Les recommandations présentées ici consistent des recommandations faites par les participants lors des entrevues, ainsi que de recommandations supplémentaires qui se concentrent en grande partie sur le renforcement du lien entre l’éducation et les droits de la personne. Bien que la plupart des recommandations valent pour les deux types participation, les premières portent plus sur la participation indirecte et les deuxièmes sur la participation directe.

 

A. Améliorations suggérées par les participants

 

Nous incluons ici les suggestions faites par les participants, qui nous semblent les plus pertinentes pour une amélioration de la participation des élèves dans le contexte de l’éducation à l’enfance en difficulté :

 

  • Plus de formation des enseignants : S’il y avait une formation qui permettrait aux étudiants en éducation d’avoir de réelles connaissances sur les différentes formes d’anomalies, les enseignants, ainsi que ceux qui détiennent des postes de direction, seraient beaucoup plus compréhensifs et réceptifs face aux besoins particuliers des élèves et aux revendications des parents. Leur compréhension des situations particulières des enfants serait plus favorable à la collaboration avec les familles. Les formations actuelles sont facultatives, trop courtes, et ne se concentrent que sur les procédures législatives de l’éducation de l’enfance en difficulté.
     
  • Simplification du système et du langage utilisé : Le système actuel rend la participation de beaucoup de parents (et des enfants) difficile, surtout si ceux-ci ne savent pas où chercher de l’information et de l’aide et s’ils n’ont pas la capacité de s’exprimer parfaitement. La participation ne devrait pas être limitée aux parents bien éduqués, persistants et éloquents.

 

  • Mise en place d’un système formel pour les PEI : Les services et programmes sont essentiels pour le succès de l’éducation des enfants handicapés. Il faut qu’une responsabilité claire soit établie pour le développement et de la mise en œuvre des PEI, prévoyant la consultation des parents, et que des recours formels soient instaurés. Les PEI devraient donc bénéficier d’un statut juridique similaire aux CIPR.
     
  • Présence d’une tierce personne aux réunions : Il faudrait que la présence d’une tierce personne, neutre, soit obligatoire aux réunions du CIPR pour réajuster le rapport de force et briser le modèle « expert ». La présence d’une tierce personne aiderait à s’assurer que les parents et le personnel de l’école soient considérés comme des parties égales aux discussions.
     
  • La définition de la notion de « placement »: La législation ne définit pas la notion de « placement », contrairement à l’identification selon les différentes catégories d’anomalies. À cause de cela les conseils scolaires ont adopté une interprétation restreinte, qui se limite au placement dans une classe régulière ou une classe distincte, à temps partiel ou complet. Si le placement incluait les programmes et services en éducation, ceux-ci pourraient faire aussi l’objet de recours devant la CAEED et le TEDO.
     
  • Plus d’attention aux élections des conseillers scolaires : Les parents concernés devraient prêter attention à leur choix de vote et devraient eux-mêmes se porter candidats aux élections. Le rôle des conseillers scolaires est important pour donner le ton à tout le conseil scolaire. Les conseillers peuvent apporter un changement au niveau de la culture au conseil et dans les écoles.
     
  • Formation des avocats : Il faudrait une formation en droit de l’éducation dans les facultés de droit. S’il y avait plus d’avocats se spécialisant en la matière, il serait plus facile pour les parents de se faire représenter.
     
  • Développement de responsabilités claires (accountability) : Il faudrait que le Ministère de l’éducation exige une plus grande responsabilité des conseils scolaires[102]. Les conseils scolaires ont peu de comptes à rendre au ministère, et si les conseils ne respectent pas les consignes du ministère, les individus n’ont aucun recours. Ni le ministère, ni le vérificateur de l’Ontario n’accepte d’examiner la conduite des conseils dans des cas individuels[103]. On demande également qu’il y ait un lien de responsabilité plus clair entre la direction de l’école et le conseil scolaire. Le directeur devrait être rendu responsable pour ses actions, car il contrôle ce qui se passe à l’école, y compris la mise en œuvre des PEI.
     
  • Développement de directives claires pour les conseils scolaires : Le Ministère de l’éducation doit donner des directives plus claires aux conseils scolaires sur comment mettre en œuvre les différentes normes développées par le ministère[104]. Il doit pouvoir imposer des conduites aux conseils. Ceci aidera aussi à responsabiliser les conseils et évitera qu’ils copient simplement des parties du guide du ministère lorsqu’ils préparent leur plan annuel de l’éducation de l’enfance en difficulté, ou qu’ils interprètent la législation à leur goût.
     
  • Offrir des programmes comme celui du Centre Jules-Léger aux autres groupes : Le modèle de l’école d’application du Centre Jules-Léger est respectueux des besoins des familles et cherche la collaboration avec les parents. De plus, l’approche adoptée avec les élèves est basée sur le respect mutuel, le dialogue et la responsabilisation des enfants. D’autres groupes que les élèves ayant des troubles d’apprentissage, ou les enfants sourds et aveugles des écoles provinciales, devraient pouvoir profiter de ce genre de programme et le financement devrait être équitable pour les différents groupes. De surcroit, ces enfants peuvent bénéficier de l’intervention de l’intervenant provincial en faveur des enfants, qui a le mandat de défendre leurs les droits.
     
  • Une évaluation des classes spécialisées : Les élèves sont souvent aiguillés vers des classes distinctes par les CIPR et, selon les participants, la qualité de l’éducation dans ces classes est bien moindre que celle dans les classes régulières. De plus, les enfants y sont surprotégés et n’ont pas la chance de socialiser. L’isolement et le niveau faible d’apprentissage ne favorisent pas leurs chances de participation.
     

En plus de ces suggestions, la plupart des participants souhaitaient aussi plus de services (tels que l’orthophonie) pour les élèves, plus d’aides enseignants (et la formation des aides enseignants) pour aider l’enfant et alléger la charge de l’enseignant, une meilleure responsabilité financière (accountability) des conseils scolaires envers le ministère concernant les dépenses des fonds accordés à l’enseignement à l’enfance en difficulté, des changements dans les termes et les catégories utilisés pour éliminer la stigmatisation et obtenir les accommodements adéquats pour chaque enfant, et le traitement égal de tous les groupes, pour éviter que certains groupes soient délaissés, pendant que d’autres sont au goût du jour. Il est certain que toutes ces améliorations pourraient aussi contribuer à une participation plus efficace.

 

B. Recommandations supplémentaires

 

1. La formation

 

En plus de la formation en éducation de l’enfance en difficulté et à la connaissance des différentes anomalies, il faudrait une formation en droits de la personne. Une telle formation aiderait à sensibiliser les enseignants aux droits de l’enfant, à être moins sur la défensive et à ne pas considérer la connaissance des droits comme une menace. La formation des enseignants en droits de l’enfant contribuerait aussi à l’insertion des droits de l’enfant dans l’enseignement, ainsi qu’à encourager la participation des enfants. La sensibilisation des enseignants aux droits de la personne aurait donc certainement un effet sur la connaissance par les élèves de leurs droits et sur leurs capacités de les exercer au quotidien dans un environnement respectueux[105].

 

2. La responsabilité (accountability) et les voies de recours

 

Tout comme le vérificateur général de la province, nous croyons qu’il faudrait s’assurer qu’il y ait des traces écrites des différentes procédures liées à l’éducation de l’enfance en difficulté, telles que des comptes rendus des CIPR. Cela serait important pour la responsabilisation des acteurs impliqués, ainsi que pour pouvoir tirer des leçons des expériences précédentes. On pourrait ainsi développer une mémoire institutionnelle dans les écoles et se concentrer sur l’amélioration, plutôt que de perdre du temps à réinventer la roue avec chaque nouveau cas.

 

Les conseils scolaires devraient être informés des Directives concernant l’éducation accessible de la CODP et ils devraient pouvoir démontrer que ces directives ont été suivies en tant que mesure de respect du Code des droits de la personne dans le système scolaire[106]. Il serait important aussi que les organismes et tribunaux s’occupant des droits de la personne puissent avoir un droit de regard plus approfondi sur ce qui se passe dans le milieu de l’éducation. Il est encourageant de voir que le TDPO s’est dernièrement prononcé positivement sur sa compétence pour examiner des plaintes relatives aux programmes et aux services. Plusieurs participants avaient parlé de la réticence de la Commission des droits de la personne à examiner des affaires touchant à l’éducation de l’enfance en difficulté, ainsi que de la lenteur des procédures, ce qui les rendaient inutiles pour leurs enfants[107]. On peut espérer que le nouveau modèle de recours soit plus accessible et mène également à des décisions plus rapides.

 

Concernant les recours dans le domaine des droits de la personne, il serait souhaitable également que le Bureau de l’intervenant provincial en faveur des enfants puisse être compétent pour examiner des plaintes dans le système de l’éducation[108]. Ce modèle donnerait un accès direct à un défenseur pour les enfants, qui a l’expérience de traiter directement des problèmes des enfants avec les enfants.

 

3. L’intérêt supérieur de l’enfant et autres principes des droits de la personne

 

Le manque de référence à la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la législation est frappant. L’ajout de ce critère pour la détermination des placements et des services à chaque enfant en difficulté serait conforme aux droits de l’enfant, aux obligations internationales du Canada en vertu de la CDE, et à l’utilisation extensive de ce principe en droit interne. Notamment, cela permettrait une conformité entre la législation et la jurisprudence. La notion de « besoin » utilisée dans la législation est plus étroite et n’est pas synonyme de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est intimement lié aux droits de l’enfant, y compris au droit de participation[109]. C’est d’ailleurs la plupart du temps dans le contexte de la détermination de l’intérêt de l’enfant que les tribunaux ont affirmé l’importance pour l’enfant d’être entendu. Ainsi, l’insertion de ce critère dans le domaine de l’éducation servirait également à promouvoir le respect de l’opinion de l’enfant, vu les analyses offertes notamment dans les arrêts Eaton et A.C.[110].

 

De manière générale pour arriver à des attitudes plus respectueuses des droits de l’enfant, il serait important d’inclure des grands principes des droits de la personne, et plus particulièrement des droits de l’enfant et des droits des personnes handicapées dans la législation sur l’éducation. Parmi les principes des droits de l’enfant, particulièrement l’intérêt supérieur de l’enfant et la notion de participation des enfants devraient être inclus. La plupart des principes des droits des personnes handicapées sont également directement ou indirectement reliés à la participation : le respect de l’autonomie individuelle; la participation et l’intégration pleines et effectives à la société; le respect de la différence, l’égalité des chances et la non-discrimination; l’accessibilité; et le respect du développement des capacités de l’enfant handicapé[111]. L’inclusion de tels principes dans la législation interne aiderait à s’assurer que les règlements et politiques y soient conformes, ce qui provoquerait certainement un effet de ruissellement jusqu’aux écoles.

 

4. La prise en compte concrète de la participation des enfants

 

Premièrement, les guides pour les parents préparés par les conseils scolaires devraient sensibiliser les parents aux droits de participation des enfants et les conseiller en cette matière, comme le fait le TEDO dans ses renseignements pour les parties[112]. Il s’agirait notamment de parler de l’importance d’avoir des discussions avec l’enfant à la maison, d’écouter l’enfant et de l’encourager à donner son point de vue. Il s’agit aussi de l’encourager à participer aux procédures s’il a la capacité de s’exprimer et de comprendre la procédure. De même, les défenseurs et les organisations œuvrant dans l’intérêt des enfants handicapés ont un rôle important à jouer pour sensibiliser les parents à la question de la participation des enfants, ce que plusieurs font déjà. Ils  pourraient aussi organiser des ateliers de défense des droits pour les enfants et les jeunes, comme ils le font pour les parents. Il serait aussi intéressant d’en offrir pour les familles, pour que la famille puisse agir en tant qu’équipe pour favoriser l’exercice des droits de l’enfant. De telles initiatives permettraient de concilier la reconnaissance des familles comme supports des enfants et des personnes handicapées avec les concepts de participation, d’autonomie et de capacité évolutive des enfants.

 

La prise en compte concrète de la participation des enfants impliquerait aussi l’adaptation des procédures pour qu’elles soient respectueuses des droits et des besoins des enfants handicapés. Il conviendrait de s’assurer que les adaptations nécessaires soient en place compte tenu de l’âge de l’enfant, de sa maturité et de ses incapacités. Il faudrait que la discussion ne soit pas conflictuelle et il faudrait reconnaitre la présence de l’enfant comme une des parties à la réunion. Il serait important qu’au moins une des personnes présentes à la réunion ait une formation et/ou une expérience adéquate pour interroger l’enfant. Il conviendrait aussi de donner le choix à l’enfant de s’exprimer en dehors de la réunion ou par d’autres moyens, tels que par écrit, par enregistrement ou par l’intermédiaire d’un représentant.

 

 

 

5. La représentation

 

Les organismes et procédures ayant un rôle consultatif devraient être représentatifs de tous les groupes des enfants handicapés. Cela nécessiterait notamment la prise de mesures pour que les CCED soient plus représentatifs, malgré les difficultés à trouver des bénévoles parmi les membres des associations. Plusieurs organisations étaient d’avis que certains groupes étaient mieux entendus que d’autres, y compris à travers les CCED.

 

En plus de représenter les différents handicaps, les associations et procédures devraient s’assurer de représenter les enfants handicapés. Ainsi, des stratégies devraient être mises en place pour s’assurer que la voix des élèves handicapés soit entendue à travers les CCED, vu que c’est à travers ces comités que le ministère consulte la communauté. Peut-être pourrait-on inclure une place pour un étudiant handicapé dans le CCED, tout comme des étudiants conseillers siègent au conseil scolaire, et tout comme il y a un siège pour un enfant/jeune au sein du CCMEED. Pour une meilleure représentation, les organisations des personnes handicapées devraient aussi régulièrement consulter les enfants handicapés lorsqu’ils préparent des positions en réponse à des consultations par le ministère. Cela pourrait se faire par des sondages ou des groupes de discussion.

 

C’est au Ministère de l’éducation que devrait incomber la responsabilité de s’assurer que toutes les personnes handicapées soient représentées dans les consultations organisées par le ministère ou exigés par celui-ci: les différentes incapacités, les différents âges, milieux sociaux, situations géographiques, communautés linguistiques, etc.

 

 

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