selon une formule particulière ou préparée par un avocat, mais le mandant doit avoir la capacité requise pour la donner ou la révoquer[45].

La LPDNA crée la catégorie des « évaluateurs » désignés, qui peuvent être appelés à évaluer la capacité juridique de la personne relativement aux biens[46]. Dans les cas où l’évaluation constate l’incapacité juridique pour les décisions relatives aux biens, le TCP devient le tuteur légal aux biens, mais une procédure administrative permet toutefois à des membres de la famille de remplacer le TCP[47]. La nomination de tuteur aux biens ou au soin de la personne peut également se faire par demande directe au tribunal : dans ces conditions, le TCP est nommé tuteur uniquement s’il n’y a personne d’autre qui soit apte et disposé à agir[48].

La LPDNA établit des normes pour les activités et les décisions du mandataire spécial, tuteur et procureur notamment. Le mandataire spécial doit agir dans l’intérêt de la personne, avec diligence, honnêteté et de bonne foi, encourager celle-ci à participer à la prise de décision au mieux de ses capacités, favoriser un contact personnel régulier entre elle et les membres de sa famille et de ses amis qui la soutiennent, et doit de temps à autre consulter ceux-ci[49].

 

La Loi sur la santé mentale

La LSM s’applique aux établissements psychiatriques et réglemente l’admission volontaire et obligatoire à ceux-ci, énonçant notamment les normes des évaluations visant à déterminer s’il doit y avoir admission obligatoire. Elle énonce les exigences relatives aux ordonnances de traitement en milieu communautaire, aux congés et à l’accès aux renseignements personnels sur la santé dans ce contexte.

La question de la capacité et celle de la tutelle ne sont pas au centre de la LSM. Quelques dispositions de cette loi sont pourtant fondamentales pour ce domaine du droit, en particulier sa partie III, selon laquelle, dès l’admission en établissement psychiatrique, un médecin examine promptement le ou la malade afin d’établir sa capacité à gérer ses biens[50]. En cas de constatation d’incapacité, le médecin doit délivrer un certificat d’incapacité au TCP, qui se chargera de gérer les biens de la personne. En cas de constatation d’incapacité toujours, la LSM prévoit des avis quant aux droits et la possibilité de présenter une requête à la CCC[51].

Les recoupements complexes entre le consentement au traitement en vertu de la LCSS et l’admission obligatoire en vertu de la LSM sont également importants. Contrairement à d’autres administrations, l’Ontario établit des normes distinctes pour l’admission obligatoire et le consentement au traitement (même si l’incapacité de consentir au traitement en vertu de la LCSS est l’un des éléments du critère relatif à l’admission obligatoire)[52], de sorte qu’il peut y avoir hospitalisation obligatoire pour de longues périodes alors que le ou la malade conserve sa capacité de refuser de consentir à son traitement. Cette double norme continue de susciter une controverse considérable. L’admission obligatoire n’est pas le propos de notre projet, mais c’est une situation importante dont il faut tenir compte pour comprendre comment fonctionne ce domaine du droit.

 

Conception générale de la capacité juridique, de la prise de décision et de la tutelle

Tout en traitant d’aspects différents de la prise de décision ou de contextes différents, les trois lois que nous venons d’analyser expriment une conception uniforme de la capacité juridique, de la prise de décision et de la tutelle. Les éléments suivants de cette conception sont particulièrement importants pour comprendre le régime législatif :

  1. la présomption de capacité : toute personne est présumée capable de décider par elle-même, et les autres ont le droit de s’appuyer sur cette présomption, sauf si elles ont des motifs raisonnables de penser autrement[53];
  2. la conception cognitive de la capacité, fondée sur la décision : selon le critère de détermination de la capacité de prendre une décision en particulier, la question n’est pas de savoir si la personne va prendre la bonne décision ou si elle a une déficience spécifique pouvant influer sur la mémoire, la compréhension ou le raisonnement, mais si elle a l’aptitude « à comprendre et à évaluer » les renseignements pertinents. Comme on va le détailler au chapitre I.B de la partie DEUX, il n’est pas nécessaire que la personne comprenne et évalue réellement les renseignements, il faut seulement qu’elle en ait la capacité. De plus, la capacité se conçoit non comme une qualité générale, mais propre à des types particuliers de décisions : la personne peut être capable de prendre des décisions de certains types, mais pas des autres. En outre, elle peut parfois être capable, parfois non;
  3. la tendance à la spécialisation de l’évaluation de la capacité : celle-ci est évaluée dans des domaines importants par des personnes ayant des connaissances ou une expérience spécialisées de ces domaines. La LPDNA crée la catégorie des « évaluateurs », qui sont tenus de posséder des antécédents professionnels spécialisés et de satisfaire à certaines obligations de formation. La LCSS crée de même la catégorie des « appréciateurs » de la capacité pour les décisions relatives à l’admission aux soins de longue durée et aux services d’aide personnelle dispensés dans les foyers de soins de longue durée, même si les obligations auxquelles ces spécialistes doivent satisfaire sont moins rigoureuses que celles des évaluateurs. C’est au praticien de la santé qui sollicite le consentement qu’il appartient de prendre les décisions sur la capacité concernant le traitement;
  4. la conception fondée sur la prise de décision au nom d’autrui : dans les cas où la personne est reconnue comme n’ayant pas la capacité juridique de prendre une décision ou une catégorie de décision en particulier visée par la LPDNA ou la LCSS, c’est le mandataire spécial, le tuteur par exemple, ou la personne ayant reçu procuration ou figurant dans la liste établie par priorité de rang, qui prendra la décision devant malgré tout être prise. Le régime législatif ontarien ne prévoit ni la décision accompagnée, ni la codécision;
  5. des garanties procédurales : les réformes des années 1990 ont ajouté des garanties procédurales fondamentales pour les personnes susceptibles d’être visées par ces lois. Celles dont on examine la capacité de gérer leurs biens en vertu de la LSM ont le droit par exemple de recevoir des avis sur leurs droits. Les évaluateurs doivent expliquer l’objet et la portée de leur évaluation, et la personne a le droit de la refuser. La CCC peut contrôler les décisions relatives à la capacité, et la personne concernée peut régulièrement demander une nouvelle évaluation. La LPDNA et la LCSS prévoient toutes deux la nomination d’un avocat pour les personnes dont la capacité juridique est en cause[54];
  6. la préférence pour la sphère privée : le régime législatif ontarien encourage le recours à la famille et aux amis pour la nomination du mandataire spécial. La LPDNA permet d’établir et d’exercer des procurations de façon relativement simple et économique, et la LCSS prévoit une liste de personnes nommées par priorité de rang, le TCP intervenant uniquement quand aucune des personnes figurant sur la liste n’a la capacité, ni l’âge requis, ni la volonté, et n’est pas disponible. Pour les incapables n’ayant pas établi de procuration, la LSM crée l’exercice automatique de la tutelle aux biens par le TCP, mais prévoit également ce qui selon la LPDNA devait être un mécanisme simple et peu coûteux par lequel des membres de la famille peuvent exercer la tutelle au lieu du TCP.

 

E.     Le cadre juridique général

Nous présentons brièvement ici quelques domaines du droit que le régime législatif ontarien concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle chevauche ou recoupe fréquemment. Même si ces domaines ne seront pas étudiés précisément dans le cadre du projet, ils font partie du contexte dans lequel les lois à l’étude sont comprises et appliquées.

 

La common law

La common law demeure un élément important des lois sur la capacité et la prise de décision, elle régit des questions très diverses, notamment la capacité de se marier, de tester, de conclure des contrats, de donner des directives à son avocat. Tout en étant cadre important du projet, la common law en ce qu’elle a trait à la capacité et à la prise de décision dépasse notre propos. Elle a d’ailleurs été l’objet d’un examen récent et complet du British Columbia Law Institute[55]. La capacité de donner des directives à son avocat influera considérablement sur l’accès à la justice des personnes visées par la LPDNA et la LCSS. Les questions sur la capacité de conclure des contrats recoupent les dispositions de la LPDNA sur la gestion des biens.


Les lois sur la protection de la vie privée

Les lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle recoupent fréquemment celles concernant la protection de la vie privée, ce qui suscite souvent confusion ou inquiétude. Comme nous l’avons déjà mentionné, la LSM comporte des dispositions propres aux renseignements personnels de santé et à l’accès aux dossiers cliniques. La Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (LPRPS) établit des règles de collecte, d’utilisation et de divulgation des renseignements personnels sur la santé et confère aux personnes le droit d’accéder à ceux qui les concernent et celui d’exiger leur correction ou modification. L’expression « renseignements personnels sur la santé » s’entend des renseignements identificatoires concernant les personnes ayant trait à la santé physique ou mentale de celles-ci, à la fourniture de soins de santé à celles-ci, à des programmes de services au sens de la Loi de 1994 sur les services de soins à domicile et les services communautaires, aux paiements relatifs aux soins de santé fournis ou à l’admissibilité à ces soins, au numéro de la carte Santé ou à l’identité du mandataire spécial[56]. Nombre de personnes visées par la LCSS sont également visées par la LPRPS. L’esprit de celle-ci correspond à celui de celle-là, notamment dans la conception cognitive de la capacité, le recours au mandataire spécial et aux garanties procédurales dont le contrôle par la CCC. Les institutions financières de réglementation fédérale relèvent de la Loi sur la protection des renseignements et les documents électroniques[57], comme nous le développerons au chapitre III de la partie Trois et au chapitre I de la partie Quatre; les dispositions de cette loi qui visent la communication des renseignements ont des répercussions considérables sur la façon dont ces institutions réagissent aux préoccupations relatives aux dérives financières possibles.

 

Les lois qui réglementent les services sociaux et les mesures de soutien

Les lois qui réglementent les services sociaux et les mesures de soutien, surtout celles visant les personnes âgées ou les personnes handicapées, traitent ou recoupent souvent des questions relatives à la capacité et à la prise de décision. Plus particulièrement, les programmes de soutien du revenu tels que le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH), la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Régime de pensions du Canada (RPC) soutiennent des groupes qui sont en nombre disproportionné susceptibles d’être visés par le droit concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Ces programmes ont des dispositions sur le « mandat de fiduciaire » qui habilitent des tiers, le plus souvent des membres de la famille, à gérer des fonds pour le compte de la personne, dans les cas où une évaluation fonctionnelle a conclu que cela est nécessaire.

Il importe également, pour comprendre le fonctionnement pratique des lois ontariennes sur la capacité juridique et la tutelle, de tenir compte de leur interaction avec celles qui régissent les soins de longue durée, car les recoupements sont nombreux à l’égard des populations desservies. Selon des chiffres récents, 73 p. 100 des résidents des foyers de soins de longue durée en Ontario ont des troubles mentaux, dont la maladie d’Alzheimer ou une autre forme de démence, et 31 p. 100, sont atteints d’une déficience cognitive importante[58]. La LCSS porte explicitement sur la capacité de consentir à l’admission à des soins de longue durée, en tant que champ précis de la prise de décision. Les recoupements sont donc considérables et majeurs entre les dispositions de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée[59] et des lois concernant la capacité et la tutelle. Les foyers de soins de longue durée ont mis au point une variété d’orientations et de protocoles en vue de répondre aux problèmes de la capacité et de la prise de décision au nom d’autrui. 

De même, les personnes atteintes de certaines formes de déficience ou d’incapacité sont plus susceptibles de recourir à certains types de mesures de soutien et de programmes sociaux. La Loi de 2008 sur les services et soutiens favorisant l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle[60] vise précisément par exemple les personnes présentant des limitations substantielles permanentes, qui se sont manifestées de bonne heure, dans leur fonctionnement cognitif et leur fonctionnement adaptatif[61]. Elle porte sur les services et les soutiens à ces personnes – services résidentiels, liés aux activités de la vie quotidienne, liés à la participation communautaire, à la relève des fournisseurs de soins, services professionnels et spécialisés, liés à la planification gérée par la personne, autres services[62]. Elle établit ainsi un régime pour la prestation des soutiens et des services fondamentaux à des personnes qui sont, en nombre disproportionné, susceptibles d’être visées par les lois sur la capacité et la tutelle. Les soutiens et les services dispensés en vertu de cette loi peuvent influer sur le contexte dans lequel ces personnes peuvent prendre des décisions et sur les soutiens dont elles peuvent disposer pour ce faire, et les dispositions concernant la capacité et la tutelle peuvent influer sur la façon dont elles peuvent accéder aux services en vertu de cette loi[63].


  • QUESTION À ABORDER : des réformes précises de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui ou de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé permettraient-elles une meilleure coordination avec d’autres lois, la Loi sur la santé mentale par exemple ou les lois concernant la protection de la vie privée, le soutien du revenu ou les soutiens sociaux?

 

F.     Comprendre le contexte du fonctionnement du droit

Pour évaluer le fonctionnement des lois, il importe de comprendre qui elles visent et les domaines sur lesquels elles influent. Les lois sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle ont des répercussions considérables sur les Ontariens. Comme en témoigne le bref exposé qui a précédé, à un moment ou à un autre de leur vie, la plupart des gens feront connaissance avec ce droit, que ce soit dans leurs responsabilités professionnelles, ou en raison de leur déficience, pendant la planification de leur avenir dans lequel l’incapacité juridique est envisagée ou parce qu’ils doivent prendre des mesures en tant que proche ou ami de quelqu’un dont l’incapacité juridique a été constatée et qui doit se faire aider pour prendre des décisions. Les sections qui suivent présentent brièvement des situations que vivent les personnes visées par le droit, ce qui aide ainsi à comprendre le fonctionnement pratique de celui-ci.

 

1.     À qui s’applique le droit?

Ni la LPDNA ni la LCSS ne font précisément état d’une catégorie particulière de personnes. La LPDNA prévoit des mécanismes de nomination du mandataire spécial pour les personnes dont « l’incapacité » a été ou peut être constatée et qui ont besoin de se faire aider pour prendre des décisions. La LCSS s’applique de façon très générale aux personnes dont il faut le consentement pour le traitement, l’admission en établissement de soins ou pour des questions d’aide personnelle. Surtout à propos du traitement, l’éventualité peut se présenter, en cas de maladie, que l’on ne satisfasse pas à la norme de la capacité de consentement au traitement : en pareille situation, la LCSS prévoit des mécanismes de nomination du mandataire spécial et de directives pour les décisions que prend celui-ci.

Il est évident toutefois que certaines personnes sont plus susceptibles d’être déclarées légalement « incapables » en vertu de l’une ou l’autre de ces lois. Les personnes atteintes de déficiences intellectuelles, neurologiques, mentales ou cognitives sont plus susceptibles d’être à la fois déclarées légalement incapables de prendre des décisions précises, au sens de ces lois, et de façon non officielle, d’être présumées incapables et donc, pouvant être évaluées et visées par d’autres dispositions de ces lois. Les personnes âgées étant en nombre disproportionné atteintes par une forme de déficience cognitive, elles peuvent être, également en nombre disproportionné, visées par ce domaine du droit.

Il existe peu de données empiriques sur l’application de la LPDNA et la LCSS. La procuration relève par exemple du domaine privé : aucun mécanisme n’est en place pour suivre le nombre de procurations accordées, le nombre de celles qui sont en vigueur ou l’identité des mandants. De même, les dispositions de la LCSS fixant la priorité de rang des mandataires spéciaux pour le consentement au traitement ne se prêtent pas facilement au suivi.

Il importe de souligner que même si les personnes handicapées partagent l’expérience des obstacles, notamment psychologiques et systémiques, à l’égalité, leurs expériences peuvent varier considérablement et de nombreuses façons. Le moment de la vie auquel survient l’incapacité, le type de préjugé et d’attitude négative associé à une incapacité particulière, la façon dont l’incapacité influe sur l’emploi, le logement ou les relations personnelles, la façon dont elle croise d’autres aspects de l’identité comme l’âge ou le sexe, ou la racialisation – tous ces facteurs influent sur ce que vivent des groupes particuliers de personnes handicapées, et sur leurs rapports avec le droit concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Il faudra tenir compte, pour analyser les lois en vigueur et formuler des options de réforme du droit, des points communs et des divergences à l’égard de ce domaine du droit dans les expériences des personnes les plus directement concernées et dans les attitudes vis-à-vis de celles-ci.

Sans prétendre exposer de façon exhaustive les caractéristiques des divers groupes susceptibles d’être concernés par les lois sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, il y faudrait un livre fort long, les sections qui suivent mettent l’accent sur quelques-uns des aspects majeurs de ce que vivent ces groupes, qui sont susceptibles de façonner leurs rapports avec ce domaine du droit.

Pour l’étude de ce que vivent les personnes âgées ou les personnes handicapées, il faut prendre en considération l’immense diversité au sein de ces groupes et l’effet de cette diversité sur les rapports de ces personnes avec les lois, les pratiques ou les orientations. La dynamique des sexes aura par exemple une profonde influence sur la façon dont les personnes atteintes de déficiences cognitives, mentales ou intellectuelles abordent la prise de décision au nom d’autrui, de même que les modèles et les préjugés culturels. Les personnes GLBT peuvent avoir des inquiétudes particulières à propos des préjugés implicites quant aux familles biologiques qui sous-tendent la liste des priorités de rang des décideurs et les dispositions de la LPDNA visant le remplacement du tuteur. Les minorités linguistiques connaissent peut-être des obstacles supplémentaires pour avoir accès à des renseignements sur leurs droits et obtenir des évaluations sérieuses de leur capacité juridique.

Il faut souligner qu’on ne cesse de discuter et de débattre du vocabulaire employé pour parler des personnes ayant des déficiences particulières et de ce qu’elles vivent. La CDO reconnaît que les avis sur la terminologie la plus appropriée sont fort divers. Elle n’entend pas que la façon dont elle emploie certains termes soit interprétée comme définitive, les personnes handicapées étant les mieux placées pour définir elles-mêmes la terminologie la plus appropriée.

 

  • QUESTION À ABORDER : en quoi l’expérience que l’on fait de ce domaine du droit diffère-t-elle selon le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, la racialisation, le statut d’immigrant, l’origine autochtone, la situation familiale, l’état matrimonial, le lieu de résidence, la situation géographique, la langue ou d’autres formes de diversité?

 

La perte de capacité due à la maladie

Les lois sur la capacité et la prise de décision touchent souvent le groupe fort hétérogène des personnes qui éprouvent une perte temporaire de la capacité juridique de prendre des décisions pendant le traitement d’une maladie aiguë, qu’elle soit de courte ou de longue durée. L’accident vasculaire cérébral ou les affections neurologiques évolutives peuvent bien sûr engendrer l’incapacité à long terme, mais une période temporaire de maladie grave peut pour de nombreux malades les assujettir brièvement à la LCSS, sans autre obligation d’intervention du droit concernant la capacité juridique et la tutelle. Tout le monde peut se retrouver dans de telles situations, quels que soient l’âge ou les conditions de vie. Quand cela survient en fin de vie, la perte de capacité peut parfois obliger les mandataires spéciaux à prendre des décisions déchirantes, dans des situations d’émotion extrême et souvent dans l’urgence.

 

Les personnes atteintes de déficience intellectuelle

L’incidence de la déficience intellectuelle est relativement faible : selon l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités de 2006 de Statistique Canada, environ 0, 5 p. 100 des Canadiens de plus de 15 ans ont une déficience intellectuelle[64], l’expression désignant « les [l]imitations cognitives dues à l’existence d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble du développement, tel que le syndrome de Down, l’autisme ou des troubles mentaux causés par un manque d’oxygène à la naissance[65] ».

Les expériences sont diverses dans cette catégorie : ce que vivent les autistes peut être très différent de ce que vivent les trisomiques par exemple, et elles peuvent connaître aussi des différences énormes dans chaque type de déficience. Bien évidemment, toutes les personnes atteintes de déficiences intellectuelles ne relèveront pas des lois sur la capacité et la tutelle, même si elles peuvent faire l’objet de présomptions restrictives quant à leurs facultés.

Un élément majeur de ce que connaissent les personnes atteintes de déficiences intellectuelles est que celles-ci seront détectées à la naissance ou pendant la petite enfance. Ces personnes connaîtront toute leur vie l’état de déficience, ce qui influera considérablement sur leur accès aux études et au travail, et façonnera leurs relations personnelles, leurs attentes et leurs possibilités.

Historiquement, des attitudes sociales négatives et restrictives ont limité la vie des personnes atteintes de déficience intellectuelle :

[traduction] Les expressions couramment utilisées pour qualifier les personnes atteintes de déficience intellectuelle témoignent de la façon dont la société les traitait, « imbéciles », « idiotes », « faibles d’esprit », « crétines » pour ne citer que celles-ci. Les milieux médicaux limitaient leur examen de ces personnes à leur « degré d’idiotie ». Ces termes montrent que les personnes atteintes de déficience intellectuelle étaient considérées comme différentes des gens « normaux » et que par conséquent, il était acceptable de les traiter différemment. Ce traitement s’accompagnait presque toujours de stéréotypes sur leurs aptitudes (ou inaptitudes), et en particulier de la présomption que les personnes handicapées étaient incapables de vivre de façon autonome[66].

L’autonomie des personnes atteintes de déficiences intellectuelles se trouvait extrêmement réduite du fait de ces attitudes, qui pouvaient même donner lieu à l’internement et à la stérilisation forcée.

Les personnes atteintes de déficiences intellectuelles légères peuvent à présent vivre comme la population en général. Ceci veut dire que nombre d’entre elles vivront plus longtemps que leurs parents, qui sont souvent les principaux soignants. La désinstitutionnalisation des personnes atteintes de déficiences intellectuelles et le vieillissement de la population ont donné lieu à des situations dans lesquelles des parents octogénaires ou nonagénaires sont toujours les principaux soignants de leur enfant atteint de déficience intellectuelle, qui est un adulte d’âge mûr. Le décès ou un début d’incapacité de ces parents peut entraîner la perte de soutiens essentiels pour leur enfant[67].

Il est particulièrement probable que le revenu des personnes atteintes de déficience intellectuelle sera faible. Selon l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités de 2006, le revenu des personnes atteintes de déficience intellectuelle de plus de 15 ans était de 10 415 $, soit le revenu le plus faible de toutes les catégories de déficience, à comparer au revenu médian de 27 496 $ pour les personnes n’ayant pas de déficience[68]. Même si les personnes atteintes de déficience intellectuelle ont du mal à se trouver un emploi, elles sont plus fréquemment employées qu’auparavant. En 2006, le taux de chômage des personnes handicapées a été d’environ 9 p. 100[69]. Les personnes atteintes de déficience intellectuelle se trouvent souvent toutefois au bas de l’échelle salariale. La conséquence en est que si elles touchent l’assurance-emploi ou une rente, basées toutes deux sur le niveau de revenu, le montant de leurs versements est inférieur[70].

Les personnes atteintes de déficiences intellectuelles ont souvent peu d’occasions de décider par elles-mêmes, ce qui restreint la faculté de choisir pour soi-même et entraîne une dépendance inutile[71]. Non seulement les adultes et les enfants atteints de déficience intellectuelle sont davantage exposés aux mauvais traitements et à la négligence, mais ils font face à divers obstacles pour obtenir de l’aide en cas de mauvais traitements, leurs plaintes n’étant pas comprises ni crues notamment. On n’enseigne pas aux personnes atteintes de déficience intellectuelle les comportements qui sont acceptables, de sorte qu’elles peuvent ne pas reconnaître les abus quand ils se produisent[72].


Les personnes âgées et le développement des déficiences intellectuelles à un âge avancé

Il importe de ne pas amalgamer vieillissement et déficience : les personnes âgées sont nombreuses à considérer que leur santé est très bonne ou excellente[73]. Et pourtant, le vieillissement est généralement associé au déclin de la santé et au début de quelques types de restrictions des activités. L’association entre le vieillissement et le développement de certaines formes de déficience cognitive intéresse particulièrement notre projet.

La maladie d’Alzheimer et les autres formes de démence sont relativement rares à tout âge, mais le risque augmente fortement avec l’âge. En 2008, 7 p. 100 des Canadiens de plus de 60 ans et 49 p. 100 de ceux de plus de 90 ans étaient atteints d’une certaine forme de démence[74]. Dans les trois prochaines décennies, les problèmes ayant trait au consentement, à la capacité et à la prise de décision deviendront probablement plus pressants, à mesure que se poursuit le vieillissement de la population. Comme on l’a déjà indiqué, la Société Alzheimer Canada a récemment publié un rapport selon lequel la prévalence de la démence va plus que doubler dans les 30 prochaines années et passer de 1,5 p. 100 de la population canadienne en 2008 au taux projeté de 2.8 p. 100 en 2038[75].

La croyance populaire tient pour acquis que la vieillesse est synonyme de mauvaise santé et de déclin cognitif. On dit souvent que « c’est la vieillesse qui commence » quand on a un trou de mémoire. Lors des consultations de la CDO pour le projet sur le droit touchant les personnes âgées, on s’est beaucoup inquiété de la tendance des prestataires de services de présumer l’incapacité de la personne âgée et de s’en remettre aux membres de sa famille qui sont plus jeunes ou même de ne pas s’adresser du tout à la personne âgée[76].

Du fait de ces préjugés, auxquels s’associe la tendance au paternalisme dans le traitement des personnes âgées, avec l’hypothèse qu’elles sont moins capables d’être autonomes et ont besoin d’être davantage protégées, des personnes âgées capables risquent d’être présumées incapables ou d’être traitées comme si elles l’étaient[77].

La situation des personnes qui deviennent handicapées à un âge avancé sera probablement différente à plusieurs égards importants de celle des personnes ayant toujours vécu avec une déficience. Il est probable par exemple que les personnes âgées qui jusque-là n’avaient pas été atteintes d’incapacité auront accumulé des biens, une retraite, des économies ou un logement par exemple. Bien sûr, toutes ne vivent pas dans la richesse ou l’abondance : nombre d’entre elles vivent avec un revenu limité[78]. Toutefois, les biens dont elles disposent influeront sur la dynamique de leur accès à la justice et de leurs relations avec les autres. À titre d’exemple, l’un des types les plus fréquents de mauvais traitements à l’égard des personnes âgées est l’exploitation financière[79] : même si leurs biens sont modestes, ils peuvent constituer une tentation importante dès que les personnes âgées deviennent vulnérables d’une façon ou d’une autre, et le fait que des mandataires spéciaux peuvent s’attendre à hériter peut engendrer des conflits d’intérêts.

Les personnes âgées – 93 p. 100 – vivent en très grande majorité dans des logements privés[80]. En très grande majorité, elles ont pour objectif de « vieillir chez elles »; elles souhaitent continuer de vivre chez elles et dans leur collectivité aussi longtemps que possible[81]. La probabilité de vivre en groupe, maison de retraite ou foyer de soins de longue durée par exemple, augmente cependant avec le vieillissement : environ un tiers des personnes de plus de 85 ans vivent en groupe[82]. Comme on l’a indiqué au début du présent chapitre, les personnes atteintes de démence représentent un pourcentage important des personnes qui vivent en établissement de soins de longue durée. Certes les foyers de soins de longue durée sont des maisons, mais ce sont aussi des institutions – très réglementées, habitées par des personnes par définition vulnérables, éloignées (à divers degrés) des principales collectivités, soumises à d’énormes pressions sur leurs ressources. Ceci vaut également, dans une moindre mesure et avec des variations, pour les personnes qui vivent en maison de retraite. Les personnes qui vivent en établissement connaissent des difficultés particulières pour accéder à la justice, qui diffèrent de celles des personnes vivant dans leur collectivité[83]. Les premières auront donc des rapports radicalement différents avec les lois sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Et bien sûr, la LCSS établit un système particulier pour évaluer la capacité pour la décision de passer dans un foyer de soins de longue durée.

Les soignants des personnes âgées qui commencent à éprouver des restrictions dans leurs activités ou des déficiences sont très probablement les conjoints ou les enfants adultes de celles-ci[84]. La dynamique des soins que l’on donne est assez différente de celle à l’égard des personnes handicapées qui sont plus jeunes, qui peuvent être soutenues par des parents ou par leur fratrie. On a évoqué la désorientation et les difficultés que peuvent éprouver des enfants adultes qui s’occupent des personnes qui auparavant s’occupaient d’elles et représentaient l’autorité. La prestation des soins et des soutiens par des enfants adultes à leurs parents peut devenir plus difficile, à mesure de l’éparpillement géographique des familles[85].

Le nombre des personnes sans famille ou ami proche qui veuille bien et qui puisse les soutenir ou être leur mandataire spécial continue de croître, à mesure que la durée de vie s’allonge, que davantage d’adultes divorcent ou demeurent célibataires toute leur vie, que les gens ont moins d’enfants ou qu’ils n’en ont pas[86], et que les familles sont plus dispersées géographiquement. Cette tendance va probablement poser des problèmes au système, du fait que le droit ontarien concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle s’appuie fortement sur des soignants non rémunérés et de par la nature des fonctions du tuteur et curateur public en tant que service public et organisation de dernier recours.

 

Les personnes ayant des troubles mentaux

Les troubles mentaux comprennent une grande variété de conditions plus ou moins graves, et seulement quelques-unes sont à l’origine de déficiences de la capacité de comprendre l’information et d’apprécier les risques et les avantages de divers modes d’action.

Les troubles mentaux diffèrent des autres types de déficience pouvant toucher la capacité en ce qu’ils sont souvent de nature épisodique, alors que les déficiences intellectuelles sont souvent de nature stable et cognitive, et associées au troisième âge qui survient progressivement. Cette nature épisodique a plusieurs conséquences pour les rapports avec le droit relatif à la capacité et à la tutelle. Les personnes ayant des troubles mentaux peuvent sortir du régime de la capacité et de la tutelle, puis y revenir, de façon cyclique. Elles peuvent parfois avoir besoin de soutiens et d’interventions considérables, et en avoir peu ou pas du tout besoin à d’autres moments. C’est pourquoi tout manque de flexibilité des processus d’entrée et de sortie du régime de la capacité et de la tutelle aura des incidences particulières sur ces personnes. Des dépenses importantes ou des procédures lentes et difficiles peuvent empêcher des personnes d’avoir accès à des soutiens quand elles en ont besoin ou pour retrouver toute leur autonomie quand elles sont prêtes pour cela. Du fait de la nature épisodique des troubles mentaux, les personnes qui en sont atteintes peuvent la possibilité et la faculté de bien connaître leurs déficiences, et savoir ce qui fonctionne ou pas pour elles. La planification préalable des soins peut s’avérer particulièrement précieuse pour ces personnes : après avoir suivi divers traitements, elles peuvent, quand elles en ont la capacité, établir ce qui a été positif et ce qui ne l’a pas été, puis mettre au point des plans judicieux pour les périodes quand elles n’ont plus la capacité. Les déficiences épisodiques peuvent toucher aussi la dynamique de la famille et celle du traitement.

Bien sûr, pour les personnes qui ont des troubles mentaux et se trouvent visées par la Loi sur la santé mentale, les dispositions de celle-ci, notamment les exigences relatives à l’admission obligatoire et aux ordonnances de traitement en milieu communautaire, influeront fortement sur leurs rapports avec le régime de la capacité juridique, de la prise de décision et de la tutelle. Les personnes qui ont des troubles mentaux sont extrêmement stigmatisées. La Commission ontarienne des droits de la personne a mené de longues consultations pour élaborer son rapport Parce qu’on importe!, et écouté les nombreuses préoccupations de ces personnes à propos des préjugés et des stéréotypes auxquels elles font face :

Certains mémoires reçus parlaient de la tendance à qualifier des personnes handicapées de « risque à la sécurité » en raison de suppositions à propos de leur handicap. Lorsqu’il n’existe en réalité aucun signe de « risque », ce genre de comportement pourrait constituer une forme de « profilage » fondé sur la santé mentale. Par exemple, un fournisseur de services se préoccupait du fait que des hôpitaux demandaient couramment au personnel de sécurité d’être présent lorsqu’on examinait des patients dont le dossier faisait état de troubles mentaux.

Parmi les autres stéréotypes véhiculés à propos des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances figurent le fait qu’elles manqueraient de « crédibilité » et qu’elles seraient incapables d’évaluer correctement les situations et de prendre des décisions concernant leur propre vie.  […]

De l’avis de certains participants, des attitudes paternalistes répandues dévaluent les expériences, les pensées et les choix des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et des dépendances, et sont responsables du peu d’attentes de la société envers ces personnes. On nous a dit qu’il était difficile de se plaindre, de s’affirmer ou de faire valoir ses droits dans un tel contexte étant donné que les expériences de la personne handicapée sont minimisées et attribuées au handicap[87].

Les données établissent l’association troubles mentaux-violence sont de nature complexe et varient bien sûr selon le type de déficience. La préoccupation que les personnes qui ont des troubles mentaux peuvent se faire du mal ou en faire aux autres est un élément important de ce qu’elles pensent et de ce que pense la population quant à ce qui justifie de restreindre leur autonomie, comme l’a souligné la Commission ontarienne des droits de la personne.

Les personnes ayant des troubles mentaux ont, en nombre disproportionné, de faibles revenus[88], ce qui est dû non seulement aux effets de leurs déficiences, mais aussi aux résultats des préjugés et de la discrimination[89].

Le chômage et le sous-emploi, ne pas avoir accès à un logement sûr et abordable ni à de réelles possibilités d’études, tout cela peut contribuer à la pauvreté des personnes qui ont des troubles mentaux, exacerber leur maladie et réduire le nombre des options dont elles disposent pour le logement et les services. Comme on le soulignera plus loin, la faiblesse du revenu crée des obstacles à l’accès à la justice.

 

Les personnes ayant des lésions cérébrales acquises

Il existe relativement peu de renseignements sur les personnes ayant des lésions cérébrales acquises, par comparaison avec d’autres groupes visés par le droit relatif à la capacité et à la tutelle, et sur leurs rapports avec ce domaine du droit. 

Il est difficile d’obtenir des renseignements sur le nombre des Ontariens ayant des lésions cérébrales acquises, surtout du fait des variations dans la terminologie des données, qui peuvent inclure des personnes ayant des lésions cérébrales légères ou bien des personnes qui décèdent à la suite de leurs blessures. Selon le Rapport de 2012 du Registre ontarien des traumatismes, il y a eu 2 637 hospitalisations pour traumatisme cérébral grave (données de 2010-2011). Pour 58,4 p. 100 de ces traumatismes, le diagnostic a été « léger », pour 6,1 p. 100 « modéré », pour 10,4 p. 100 « grave » et pour 25,2 p. 100, « inconnu » ou « discordant » (on n’a pas disposé de données suffisantes)[90].

Les blessures et leurs effets varient énormément bien sûr. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé,

Un traumatisme crânien peut entraîner des problèmes liés à la mémoire, à l’humeur, à la communication, à la mobilité, à la concentration, à la résolution de problèmes, à l’impulsivité, au contrôle de la colère, à l’instabilité émotionnelle et à la dépression. Les victimes d’un traumatisme crânien peuvent présenter des déficiences physiques telles que la paralysie des membres, la perte visuelle ou la déficience auditive. De plus, elles peuvent avoir des troubles de l’odorat, des maux de tête ou des crises d’épilepsie[91].

Selon une enquête menée par l’Ontario Brain Injury Association auprès de 596 personnes ayant des lésions cérébrales, 95 p. 100 de celles-ci ont des troubles de mémoire, 93 p. 100, des difficultés de concentration, 91 p. 100, des difficultés à prendre des décisions, 80 p. 100 souffrent d’anxiété et la plupart ont mentionné la dépression, la difficulté à contrôler leurs colères et les sautes d’humeur[92].

Les lésions cérébrales acquises peuvent influer considérablement sur le fonctionnement et la participation : selon la même enquête, 75 p. 100 des personnes ayant répondu avaient un emploi rémunéré avant leur accident, mais seulement 13 p. 100 d’entre elles l’avaient encore. Les lésions cérébrales peuvent avoir de graves conséquences sur les finances des familles, leur situation et leurs relations.

 

  • QUESTION À ABORDER : quelles réformes du droit dans ce domaine sont nécessaires pour s’assurer que celui-ci tienne compte des particularités des personnes âgées et des personnes handicapées concernées?

 

G.    Le rôle de la famille et des amis

Le régime législatif de la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle actuellement en vigueur en Ontario accorde la priorité à la famille et aux amis pour au besoin agir à titre de mandataire spécial, que ce soit en tant que tuteur, ou par procuration ou en vertu de la liste avec priorité de rang que prévoit la LCSS. Il n’y a pas de collecte systématique de données sur les mandataires spéciaux en Ontario : il est impossible de connaître le nombre des personnes qui sont ou ont été mandataires spéciaux, la nature de leur relation avec le mandant ou la façon dont elles exercent leur fonction.

Il est probable que la situation des personnes mandatées en vertu de la LCSS et de la LPDNA, et celle des personnes qui dispensent sans rémunération des soins à des personnes âgées et à des personnes handicapées se recoupent considérablement : les deux types de soutien découlent du même contexte de relations intimes et interdépendantes empreintes d’affection. Bien souvent, la ou les mêmes personnes seront les soignants non rémunérés et les mandataires spéciaux. La fonction de mandataire spécial est très importante, elle comporte des responsabilités, elle peut être très stressante et elle est encadrée par des règlements solides. Ces fonctions peuvent avoir des conséquences majeures sur le parcours de vie des personnes, et le droit façonnera assurément la façon dont elles les exercent. La façon dont les lois appuient les personnes qui dispensent des soutiens sans rémunération ou au contraire la façon dont elles créent des obstacles pour celles-ci influera fortement sur l’efficacité avec laquelle ces personnes peuvent soutenir les personnes visées par le droit relatif à la capacité et à la tutelle.

Il importe de ne pas envisager ces fonctions de façon négative. Selon les recherches sur les soignants non rémunérés, la plupart de ceux-ci font le choix d’exercer ces fonctions[93], ils y trouvent un sens[94], et ne considèrent pas que leurs relations avec les personnes qu’ils soignent sont « à sens unique ». Il est en outre indispensable de reconnaître que les soignants non rémunérés peuvent travailler dans des conditions difficiles et qu’il peut leur sembler qu’ils ne sont pas assez soutenus pour exercer des fonctions essentielles. Une étude récente de l’Organisation mondiale de la santé et de Alzheimer’s Disease International a constaté que le fait d’être pressés par le temps, la difficulté de traiter des symptômes comportementaux ou cognitifs et la gestion de fonctions multiples peut mettre les soignants principaux à rude épreuve. Ceux-ci sont sujets à la dépression et à l’anxiété, ils ont tendance à s’isoler de la société. Des problèmes mentaux et physiques peuvent survenir s’il advient que leurs ressources et leur réseau général sont saturés[95]. Si les mesures de soutien suffisantes ne sont pas fournies, des réseaux non structurés peuvent s’écrouler sous la pression subie, conduisant à l’institutionnalisation des personnes handicapées[96].

La fonction de mandataire spécial est difficile et exige souvent de faire des choix éthiques, pratiques et emplis d’émotion, qui sont difficiles. Ceci est particulièrement vrai quand le mandataire spécial procure aussi les soins et le soutien, ce qui est souvent le cas. Les relations personnelles intimes comportent des histoires, des dynamiques et des interdépendances complexes, qui vont influer sur la façon dont les familles jouent un rôle dans la prise des décisions. Il arrive que cette dynamique soit clairement inappropriée ou agressive. Dans bien des cas, il convient mieux de parler de mauvais usage de la fonction plutôt que de violence. Des membres de la famille peuvent penser qu’ils agissent par amour ou par inquiétude, mais exercer tout de même indûment leur pouvoir et refuser son autonomie à la personne concernée.

Dans une communication préparée pour la CDO, Laschewicz et autres examinent comment les familles peuvent aider les personnes atteintes de déficiences intellectuelles à s’exprimer ou au contraire les décourager de s’exprimer. Les familles peuvent être extrêmement efficaces pour aider ces personnes à s’exprimer, par exemple en leur faisant de la place dans la conversation, en renforçant les idées qu’elles expriment et en les encourageant à exprimer de nouvelles idées[97]. D’un autre côté, les familles peuvent aussi les réprimer par inadvertance. En partie, les parents ayant des enfants adultes atteints de déficiences intellectuelles peuvent simplement ne pas faire évoluer leurs idées sur ce que ceux-ci peuvent faire et décider et continuer leur attachement à eux « comme s’ils étaient encore des enfants »[98]. Parfois aussi, ces enfants à présent adultes auront pris des habitudes de passivité et de soumission, de sorte qu’ils hésitent à exprimer leurs désirs ou à essayer de choisir par eux-mêmes[99]. De plus, les parents soignants qui ont dû faire leur vie et modeler leur identité de façon à défendre leurs enfants peuvent hésiter à abandonner ce mode de vie ancré et fusionnel. Dans une étude de cas, un adulte dont la sœur est atteinte de déficience intellectuelle indique que leur mère n’a pas eu la possibilité de se faire une vie en dehors de son identité de soignante et qu’elle se sent de ce fait menacée par tout indice que sa fille pourrait bien fonctionner dans un autre arrangement. Le frère pense que la possibilité d’indépendance de sa sœur est gênée par l’identité bien ancrée de soignante de leur mère. La mère se présente comme une autorité quant à ce que sa fille besoin, au point qu’elle étouffe ce que celle-ci a à dire sur ses besoins ou qu’elle l’ignore[100].

Il importe donc de considérer la participation des familles à la prise de décision selon une optique équilibrée, sans perdre de vue le caractère variable et fluctuant de cette dynamique.


H.    Contextes du fonctionnement du droit

Les questions de capacité juridique et de prise de décision peuvent toucher presque tous les aspects de la vie. Le régime législatif visé par notre projet concerne toutefois cinq domaines centraux : la gestion des biens, les soins de la santé (le « traitement »), les services d’aide personnelle fournis en foyer de soins de longue durée, l’admission aux soins de longue durée et le soin de la personne – logement, alimentation, sécurité, habillement, hygiène. Ces domaines réunis touchent presque tous les aspects de la vie, ce qui souligne combien peut être profonde l’incidence de ces lois sur les personnes auxquelles elles s’appliquent.

Les décisions dans la plupart de ces domaines peuvent être complexes, fondamentales et susceptibles de transformer la vie, aussi bien que relativement courantes et quotidiennes. Le caractère routinier d’une décision n’indique en rien son importance pour la personne : les décisions que l’on prend chaque jour sur ce que l’on mange ou ce que l’on porte sont intimement liées à notre identité, et peuvent façonner notre vie tout autant que les grandes décisions sur le lieu où l’on habite par exemple.

La dynamique décisionnelle varie énormément selon ces divers domaines. L’admission à des soins de longue durée est une décision unique (même si elle peut être révisée), dont les conséquences transforment la vie; la gestion des biens nécessite généralement des décisions continuelles et multiples. Les décisions sur le traitement présentent souvent un degré d’urgence, alors qu’un degré supérieur de délibération sera possible dans d’autres types de décision. Quelques-uns de ceux-ci relèvent presque entièrement de la sphère privée – ce sera souvent le cas pour les décisions courantes sur la gestion des biens et le soin de la personne, alors d’autres, celles par exemple qui touchent le traitement ou l’admission à des soins de longue durée, associeront obligatoirement des spécialistes et peut-être des prestataires de services institutionnels, de sorte qu’elles s’accompagnent d’un certain degré de contrôle public.

Pour refléter ces différences, les lois ontariennes concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle traitent différemment ces domaines décisionnels à de nombreux égards. Par exemple, grâce à la liste par priorité de rang que prévoit la LCSS, on peut désigner assez rapidement des subrogés pour décider du traitement, de l’admission aux soins de longue durée et aux services d’aide personnelle dispensés en foyer de soins de longue durée, alors que le processus de désignation des subrogés pour le soin de la personne et pour la gestion des biens est plus complexe. Les subrogés pour les décisions sur le traitement sont autorisés selon cette liste pour une décision en particulier, tandis que ceux pour le soin de la personne et pour la gestion des biens sont nommés à plus long terme. Le critère de détermination de la capacité pour la procuration relative au soin de la personne est bien moins rigoureux que celui pour celle relative aux biens. Ces différences notamment indiquent que le législateur s’est efforcé de répondre aux contextes particuliers de la prise de décision.

Il est également vrai toutefois que dans la pratique, la prise de décision dans un domaine est susceptible d’avoir des effets importants dans un autre. Les décisions sur l’admission aux soins de longue durée par exemple auront probablement des conséquences majeures sur les finances et les biens. La personne qui prend tous les jours des décisions à propos de l’argent est susceptible d’avoir de fait un contrôle considérable sur la vie personnelle de la personne visée. La LPDNA s’efforce de favoriser la coordination entre les domaines. Par exemple, les tuteurs ou les procureurs aux biens doivent gérer les biens de celle-ci d’une manière qui respecte les décisions concernant le soin de sa personne, prises par la personne qui a le pouvoir de les prendre[101], et consulter de temps à autre les personnes qui lui dispensent les soins[102].

 

I.      Pressions en vue de réformer ce domaine du droit

Comme l’ont montré le bref historique et l’exposé succinct des lois ontariennes régissant la capacité et la tutelle, ces lois sont complètes, relativement récentes et sont le fruit de recherches et de consultations minutieuses et exhaustives. La réforme de ce domaine du droit suscite néanmoins un intérêt considérable et fait l’objet de pressions, comme nous en avons discuté dans l’Introduction et comme cela a été perceptible dans les consultations préliminaires de la CDO. Plusieurs raisons existent à cela.

Comme on l’a déjà brièvement souligné, ce domaine du droit soulève des questions éthiques, sociales et juridiques complexes et difficiles. Il est étroitement lié à des préoccupations générales quant aux droits et au traitement des personnes âgées et des personnes handicapées, au rôle des pouvoirs publics, aux responsabilités des personnes et à celles des familles, au fonctionnement du système de santé de l’Ontario et à de nombreuses autres questions. Les enjeux à la base de ce domaine du droit ne se résolvent pas facilement, à tout le moins par des mécanismes purement juridiques. Aucun mécanisme juridique concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle ne pourra jamais apporter de solution complète aux besoins, aux expériences et aux intérêts qu’il tente de viser : en toute probabilité, ce domaine du droit sera toujours remis en question et suscitera la controverse.

Quelques tendances et quelques pressions toutefois renforcent le degré d’intérêt envers ce domaine du droit. Les tendances démographiques par exemple : nous vivons dans une société qui vieillit rapidement, le fait n’est pas nouveau. La proportion de la population canadienne (et ontarienne) ayant plus de 65 ans est en augmentation, en particulier celle des personnes de plus de 85 ans[103] : la prévalence de la démence, et celle des autres maladies et incapacités qui sont liées au vieillissement et sont susceptibles de toucher les fonctions cognitives sont par voie de conséquence en augmentation[104]. On a moins remarqué la prévalence en augmentation des personnes qui déclarent avoir une incapacité : cette augmentation est en partie due au vieillissement de la population, mais pas entièrement[105]. Il en résulte qu’un nombre croissant de personnes et de familles sont directement concernées par ce domaine du droit.

Simultanément, les attitudes envers le vieillissement et l’incapacité connaissent de profonds changements. Après avoir été conceptualisée presque totalement dans un modèle biomédical, l’expérience de l’incapacité est de plus en plus comprise dans une optique sociale et du point de vue des droits de la personne, l’accent passant ainsi de la déficience individuelle pour porter désormais sur les obstacles sociaux et physiques à la participation totale[106]. À ces changements est associé un mouvement en faveur des droits des personnes handicapées qui se développe et veut leur donner des moyens d’agir et leur apporter l’égalité. Un changement similaire, moins net cependant, concerne sur le vieillissement et la vieillesse, l’accent étant mis de plus en plus sur le caractère positif du vieillissement, les collectivités accueillantes pour les personnes âgées et les droits de ces dernières. Des lois sur la capacité et la tutelle sont révisées selon de nouvelles perspectives, car on s’attache désormais davantage à l’application régulière de la loi, à l’intervention, aux mesures de soutien et à la liberté de choisir[107]. Ces tendances ne concernent pas uniquement l’Ontario (ou le Canada), elles sont liées à une vague d’intérêt et à un courant de réforme dans tout le Canada et dans le monde[108]. L’adoption de la CRDPH, en particulier son article 12 déjà mentionné, a résulté de l’intérêt pour la réforme de ce domaine du droit et l’a aussi suscité[109].

Les pressions aiguës exercées par la rareté des ressources à tous les niveaux exaspèrent ces tendances. Alors que dans ces domaines, les besoins sont plus importants et que l’on demande davantage de droits et de mesures de soutien, des contraintes considérables sont imposées aux finances, à la santé, à la justice et aux services sociaux provinciaux de l’Ontario ainsi qu’à la population. Les ressources nécessaires pour assurer le fonctionnement optimal du système actuel ou pour le transformer radicalement sont rares. On peut attribuer quelques-unes (mais certainement pas toutes) des failles du cadre législatif actuel aux effets des pressions sur les ressources à ces nombreux niveaux. La réforme du droit dans ce domaine doit tenir compte de ces pressions, établir des solutions créatives, rechercher à maximiser les ressources actuelles, veiller à ce qu’elles soient employées aussi efficacement que possible, et appliquer la notion de réalisation progressive afin d’avancer au maximum dans le périmètre des restrictions actuelles.

Le cadre législatif actuel a marqué enfin une profonde transformation du droit ontarien. En dépit d’une réflexion et d’une coordination réfléchies, des résultats inattendus et imprévus sont apparus dans quelques domaines. Les mécanismes de règlement des différends dont disposent actuellement les familles en cas de désaccord sur l’expression de la prise de décision au nom d’autrui par exemple n’avaient pas été conçus pour gérer d’âpres et longs conflits familiaux pouvant ressembler à ceux qui interviennent en droit familial[110]. La réforme précédente s’était attachée à rendre la procuration beaucoup plus accessible, par exemple, en mettant les formules à disposition sur le site Web du ministère de la Procureure générale de l’Ontario[111]; lors des consultations préliminaires de la CDO, les personnes interrogées ont été nombreuses à s’inquiéter de ce que les personnes qui remplissent une procuration ne comprennent pas entièrement les ramifications de ces instruments juridiques puissants, ce qui peut être un facteur de l’exploitation financière des personnes vulnérables.

Ces consultations de la CDO, exhaustives, ont permis de dégager que l’on s’accorde généralement sur le besoin de réforme ainsi que sur quelques priorités de réforme. Les divergences sont par contre importantes sur d’autres points. 

Beaucoup ont estimé que la conception fondamentale du cadre législatif actuel est essentiellement bonne, mais se sont inquiétés de la mesure dans laquelle les principes fondateurs des lois et les droits fondamentaux sont correctement mis en œuvre. Les points suivants suscitent des inquiétudes particulières :

  • les mandataires spéciaux ne comprennent ni ne respectent les fonctions et les responsabilités que leur imposent les lois;
  • quelques services et spécialistes institutionnels ne comprennent pas le droit ni n’exercent de façon correcte les responsabilités que leur impose la loi; on s’inquiète en particulier de l’adoption par quelques institutions d’orientations et de méthodes qui ne respectent pas le droit, ce qui soulève des problèmes systémiques;
  • mécanismes inadaptés pour prévenir, déceler et combattre les abus de la part des mandataires spéciaux;
  • complexité et obstacles multiples pour que les usagers puissent comprendre la loi et le système, puis s’en servir : préoccupation des personnes et des prestataires de services;
  • difficultés de répondre à la situation des personnes dont le degré de capacité fluctue ou évolue.

Dans ces domaines, on souhaite que la réforme du droit puisse faire progresser la mise en application réelle des lois en vigueur, en précisant deux domaines de possible transformation majeure de la démarche.

  • La plupart des personnes consultées s’inquiètent de ce que les dispositions en vigueur visant à protéger l’autonomie des personnes concernées et à les garder « au cœur de l’action » ne sont pas correctement appliquées; quelques-unes considèrent toutefois que la réponse à ces failles touchant l’autonomie se trouve non dans des améliorations des méthodes actuelles, mais dans l’abandon de la prise de décision au nom d’autrui pour adopter ensuite un modèle de prise de décision accompagnée (on a parfois évoqué des possibilités liées à la codécision).
  • On souhaite vivement que soient fondamentalement repensés l’application complète des droits ainsi que les mécanismes de règlement des différends prévus par la LPDNA, car les règlements sont jugés coûteux, complexes et contradictoires, et donc en pratique inaccessibles à nombre de personnes qui en ont besoin.

 

J.      Appliquer une méthode de réforme fondée sur les principes

Pour comprendre ce domaine du droit et définir des options en vue de le réformer, il est indispensable d’être très attentif au vécu des personnes auxquelles il s’applique, aux membres de leur famille, aux soignants et aux spécialistes qui travaillent aux différents aspects du système. Il est utile aussi, ainsi que le soulignent les cadres, de situer les questions dans un ensemble de principes : ceci peut nous aider à comprendre comment le droit, les orientations et les méthodes en vigueur influent sur l’égalité réelle des personnes âgées et des personnes handicapées, et à établir comment la réforme du droit peuvent faire progresser celle-ci.

Le régime législatif de la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle peut avoir de vastes incidences, car il faut se rappeler qu’il touche non seulement les personnes dont l’incapacité a été constatée (qui en nombre disproportionné seront âgées ou auront des types particuliers de déficience, ou les deux), mais aussi les groupes que l’on considère comme étant plus susceptibles d’incapacité juridique, car leur capacité de prendre des décisions sera susceptible d’être mise en cause. Il faut souligner que ces groupes sont souvent vulnérables ou marginalisés, et qu’ils font face à des degrés de préjugés et de difficultés socio-économiques hors du commun. Pour les personnes directement concernées, le droit peut influer sur chaque aspect de leur vie, sur les décisions, grandes ou petites, touchant le domicile, les finances, les soins de la santé et d’autres services de soutien, ainsi que sur les décisions du quotidien pour notamment l’habillement, l’hygiène et l’alimentation. Les répercussions sont à la fois intimes et profondes. Ce domaine du droit influera donc considérablement sur le respect de la dignité et de la valeur des personnes handicapées et des personnes âgées, et sur leur faculté de participer pleinement à la société en général et de s’y intégrer.

Nous allons analyser dans le présent document de travail les conséquences de principes particuliers pour des questions précises de réforme du droit. Il faut cependant souligner dès à présent que la prise de décision, partant la détermination de la capacité de décider, est clairement liée au principe de l’autonomie. Ainsi que l’affirme le Cadre du droit touchant les personnes âgées, « [c]e principe reconnaît le droit des personnes âgées de faire des choix pour elles-mêmes, en s’appuyant sur la présomption de capacité et sur la reconnaissance de la légitimité du choix ». Le principe parallèle énoncé dans le Cadre du droit touchant les personnes handicapées, « préconise l’établissement de conditions qui permettent aux personnes handicapées de faire des choix » pour elles-mêmes [nous soulignons]. Il faut souligner que dans les deux cadres, la CDO a défini le principe de l’autonomie et de l’indépendance d’une façon qui reconnaît que les personnes sont par nature interdépendants et que nous pouvons avoir besoin de soutien pour être autonomes et indépendants.

C’est en partie le souci d’éviter l’exploitation des personnes dont la capacité de recevoir, de retenir ou de comprendre des informations est limitée et qui sont donc plus vulnérables à la manipulation et à la tromperie, qui est à l’origine de l’adoption des lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Le Cadre du droit touchant les personnes handicapées reconnaît le droit de vivre sans craindre d’être victimes de mauvais traitements ou d’exploitation et si nécessaire, le droit d’être soutenu pour prendre des décisions susceptibles d’influer sur la sécurité. Le Cadre du droit touchant les personnes âgées reconnaît le droit de ne pas être soumis à la violence ou à l’exploitation sur le plan physique, psychologique, sexuel et financier.

Dans les publications sur ce domaine du droit, ce droit de vivre en sécurité est souvent placé en divergence avec le principe de l’autonomie abordé ci-dessus. Il importe de reconnaître, pour l’analyse de ces questions, que les notions d’autonomie et de sécurité sont elles-mêmes complexes et interdépendantes. Des risques existent pour la sécurité des personnes, dans les cas où des obstacles, des structures juridiques par exemple, diminuent leurs possibilités d’exprimer leurs besoins et leurs désirs, créant ainsi des possibilités de mauvais traitements ou d’exploitations par des tiers peu scrupuleux. Les lois concernant la prise de décision peuvent accroître ou bien réduire la sécurité personnelle, en fonction de leur mode de structuration et de mise en application. Le manque de sécurité peut influer sur la capacité de faire preuve d’autonomie et d’indépendance : les personnes qui sont victimes de mauvais traitement ou d’exploitation auront peut-être le sentiment que leur sécurité est compromise de même que leur liberté de choisir et de vivre comme elles l’entendent. Autrement dit, l’autonomie et la sécurité ne sont pas nécessairement antinomiques : elles sont souvent intimement liées, on ne peut avoir l’une sans l’autre.

Les deux cadres comportent des principes relatifs à la diversité, qui soulignent l’importance de reconnaître non seulement les particularités, les besoins et la situation propres des personnes âgées et des personnes handicapées, mais aussi leur diversité. Les brèves discussions du présent chapitre sur les façons dont ces deux catégories de personnes peuvent aborder ce domaine du droit indiquent bien que leurs rapports avec celui-ci peuvent être très différents. Du fait de leurs différences de par la nature de leurs déficiences, de leur parcours de vie, de leur situation socio-économique et de leur accès à divers types de soutien, leurs besoins vis-à-vis du droit peuvent aussi être différents, et une disposition peut avoir des incidences utiles pour un groupe et négatives pour un autre.

Enfin, les cadres comportent des principes soulignant que tous les membres de la société ont des droits et des obligations réciproques les uns envers les autres. Les lois concernant la prise de décision doivent reconnaître que les personnes directement concernées ont certes des droits, mais aussi des obligations envers les autres, et en soutenir l’exécution. Le droit se doit en outre de prendre en compte les besoins de ces personnes, mais aussi ceux de leur entourage, les soignants non rémunérés, notamment familiaux, de façon à reconnaître que nous sommes tous interdépendants.

 

  • QUESTION À ABORDER : au moment de concevoir une réforme réelle de ce domaine du droit, que nous enseignent les principes des cadres?

 

K.    Questions à aborder

  1. Quels devraient être le ou les objets premiers de ce domaine du droit?
  2. Que nous apprennent les principes et les engagements de la CRDPH, de la Charte, du Code des droits de la personne et de la LAPHO sur les principaux éléments des réformes des lois ontariennes concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle? De quelle façon peuvent-ils influer sur l’interprétation et l’application de ces lois?
  3. Des réformes précises de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui ou de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé permettraient-elles une meilleure coordination avec d’autres lois, la Loi sur la santé mentale par exemple ou les lois concernant la protection de la vie privée, le soutien du revenu ou les soutiens sociaux?
  4. En quoi l’expérience que l’on fait de ce domaine du droit diffère-t-elle selon le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, la racialisation, le statut d’immigrant, l’origine autochtone, la situation familiale, l’état matrimonial, le lieu de résidence, la situation géographique, la langue ou d’autres formes de diversité? Quelles réformes du droit dans ce domaine sont nécessaires pour s’assurer que celui-ci tienne compte des particularités des personnes âgées et des personnes handicapées concernées?
  5. Au moment de concevoir une réforme réelle de ce domaine du droit, que nous enseignent les principes des cadres?

 

 

 

 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières