Pour amorcer l’évaluation d’une loi, il peut être utile de cerner le contexte dans lequel celle-ci sera exécutée et d’analyser les liens entre ce contexte et les principes. On peut notamment analyser le principal domaine social concerné par la loi proposée ou examinée, ainsi que les lois et les politiques existantes qui interagissent avec cette dernière. La présente section traite de la façon dont on peut établir des liens entre une loi et les principes à partir du contexte d’exécution de celle-ci.

Appliquer les principes à l’étape 1

Remarque : Aux présentes, le terme « droit » fait référence aux lois, aux politiques et aux pratiques, suivant le cas.

La première étape de l’évaluation d’une loi consiste à examiner le domaine social dans lequel la loi est exécutée, par exemple, l’emploi, le logement, l’éducation, les relations familiales ou la prestation des soins. Chaque domaine social entretient des liens distincts avec les principes et agit différemment sur l’atteinte de ceux-ci. Par exemple, les lois entourant le logement ont une incidence importante sur le droit à la sécurité et sur la participation et l’inclusion des personnes handicapées, alors que les lois liées à la prise de décision ont des effets considérables sur l’indépendance et l’autonomie de certaines d’entre elles.

Certains contextes présentent des difficultés ou des contraintes particulières pour la réalisation des principes. Par exemple, par sa nature même, l’hébergement dans un foyer de soins de longue durée restreint la capacité de participation et d’inclusion au sein de la collectivité. De telles contraintes à la réalisation des principes devraient être prises en considération lors de l’élaboration de la loi.

Les lois, les politiques et les programmes actuels des différents paliers de gouvernement constituent une part importante du contexte à examiner, et une attention particulière doit être portée aux effets combinés de la loi proposée et des lois existantes sur les principes. Une loi portant sur un domaine peut avoir une incidence sur la réalisation des principes dans un tout autre domaine. Par exemple, la loi sur l’accès aux appareils fonctionnels peut avoir des répercussions sur le logement ou sur l’emploi; la loi sur la sécurité du revenu peut influer sur l’accès au logement.

QUESTIONS À CONSIDÉRER À L’ÉTAPE 1

1. Quel domaine de la vie est susceptible d’être touché par la loi? Quelles sont les réalités et les préoccupations particulières des personnes handicapées relativement à ce domaine?

2. Quels principes semblent pertinents pour ce contexte?

3. Y a-t-il des aspects du contexte qui tendent à restreindre la mise en œuvre de l’un ou l’autre de ces principes? Dans l’affirmative, quelles stratégies peut-on adopter pour remédier à cela?

4. Dans ce contexte particulier, quelle incidence la loi peut-elle avoir sur d’autres domaines de la vie et sur la réalisation des principes qui s’y rapportent?

 

APPLIQUER LE CADRE : EXEMPLES DE MISE EN RELATION DES PRINCIPES AVEC LE CONTEXTE D’UNE LOI

L’accès à un logement convenable et les principes

Comme le reste de la population, les personnes handicapées souhaitent disposer d’un logement qui répond à leurs besoins. Tout le monde a besoin d’un logement sûr et abordable, qui lui permet de faire partie de la collectivité. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît l’accès à un logement convenable comme un droit fondamental. Bien que le Canada a ratifié ce pacte, il n’a édicté aucune loi à cet égard. De plus, la CDPH reconnaît aux personnes handicapées le droit à « une alimentation, un habillement et un logement adéquats ». Les personnes handicapées doivent affronter de multiples obstacles pour accéder à un logement convenable, par exemple, le manque de logements adaptés pour les personnes ayant une déficience physique et de logements avec services de soutien pour les personnes qui ont un autre type de déficience, les attitudes discriminatoires des locateurs, les contraintes financières qui sont particulièrement sévères en raison de la relation entre handicap et pauvreté, ainsi que la nature complexe et fragmentaire des lois et des programmes actuels visant à faciliter l’accès au logement (notamment pour les personnes handicapées).

L’accès à un logement convenable est essentiel à la réalisation des principes concernant les personnes handicapées. Le manque de logements accessibles révèle les lacunes actuelles des mesures sociales prévues pour tenir compte de la diversité des aptitudes humaines. Comme l’a fait valoir le mouvement pour l’intégration communautaire, un logement convenable peut s’avérer indispensable à l’intégration des personnes handicapées dans la collectivité, et donc à leur inclusion sociale et à leur participation. L’accès à un logement convenable, adapté et abordable détermine la capacité de plusieurs personnes handicapées à effectuer l’une des phases de transition habituelles de la vie, soit apprendre à vivre de façon autonome. Il constitue donc un facteur déterminant pour la réalisation du principe de l’amélioration de l’indépendance et l’autonomie. Le fait d’habiter un logement en mauvais état, non adapté ou situé dans un secteur dangereux compromet le droit à la sécurité et peut porter atteinte au principe du respect de la dignité et de la valeur des personnes handicapées. En outre, le manque de logements convenables peut nuire à la réalisation des principes dans d’autres domaines de la vie. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs admis que le logement était un facteur crucial pour réduire la pauvreté et l’exclusion, et comme l’a souligné la Commission ontarienne des droits de la personne : « faute d’un logement convenable, il est souvent impossible de décrocher et de conserver un emploi, de guérir d’une maladie mentale ou de se rétablir d’une limitation, de s’intégrer à la société, de fuir la violence physique ou psychologique ou d’avoir la garde d’enfants ».

 

Les personnes âgées autochtones vivant avec un handicap et l’accès aux mesures de soutien

Toutes les personnes âgées qui deviennent handicapées et doivent recourir à des mesures de soutien sont aux prises avec des difficultés. Pour les personnes âgées autochtones, toutefois, cette situation présente des difficultés supplémentaires importantes. Comme les collectivités des Premières nations ont un statut socioéconomique inférieur à la moyenne, leurs membres présentent un taux plus élevé de handicaps et une espérance de vie beaucoup plus faible. Les contraintes associées au handicap et à l’âge, qui sont importantes dans tous les groupes de population, sont donc particulièrement sévères au sein des Premières nations. Dans certaines collectivités, les logements inadéquats et surpeuplés et le manque de services communautaires font en sorte que les personnes âgées vivant un grave problème de santé ou une limitation importante de leurs capacités sont forcées de quitter leur milieu. Le déménagement dans une grande ville où sont offerts des soins de longue durée peut entraîner un bouleversement majeur pour ces personnes, qui se retrouvent séparées non seulement de leur famille et de leur collectivité, mais également de leur culture et, parfois même, de leur langue. Si cette situation met en jeu le principe de l’inclusion sociale et de la participation, celui-ci doit être interprété et appliqué à la lumière du contexte culturel particulier des Premières nations. En outre, pour les nombreuses personnes âgées autochtones qui ont vécu l’expérience des pensionnats dans leur jeunesse, la réintégration dans un établissement en fin de vie peut avoir des effets négatifs considérables sur le plan émotionnel et psychologique. Ainsi, le manque de services au sein de la collectivité ou de solutions de rechange culturellement acceptables pour ces personnes peut nuire à l’application du principe du droit à la sécurité. Enfin, traditionnellement et encore aujourd’hui dans la plupart des cultures autochtones, on voue un très grand respect aux personnes âgées, et les aînés jouent un rôle central dans la famille, dans la collectivité et dans la vie spirituelle. Lorsqu’une personne âgée autochtone quitte sa collectivité pour aller vivre dans un foyer de soins de longue durée éloigné, cela entraîne une perte importante pour la collectivité et la personne elle-même, ce qui soulève des enjeux liés au principe de la reconnaissance de l’appartenance à la société.

 

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